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00:00Les femmes grosses dans la société sont plus discriminées donc l'accumulation des deux,
00:04c'est-à-dire la santé, le fait d'être une femme plus le fait d'être grosse,
00:06favorise le fait qu'on ait moins de chances d'être bien soignée.
00:11J'ai commencé à travailler sur la grossophobie après un documentaire
00:14où je racontais mon histoire personnelle.
00:16Et après ce documentaire, j'ai reçu énormément de témoignages
00:19de personnes qui vivaient de la grossophobie et spécifiquement de la grossophobie médicale.
00:22J'ai aussi fait un chemin vers moi, c'est-à-dire que je me suis aperçue
00:25que tout mon parcours médical était jalonné de grossophobie médicale.
00:28En fait, jusqu'à mes 30 ans, j'ai été persuadée d'avoir un corps de l'échec.
00:32Dès l'enfance, on a commencé à regarder combien de poids je prenais,
00:37si mon corps était en bonne santé.
00:39Et donc toute ma vie, j'ai fait des régimes parce que j'étais persuadée
00:42que les régimes étaient forcément un moyen d'être en bonne santé.
00:47J'ai appris évidemment que les régimes ne fonctionnent pas.
00:51Les régimes, c'est 95 % d'échecs.
00:53Moi, j'ai perdu presque 80 kg dans ma vie et j'ai toujours repris plus que ce que j'avais perdu.
00:57Et la deuxième chose que j'ai apprise des régimes, c'est que ça abîme la santé mentale.
01:01À force d'être attaquée sur sa volonté, on abîme la confiance en soi des personnes,
01:06l'estime de soi.
01:07La grossophobie médicale, elle a trois visages.
01:08Le premier visage, c'est l'attitude des soignants envers les personnes grosses,
01:13les préjugés, l'humiliation, l'infantilisation, la culpabilisation.
01:16Le corps médical, ce qu'il nous renvoie, c'est que notre corps représente une somme de mauvais choix.
01:21Donc on culpabilise de ne pas réussir, de ne pas réussir à rester mince.
01:24Et puis la deuxième chose, c'est la honte.
01:26On a honte de se déshabiller chez le médecin.
01:28Dès qu'on arrive chez le médecin, la première chose qu'il nous dit, c'est monter sur la balance.
01:33Avant de soigner mon angine, on m'a déjà demandé quel poids je faisais ou de monter sur la balance.
01:37Le deuxième visage de la grossophobie médicale, c'est l'absence de matériel adapté aux personnes grosses.
01:42Ça va du brancard à l'hôpital, du brassard pour prendre l'attention.
01:45Le pire du pire, c'est l'imagerie médicale.
01:46Il arrive assez souvent, quand on fait plus de 120 kg,
01:49qu'on puisse, en dernier recours, envoyer les personnes grosses à l'école vétérinaire,
01:53être un cheval et une vache.
01:55Et puis, le troisième visage de la grossophobie médicale,
01:58c'est évidemment la recherche et surtout la recherche sur la posologie,
02:01c'est-à-dire le dosage des médicaments.
02:03Une immense majorité des femmes grosses ont été victimes de violences gynécologiques.
02:07La moitié des témoignages que j'ai reçus concernaient les violences obstétricales et les violences gynécologiques.
02:12Quand on a des difficultés d'auscultation ou qu'on n'a pas le matériel adapté aux femmes grosses,
02:16parfois, on peut faire mal.
02:17On n'écoute pas toujours les femmes qui disent « ça me fait mal ».
02:21Et chez les femmes grosses, encore moins, parce qu'on n'ose pas, on a honte.
02:24J'ai reçu beaucoup de témoignages de femmes, par exemple,
02:27qui ont été violentées pendant leur échographie,
02:29sous prétexte qu'on ne voit pas bien le bébé à cause du tissu adipeux, à cause du gras.
02:33On se permet de faire des réflexions en disant « je ne vois rien,
02:36s'il y a une malformation avec tout ce gras, je ne verrai rien ».
02:39Dans le parcours médical aujourd'hui des personnes grosses,
02:43on parle essentiellement de perte de poids
02:45et on ne considère pas que le corps gros peut aussi être un corps de symptômes.
02:49C'est un corps qui protège du trauma,
02:52ou ça peut être un corps qui est dissocié aussi,
02:55et que parfois, des personnes sont en vie parce qu'elles sont grosses.
02:57Et cette histoire de corps-symptômes, ça raconte une chose,
03:00c'est qu'on considère que la santé, c'est juste la santé du corps,
03:03alors que la santé, c'est aussi la santé mentale.
03:05Je pense que la grossophobie médicale, elle est encore plus présente qu'avant.
03:09Je pense qu'il y a une immense pression sur le corps aujourd'hui, sur la santé.
03:13Pour améliorer le dialogue entre les patients et les médecins,
03:16il faut que les patients déjà commencent à dire ce dont ils ont besoin,
03:19que les soignants apprennent à déposer leurs préjugés un petit peu de côté.
03:24Je pense que si chacun fait un pas, on finira par trouver un langage peut-être commun.