Xi Jinping, le président chinois, est reçu à l'Élysée par Emmanuel Macron à l'occasion du soixantième anniversaire de l'ouverture des relations diplomatiques entre les deux pays. Un contexte diplomatique plus tendu que lors de sa dernière venue en France, en 2019. Pour en parler, Philippe Le Corre, chercheur à l'Asia Society Policy Institute et professeur affilié à l'ESSEC.
Regardez L'invité de RTL Midi avec Eric Brunet et Céline Landreau du 06 mai 2024
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00:00 RTL midi, Agnès Bonfillon, Eric Brunet.
00:04 Vous l'entendiez au début de ce journal, Xi Jinping, le président chinois, l'état le plus peuplé de la Terre,
00:11 est reçu en ce moment même à l'Elysée par Emmanuel Macron à l'occasion du 60e anniversaire de l'ouverture des relations diplomatiques entre les deux pays.
00:19 Oui, et justement pour en savoir davantage sur ce contexte diplomatique,
00:23 nous sommes avec Philippe Lecor, chercheur à l'Asia Society Policy Institute et professeur affilié à l'ESSEC. Bonjour monsieur.
00:31 Bonjour.
00:32 Dans quel état d'esprit arrive Xi Jinping ? En fait, quels sont les messages selon vous qu'il entend faire passer ?
00:40 Je pense que Xi Jinping vient en Europe avec un double message.
00:46 Le premier, c'est de célébrer les 60 ans de relations diplomatiques et de montrer que la Chine a encore des amis au sein de l'Occident
00:56 et que la France est au premier rang de ses amis.
01:00 Mais par ailleurs, la deuxième partie du voyage qui va se passer en Hongrie et en Serbie va lui permettre de démontrer qu'il y a d'autres amis,
01:09 des pays plus proches idéologiquement et qui accueillent à bras ouverts les investissements chinois sans vergogne
01:18 et qui idéologiquement sont plutôt proches de la Russie et la Chine, donc c'est le cas effectivement des dirigeants hongrois et serbes.
01:26 On voit clairement que la guerre en Ukraine a forcément changé la donne, puisqu'elle a vraiment clarifié des amitiés internationales
01:37 et en l'occurrence elle a sacré le rapprochement avec la Chine et avec la Russie.
01:43 C'est fou que cette visite en France soit suivie de cette visite en Hongrie avec un Orban qui soutient quand même Vladimir Poutine.
01:54 Oui, non seulement cela, mais vous savez que dans quelques semaines Vladimir Poutine qui a été réélu,
02:01 qui sera intronisé pour un énième mandat à Moscou, va se rendre à Pékin, faire la visite-retour que Xi Jinping lui avait faite l'année dernière
02:11 et va donc effectivement consacrer ce rapprochement sino-russe qui se matérialise en un soutien de plus en plus évident de la Chine
02:21 pour ce que la Russie fait en Ukraine et également la Chine bénéficie grandement économiquement en achetant à bas prix du pétrole russe
02:32 et en vendant X matériels, notamment à travers ce qu'on appelle les technologies duales, donc les choses qui servent à la fois pour le civil et pour le militaire.
02:42 Est-ce qu'Emmanuel Macron a du poids face au président chinois aujourd'hui ?
02:48 Alors si on lit l'interview du président dans la tribune de dimanche, vous savez il parle de cette notion de puissance d'équilibre.
02:57 Donc en fait une puissance d'équilibre c'est un pays qui arrive à marcher à peu près entre les deux,
03:05 qui essaye de parler à la fois à la Russie, à la Chine en tout cas, et aux États-Unis.
03:12 Vous savez que Joe Biden doit venir pour l'anniversaire du débarquement en France,
03:18 que l'administration Biden parle également beaucoup à l'Europe,
03:23 et donc Macron se présente comme l'homme qui est capable de parler à Xi Jinping
03:29 et de lui proposer d'intervenir auprès de Poutine, de réduire un peu les actions de la Russie et des puissances autoritaires.
03:41 Mais sans grandes illusions quand même.
03:43 Et puis il y a la Corée du Nord qui a obtenu plusieurs dizaines de têtes nucléaires,
03:47 qui elle aussi rentre dans le concert des nations.
03:49 On sait très bien que la Chine a une relation particulière avec la Corée du Nord.
03:52 Mais on voulait parler également de la question palestinienne,
03:56 parce que la France et la Chine sont plutôt d'accord sur la nécessité de créer justement cet État palestinien.
04:04 Oui, alors la politique chinoise vis-à-vis de la région a toujours été un peu ambiguë.
04:11 Vous savez que la Chine avait de très bonnes relations avec le gouvernement Netanyahou il y a encore un an,
04:18 enfin six mois avant le 7 octobre.
04:22 Et aujourd'hui effectivement la Chine, qui est quand même très très prudente concernant le Moyen-Orient,
04:29 ce n'est pas comme la Russie où là franchement il n'y a pas beaucoup d'ambiguïté comme vous le disiez tout à l'heure.
04:34 Sur le Moyen-Orient c'est clair qu'elle défend un État palestinien, comme beaucoup de pays.
04:40 En même temps la barrière entre le Hamas et le reste de la Palestine n'est pas évidente à percevoir.
04:48 C'est en tout cas un sujet sur lequel Pékin est très très prudent,
04:54 parce que c'est une région compliquée dans laquelle il n'a pas forcément beaucoup de poids,
05:01 malgré le fait qu'il y ait eu ce rapprochement entre l'Arabie Saoudite et l'Iran,
05:07 soi-disant sous l'égide de Pékin il y a deux ans.
05:10 Mais ça, si vous voulez, ça ne s'est pas traduit par une diplomatie concrète de la Chine au Moyen-Orient.
05:16 Dernière question Philippe Lecor concernant un autre enjeu de cette visite,
05:20 les tensions commerciales qui peuvent exister entre la France et la Chine, l'Europe et la Chine.
05:26 Alors évidemment il y a un déficit commercial énorme entre la France et la Chine,
05:31 entre l'Union Européenne et la Chine.
05:33 Et vous savez que l'Union Européenne a mis en place, sous la houlette de Madame von der Leyen,
05:38 la présidente de la Commission, une politique défensive très importante,
05:42 ce qu'on appelle la sécurité économique, et notamment sur les véhicules électriques.
05:48 Donc elle a lancé une enquête, dont on va bientôt avoir les résultats,
05:51 et la France est à la main d'oeuvre dans cette enquête.
05:54 En revanche l'Allemagne, qui a beaucoup d'intérêt économique en Chine,
05:57 elle est beaucoup plus prudente parce que les constructeurs automobiles allemands
06:01 veulent continuer à miser sur le marché chinois et n'ont pas l'intention de désinvestir de la Chine.
06:08 Merci infiniment pour toutes ces précisions.
06:12 Avec une Chine qui rêve que le Yuan se substitue dans les échanges internationaux au dollar.
06:18 Bon, on n'y est pas, mais il y a de plus en plus d'échanges internationaux
06:21 qui se font avec la monnaie, la devise chinoise désormais.
06:24 Merci Philippe Lecord d'avoir été avec nous.
06:26 Je rappelle que vous êtes chercheur à l'Asia Society Policy Institute
06:29 et professeur affilié à l'ESSEC.
06:32 Dans un instant nous allons fêter un anniversaire.
06:34 Il y a 30 ans, jour pour jour, était inauguré le tunnel sous la Manche.
06:40 Manche c'est ça ?
06:42 Exactement !
06:43 pour tout comprendre de l'actualité.
06:45 ♪ ♪