Elisabeth Lévy : "On a le droit de penser que c’était mieux avant"

  • il y a 5 mois
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##LEVY_SANS_INTERDIT-2024-05-07##

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Transcription
00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-8h30, Patrick Rocher.
00:05Il est 8h13, Lévis sans interdit, bonjour Elisabeth Lévy.
00:09Bonjour Patrick, bonjour à tous.
00:11Et vous revenez sur la disparition de Bernard Pivot.
00:15Eh oui, à peine mort, déjà béatifié, donc je vais essayer de ne pas participer à l'ensevelissement de Bernard Pivot
00:22sous les compliments, lieux communs et métaphores douteuses,
00:25comme point final où fermer les guillemets,
00:27qui est rivaliste à la une de nos journaux.
00:30Donc, comme vous l'avez noté, et comme l'a noté mon cher Guy Carlier,
00:34qui a deviné tout ce que j'allais dire,
00:36c'est un monde et c'est une façon d'habiter ce monde qui disparaît, ça.
00:40Et Guy Carlier l'a remarqué, Pivot meurt en même temps que des chiffres et des lettres
00:44qui avaient démarré en 72, trois ans avant apostrophe.
00:47Bon, moi je ne cherchais pas les mots scataux, mais enfin.
00:50Les résultats aujourd'hui des élèves français en maths et en français,
00:54suggèrent qu'il serait difficile de recruter, bon, peut-être pas des candidats,
00:58il y aura toujours des exceptions d'excellence,
01:01mais des téléspectateurs qui auraient envie de se mesurer à ces candidats.
01:05Est-ce qu'on imagine un ado d'aujourd'hui, les yeux rivés sur son téléphone
01:09et le casque vissé sur les oreilles, participer à ce scrabble télévisé ?
01:13Eh bien, en réalité, la République des Lettres avait disparu bien avant son pape.
01:18Où trouverait-on aujourd'hui les Romains Gary Kundera,
01:21Lévi-Strauss, Nabokov ou Michel Audiard pour peupler nos écrans ?
01:26Oui, il faut l'admettre, il y a des époques plus ou moins fécondes,
01:29la nôtre produit moins de génies et en plus, elle les déteste.
01:33Vous êtes décidément une nostalgique, hyper nostalgique, Elisabeth Lévy.
01:38Ben oui, oui, oui, je vous dis, Guy Carlier avait tout deviné,
01:42je suis nostalgique d'un temps où la France était une patrie littéraire,
01:46oui, ça c'est sûr, parce que la littérature,
01:49et la sœur, et peut-être même la mère et l'épouse de la liberté,
01:52oui, il n'y a pas, à mon avis, de liberté dans une société qui répudie la littérature.
01:58Il suffit d'ailleurs de visionner les grandes émissions d'Apostrof Bukowski
02:01qui titube sur le génitine, qui prophétise,
02:04Simon Leys, le grand écrivain antitotalitaire qui cloue le bec d'une façon magistrale
02:09à la maoïste Antonietta Maciochi, je ne suis pas sûr de bien prononcer son nom.
02:16On pouvait aussi parler de choses et de livres scandaleux, justement,
02:19sans que les gens s'étranglent d'indignation.
02:22J'ai revu Jean-Jacques Pauvert, un grand éditeur, grand homme de gauche,
02:26expliquer pourquoi il publiait les mémoires d'un fasciste,
02:29les décomptes de deux écrivains collaborationnistes rebattés.
02:34On a évoqué déjà Maznev qui parlait de son amour pour les jeunes filles,
02:37eh bien, quoi qu'on en pense, moi, je préférerais toujours comprendre
02:42et donc laisser les gens s'expliquer.
02:44Aujourd'hui, c'est Denise Bombardier, celle qui avait résisté à Maznev,
02:48qui est une héroïne.
02:49Bon, très bien, les émissions littéraires sont un concours de beauté morale.
02:53D'ailleurs, soyons honnêtes, ça avait un peu commencé sous Bernard Pivot,
02:56il n'aurait jamais duré autant s'il ne s'était pas largement soumis
03:00aux littérairement correctes.
03:02Et aujourd'hui, les livres n'ont plus pour mission de dévoiler la comédie humaine,
03:06ça c'est la mission que leur a signée Balzac, mais d'édifier les masses.
03:11À la grande époque de Pivot, Patrick, l'écrit avait précédence sur l'écran,
03:15l'écran était au service de l'écrit.
03:17Nous sommes passés, pour reprendre les termes de Régis Debray,
03:20de la graphosphère à la vidéosphère, l'écran a colonisé la pensée.
03:24En commençant par le cerveau des enfants, eh bien, oui, oui, cher Guy et cher Patrick,
03:29on a le droit de penser que c'était mieux avant.
03:32Amine El Khatami, que vous inspire ce que vient de dire Elisabeth,
03:40qui reste accrochée quand même à une autre époque, un peu comme Guy Carlier tout à l'heure.
03:45J'aurais bien aimé contester le propos d'Elisabeth, hélas je crains qu'elle ait raison.
03:53C'est désolant, j'aurais bien aimé lui dire...
03:57Alors évidemment, notre époque a aussi ses génies,
04:01et il y en a un certain nombre dans la jeune génération,
04:05mais hélas, hélas, si on fait, comme elle vient de le faire,
04:09un panorama, disons, d'ensemble de la situation,
04:13c'est vrai que l'air est davantage à TikTok et aux vidéos débilisantes
04:19qu'à l'effusion de l'esprit et des lettres.
04:23Il y a des choses, évidemment, débilisantes, mais il n'y a pas que ça.
04:27Il y a également beaucoup de créations à travers ces vidéos,
04:32à travers ces images que l'on peut propulser
04:37et permettre à tout un chacun d'accéder à un certain nombre de choses.
04:43Elisabeth Lévy ?
04:45Si vous voulez, justement, le propre de l'image,
04:48c'est qu'elle stimule beaucoup moins l'imaginaire en réalité,
04:50qu'elle demande beaucoup moins d'efforts à l'imaginaire
04:53qu'un bon roman, si vous voulez, ou une bonne bande dessinée, si vous voulez.
04:57Non mais, il y a aussi, Patrick, vous ne pouvez pas le nier,
05:02on en parle tout le temps, si vous voulez, quoi qu'il en soit,
05:04la baisse du niveau en tant que tel de maîtrise de l'orthographe,
05:08de maîtrise du français, quand on n'a pas les mots pour penser
05:12ce qu'on vit, si vous voulez, on s'appauvrise.
05:15Enfin, à vrai dire, ça me semble vraiment difficile à contester.
05:19Alors, c'est probablement vrai ce que vous dites,
05:23sauf qu'il faut être capable de relativiser, en fait, les choses.
05:27Est-ce que vous croyez que toute la population française,
05:29il y a 40 ans, lisait des romans ?
05:32Non mais, ce qu'on vous dit... Patrick, Patrick, Patrick...
05:35Non mais, Amine El Khatmir, répondez à moi.
05:38A votre avis, quel est le pourcentage de la population française
05:41qui lisait intégralement un roman il y a 40 ans, 50 ans ?
05:46Est-ce que vous croyez que ce pourcentage était très élevé ?
05:49Je pense que le niveau s'est effondré.
05:51Oui, je n'ai pas de pourcentage là.
05:53Moi, je vais répondre.
05:54Je pense que globalement, entre une époque, il y a 30 ou 40 ans,
05:59où il n'y avait pas d'écran, et où effectivement, on lisait plus,
06:02et l'époque d'aujourd'hui...
06:03Mais qui lisait plus ?
06:04Je parle de jeunes générations, et notamment des générations
06:08des 18-35 ans, où on a les réseaux sociaux, où on a TikTok.
06:13Je pense que globalement, le niveau s'est effondré.
06:15Une fois, ceci dit, évidemment qu'il y a aujourd'hui des génies,
06:18aujourd'hui, évidemment qu'il y a des gens qui lisent aujourd'hui,
06:21et fort heureusement, évidemment qu'il y a des gens érudits,
06:24évidemment qu'il y a des gens qui nous élèvent.
06:26Mais si on fait un panorama global, je pense encore une fois,
06:30hélas, qu'Elisabeth a raison, le niveau s'est globalement...
06:34Aller, effondré, abaissé, j'en sais rien.
06:36Je voudrais répondre à la question de Patrick.
06:39D'abord, rappelez-vous M. Germain...
06:42Oui.
06:43Rappelez-vous M. Germain, le professeur d'Albert Camus,
06:47c'était aussi une époque où l'école permettait, malgré tout,
06:50à des enfants du peuple, d'accéder au monde de la culture.
06:55C'était peut-être plus difficile, mais ça existait.
06:58Et nous en avons, dans les élites des années 50, 60, 70,
07:03il y a beaucoup de gens qui sont aussi issus de l'école républicaine.
07:08Donc ça, il ne faut pas l'oublier.
07:09Et surtout, c'est le statut qu'avaient la littérature et l'écrit, si vous voulez.
07:13Même si tout le monde ne lisait pas des livres,
07:17il y avait un statut de ce qu'était l'écrit dans notre monde.
07:21Or, moi, je crois, effectivement, mais là où vous avez raison,
07:25c'est un fait, nous sommes passés, comme le dit Debré,
07:28de la graphosphère à la bidéosphère.
07:30Alors oui, je peux le déplorer, ça ne sert à rien.
07:32Ça, vous pouvez me le dire, si vous voulez.
07:35Mais l'idée de dire, si vous voulez,
07:37regardez comme c'est merveilleux, il a raison, Amine,
07:39moi, je n'ai pas parlé des réseaux sociaux,
07:41mais admettez quand même que ce n'est pas le royaume de l'intelligence et de la subtilité, si ?
07:46Non, bien sûr, évidemment, ce n'est pas ce que je dis.
07:49Ce que je dis, c'est qu'à travers, puisque vous parlez, en fait, beaucoup de l'image,
07:53qui a supplanté, évidemment, en partie l'écrit,
07:55c'est que l'image est aujourd'hui plus facilement accessible que ne l'était l'écrit
08:00pour une grande partie de la population, il y a 40 ans, 50 ans.
08:03Et que le roman, le livre, n'était pas réservé, certes, à une classe élitiste,
08:08mais quand même beaucoup, et que, évidemment,
08:11pour ces gens-là, il y avait un niveau qui était très élevé,
08:16mais pour les autres, non.
08:18Et là, aujourd'hui, à travers l'image, on s'ouvre aussi, en fait, sur le monde.
08:25Mais le statut symbolique de la littérature était plus élevé, c'est ça que je veux dire.
08:31Allez, on va continuer de discuter, d'échanger entre vous.
08:34Vous voyez, c'est intéressant, il y a toujours des points de désaccord.
08:37L'invité politique tout à l'heure...
08:39C'est parce que vous êtes jeune, Patrick !
08:41L'invité politique tout à l'heure de Jean-Jacques Bordin,
08:448h30, c'est Olivier Faure, le premier secrétaire du PS.
08:47Je voudrais bien qu'on revienne aussi, dans un instant, sur ce qui se passe, quand même.
08:51Est-ce que l'on peut croire et espérer une trêve entre Israël et le Hormaz ?
08:56On va voir ça dans un instant, et il y a beaucoup d'autres questions aussi dans l'actualité
09:00que nous allons partager ensemble sur Sud Radio.

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