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Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
Article 51-1 dans sa version issue de la loi n°2019-222 du 13 mars 2019

Lien vers la décision
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2024/20241089QPC.htm

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Transcription
00:00Nous allons passer à la seconde.
00:30Alors, nous abordons donc la seconde.
00:37Alors, nous abordons donc la seconde QPC sous le numéro 2024-1089, et elle est relative à l'article 16 de la loi sur les droits de l'homme.
00:57Alors, nous abordons donc la seconde QPC sous le numéro 2024-1089, et elle est relative à l'article 51-1 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.
01:15Merci, M. le Président.
01:16Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 février 2024 par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Christophe Maîtrepierre
01:27portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 51-1 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881
01:37dans sa rédaction issue de la loi numéro 2019-222 du 13 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
01:47Cette question relative à l'information de la personne mise en cause du droit qu'elle a de se taire lorsqu'elle présente des observations ou des réponses écrites au juge d'instruction saisie d'un délit de diffamation ou d'injure
01:58a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2024-1089 QPC.
02:05Le Premier ministre a produit des observations le 8 mars 2024.
02:08Maître Emmanuel Mersinier, Pantala Tsi et Maître François Saint-Pierre ont demandé à intervenir dans l'intérêt de M. Eddy Arneton et ont produit à cette fin des observations les 6 et 22 mars 2024.
02:20La Scellardrée associée a demandé à intervenir dans l'intérêt de M. Franck Marlin et a produit à cette fin des observations les 8 et 18 mars 2024.
02:29Seront entendues aujourd'hui l'avocat de la partie requérante, les avocats des parties intervenantes et le représentant du Premier ministre.
02:36Merci beaucoup Madame. Alors, nous allons, en suggérant aux avocats de se tenir dans les délais, nous allons d'abord écouter Maître Bonifait qui est avocat bourreau de Marseille, qui représente M. Maître Pierre, partie requérante. Maître.
02:54Je remercie M. le Président, Mesdames, Messieurs du Conseil constitutionnel. Je me tiendrai bien volontiers au délai qui m'est imparti, d'autant plus que vous verrez que j'ai une vilaine manie, celle qui est propre généralement aux vieux garçons passionnés d'entomologie.
03:14C'est celle de tout classer, tout catégoriser pour essayer de rendre les choses claires et concises. Et vous voyez, c'est ce qui m'a donné l'idée de cette question prioritaire de constitutionnalité au départ, c'est que je remarque qu'en réalité, l'article 51-1 dont vous êtes saisi aujourd'hui, dont je vais dire quelques mots, se trouve classé dans le chapitre 5, paragraphe 2 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.
03:39C'est-à-dire qu'en réalité, cet article 51-1, il se trouve au cœur de ce pilier démocratique qu'est cette loi sur la liberté de la presse. Elle est au cœur et j'y vois comme un symbole, c'est-à-dire qu'en réalité, la procédure, je ne vais pas vous citer Yering parce que je crois que vous l'avez trop souvent entendue, mais la procédure est ce qui permet de s'assurer que cette liberté est garantie.
04:02Et d'ailleurs, quand on pratique le droit de la presse, on trouve avec le procédure un nombre incroyable de chausse-trapes, de complexités, de difficultés qu'il faut parfois surmonter et qui parfois nous agacent, mais qui en réalité sont indispensables à l'exercice et au plein effet de ce que l'article 1er de la loi sur la presse prévoit, c'est-à-dire la liberté de la librairie et de l'imprimerie.
04:22Voyez-vous, il y a un vieux serpent de mer maintenant depuis quasiment une trentaine d'années qui est là dans les débats parlementaires et qui fait le lit de pas mal de décisions du gouvernement, c'est celle du choc de simplification.
04:38On veut tout simplifier et souvent à juste titre parce qu'en réalité la procédure pénale a pris une ampleur et une complexité qu'elle ne devrait peut-être plus avoir, mais parfois malheureusement, je crois, sans tenir compte de tous les éléments en cause.
04:52Et là, voyez-vous, c'est ce qui s'est passé à mon sens avec cette loi du 29 juillet 1880 qu'on est venu réformer en introduisant l'article 51-1, c'est la loi du 23 mars 2019 qui l'a introduit cet article.
05:06Et elle introduit cet article qui vous permet quoi ? Qui permet au juge d'instruction en réalité bien de se faciliter un peu le travail dans ces dossiers dans lesquels il n'a qu'un rôle, on ne va pas dire un rôle de fond, mais en réalité un rôle de mise en état quasiment.
05:22Cette loi du 23 mars 2019 avec cet article 51-1, elle va permettre au juge d'instruction désormais de ne plus procéder à l'interrogatoire de première comparution comme il le faisait habituellement, mais de procéder à distance.
05:36C'est-à-dire qu'en réalité, le juge d'instruction va envoyer à la personne qui est soupçonnée un premier ravi préalable à la mise en examen dans laquelle elle va lui demander ses observations sur l'infraction qui lui est reprochée, qui est une infraction d'injure ou de diffamation.
05:52Le juge d'instruction demande les observations, va proposer en tout cas à la personne qui reçoit l'avis de formuler des observations dans un délai d'un mois et va ensuite lister des questions auxquelles la personne n'est pas tenue, ce n'est pas expressément indiqué comme ça dans l'avis, de répondre, mais à laquelle elle est invitée à répondre.
06:16Puis dans ce délai d'un mois, une fois le délai d'un mois écoulé, le magistrat instructeur va pouvoir toujours par courrier recommandé aviser la personne qu'elle est mise en examen pour injure ou diffamation, si bien que désormais tout se passe à distance.
06:30Nous n'avons pas véritablement de difficultés avec ça, je crois que ça a été d'ailleurs une demande de pas mal de praticiens du droit de la presse que de voir simplifier cette phase de procédure, simplement la difficulté qu'on retrouve ici, c'est que la personne qui reçoit l'avis préalable à la mise en examen n'est jamais avisée de son droit de garder le silence et de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées.
06:54Alors voyez-vous, la difficulté elle vient de quoi ? Elle vient du fait que vous avez reconnu dans un certain nombre de décisions l'existence bien évidemment de ce droit de garder le silence et de ne pas s'auto-incriminer, je ne vais pas vous les rappeler toutes, mais vous l'avez rappelé ce principe dans un certain nombre de cas, notamment quand la personne mise en examen ou qui est suspectée est convoquée devant par exemple un expert psychiatre ou psychologue, pas simplement devant un juge.
07:20Ou alors lorsque la personne compare devant la chambre de l'instruction et qu'il est question de la détention provisoire. Donc encore une fois, on n'est pas sur des questions de pure fête, de pure matérialité de l'infraction, mais dès lors que vous constatez qu'on pourrait avoir un débat sur les faits, que cette audience pourrait faire l'objet de questionnements sur ce qui est reproché à la personne visée, et bien vous introduisez ce droit au silence.
07:48Et en réalité, et très brièvement, vous l'introduisez en fonction de trois critères. D'abord, ce qui vous intéresse, c'est de savoir si à cette audience-là, si devant le juge devant lequel on compare, on évoque les faits, on aborde les faits. Pas forcément qu'ils soient au centre ces faits-là, mais simplement qu'on les aborde.
08:06Je crois que ce premier critère, il est parfaitement rempli. Vous l'avez vu, vous le savez peut-être, mais en matière d'avis préalable à une mise en examen en matière de presse que prévoit l'article 51-1, on va questionner la personne, non pas sur des éléments de personnalité, mais véritablement sur des éléments de fond du dossier.
08:24On va lui demander si elle reconnaît être l'auteur des propos litigieux. On va lui demander si elle reconnaît la personne qui a pu rédiger les propos. On lui pose un certain nombre de questions qui dépendent ensuite du magistrat-instructeur, qui portent sur la matérialité de l'infraction et qui vont peut-être potentiellement amener la personne à s'auto-incriminer. Donc ce critère-là, il est parfaitement rempli.
08:47La deuxième question que vous posez, le deuxième critère, c'est de vous demander si, dans la situation en cause, est-ce que la personne qui était interrogée avait le sentiment qu'elle avait l'obligation de répondre ? Est-ce qu'elle se sentait l'obligation de répondre aux questions, de formuler des observations ?
09:06Alors, de l'autre côté de cette barre, on vous dit bien non, parce qu'en réalité, on est dans une procédure-là qui se passe par écrit, on est à distance, donc la personne qui est tranquillement chez elle, elle n'a aucune, elle ne se sent pas l'obligation de répondre aux questions qui lui sont posées par le magistrat-instructeur.
09:22Sauf que c'est faire peu de cas de ce qui est déjà, d'une part, la nature humaine, qui veut que par une espèce de réflexe pavlovien, quand on vous invite à répondre à des questions dans un délai qui est contraint, celui d'un mois, en vous disant, dans un mois, si vous n'y répondez pas en clair, vous allez être mis en examen, la seule chose que vous avez envie de faire, c'est évidemment de vous jeter sur votre stylo pour répondre aux questions qui vous sont posées.
09:47Et c'est bien logique. Et je vous rappelle qu'à ce stade-là, vous n'avez pas encore le bénéfice de l'avocat. Sauf pour ceux qui en ont déjà un dans la poche, j'allais dire, et qui le connaissent et à portée de coups de téléphone, pour les autres, eh bien, la difficulté est réelle, parce que l'avocat n'est pas présent au moment où vous rédigez, dans le noir de votre appartement, les réponses aux questions qui vous sont posées.
10:11Si bien que vous allez graver dans le marbre, en réalité, des réponses qui, et c'est votre dernier critère, seront évidemment réutilisées devant le tribunal correctionnel qui sera chargé de vous juger.
10:21Et on est dans une société, évidemment, de l'écrit, et cet écrit que vous allez là poser, qui va être intégré au dossier pénal, va peser extrêmement lourd ensuite, puisque vous n'aurez plus de moyens de venir le contredire.
10:37C'est-à-dire que vous allez vous auto-incriminer, sans avocat, et en réalité, eh bien, ces propos-là vont ensuite parasiter tout le reste du dossier, si bien que la difficulté est réelle.
10:48Alors, vous voyez, tous les critères sont remplis, mais qu'on fera, je crois, répondront aux arguments adverses, donc je ne m'aventure pas plus sur ce terrain-là.
10:57Simplement pour vous dire que, dans cette situation-là, vous n'allez pas faire de coup d'état juridique, vous allez simplement appliquer un principe qui est bien connu de tous et de tous les praticiens de la matière pénale depuis un très grand nombre d'années maintenant,
11:11et que vous allez rétablir un petit peu d'ordre, et vous allez appliquer le mot que préférait Marcel Pagnol, celui de l'anticonstitutionnel, donc je vais vous demander d'abroger le texte visé. Je vous remercie.
11:24Merci, maître. Alors maintenant, nous allons écouter maître Mersinier Pantanatchi, qui est avocat au barreau de Paris, qui représente M. Arneton, partie intervenante. Maître.
11:38Monsieur le Président, mesdames, messieurs les membres du Conseil constitutionnel, brèvement mais précisément, je vais m'attacher à répliquer aux observations sur le fondement desquelles il va être soutenu dans un instant, qu'il vous faudra répondre par l'affirmative à la question dont vous êtes saisi par le représentant du gouvernement.
12:00Ces considérations sont inexactes, donc pas tellement en droit, mais quant à l'application qui en est faite en l'espèce en droit, il est constant, et nous rejoignons tous ici pour observer qu'il y a trois critères sur le fondement desquels la jurisprudence de notre Conseil est assise.
12:18Trois circonstances écrit le représentant du gouvernement. Premièrement, il est tenu compte de l'office du juge des libertés de la détention ainsi que de la chambre de l'instruction, qui porte une appréciation sur les faits retenus à titre de charge contre le prévenu.
12:45Deuxièmement, c'est ce qui vient d'être souligné ici, il doit être prêt en considération le fait que l'intéressé qui est conduit à répondre aux questions peut ou non être conduit à considérer, à croire qu'il ne dispose pas du droit de se taire. Deuxième critère, qui est donc subjectif.
13:00Troisième critère, il faut qu'on s'y regarde si les faits sont susceptibles, les faits sur lesquels portent les réponses sont susceptibles d'être portés à la connaissance de la juridiction de jugement.
13:11Le premier et le deuxième critère se rejoignent en réalité, et il ne m'apparaît pas devoir m'y apesantir longuement, sauf à préciser que la première observation du gouvernement sur ce point est partiellement exacte.
13:23Parce qu'on vous dit, et c'est ce qui va vous être soutenu, qu'il faut tenir compte de l'office du juge des libertés de la détention, de la chambre d'instruction.
13:29Or, nous savons ici, chacun, que votre jurisprudence n'applique pas uniquement au cas où l'intéressé comparait devant le juge de la détention, de la chambre d'instruction, mais comme il vient d'être appelé ici, également devant l'expert judiciaire, par exemple, ou devant les services de la protection judiciaire de la jeunesse.
13:46Donc, c'est très important, on va y venir dans un instant, puisque ce second critère qui est le plus sérieux, celui qui nous occupe, c'est de savoir si l'intéressé a le sentiment ou peut avoir le sentiment qu'il est contraint de répondre, qu'il est contraint de répondre.
13:57Cette contrainte, dont vous avez jugé qu'elle est matérialisée dans certaines espèces, n'est pas propre à la juridiction devant laquelle on comparait, puisqu'elle a été considérée comme caractérisée quand l'intéressé répond non pas à un juge, et encore moins à un juge de la détention, mais à un expert ou un membre du service de la protection de la jugement.
14:15Donc, tout ça pour dire que, contrairement à ce qui vous est soutenu, vous avez considéré à plusieurs reprises que l'intéressé pouvait considérer subjectivement être contraint de répondre, alors que celui-ci ne faisait pas face à un juge, et encore moins à un juge de la détention.
14:35Le point le plus sérieux, m'apparaît-il, de la discussion, c'est celui de savoir si le droit au silence d'exit s'applique par écrit. C'est déjà un biais auquel on vous incline, parce qu'il ne s'agit pas du droit au silence, il s'agit du droit de ne pas s'auto-incriminer.
14:51D'où découle, certes, par ailleurs, le droit au silence, ainsi que vous l'avez jugé, le 4 novembre 2016. Et fondamentalement, le droit dont s'agit, ce n'est pas le droit au silence, c'est le droit de ne pas s'auto-incriminer.
15:01Et le droit de ne pas s'auto-incriminer doit être garanti, y compris lorsqu'on est conduit à répondre par écrit.
15:08Il faut savoir qu'au terme des dispositions dont vous êtes saisis, la question de la constitutionnalité, le juge informe la mise en cause, non pas qu'il envisage la mise en examen, mais qu'il a l'intention de la mettre en examen.
15:26C'est extrêmement important, me semble-t-il, puisque de recherche, je souligne que vous devez, monsieur le président, mesdames, messieurs du conseil, vous devez faire un effort de subjectivité.
15:35C'est le critère. Est-ce que celui auquel on s'intéresse croit ou peut croire que ?
15:39Or, ce sont des dispositions dérogatoires par rapport aux articles 80-1 et 116 du code de procédure pénale qui prévoient l'interrogatoire de première comparution à l'issue duquel le juge d'instruction décide ou non de mettre en examen.
15:49C'est le droit commun. Et par dérogation au droit commun, pour des motifs qui étaient soulignés communément du reste par les magistrats et les avocats qui ont appelé à une simplification de l'interrogatoire de première comparution en matière de presse, contenue du caractère extrêmement limité de l'office du juge, très bien, par dérogation, celui-ci peut y procéder par écrit et faire l'économie de l'interrogatoire de première comparution.
16:06Mais dans l'interrogatoire de première comparution classique, 80-1 et 116, le juge avise, expressise, verbise le mis en cause qu'il envisage sa mise en examen. Ici, c'est la lettre même du texte, ce n'est pas qu'il l'envisage, c'est qu'il a l'intention.
16:19Et ce n'est pas pour jouer sur la sémantique. Les mots ont un sens, notamment au procédure pénale. Vous savez, le crescendo, la procédure pénale, au stade de la garde à vue, on est placé en garde à vue s'il existe des raisons possibles de soupçonner.
16:30Puis, on est placé en examen s'il existe des indices graves ou concordants. Puis, on est renvoyé devant la juridiction du jugement s'il existe des charges suffisantes. Donc, la sémantique n'est pas sans intérêt en matière de procédure pénale et en l'espèce.
16:42Je répète que le juge vous avise, non pas qu'il envisage, mais qu'il a l'intention de vous mettre en examen. Alors, l'intéressé qui reçoit cette lettre peut-il croire qu'il est tenu de répondre ?
16:55Et c'est cet effort de subjectivité à laquelle je m'appelle à vous inviter. Voici très concrètement ce que reçoit l'intéressé. Voici ce que reçoit, par contre, cette extrême vulgarité, celui dans la peau duquel il nous appartient, il vous appartient, M. le président, M. le conseil, de vous placer.
17:09C'est une lettre recommandée par Couilleau-Cornec, ex abruto. Il est dit par le représentant du gouvernement que le délai d'un mois dont bénéficie l'intéressé, la possibilité de solliciter un avocat, relativiserait l'atteinte au droit de ne pas s'auto-incriminer que nous stigmatisons.
17:28Mais je rappelle que dans tous ou presque les cadres procéduraux dans lesquels vous avez considéré que le défaut de notification du droit de ne pas s'auto-incriminer n'était pas conforme à la constitution, l'intéressé est assisté in situ par un avocat et a bénéficié de l'assistance d'un avocat préalable. Lorsque l'intéressé répond aux questions d'une garde à vue, il a vu son avocat préalablement.
17:51Lorsque l'intéressé compare devant une instruction dans un cadre d'un interlocuteur à première comparution, il a vu son avocat préalablement, il est assisté in situ par son avocat. Là, non. Ex abruto, l'intéressé reçoit cette lettre, courrier recommandé, avis préalable à une mise en examen. C'est assez martial, c'est normal, c'est combinatoire.
18:12Après que le juge lui a signifié l'intention de le mettre en examen, il lui dit vous pouvez formuler des observations, c'est la lettre du texte, c'est 51-1, vous pouvez formuler des observations, vous disposez du droit de désigner un avocat, c'est la lettre du texte et puis nous vous invitons à répondre aux questions suivantes.
18:31L'intéressé peut-il croire dans ces circonstances qu'il est tenu de répondre ? Il ne m'apparaît pas déraisonnable de répondre par l'affirmative contrairement à ce qui vous est soutenu parce que il est envisageable que celui qui soit signifié l'intention de sa propre mise en examen se dise si j'ai une chance d'échapper à cette mise en examen, c'est bien dans l'hypothèse où je m'expliquerai.
18:58Voilà les raisons pour lesquelles il m'apparaît raisonnable de soutenir que celui qui reçoit cette lettre peut considérer qu'il est tenu de répondre.
19:10Deux observations pour terminer de répliquer au gouvernement. Premièrement, il va vous être soutenu, en tout cas c'est ici écrit que l'article préliminaire, c'est un tout petit peu technique du code de procédure pénale, réserve la notification du droit de ne pas s'auto-incriminer à l'hypothèse d'une comparution devant le magistrat.
19:32C'est une reproduction inexacte des termes de l'article préliminaire qui ne prévoit certainement pas la comparution devant le magistrat mais la première présentation, parce que l'article préliminaire prévoit que la notification du droit de ne pas s'auto-incriminer n'intervienne qu'à une reprise.
19:50Lorsqu'un intéressé est comparé à plusieurs reprises ou est présenté ou est conduit dans différentes circonstances à s'exprimer à plusieurs reprises devant le même interlocuteur, le droit de ne pas s'auto-incriminer ne doit être notifié qu'une fois, la première fois.
20:02Et ma dernière observation est la suivante. In fine, le gouvernement vous soutient que une décision de la constitutionnalité de votre part causerait une source majeure d'insécurité juridique.
20:14Cela ne me paraît pas tout à fait raisonnable. La modification de la procédure propre à la presse par la loi du 23 mars 2019, pour la simplifier, a déjà été opérée, a été appelée de ses voeux communs par les magistrats et les avocats et, partiellement, a déjà fait l'objet d'une censure de votre part.
20:32C'est assez technique. C'est l'article 175. Vous avez déjà jugé que la privation du bénéfice des droits de la défense propres à l'article 175 de fin d'instruction qui était consacré par la loi de 2019 en maintien de presse n'était pas conforme à la constitution.
20:46Vous avez donc déclaré inconstitutionnel ces dispositions tout à fait spécifiques et, à ma connaissance, l'ordre public s'en porte parfaitement jusqu'à présent.
20:55Merci, maître. Maintenant, nous allons écouter maître Rémi-Pierre Drey, qui est avocat à Barreaux-de-Paris, qui représente M. Franck Marlin, parti intervenant. Maître.
21:08Monsieur le Président, mesdames et messieurs les hauts conseillers, mon intervention sera nécessairement la plus brève pour éviter les redites.
21:16M. Franck Marlin, maire de la commune des Temples dans l'Essonne, se trouve être parti à une instance pénale fondée sur l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,
21:28qui est pendant actuellement devant les juges du tribunal correctionnel de Nanterre. Il a donc souhaité intervenir dans cette instance, ce que votre conseil a autorisé.
21:37Toutefois, usant de la faculté qui lui est expressément ouverte par le 4e alinéa de l'article 6 du règlement de procédures applicables au QPC, il entend contester l'intégralité de l'article 51-1 de la loi renvoyée.
21:51Cette possibilité lui était en effet ouverte conformément à la décision de la Cour de cassation du 13 février 2024, qui vise bien l'article 51-1 dans son entier.
22:00Il est donc loisir de ne pas se limiter à l'unique alinéa que souhaiterait voir examiné le Premier ministre dans ses premières observations en défense.
22:08Il appartiendra dès lors à votre conseil, pour tenir compte tant de la décision de renvoi de la Cour de cassation que de votre jurisprudence relative à votre office, d'examiner l'ensemble des dispositions renvoyées.
22:20Votre jurisprudence vous y autorise sans pour autant vous y contraindre, notamment votre décision n°2015-506 QPC ou plus récemment la n°2022-1031 QPC.
22:32Il s'agit là d'une question d'opportunité jurisprudentielle.
22:36Il en serait d'une bonne administration de la justice au regard du caractère difficilement séparable des dispositions contestées.
22:44En tout état de cause, M. Marlin conteste bien aussi le 5e alinéa.
22:48En 2e lieu, les dispositions renvoyées sont manifestement inconstitutionnelles.
22:53Tout d'abord, le droit au silence est en matière pénale reconnue à toute personne, sans restriction ou exception, y compris en dehors du cadre formalisé de la garde à vue.
23:03Voyez votre décision n°2020-886 QPC.
23:07Ce droit implique un volet procédural, la notification du droit de se taire, et un volet substantiel, le droit de ne pas s'auto-incriminer.
23:17Or, force est de constater que la procédure ici régie par la loi du 29 juillet 1881 ne comporte nul volet procédural de nature législative,
23:27alors même que la personne mise en cause est invitée à répondre à la juridiction sur le fond de l'affaire.
23:32C'est bien le cœur de la QPC, ici soumise à votre examen.
23:36Dès lors, le droit constitutionnel au silence ne fait l'objet ni d'un respect procédural, ni d'un encadrement matériel dans ces dispositions législatives.
23:45Et votre censure s'impose.
23:48Pour conclure, le rôle de l'intervenant dans une instance de QPC se justifie dès lors pleinement.
23:54Il conviendra nécessairement à ce que votre décision mentionne et précise expressément le fait que la partie intervenante, ici M. Marlin,
24:04puisse intégralement bénéficier de l'effet utile de la QPC devant les juges du fond de Nanterre.
24:12Je vous remercie.
24:13Merci, Maître.
24:14Maintenant, M. Canguillet.
24:17Oui, pour le gouvernement.
24:19M. Canguillet.
24:23M. le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
24:27une personne pouvant faire l'objet d'une sanction ayant le caractère d'une punition et qui est invitée à présenter des observations écrites
24:33doit-elle se voir expressément notifier son droit de ne pas prendre la plume ?
24:37C'est à cette question du droit de se taire par écrit que votre décision dans cette présente QPC va devoir répondre.
24:44La présente question prioritaire de la constitutionnalité porte sur l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1980 sur la liberté de la presse,
24:51article introduit par la loi du 23 mars 2019.
24:56Il résulte de ces dispositions que le juge d'instruction informe la personne de son intention de la mettre en examen pour le délit de diffamation ou d'injure
25:04par lettre recommandée et en l'avisant de son droit de faire connaître des observations écrites dans un délai d'un mois,
25:12courrier par lequel il y est également notifié à la personne concernée son droit d'être assistée par un avocat contrairement à ce qui était sous-entendu précédemment.
25:20Le juge d'instruction peut à l'occasion de ce courrier également interroger la personne par écrit afin qu'elle réponde dans le même délai d'un mois à diverses questions écrites.
25:31Il est reproché à ces dispositions de méconnaître le droit de garder le silence en ce qu'elle ne prévoit pas.
25:36La notification expresse de ce droit aux personnes destinataires de ce courrier.
25:43Cela a été dit, vous le savez, cela résulte de votre jurisprudence.
25:46Le droit de se taire découle du principe selon lequel nul n'est tenu de s'auto-incriminer, que votre jurisprudence rattache à l'article 9 de la déclaration de 1789.
25:56Et votre jurisprudence a longtemps cantonné à la sphère pénale cette question de l'obligation de la notification du droit de se taire
26:07avant que vous ne l'étendiez très récemment à toute sanction ayant le caractère d'une punition par votre décision 1074-QPC du 8 décembre 2023.
26:16Il ressort du commentaire de cette décision qui synthétise l'ensemble de votre jurisprudence
26:22que pour conclure à la méconnaissance du droit de ne pas s'auto-incriminer, donc du droit de se taire,
26:28lorsqu'il n'est pas prévu que la personne mise en cause soit informée de ce droit, vous vous fondez sur un ensemble de circonstances.
26:34En premier lieu, vous vous intéressez au cadre dans lequel la personne est entendue.
26:40Et en l'espèce, ce cadre est très différent de ceux dans lesquels vous avez eu l'occasion de constater la méconnaissance d'un droit de ne pas s'auto-incriminer par le législateur.
26:50Il est différent d'une part car ici la personne n'est pas entendue et vous n'avez jusqu'ici imposé la notification du droit de se taire
27:00lorsque la personne faisant l'objet de poursuite est effectivement entendue.
27:06Et les conditions dans lesquelles le juge d'instruction procède au recueil des observations de la personne concernée
27:15ne sont absolument pas comparables à celles d'un interrogatoire oral.
27:19D'autre part, ce cadre est différent car le rôle du juge d'instruction, et cela a été dit par la partie requérante,
27:26est considérablement réduit en matière de diffamation et d'injure.
27:30Il ne se prononce ni sur la pertinence de la qualification retenue ni sur l'identification de la victime.
27:35En deuxième lieu, ce commentaire de votre décision 1074-QPC, donc synthétisant votre jurisprudence en de la matière,
27:43relève que vous vous attachez, et c'est effectivement le point central ici de la question, aux conditions dans lesquelles la personne est entendue.
27:53Ainsi, votre jurisprudence repose sur la contrainte qui peut s'exercer sur la personne poursuivie.
28:00Or ici, nulle contrainte.
28:04La temporalité propre à l'écrit et le délai donné, ainsi que l'absence de proximité physique entre la personne interrogée et celle qui l'interroge,
28:14ne sont pas de nature à caractériser la situation de contrainte que vous avez déjà eu l'occasion de constater dans vos décisions précédentes.
28:23Vous avez ainsi eu l'occasion de considérer qu'une situation de contrainte peut être de nature à laisser croire à l'intéressé qu'il ne dispose pas du droit de se taire.
28:33Mais en l'espèce et en l'absence de toute situation de contrainte, le destinataire du courrier n'est pas placé dans une situation qui lui laisserait croire qu'il ne dispose pas de ce droit.
28:43Déjà car il ne s'agit pas d'une obligation. Il s'agit d'une invitation qui n'est pas formulée de manière impérative.
28:52Les formules employées par ces courriers envoyés par le jeu d'instruction sont variées, mais si l'on s'en tient aux seuls exemples que l'on a à la procédure écrite,
29:00les formules employées par le jeu d'instruction permettent de comprendre qu'il ne s'agit pas d'une obligation de prendre la plume pour la personne destinataire du courrier.
29:09Prenons donc ces deux seuls exemples. Vous pouvez formuler des observations écrites.
29:15Il a été dit par nos contradicteurs que si les mots ont encore un sens, il faut y faire attention. Vous pouvez, ce n'est pas vous devez.
29:23Autre exemple qui est présent dans une pièce de la procédure contradictoire. Je vous avise que vous avez le droit. Là encore, le droit n'est pas une obligation.
29:32La seule lecture du courrier permet donc de comprendre qu'il est possible de ne pas répondre et donc de garder le silence.
29:42Ensuite, le délai d'un mois qui est laissé au destinataire pour répondre lui laisse le temps nécessaire pour décider librement et donc en dehors de toute contrainte
29:52du fait de savoir s'il souhaite ou non formuler de telles observations. Nous insistons sur ce point. Le rapport au temps inhérent à la procédure écrite est tout à fait différent
30:05dans ce cas que dans les hypothèses dans lesquelles vous avez eu l'occasion de censurer des dispositions qui ne prévoyaient pas cette notification de droit de se taire.
30:14En effet, si l'immédiateté d'une interrogation orale peut laisser à croire qu'une réponse immédiate et donc potentiellement non réfléchie est exigée,
30:23ce n'est évidemment et par nature pas le cas en matière écrite. Le temps laissé à la réflexion libère de la contrainte qui peut être légitimement ressentie à l'occasion d'une audition orale.
30:34Aucun de ces deux éléments que votre jurisprudence prend en compte pour censurer l'absence de notification du droit de garder le silence ne se retrouve en l'espèce.
30:44Alors certes, vous relevez également et vous prenez également en compte le fait que les observations de l'intéressé sont susceptibles d'être portées à la connaissance
30:53de la juridiction de jugement et c'est le cas ici, ce n'est pas contesté. Mais votre jurisprudence n'a jamais fait de cet élément le seul et unique critère imposant
31:03que le droit de garder le silence soit expressément notifié. Autrement dit, en l'absence de toute contrainte et au regard du caractère écrit de la procédure,
31:13le fait que le législateur n'ait pas expressément prévu la notification du droit qu'a la personne poursuivie de ne pas fournir de réponse écrite ne prive pas,
31:22et c'est là l'essentiel, ne prive pas d'effectivité l'existence du droit de ne pas s'accuser. La question n'étant pas l'existence du droit mais celle de son effectivité.
31:33Enfin, très rapidement et sans revenir sur les nombreux exemples donnés dans les observations écrites, et pour élargir un peu le champ,
31:43il est utile de préciser que dans de très nombreuses procédures qui vont bien au-delà de cette question du droit pénal et du droit de la presse,
31:51une personne qui peut faire l'objet d'une sanction ayant le caractère d'une punition se voit offrir la possibilité de présenter des observations par écrit
31:58sans que lui soit expressément notifié son droit de ne pas le faire. Dans l'ensemble de ces procédures, encore une fois dont l'énumération nous emmènerait trop loin
32:08et bien au-delà de cette audience, le droit de présenter des observations écrites n'est qu'une faculté ouverte à la personne poursuivie et en aucun cas une obligation mise à sa charge.
32:17Dans ces conditions, l'extension de l'obligation de la notification du droit de se taire qui vous est demandé de consacrer et qui irait bien au-delà du seul champ du droit de la presse
32:27mais à l'ensemble de ces procédures écrites serait ainsi une source majeure d'insécurité juridique. Aucune exigence est constatée d'ayant été méconnue.
32:36Je vous invite à déclarer les discussions de l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 conformes à la Constitu.
32:43Merci M. Granguilhem. Alors, positions diverses. Est-ce que vous voulez poser des questions ? Non ? C'était tout à fait clair. Parfait.
32:54Donc nous regardons tout cela de très près et rendons notre décision dans 10 jours. Vous pourrez la consulter sur Internet.
33:04Bonne journée à tous.

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