• l’année dernière
Purge des nullités en matière correctionnelle

Lien vers la décision :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231062QPC.htm

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Alors, maintenant, une petite seconde et nous prendrons la deuxième affaire.
00:05 (Rires)
00:08 (Tousse)
00:09 (Rires)
00:12 (Rires)
00:15 (Rires)
00:18 (Rires)
00:21 (...)
00:49 Asseyez-vous, je vous en prie.
00:52 Alors, nous allons prendre maintenant la seconde QPC
00:59 qui porte le numéro 2023-1062
01:06 et qui a trait à l'article 385, alinéa 1 du Code de procédure pénale.
01:11 Dans cette affaire, M. Juppé, Pillet et Seners ont estimé devoir s'abstenir de siéger.
01:16 Madame Lagréfière, dites-nous.
01:19 Merci, pardon M. le Président.
01:21 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2023
01:24 par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation
01:27 d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. François Fillon
01:31 portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit
01:34 du premier alinéa de l'article 385 du Code de procédure pénale.
01:39 Cette question relative à la purge des nullités en matière correctionnelle
01:42 a été enregistrée au Secrétariat général du Conseil constitutionnel
01:45 sous le numéro 2023-1062 QPC.
01:49 Le cabinet Briard a produit des observations dans l'intérêt de la partie requérante
01:53 les 19 juillet et 2 août 2023.
01:56 La Première ministre a produit des observations le 19 juillet 2023.
02:00 La SCP Nataf et Planchat, dans l'intérêt de M. Gilbert Ben Moussa,
02:04 a demandé à intervenir et a produit des observations à cette fin les 5 et 26 juillet 2023.
02:11 La SCP Pivnica et Molinier, dans l'intérêt de M. Thierry Herzog,
02:15 a demandé à intervenir et a produit des observations à cette fin les 18 juillet et 1er août 2023.
02:21 La SCP Spinozi, dans l'intérêt de M. Nicolas Sarkozy,
02:24 a demandé à intervenir et a produit des observations à cette fin les 18 juillet et 2 août 2023.
02:30 M. Romain Boulet, dans l'intérêt de l'Association des avocats pénalistes, ADAP,
02:35 a demandé à intervenir et a produit des observations à cette fin le 19 juillet 2023.
02:40 Dans cette affaire, M. Alain Juppé, F.Piller et F.Sénaire sont estimés devoir s'abstenir de siéger.
02:45 Seront entendus aujourd'hui l'avocat de la partie requérante,
02:48 les avocats des parties intervenantes et le représentant de la Première ministre.
02:52 Merci Madame. Alors nous avons un certain nombre de pléloiries,
02:57 donc je demanderai à chacun de bien se tenir dans les 10 minutes.
03:01 Nous allons commencer avec M. Briard, qui est avocat au Conseil,
03:06 qui représente M. Fillon, partie requérante. Maître, nous vous écoutons.
03:11 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
03:17 est-il concevable, en France, en 2023, qu'il soit dit injusticiable,
03:27 qu'il découvre, alors qu'il est devant son juge, qu'il a été renvoyé devant un tribunal correctionnel,
03:35 est-il concevable, lorsqu'il découvre que l'instruction dont il a fait l'objet
03:42 est entachée d'une irrégularité grave, par exemple une irrégularité révélée
03:48 par un article de journal ou par une enquête parlementaire
03:54 ou par une audition devant une commission parlementaire,
03:59 est-il concevable qu'il soit dit à ce justiciable « il est trop tard ».
04:05 « Il est trop tard ». Mais je découvre cette irrégularité, je ne la connaissais pas auparavant,
04:12 il n'y a aucune dissimulation, aucune manœuvre, aucune négligence de ma part,
04:17 je découvre ce qui s'est passé. « Il est trop tard ».
04:20 « Il est trop tard » parce que la porte de l'article 385 du Code de procédure pénale s'est fermée.
04:28 Vous ne pouvez plus invoquer les nullités de l'instruction, elles sont purgées.
04:34 Est-ce concevable, est-ce conforme aux droits et libertés que garantit la Constitution de la Vème République ?
04:42 C'est la question que vous pose François Fillon, que j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui devant vous.
04:49 François Fillon, non pas l'ancien Premier ministre de la Vème République,
04:54 mais François Fillon, le justiciable, le justiciable comme vous et moi,
04:59 le justiciable qui estime, et c'est son droit le plus strict,
05:04 qui estime qu'il n'a pas bénéficié d'un procès indépendant et impartial.
05:10 Cette question, lorsque je l'ai posée à la Chambre criminelle de la Cour de cassation,
05:15 elle a été jugée suffisamment sérieuse pour vous être transmise,
05:19 et je constate aujourd'hui que la réponse apportée à cette question,
05:24 elle ressuscite une certaine unanimité.
05:27 Mes confrères sont là pour vous donner la position d'autres justiciables et des avocats pénalistes,
05:33 et la Première ministre, ce qui est, je crois, assez rare dans l'histoire de la question prioritaire de constitutionnalité depuis 2010,
05:42 la Première ministre vous dit en effet, cette question est fondée.
05:47 Il y a en effet une difficulté majeure au regard des droits de la défense et du droit au recours juridictionnel effectif.
05:57 Cette question est fondée, mais vous êtes confrontés à un choix,
06:02 qui est celui que vous devez poser entre la réserve d'interprétation et la déclaration de non-conformité.
06:11 Et je voudrais en quelques minutes, dans le temps qui m'est donné, vous dire pourquoi il nous apparaît,
06:18 il apparaît à François Fillon, que la voie de la réserve d'interprétation n'est pas celle que vous devez choisir,
06:25 mais qu'au contraire, la voie qui s'impose est celle de la déclaration de non-conformité.
06:31 Je crois qu'il y a quatre raisons.
06:34 La première raison, c'est que dans votre jurisprudence depuis 1959,
06:41 les réserves d'interprétation que vous mettez en œuvre régulièrement,
06:45 ne sont concevables que si elles sont constructives ou neutralisantes,
06:50 mais si vous êtes en présence d'interprétation du texte de loi.
06:55 Je relisais ce qu'écrivait le doyen Georges Vedel à ce propos en 1996,
06:59 il disait "le juge constitutionnel ne se préoccupe pas de l'interprétation de la loi,
07:04 sauf lorsqu'il est confronté à des interprétations qui lui paraissent incompatibles avec la Constitution".
07:11 Mais cet article 385, en particulier son alinéa premier,
07:16 cet article 385 fait l'objet d'une lecture, je dirais, très consensuelle.
07:22 Vous ne trouvez pas dans les décisions de la Cour de cassation
07:26 et dans les décisions des juridictions subordonnées, des interprétations divergentes.
07:31 Le texte est clair, le texte de l'alinéa premier est clair,
07:35 le tribunal correctionnel, le juge pénal, n'est plus compétent pour constater l'inunité de la procédure,
07:42 hormis les quatre exceptions qui sont énoncées par le texte.
07:45 Et donc il n'y a pas matière à interprétation, c'est la première raison.
07:50 La seconde raison pour laquelle vous devriez, me semble-t-il, écarter cette réserve d'interprétation
07:56 qui vous est proposée par la première ministre, c'est que le texte, en réalité, n'est pas réparable.
08:02 Il n'est pas réparable. La réserve d'interprétation, et d'ailleurs plusieurs membres du Conseil constitutionnel l'ont écrit,
08:09 c'est en réalité une forme de sauvetage du texte, n'est-ce pas ?
08:14 Voilà, vous allez donner une lecture, bien sûr, les motifs de votre décision s'imposent aux juridictions,
08:20 naturellement, comme le dispositif, mais c'est tout de même une forme de réparation.
08:26 Et pourquoi la réparation n'est-elle pas possible de cet alinéa premier ?
08:30 Pourquoi ne pouvez-vous pas donner cette lecture que vous suggère la première ministre ?
08:35 Mais tout simplement parce qu'il y a dans cet article 385 un alinéa 6, un dernier alinéa,
08:43 d'ailleurs la première ministre le dit bien dans son mémoire, il y a un dernier alinéa qui vous dit que,
08:48 dans tous les cas, dans tous les cas, l'annulité doit être invoquée in limine litis, avant toute défense au fond.
08:55 Mais si vous voulez, et je pense que c'est l'objectif de cette décision que vous allez rendre,
09:01 si vous voulez préserver les droits de la défense et le droit au recours,
09:05 vous ne pouvez pas l'enfermer, évidemment, dans le délai de défense au fond.
09:11 On ne divise pas les droits de la défense.
09:14 L'irrégularité de procédure qui apparaît tardivement, elle peut en effet apparaître en première instance,
09:21 mais aussi en appel, dans le dossier de François Fillon, vous savez bien qu'elle est apparue très tardivement,
09:29 et après que les écritures au fond aient été déposées.
09:33 Donc vous ne pouvez pas donner une interprétation de l'alinéa premier qui puisse s'articuler avec le reste de l'article
09:40 qui doit être lu globalement, et notamment avec ce dernier alinéa.
09:44 La troisième considération pour laquelle, me semble-t-il, vous devriez écarter la réserve d'interprétation,
09:50 eh bien c'est tout simplement que vous devez, je crois, penser à la réception de votre décision par les juridictions judiciaires.
09:59 Je sais bien qu'on peut dire, on l'a écrit, que les effets d'une réserve d'interprétation et d'une déclaration de non-conformité
10:09 sont à peu près équivalents juridiquement.
10:11 En réalité, vous savez très bien, surtout en matière pénale, que les décisions de la Chambre criminelle de la Cour de cassation
10:20 et ensuite de la Cour d'appel qui sera saisie sur envoi, les décisions ne seront pas prises dans les mêmes conditions,
10:29 parce que la réserve d'interprétation maintient le texte, même avec une lecture, elle maintient le texte,
10:34 alors que la non-conformité le fait disparaître, peut-être avec un report d'abrogation, mais elle le fait disparaître
10:40 et les conséquences sont beaucoup plus radicales, naturellement, avec une non-conformité.
10:45 Et vous êtes quand même confrontés, sur cette question, à une problématique très grave, très importante.
10:54 On parle des droits de la défense, on parle du droit au recours.
10:58 Et donc, il est très important, me semble-t-il, d'anticiper sur l'application de votre décision
11:04 et de ce point de vue, la non-conformité, je crois, plus adaptée.
11:07 Enfin, j'en aurais terminé.
11:09 Il me semble que la non-conformité permettra aux législateurs, avec un délai, naturellement,
11:16 permettra aux législateurs de revoir ce régime des purges de nullité.
11:22 Quand vous regardez l'ensemble de ces articles, 385, mais aussi d'autres dispositions,
11:28 on réalise que ce n'est pas très cohérent, ce n'est pas toujours parfaitement écrit.
11:32 Si vous retenez une réserve d'interprétation, ce dispositif va rester.
11:37 Si vous retenez, au contraire, une déclaration de non-conformité,
11:41 eh bien, le législateur se mettra au travail et pourra modifier ses dispositions
11:46 dans un sens beaucoup plus compatible avec l'exercice des droits de la défense.
11:51 Pour ce qui concerne votre décision, bien sûr, elle s'appliquera aux instances en cours
11:56 et notamment à l'affaire intéressant.
11:58 M. Fillon, je vous remercie.
12:00 Merci, maître.
12:02 Alors, maintenant, nous allons écouter maître Planchat, qui est avocat au Baron de Paris,
12:08 qui représente M. Ben Moussa, parti intervenant. Maître.
12:11 Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
12:15 la présente question porte sur la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 385
12:21 du Code de posture pénale.
12:23 L'auteur de cette QPC et les autres intervenants évoquent le cas de nullité
12:28 dont le prévenu ne pouvait avoir connaissance avant la clôture de l'instruction.
12:32 Nous entendons attirer votre attention sur la situation où, après la clôture de l'instruction,
12:39 est intervenue une décision définitive d'une juridiction administrative,
12:45 de nature à établir l'irrégularité de la procédure pénale.
12:48 Dans ce cas, pour examiner la conformité de l'article 385 avec la Constitution,
12:54 nous pouvons évoquer non seulement le droit au recours juridictionnel effectif,
13:00 mais également le principe de sécurité juridique.
13:03 En se référant à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen,
13:08 vous avez repris à votre compte le concept du droit au procès équitable
13:15 développé par la Cour européenne des droits de l'homme.
13:18 Dès lors que vous avez reconnu le droit à un procès équitable,
13:21 le principe de sécurité juridique doit constituer un principe à valeur constitutionnelle.
13:26 Le principe de sécurité juridique s'oppose à ce qu'il soit fait obstacle à un prévenu
13:32 de tirer toutes les conséquences d'une décision de justice
13:35 devenue définitive au seul motif qu'elle serait intervenue tardivement.
13:39 Dans le même ordre d'idée, dans une décision de section du 16 février 2018,
13:44 le Conseil d'État a considéré que le moyen tiré de la méconnaissance
13:49 de l'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges
13:52 peut être évoqué pour la première fois devant le Conseil d'État, juge de cassation,
13:57 même si le jugement pénal est intervenu postérieurement
14:00 à la décision de la juridiction administrative frappée de pourvoi.
14:05 De même, dans l'affaire Stassart, examinée par la Cour européenne des droits de l'homme
14:11 le 4 mai 2023, le gouvernement français a reconnu que la divergence d'appréciation
14:17 par la Cour de cassation dans son arrêt en 2017, d'un point en litige
14:23 qui avait fait l'objet d'une décision définitive de la juridiction administrative en 2013,
14:28 a enfreint le principe de sécurité juridique.
14:32 Selon ces principes, une juridiction pénale ne peut pas revenir sur un point en litige
14:36 qui a été tranché et qui a fait l'objet d'une décision définitive d'une juridiction administrative.
14:42 Or, le mécanisme de la purge de nullité instauré par l'article 385 du Code de procédure pénale
14:48 fait obstacle à la prise en compte d'une décision d'une juridiction administrative
14:52 intervenue après la clôture de l'instruction et qui établit que la procédure pénale était régulière.
14:57 Dès lors, il convient de considérer que l'article 385 du Code de procédure pénale
15:02 est contraire au principe de sécurité juridique.
15:05 Par ailleurs, la constitutionnalité de l'article 385 de la procédure pénale
15:09 peut être prononcée au regard du principe constitutionnel d'égalité devant la justice.
15:14 En matière de justice, l'exigence d'égalité est renforcée et vous considérez que si le législateur
15:20 peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elle s'applique,
15:26 c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées
15:30 et que soient assurées aux justiciables des garanties égales,
15:34 notamment au respect du principe des droits de la défense.
15:37 Ceci implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties.
15:44 En application de l'article 79 du Code de procédure pénale,
15:47 l'ouverture d'une instruction est facultative en matière des lictuels.
15:50 Le procureur de la République dispose ainsi d'un pouvoir discrétionnaire en la matière.
15:56 La complexité de l'affaire n'est pas un critère de choix.
15:59 M. Jean-François Bonner, chef du parquet national financier, précisait que pour l'année 2022,
16:06 84,50% des affaires du PNF étaient suivies en enquête préliminaire et que 15,5% confiaient à des juges d'instruction.
16:15 Ce choix du procureur de la République a un impact sur les droits de la défense.
16:19 En effet, lorsqu'une instruction est ouverte, comme il a été vu,
16:23 l'intéressé peut se voir opposer le mécanisme de purge des nullités de procédure des articles 179 et 385 du Code de procédure pénale.
16:32 En revanche, ainsi qu'il a été relaté dans le rapport en septembre 2020 de l'Inspection générale de la justice
16:38 sur une enquête conduite par le parquet national financier,
16:42 l'enquête préliminaire ne permet pas de purger les nullités de la procédure avant l'audience du fond.
16:48 Il en résulte d'une différence de traitement injustifiée, sans que soient assurées ou justifiables des garanties égales quant au respect des droits de la défense.
16:57 Dans l'hypothèse où la preuve d'une nullité apparue tardivement, la défense ne pourra la soulever devant le tribunal correctionnel que si aucune information judiciaire n'a été ouverte.
17:06 De ce fait, l'article 385 du Code de procédure pénale est contraire aux principes constitutionnels d'égalité devant la justice.
17:14 Ainsi, au regard des principes de sécurité juridique et d'égalité devant la justice,
17:19 je vous invite à sanctionner l'article 385 du Code de procédure pénale en prononçant son inconstitutionnalité.
17:25 Je vous en remercie.
17:26 Merci, Maître.
17:28 Nous allons maintenant écouter Maître Pimnica, qui est avocat au Conseil et qui représente M. Herzog, parti intermédiaire.
17:37 Maître.
17:38 Merci, Président.
17:42 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel.
17:46 Un procès commence quand il est complexe par une audience ayant pour objet de l'organiser.
17:54 J'entends un procès correctionnel comme celui qui m'amène aujourd'hui devant vous.
17:59 Ça a été le cas ici.
18:01 Ça a été devant le tribunal judiciaire de Paris un 8 janvier 2020.
18:06 Et à cette occasion, le parquet révèle une enquête préliminaire.
18:14 Une enquête préliminaire qui avait été dissimulée, soigneusement dissimulée, pendant toute la durée de l'information.
18:22 Elle date de 2014.
18:24 La Défense en a pris connaissance en 2016.
18:28 Elle a demandé une première fois sa communication.
18:32 Cette demande a été réitérée 8 fois.
18:36 La réponse a toujours été négative.
18:40 Lorsque la Défense prend connaissance de cette enquête en 2020, elle constate qu'elle est pour le moins étonnante.
18:50 On y écoute des avocats, on les met sous surveillance, sous géolocalisation.
18:55 On se préoccupe de leur vie privée, on se préoccupe de leur activité professionnelle.
18:59 Bref, une mise en coupe réglée, organisée de la Défense.
19:03 Une mise en coupe réglée qui paraît difficilement compatible avec les exigences d'une société démocratique.
19:11 Mieux.
19:13 La connaissance, la constat de cette enquête a permis à la Défense de constater qu'il y avait également des éléments à décharge.
19:25 Des éléments à décharge qui avaient été dissimulés, puisqu'au contraire le parquet, sans les fournir,
19:30 prétendait qu'en réalité l'enquête ne comportait que des éléments à charge.
19:36 Bref, la déloyauté était acquise, des conclusions de nullité sont présentées.
19:43 Et la réponse est donnée par le tribunal.
19:48 Elles sont tardives. Pas parce qu'elles n'ont pas été présentées in elitis, comme on dit en français, elles l'ont été.
19:54 Mais elles sont tardives car elles l'auraient dû l'être avant l'ordonnance de renvoi.
19:58 La Cour d'appel confirme, et on vient dire, il aurait fallu les présenter avant l'ordonnance de renvoi.
20:04 Comment ? Parce que par définition, cette enquête était inconnue et la Défense n'en a pris connaissance qu'après l'ordonnance de renvoi.
20:13 Peu importe, répondent les juges. Peu importe puisque c'est l'article 385 du Code de procédure pénale qui donne la réponse.
20:21 Cet article est contesté. Ni le tribunal, ni la Cour d'appel n'ont souhaité le transmettre à la Cour de cassation.
20:29 A ce stade, je ne reprendrai pas ce qui a déjà été écrit dans l'instruction écrite, ce qui a déjà été dit précédemment.
20:36 Mais je m'en tiendrai, si vous le voulez bien, M. le Président, Mme Zemesi, le membre du Conseil constitutionnel, à deux remarques. L'une porte sur la lacune de cet article 385.
20:47 L'autre sur l'application dans le temps de votre décision. Que l'article 385 comporte une lacune en ce qui ne permet pas au parti de soulever après l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel
21:05 Une nullité dont ils n'ont pu avoir connaissance avant relève aujourd'hui d'une certitude.
21:12 Et si je dis une certitude, c'est parce que je me réfère bien évidemment à votre décision du 23 avril 2021.
21:19 Décision que vous avez rendue à propos de l'article 181 de ce Code de procédure pénale.
21:25 Or l'article 180 du Code de procédure pénale, vous le savez, est le pendant en matière criminelle de ce qu'est l'article 385 en matière correctionnelle.
21:35 C'est vous qui l'avez dit dans cette décision, il faut que le justiciable soit en mesure à un moment ou un autre de la procédure de critiquer les actes.
21:44 On ne peut pas lui reprocher de ne pas l'avoir fait, s'il ne les a pas connus.
21:48 La première ministre, ça vous a déjà été dit précédemment, le rappelle elle-même et elle vous offre d'ailleurs une alternative.
21:56 Soit vous suivez sa suggestion avec la réserve d'interprétation qu'elle vous propose.
22:03 Je ne vais pas la relire, vous la connaissez.
22:06 Soit vous confirmez purement et simplement votre propre jurisprudence récente, celle du 23 avril 2021, dont je viens de parler, à propos de l'article 181,
22:19 qui est, je dirais, le clone en matière criminelle de 385 en matière correctionnelle.
22:24 Vous avez relevé que l'interdiction qui était faite à l'accusé de contester des irrégularités de procédure dont il n'a pas été informé,
22:33 mais connaissent le droit à un recours juridictionnel effectif, les droits de la défense.
22:38 Vous ne tolérez évidemment pas un formalisme qui serait excessif et qui porte atteinte à l'équité du procès.
22:49 Je n'ai pas besoin sur ce point, je crois, d'en dire davantage.
22:52 Je maintiens votre décision.
22:54 Reste, et c'est mon second et dernier point, la question de l'application dans le temps.
22:59 Vous pouvez opter pour cette réserve d'interprétation que vous suggère la Première ministre,
23:06 mais vous pouvez aussi tout simplement reprendre la même solution que vous avez adoptée en 2021 à propos de 181,
23:13 la reprendre non seulement en ce qui concerne le fonds, mais la reprendre également en ce qui concerne la question de l'application dans le temps.
23:23 Vous avez dit à ce moment que votre décision, si elle annule, si la loi l'abroge pour le futur en laissant au Parlement un délai de reprise, si je puis dire,
23:34 en revanche, elle se rapplique aux instances en cours lorsque l'intéressé n'a pas été en mesure de contester un acte dont il n'a pu avoir connaissance,
23:42 en ajoutant sans défaillance ni négligence de sa part.
23:46 La situation est ici exactement la même.
23:49 Il y a eu atteinte au droit à recours effectif, puisque la Défense n'a pas été en mesure de présenter quelques moyens,
23:58 que ce soit sur une enquête préliminaire dont il lui a été donné connaissance après l'ordonnance de renvoi,
24:05 atteinte au droit à recours effectif, atteinte au droit de la Défense, atteinte à l'équité du procès,
24:11 une atteinte que vous veillerez, que vous veillez habituellement, c'était déjà votre décision de 2021, à faire cesser de manière immédiate,
24:19 même en cas de report de la date d'abrogation.
24:24 C'est pourquoi je vous demande, M. le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
24:28 de bien vouloir déclarer la disposition contestée contraire à la Constitution et de dire que cette décision s'applique aux instances en cours.
24:38 Merci, Maître. Maintenant, nous allons écouter Maître Spinozzi, qui est avocat au Conseil, qui représente M. Sarkozy, parti intermédiaire. Maître.
24:52 M. le Président, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, beaucoup de choses ont déjà été dites.
25:00 Au nom de M. Nicolas Sarkozy, j'aimerais insister sur trois points. Premièrement, on l'a évoqué, le fond du litige.
25:09 S'il n'y avait qu'un argument à retenir pour vous convaincre de censurer les dispositions qui vous sont envoyées, c'est certainement votre propre jurisprudence.
25:18 On vous l'a dit, la décision que vous avez rendue le 23 avril 2021, qui était la QPC 2021-900, est mutatis, mutandis, en tout point transposable à la présente espèce.
25:33 Et long de voie guerre, comment vous pourriez rendre une décision différente en 2023 concernant l'article 385 du code de procédure pénale de celle que vous avez rendue en 2021, s'agissant de l'article 181 ?
25:50 Dans les deux cas, le droit à un recours effectif commande que le législateur aménage intempérament à la purge radicale qu'instituent les dispositions légales,
26:02 dans l'hypothèse dans laquelle la personne mise en cause a été mise dans l'impossibilité pratique de pouvoir présenter une demande de nullité dans le délai qui lui était imparti.
26:12 Et c'est très précisément la situation à laquelle a dû faire face M. Nicolas Sarkozy.
26:19 Vous le savez, mise en examen pour des faits de corruption, de trafic d'influence, malgré ces demandes répétées, il n'a jamais pu avoir accès,
26:28 avant la clôture de l'instruction, aux éléments de l'enquête pénale qui était parallèlement diligentée à son ton contre et qui tendait à déterminer,
26:38 s'il n'avait pas eu connaissance de l'existence de sa mise sur écoute, qui était pourtant la base de sa mise en cause dans la présente instruction.
26:49 Et il est évident que le refus caractérisé de toute communication du contenu de cette enquête, qui a été tenue secrète,
26:57 laquelle était pourtant intimement liée à la poursuite à laquelle il faisait face, était de nature à lui causer un grief.
27:05 Lorsqu'enfin, devant le tribunal correctionnel, ces éléments ont finalement été versés à la procédure,
27:11 il a alors immédiatement formé une demande de nullité en dénonçant la déloyauté dont il avait été victime,
27:18 demande de nullité qui n'a pas manqué d'être déclarée irrecevable, sans examen au fond, tant en première instance qu'en appel,
27:27 sur le fondement précisément des dispositions de l'article 385 qui est aujourd'hui contesté devant vous.
27:35 Un mot tout de même sur ce point. En s'appuyant sur votre propre jurisprudence, on vous l'a dit, la Cour de cassation n'a guère hésité à vous transmettre la présente QPC.
27:48 Mieux, on vous l'a dit aussi, la question posée semble à ce point fondée en droit,
27:54 que les services de la Première ministre n'envisagent même pas de défendre les dispositions législatives contestées,
28:01 comme c'est pourtant systématiquement leur cas, mais vous proposent directement une réserve d'interprétation.
28:08 Et mieux que quiconque, vous savez à quel point cette prise de position de la part du SGG est exceptionnelle.
28:15 Et pourtant, lorsqu'elle a eu à connaître de cette même QPC, qui était alors posée par Nicolas Sarkozy,
28:24 la Cour d'appel de Paris n'a pas hésité à affirmer que celle-ci était dépourvue de tout caractère sérieux.
28:33 C'est dire les obstacles juridiques auxquels la défense de Nicolas Sarkozy a été confrontée,
28:38 comme l'attente de sa part de pouvoir obtenir de votre part la stricte application du droit.
28:47 Le droit, rien que le droit, mais tout le droit devant vous, comme n'importe quel justiciable,
28:55 M. Nicolas Sarkozy n'attend rien de plus, mais rien de moins.
29:01 Le deuxième point sur lequel j'aimerais attirer votre attention, et sur lequel il n'a pas encore été insisté,
29:07 est le fait qu'en aucune façon le droit pour la personne mise en examen qui existe
29:14 de contester la valeur probante des pièces de la procédure devant la juridiction de jugement
29:20 n'est de nature à pallier l'atteinte irrémédiable à ces droits que constitue l'irrecevabilité
29:27 de la demande de nullité qu'il a présentée postérieurement à l'ordonnance de renvoi.
29:33 Pourquoi vous dis-je cela ? Parce que tel a pu être anciennement le sens de la jurisprudence de la Chambre criminelle,
29:41 dont certaines décisions ont retenu, avant qu'intervienne votre décision du 23 avril 2021,
29:49 une forme d'approche globale de la procédure, et à ce titre que l'appréciation de la valeur probante d'une pièce
29:57 par les juges du fonds pouvait, dans certaines circonstances, compenser l'absence de contrôle de sa régularité.
30:05 Mais, et c'est important, et c'est d'ailleurs la raison du renvoi par la Chambre criminelle de la présente QPC,
30:10 tel n'est plus l'état du droit positif. Il faut distinguer clairement les deux voies procédurales
30:17 que sont d'un côté la contestation de la valeur probante des pièces nouvellement apparues devant la juridiction du jugement,
30:24 et de l'autre la possibilité de présenter une demande de nudité devant cette même juridiction de jugement.
30:30 Et il est désormais acquis que chacune de ces voies emporte des effets radicalement différents,
30:36 et que l'une ne peut en aucun cas compenser l'autre.
30:41 Vous l'avez d'ailleurs vous-même implicitement, mais clairement affirmé, dans votre précédent du 23 avril 2021,
30:49 quand vous avez relevé que l'annulation d'un acte en amont de la phase de jugement, je vous cite,
30:56 "garantit ainsi pour la personne mise en cause que cet acte, les éventuels éléments de preuve qui auraient permis de recueillir,
31:03 ne pourront pas être utilisés contre lui au cours de l'instruction, mais également par les juridictions de jugement en cas de renvoi devant cette dernière."
31:13 Le fait que les pièces qui justifient la cause de nudité soient finalement communiquées tardivement,
31:20 et à ce titre fassent l'objet d'une discussion contradictoire devant la juridiction de renvoi,
31:26 est donc parfaitement inopérant pour apprécier l'atteinte que porte la notion de purge des nudités
31:34 aux droits recours effectifs comme aux droits de la défense d'imprévu.
31:40 Le troisième, enfin, et le dernier point que j'aborderai est, comme mes confrères, celui des conséquences de la décision que vous rendrez.
31:50 Face au constat d'inconstitutionnalité de l'article 385 du Code de procédure pénale, on l'a vu, plusieurs options s'offrent à vous.
32:00 La première, et certainement la plus orthodoxe, est l'abrogation de cette disposition.
32:08 C'est d'ailleurs la voie que vous avez retenue dans votre décision du 23 avril 2021,
32:16 laquelle est toujours le modèle à suivre ici pour la résolution de la présente espèce.
32:22 Dans ce précédent, si vous avez modulé dans le temps les effets de votre censure,
32:27 ce qui était bien normal puisque vous n'alliez pas abroger tel quel l'article 181 du Code de procédure pénale,
32:33 pour autant, vous avez expressément prévu un régime transitoire dans l'attente de la modification législative,
32:42 permettant ainsi une application immédiate de la solution que vous consacriez à l'ensemble des requérants qui étaient victimes de cette violation.
32:54 De la même manière, ici, là encore, mutatis, mutandis, vous ne sauriez abroger avec un effet immédiat l'article 385,
33:06 sauf à réduire à néant l'ensemble du dispositif législatif relatif à la purge d'immunité.
33:12 Mais à l'instar de ce que vous avez décidé le 23 avril 2021, il vous appartient alors de retenir, je vous cite,
33:21 « La déclaration d'inconstitutionnalité pourra être invoquée dans les instances en cours ou à venir,
33:30 lorsque la purge d'immunité a été ou est opposée à un prévu. »
33:36 Et je vous renvoie ici au paragraphe 12 de votre décision du 23 avril 2021.
33:43 Là encore, on a bien du mal à concevoir comment vous pourriez vous départir de ce précédent.
33:52 Le secrétariat général du gouvernement vous propose néanmoins une autre voie, s'écartant de votre solution de 2021,
33:58 sans qu'il s'en explique d'ailleurs clairement pourquoi, il vous invite à procéder, on l'a vu, à une réserve d'interprétation
34:03 plutôt qu'à l'abrogation des dispositions contestées.
34:07 Objectivement, cette solution alternative ne nous semble pas la plus logique, en particulier en considération de l'état de votre jurisprudence.
34:15 Mais seriez-vous convaincu par cette proposition qu'en tout état de cause,
34:20 elle serait de nature à satisfaire les attentes de l'intervenant que je représente ?
34:27 En effet, l'enjeu évidemment pour Nicolas Sarkozy est de pouvoir bénéficier des effets concrets de votre jurisprudence.
34:37 Et en réalité, qu'importe, que cela soit par le biais d'un régime transitoire,
34:43 dans l'attente d'une modification législative des dispositions légales qu'il critique,
34:48 ou par celui d'une réserve d'interprétation de votre conseil,
34:52 laquelle s'imposerait nécessairement dans la procédure à l'occasion de laquelle ces droits fondamentaux ont été méconnus.
35:00 A ses yeux, comme je pense aux yeux de tous ceux qui se présentent aujourd'hui devant votre conseil,
35:07 seul le résultat compte, c'est celui de l'effectivité du constat de violation que prononcera votre conseil.
35:17 Et soyez assurés, il ne résultera aucun trouble, ni aucun désordre.
35:24 Vous aurez simplement assuré, comme cela est d'ailleurs votre office, la garantie des droits,
35:31 en imposant concrètement la juste réparation d'une injustice manifeste.
35:38 Merci.
35:40 Nous avons maintenant Maître Boulet, avocat au barreau de Paris, qui représente l'Association des avocats pénalistes, partie intervallante. Maître.
35:51 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,
35:58 quelques mots pour l'Association des avocats pénalistes qui vient ici vous rappeler que vos décisions ont une incidence bien sûr sur
36:06 les contentieux qui vous sont exposés aujourd'hui, mais qui ont également une incidence sur ce qui se passe tous les jours devant les tribunaux et devant les cours d'appel.
36:15 Cette situation, quasiment lorsqu'on la pose théoriquement de remand d'anticipation, c'est-à-dire que ce qui nous est soutenu, c'est qu'un prévenu doit,
36:23 avant même que des pièces lui soient versées, anticiper sur les éventuelles nullités.
36:27 Cette situation donc de remand d'anticipation, cette situation sidérante, est en fait une situation qui n'a rien d'exceptionnel.
36:34 Et après tout, l'audience qui nous réunit aujourd'hui le démontre, puisque ce n'est pas moins de trois affaires différentes dans les derniers mois
36:43 qui ont eu à connaître de ces versements inopportuns pour les avocats de la défense que je représente, d'un certain nombre de pièces par le parquet,
36:52 dans le cadre de procédures qui avaient apparemment fait l'objet d'une information judiciaire, c'est-à-dire de procédures qui,
36:58 sous le contrôle d'un juge d'instruction et dans un cadre contradictoire, auraient dû permettre dans un temps que nous-mêmes parfois avocats pénalistes
37:06 dénonçons comme un peu trop long, de réunir l'ensemble des éléments à charge et à décharge pour permettre au juge du fond de statuer le plus complètement possible.
37:15 Une situation qui n'a rien d'exceptionnel et une situation, force est de le constater encore aujourd'hui et notamment dans le cadre de cette audience,
37:22 qui a tendance à se répéter, alors que la défense, et notamment dans le cadre des trois affaires qui vous concernent aujourd'hui, n'a eu de cesse de dénoncer,
37:32 et on sait que la question du comportement du requérant, notamment en matière de purges d'inunité, peut avoir une importance sur la solution du litige,
37:41 en l'espèce, la défense n'a eu de cesse pendant plusieurs années de dénoncer ce qui lui était rapporté de façon non-non-officielle,
37:49 à savoir que des procédures étaient menées de façon parallèle par le ministère public, et que la moindre des choses, si ces procédures devaient avoir une incidence sur le fond du procès,
38:00 c'est qu'elles leur soient communiquées. Bien. Cette position donc a été totalement assumée par le parquet, qui a attendu la fin de la formation judiciaire,
38:08 la convocation des partis devant le tribunal correctionnel et devant la cour d'appel pour communiquer le résultat de ces enquêtes.
38:15 C'est une situation, et les avocats que je représente le regrettent, qui n'a pas eu l'air d'émouvoir particulièrement les juges du fond.
38:23 C'est-à-dire que ce qui vous est aujourd'hui soutenu, ce que la cour de cassation a bien voulu vous transmettre, a déjà été dénoncé devant le tribunal correctionnel,
38:34 a ensuite été dénoncé devant la cour d'appel de Paris, sans que les juges du fond fassent ce qui nous semble à nous, avocats pénalistes, et notamment du côté de la défense,
38:43 être la base et le fondement de leur rôle, qu'ils s'opposent, parce que c'est aussi ça le rôle d'un juge du fond, qu'ils s'opposent au comportement du ministère public,
38:54 ou même, soignez objectif, de l'une des deux parties qui s'opposent dans le cadre d'un procès pénal, si jamais ce comportement apparaît comme déloyal.
39:04 En l'espèce, les juges du fond ont considéré que la question posée, pourtant encore une fois sidérante pour les avocats que nous sommes,
39:12 ne présentait un caractère ni nouveau, ni sérieux. Alors, rapidement, parce que ça vous a déjà été développé, et encore une fois, ce dont je voudrais vous parler,
39:20 c'est de ce qui se passe au quotidien, en dehors de ces affaires emblématiques, parce qu'il faut bien imaginer que ce qui s'est fait dans le cadre de ces dossiers-là,
39:30 c'est-à-dire sous le regard des médias, sous le regard de l'opinion publique, alors que les tribunaux et les cours d'appel se savaient observer, se savaient décortiquer dans leurs décisions,
39:41 si vous laissez passer ce qui s'est passé dans le cadre de ces trois audiences-là, alors il n'y aura plus de barrière, et du point de vue des avocats que nous sommes,
39:49 vous donnerez, notamment au parquet, parce que c'est de ça dont on discute aujourd'hui, vous donnerez au parquet la possibilité de se comporter de façon parfaitement déloyale
39:59 dans le cadre de l'ensemble des procédures pénales qui, au quotidien, concernent peut-être des gens un peu moins prestigieux ou un peu moins connus,
40:07 mais en tout état de cause, font le quotidien de ce qu'est notre justice. On vous disait une question qui n'est pas nouvelle. Mon confrère Spinozzi en parlait un instant.
40:18 Ce sont notamment les arrêts de la Cour de cassation de 2011 et de 2013 qui avaient été mis en avant, où il était indiqué que, puisque la purge est destinée à éviter
40:27 une remise en cause tardive de la procédure, elle est justifiée par l'objectif constitutionnel de bonne administration de la justice, et que donc, en l'espèce,
40:34 la question qui se pose sur l'article 385 qui avait déjà été étudiée auparavant ne poserait aucune difficulté. Il me semble que c'est un argument parfaitement inopérant en l'espèce.
40:45 On reviendra pas là-dessus, notamment puisque la remise en cause tardive de la procédure n'est pas due au comportement du requérant.
40:52 Voilà quelqu'un qui n'a pas essayé de se cacher ou qui n'a pas, de façon dilatoire, retenu ses arguments. Voilà quelqu'un qui apprend au moment de son procès
41:01 qu'un certain nombre d'éléments ont été réunis à son encontre auparavant sans qu'il en ait eu connaissance. Sur le fait que la question ne soit pas sérieuse,
41:10 la Cour d'appel, notamment, dans sa décision de février 2023, indique que, peu importe, puisque la communication de ces pièces, d'abord, n'affecte pas la validité
41:24 de la procédure dont la Cour est saisie, puisqu'il s'agit de pièces issues d'une autre procédure, donc il ne serait pas question de discuter cette nullité-là,
41:31 puisque ça ne change rien à ce dont la Cour est saisie. Et ensuite, plus important, nous semble-t-il, parce que ces pièces, même si on ne peut pas en soulever la nullité,
41:41 resteraient soumises à la libre discussion entre les parties. Mon confrère Spinozzi vient de vous rappeler quelle est la différence entre le contentieux des nullités
41:50 et le contentieux de la discussion des preuves, et l'importance pour nous, mais l'importance pour les juges que vous êtes, de maintenir cette distinction.
41:57 Mais ce que je viens, moi, vous demander de constater, c'est qu'en l'espèce, le parquet n'est pas une partie comme les autres. On vient vous soutenir, donc,
42:06 que, peu importe que les pièces ne puissent pas faire l'objet d'une nullité, puisque, de toutes les façons, nous pourrons discuter la valeur probatoire devant le juge du fond.
42:14 Seulement, là, ce dont on discute, et j'aimerais que vous en ayez conscience dans le cadre de ce dossier-là, monsieur le Président, mesdames et messieurs les membres,
42:22 on ne discute pas de la remise d'un bulletin de paye juste avant de plaider la personnalité, on ne discute pas de la remise d'une attestation de moralité
42:29 ou l'actualisation d'un casier judiciaire, même par le parquet. Ce dont on discute là, c'est de la remise d'une enquête préliminaire, qui a donc été menée sous le contrôle du ministère public,
42:41 qui est partie à l'audience au fond, sous le contrôle du ministère public, une enquête qui a été menée par la force publique et qui, théoriquement, doit être soumise aux règles de procédure pénale
42:50 qui garantissent, vous le savez, le respect des libertés fondamentales. Donc, quand on vient vous soutenir que ça n'est pas grave parce qu'il peut y avoir une libre discussion
42:59 entre les partis sur la valeur probatoire de cette enquête préliminaire, on ne réalise pas quel est le fondement de cette enquête préliminaire
43:07 et qu'est-ce que ça signifierait d'admettre qu'une enquête préliminaire manifestement viciée, parce que c'est de ça dont on discute, même s'il ne nous appartient pas
43:17 de discuter sur ce que serait le résultat de cette requête en nullité, une enquête préliminaire manifestement viciée puisse survivre, parce que c'est ça qui a été soutenu
43:28 par les juridictions du Fonds, à partir du moment où on pourrait en écarter les éléments de preuve. Rappelons quand même que, dans ces trois procédures,
43:37 les notions dont il est question ne sont pas des notions totalement négligeables. On parle de l'indépendance de la justice, on parle de la question du secret professionnel,
43:44 on parle de la question des droits de la défense. Si vous ne censurez pas aujourd'hui cet article 385, et quand je dis censurer, évidemment, je parle d'abrogation
43:54 et pas de réserve d'interprétation. La réalité concrète, c'est qu'est-ce qui va se passer avec, notamment, l'enquête préliminaire dans le cadre du dossier
44:04 Sarkozy-Ardogues, dont vous savez que pour les avocats que nous sommes, elle a une résonance assez particulière, sachant qu'elle a été le comportement du ministère public.
44:13 Si vous ne censurez pas aujourd'hui l'article 385, si vous ne permettez pas au juge du Fonds de se prononcer sur les nullités qui ont été commises dans le cadre
44:22 de cette enquête préliminaire, mais alors, qui le fera ? En fait, on va admettre que le parquet a mené des investigations de façon irrégulière,
44:33 on va admettre qu'une procédure viciée ait été menée sous le contrôle du ministère public et communiquée à la libre discussion des partis,
44:41 mais que cette procédure ne sera jamais censurée. On parle d'écoute d'avocats, on parle de géolocalisation, on parle d'atteinte fondamentale
44:51 à nos règles procédurales les plus basiques. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs du Conseil, cette situation est parfaitement inacceptable
45:00 pour les avocats pénalistes, cette situation est évidemment parfaitement inacceptable pour les citoyens d'un état de droit. J'espère qu'aujourd'hui,
45:07 cette situation sera parfaitement inacceptable pour les juges que vous êtes.
45:11 Merci. Alors, pour la Première Ministre, M. Kambilem.
45:18 Merci, M. le Président. Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, pris dans sa généralité, le mécanisme de purge des nullités est conforme
45:28 à la Constitution. Vous avez ainsi eu l'occasion, dans les motifs de votre décision 326 d'essai du 11 août 1993, de décider que, nous citons,
45:37 « la purge par l'ordonnance de renvoi des vices dont peut être entachée la procédure n'est contraire à aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ».
45:44 Voyez donc le considérant 25 de cette décision 326 d'essai. Plus récemment, dans les motifs de votre décision 900 QPC, dont il a déjà été longuement question,
45:54 vous avez jugé que les dispositions des articles 170, 175 et 186 du Code de procédure pénale, qui permettent la contestation d'un élément de procédure
46:04 au cours de l'instruction, nous citons de nouveau, « garantissent à l'accusé la possibilité de contester utilement les nullités avant qu'intervienne la purge des nullités ».
46:13 Vous voyez le paragraphe 10 de cette décision 900 QPC. En matière correctionnelle, ce principe de purge des nullités est consacré par l'article 179 du Code de procédure pénale,
46:23 selon lequel l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, lorsqu'elle est devenue définitive, couvre les vices de la procédure.
46:31 L'article 385 du Code, qui est le seul objet de la présente question, dispose pour sa part que le tribunal correctionnel a qualité pour contester la nullité des procédures
46:41 qui lui sont soumises, sauf lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ou la chambre de l'instruction.
46:47 Ce mécanisme de purge des nullités a pour objet de rendre irrecevable devant la juridiction de jugement toute exception tirée de la nullité de la procédure antérieure à sa saisie.
46:56 L'article 385 du Code de procédure pénale prévoit toutefois deux exceptions à ce principe. Le deuxième alinéa prévoit que lorsque les conditions de notification de l'ordonnance de renvoi,
47:06 prévues par les articles 183 ou 217 du Code de procédure pénale, ou que les conditions formelles prévues par l'article 184 ne sont pas remplies,
47:14 alors le tribunal est tenu de renvoyer la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir la juridiction d'instruction afin de régulariser ses irrégularités.
47:24 Le troisième alinéa de l'article 385 prévoit une seconde exception au principe de la purge des nullités. Lorsque l'ordonnance de renvoi a été rendue sans que les conditions prévues par l'article 175
47:35 du Code de procédure pénale aient été respectées. En substance, il est soutenu devant vous que le législateur aurait dû prévoir une troisième exception à l'application du mécanisme de purge des nullités
47:47 lorsque le prévenu ne pouvait avoir connaissance des nullités de procédure avant la clôture de l'instruction. Les auteurs de la question ont dans cette omission une atteinte au droit au recours effectif,
47:58 tandis que les intervenants soulèvent également, au terme d'une argumentation similaire, un grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice.
48:07 La purge des nullités ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la justice et ce grief ne vous retiendra dans aucune de ces deux branches telles qu'elles sont soulevées par les intervenants.
48:18 Il est en préomnis du soutenu que l'absence de tempérament au principe de purge des nullités, lorsque les personnes prévenues ne peuvent avoir connaissance des mains de nullité avant la clôture de l'instruction,
48:27 révèlerait une différence de traitement entre l'ensemble des personnes prévenues ou accusées.
48:34 Mais ce grief ne pose en réalité pas réellement la question de l'application du principe d'égalité, mais ainsi sur la question de la privation du droit au recours.
48:44 Cette première branche du grief n'est en réalité qu'une reformulation du grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense.
48:50 Il est en second lieu soutenu dans une intervention que le principe d'égalité devant la justice serait méconnu dès lors que le mécanisme de purge des nullités n'existe pas en cas d'enquête préliminaire,
49:02 et ce alors même qu'en matière délictuelle, l'ouverture d'une instruction est facultative et relève du pouvoir discrétionnaire du procureur.
49:10 Mais il existe d'importantes différences procédurales entre l'enquête préliminaire et l'instruction,
49:15 différences qui sont même la raison d'être de cette architecture, de cette organisation de la procédure pénale.
49:21 Voir dans les distinctions procédurales entre enquête préliminaire et instruction une méconnaissance du principe d'égalité revient donc en réalité à remettre en cause l'existence même et la spécificité de l'instruction.
49:32 Surtout, et pour ce qui intéresse la présente question, une différence fondamentale tient au caractère contradictoire de l'instruction,
49:39 au cours de laquelle les nullités de procédure pourront être contestées dans un cadre contradictoire, temporellement encadré par le législateur.
49:46 Un tel contradictoire n'existe pas dans le cadre de l'enquête préliminaire, ce qui justifie, pour le respect des droits de la défense, que les nullités puissent alors être évoquées lors de l'audience au fond.
49:56 Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité pourra donc être écarté dans ces deux branches.
50:02 En ce qui concerne le grief principal tiré de la méconnaissance du droit au recours effectif et des droits de la défense,
50:09 il résulte de votre jurisprudence que pour la poursuite de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice,
50:14 le législateur peut limiter l'accès au juge à condition toutefois que les personnes intéressées puissent être à même de faire valoir leurs droits.
50:22 Pour le résumer en une phrase, le droit au recours juridictionnel effectif suppose qu'à un moment ou un autre, le justiciable ait été en mesure de contester juridictionnellement l'acte jugé irrégulier.
50:35 Vous avez ainsi jugé par exemple que le fait que la prescription soit opposée à une personne qui n'avait pas eu connaissance de sa condamnation
50:41 portait une atteinte excessive au droit au recours juridictionnel effectif.
50:45 Vous voyez votre décision 712 QPC du 8 juin 2018, particulièrement son paragraphe 13.
50:52 Vous avez également censuré le mécanisme de la purge des nullités en matière criminelle, il s'agissait du 4e mais linéaire de l'article 181 du code de procédure pénale,
51:00 dans la mesure où les dispositions contestées ne prévoyaient, nous citons le paragraphe 12 de votre décision 900 QPC,
51:06 donc elles ne prévoyaient aucune exception à la purge des nullités en cas de défaut d'information de l'intéressé,
51:12 ne lui ayant pas permis de contester utilement les irrégularités de procédure,
51:16 et alors même que cette défaillance ne possède pas d'une manœuvre de sa part ou de sa négligence.
51:22 Il faut également relever que le législateur a prévu, aux articles 173-1 et 174 du code de procédure pénale,
51:29 des mécanismes de fortclusion des nullités au cours de l'instruction, qui ne sont toutefois opposables,
51:35 que dans le cas où la personne concernée a pu en avoir connaissance.
51:41 Il résulte donc tant de votre juridique prudence que du mécanisme de fortclusion des nullités tel qu'il est prévu par le code des procédures pénales,
51:47 que pour le respect du droit au recours effectif, l'article 385 du code de procédure pénale doit être compris,
51:53 comme permettant à la personne ne pouvant avoir connaissance au préalable des moyens de nullité soulevés,
51:59 d'en faire directement état illiminalitis devant la juridiction du jugement,
52:04 et sans que ne puisse lui être opposé le principe de la purge des nullités.
52:09 Je vous incite en ces termes à déclarer les dispositions de l'article 385 du code de procédure pénale conformes à la Constitution.
52:16 Merci. Alors, est-ce qu'il y a des questions de la part d'un de mes collègues ?
52:24 Madame Malbec, je vous en prie.
52:27 Oui, merci, M. le Président. Tout à fait à titre informatif, si M. Canguilhem pouvait nous dire le nombre de procédures
52:34 qui arrivent devant le tribunal correctionnel et qui ont fait l'objet d'une information, et la proportion que ça représente.
52:40 Je ne suis pas sûre, parce qu'on a eu quelques chiffres sur le PNF, mais je ne suis pas sûre qu'on puisse faire en sorte que ce soit applicable à toutes.
52:49 Alors là, je ne peux pas vous donner ces chiffres, je m'en doute.
52:53 Alors, pour être sûr de bien répondre à votre demande, le nombre de...
52:57 Le nombre de procédures qui passent devant le tribunal correctionnel et qui ont fait l'objet d'une ouverture d'information,
53:04 et la proportion que ça représente par rapport à l'ensemble.
53:07 Merci.
53:12 Merci. Autre question ? Non ? Très bien.
53:17 Alors, nous allons regarder tout cela et rendrons notre décision dans neuf jours.
53:22 Le jeudi, non pas après-demain, mais le jeudi en huit, dans l'après-midi.
53:27 L'audace est levée. Bonne journée à tous.
53:30 Merci.
53:31 [SILENCE]

Recommandations