Les herbiers marins - Précieuses sources de vie _ ARTE

  • il y a 4 mois
Essentiels au maintien de la biodiversité et dotés de superpouvoirs, les herbiers marins sont menacés par le réchauffement climatique, la surpêche et la pollution.

Présents dans la plupart des mers du globe, les herbiers marins sont parfois considérés comme des herbes encombrantes dont les feuilles mortes jonchent les plages. Pourtant, ces plantes à fleurs – qui ne sont pas des algues – possèdent des superpouvoirs. Formant de vastes prairies sous-marines, les herbiers marins protègent les côtes de l’érosion et constituent les plus grandes réserves de… sucre de la planète. Habitat privilégié de nombreux organismes vivants, ils jouent également un rôle essentiel dans la purification de l’eau et absorbent autant de gaz à effet de serre que la forêt tropicale. Essentiels au maintien d’une biodiversité menacée, les herbiers marins sont à leur tour menacés par le réchauffement climatique, la surpêche et la pollution.

Propriétés méconnues

Engagé pour la préservation de l’environnement, le réalisateur allemand Florian Guthknecht se penche ici sur les propriétés exceptionnelles et méconnues de ce qui pourrait bien être le plus ancien organisme vivant de la planète. Avec pédagogie et conviction, il montre comment des scientifiques s’engagent pour préserver ce précieux protecteur de la biodiversité marine.

Category

People
Transcript
00:00 C'est grâce à de minuscules graines comme celle-ci que sont apparus les organismes vivants
00:14 les plus anciens de notre planète.
00:16 Les herbiers marins.
00:18 Ils assainissent les mers, régulent le climat mondial, nous préservent des maladies et
00:25 constituent un maillon essentiel pour des dizaines de milliers d'espèces.
00:28 A l'instar de leurs sœurs terrestres, ces plantes aquatiques perdent leurs feuilles
00:34 mortes, protégeant ainsi les écosystèmes côtiers.
00:37 Autant de raisons qui poussent les scientifiques à s'engager et à développer de toutes
00:45 nouvelles approches pour mieux comprendre et sauver ces prairies sous-marines, aussi
00:50 mystérieuses que vitales.
00:51 Tout comme les récifs coralliens ou les forêts tropicales, les herbiers marins regorgent
01:17 de vie.
01:18 Environ 10 millions d'organismes peuplent cette prairie sous-marine, pourtant plus petite
01:23 qu'un terrain de football.
01:24 Les feuilles de ces plantes à fleurs mesurent parfois plus de 2 mètres de long et servent
01:30 autant de zones de reproduction que de nurseries pour de nombreuses créatures marines.
01:34 Chaque année, des espèces comme l'araignée de mer vont s'installer dans ces prairies
01:40 pour y pondre leurs œufs.
01:41 Leur progéniture vivra ensuite dans cette eau peu profonde pendant deux ans environ.
01:46 Les herbiers marins, aussi appelés austères, occupent une superficie de plus de 300 000
01:56 kilomètres carrés à travers le globe.
01:58 Nicole Dubillier est spécialiste en biologie marine.
02:02 Au large de l'île d'Elbe, dans l'archipel toscan, elle étudie notamment l'importance
02:10 des plantes aquatiques pour l'écosystème terrestre.
02:12 Les plantes terrestres ont réussi à s'adapter au milieu aquatique au moins trois ou quatre
02:20 fois au cours de leur évolution.
02:22 Les fortes concentrations en sel sont un défi pour ces végétaux, mais on voit qu'ils
02:28 sont capables de développer différentes stratégies biologiques pour occuper un habitat.
02:33 La filiation génétique avec les plantes terrestres se donne à voir chaque année
02:41 lorsque, comme les arbres, les herbiers marins perdent leurs feuilles mortes.
02:45 Broyées par la houle, elles finissent par s'échouer sur les côtes.
02:51 Les feuilles mortes s'accumulent ainsi le long du rivage.
02:55 Elles forment parfois des couches de plusieurs mètres de haut qui protègent les plages
03:00 des tempêtes automnales.
03:01 Sans les herbiers marins, de nombreux lieux de baignade seraient menacés de disparition.
03:07 Il arrive aussi que les feuilles mortes et phylochées s'agglomèrent pour former des
03:13 égagropiles ou pelotes de mer.
03:16 Ces petites boules entraînent avec elles des matières plastiques et sont donc un bon
03:21 indicateur de l'état de pollution des mers.
03:24 Chaque année, des centaines de tonnes de microplastiques contenus dans les égagropiles
03:29 s'échouent sur les plages.
03:31 Les austères se reproduisent de deux manières, sexuées et asexuées.
03:39 Dans le premier cas, les plantes fleurissent, puis produisent des graines et des fruits.
03:45 La posidonie de Méditerranée, par exemple, fleurit en automne, puis produit au printemps
03:52 des fruits qui peuvent atteindre la taille d'une olive.
03:54 Ces fruits sont riches d'une substance huileuse leur permettant de flotter.
04:04 Ils peuvent dériver à la surface de l'eau pendant plusieurs mois.
04:09 Avec de la chance, les graines des posidonies fondront une nouvelle prairie sous-marine,
04:21 parfois très loin de leur lieu d'origine.
04:23 Encore faut-il qu'elle ne se fasse pas dévorer par un poisson, et qu'elle trouve un bon
04:29 substrat.
04:30 Cette stratégie de reproduction a permis aux herbiers marins de s'étendre des tropiques
04:42 jusqu'au cercle arctique.
04:43 Mais pour créer des prairies aussi denses, de plusieurs dizaines de kilomètres carrés,
04:49 les austères misent sur la reproduction asexuée, autrement dit en se clonant via l'allongement
04:56 de leurs tiges souterraines.
04:57 Si cette méthode est beaucoup plus lente, elle représente un parfait complément à
05:03 la reproduction sexuée.
05:04 Certaines prairies sous-marines ainsi clonées atteignent l'âge de 80 000 ans, et feraient
05:12 ainsi partie des organismes vivants les plus anciens de notre planète.
05:15 Les herbiers marins sont aujourd'hui strictement protégés.
05:22 Pour mener à bien ces recherches, Nicole Dubillier a dû solliciter une autorisation
05:28 spéciale.
05:29 L'état des austères la préoccupe beaucoup.
05:34 C'est terrible.
05:39 Les prairies sous-marines sont menacées dans le monde entier.
05:43 On estime qu'environ 7% des austères disparaissent chaque année.
05:48 C'est équivalent à la perte des récifs coralliens.
05:51 Les herbiers marins sont aussi importants que les coraux.
05:55 Leur protection est un enjeu vital.
05:57 Leur double mode de reproduction n'est malheureusement pas un gage de survie.
06:04 Pour assurer leur existence, les plantes aquatiques ont dû développer d'autres stratégies.
06:09 Elles produisent par exemple énormément de biomasse, même dans des conditions défavorables.
06:14 Ce qui est fascinant, c'est que les herbiers marins poussent dans des déserts de sable,
06:22 pauvres en nutriments, là où beaucoup d'autres espèces sont incapables de se développer.
06:27 Mais pourquoi prolifèrent-ils à tel endroit, alors que dix mètres plus loin il n'y a
06:32 rien ? Mystère.
06:36 Même après des années de recherche, ces plantes aquatiques réservent encore bien
06:42 des surprises.
06:43 On a longtemps cru que les herbiers ne poussaient que dans des eaux peu profondes.
06:47 Mais récemment, une espèce originaire des Caraïbes a été découverte à plus de 80
06:52 mètres sous la surface de l'eau.
06:55 Pour percer le secret de ces super-plantes, Nicole Dubillier s'est mise depuis peu à
07:01 la plongée.
07:02 Les herbiers marins sont magnifiques.
07:07 Quand on plonge ici, on a l'impression de survoler une forêt tropicale.
07:12 Mais cette atmosphère n'est paradisiaque qu'en apparence.
07:20 Les eaux sterres sont menacées par les algues qui colonisent leurs feuilles.
07:24 Heureusement, les plantes aquatiques peuvent compter sur les escargots de mer et certains
07:30 poissons pour les en débarrasser.
07:31 Ces espèces animales préservent cet écosystème unique, tout en mangeant à leur faim.
07:41 Une vie aussi foisonnante attire forcément bien des prédateurs.
07:48 Dans les profondeurs marines, les barracudas ne sont pas les seules en quête de nourriture.
07:53 La lutte pour la survie concerne tout le monde.
07:58 Il suffit par exemple à cette étoile de mer d'expulser des oeufs ou du sperme pour
08:03 attirer un triton géant, caché en embuscade.
08:06 L'impressionnant mollusque n'a qu'à attendre que sa proie quitte son repère pour aussitôt
08:16 se lancer à sa poursuite.
08:17 L'étoile de mer n'a aucune chance.
08:27 Mais le triton géant, tout comme cette grande nacre mesurant plus d'un mètre, sont eux
08:35 aussi menacés.
08:36 Car depuis quelques années, de nombreuses espèces animales se font de plus en plus
08:41 rares dans les eaustères.
08:43 L'émergence de nouveaux agents pathogènes perturbe l'équilibre des herbiers marins
08:49 et a provoqué une véritable hécatombe de la faune sauvage.
08:52 Nicole Dubillier va analyser les échantillons prélevés au fond de l'eau.
08:58 On peut installer notre laboratoire presque partout.
09:02 On improvise.
09:03 L'essentiel, c'est d'avoir un endroit où on peut barboter dans l'eau de mer sans
09:07 avoir d'ennuis avec le propriétaire.
09:08 Pour produire autant de biomasse dans des déserts sous-marins, les eaustères doivent
09:14 disposer d'un engrais naturel.
09:15 Comme les plantes terrestres, les herbiers marins pratiquent la photosynthèse.
09:19 Ils transforment donc la lumière du soleil en glucose.
09:22 Que font-ils ensuite avec cette source d'énergie ?
09:24 On va maintenant disséquer la plante pour voir comment se répartissent les composés
09:30 organiques qu'on appelle aussi métabolites.
09:33 Est-ce qu'on va trouver davantage de métabolites dans la partie supérieure de la plante ou
09:39 dans les racines ? On va voir ça.
09:43 Les recherches se poursuivent à l'Institut Max Planck de Brême.
09:47 Les bactéries pourraient-elles aider les plantes aquatiques à produire le fameux
09:51 engrais naturel ? Pour l'heure, cette association biologique est encore difficile à prouver.
09:57 Les microscopes à fluorescence rendent certes les bactéries visibles, mais ces dernières
10:03 se ressemblent énormément.
10:04 L'identification des différentes espèces bactériennes reste une tâche complexe.
10:09 On a développé une sonde qui permet de marquer les symbiotes qui nous intéressent.
10:17 On ajoute un colorant fluorescent et on examine le tout au microscope.
10:23 On peut ainsi distinguer notre symbiote de toutes les autres bactéries.
10:28 Cette sonde et le microscope à fluorescence permettent de révéler des dizaines d'espèces
10:35 de bactéries.
10:36 On peut vraiment voir chaque cellule bactérienne.
10:39 C'est très beau.
10:40 Mais pendant de longues années, la fonction précise de chacune de ces bactéries restera
10:48 un mystère.
10:49 Malgré le développement de nouveaux dispositifs expérimentaux, la recherche piétine.
10:56 L'analyse des plantes révèle une concentration élevée d'azote au niveau des feuilles.
11:02 Comme les austères sont incapables de produire seul cet élément, une hypothèse s'impose.
11:08 Ce sont les bactéries qui doivent participer au bon développement de la plante.
11:13 L'énigme n'est résolue qu'en 2021, lorsque le biochimiste brémois Marcel Kuipers détourne
11:19 un appareil destiné à l'origine à la recherche spatiale.
11:23 Grâce à la spectrométrie de masse, le scientifique est le premier à analyser les bactéries
11:28 des herbiers marins en les grossissant pas moins de 50 000 fois et en les nourrissant
11:33 d'azote pour étudier leur métabolisme.
11:35 Cette machine a la bonne résolution pour déterminer la composition élémentaire et
11:41 isotopique de chaque cellule.
11:43 Et cela nous permet ensuite de mesurer l'activité de tous ces différents micro-organismes.
11:47 Et ça, c'était impossible avant le développement de cet appareil.
11:50 Grâce à cette avancée technologique, les scientifiques ont pu prouver que dans un environnement
11:57 pauvre en nutriments, les plantes aquatiques se développaient en produisant un engrais
12:01 grâce à une symbiose avec les bactéries.
12:03 Les herbiers marins absorbent le dioxyde de carbone présent dans l'eau et le transforment
12:15 en glucose à l'aide de la lumière du soleil.
12:17 Pendant ce temps, dans les racines des plantes, les bactéries fixent l'azote du sable et
12:22 le transforment en ammonium.
12:24 L'échange peut alors commencer.
12:26 La plante est fertilisée grâce à l'ammonium et la bactérie nourrit grâce au glucose.
12:32 En été, au moment où la croissance des plantes aquatiques est la plus forte, la totalité
12:40 de leurs besoins en azote peut être assurée par les bactéries.
12:43 Ces organismes qui vivent en symbiose avec les austères leur fournissent tout l'azote
12:47 dont elles ont besoin pendant la période estivale.
12:49 Les austères absorbent de grandes quantités de dioxyde de carbone et auraient ainsi un
12:59 impact bien plus important sur le climat mondial qu'on ne le pensait jusqu'alors.
13:02 Un mètre carré d'herbiers marins absorbent autant de CO2 qu'un mètre carré de forêt
13:13 tropicale.
13:14 Grâce à l'engrais qu'elles produisent, les plantes aquatiques ont créé un écosystème
13:20 unique dans toutes les mers du monde.
13:22 Certaines espèces d'herbiers, comme ici dans la mer Rouge, possèdent de toutes petites
13:27 feuilles et poussent à intervalles très espacés.
13:29 Les raies pastenagues à taches bleues affectionnent ces prairies sous-marines, où elles trouvent
13:36 de la nourriture en abondance.
13:38 Dans les mers chaudes, les austères constituent à la fois un refuge et une source d'alimentation
13:44 pour de nombreux animaux.
13:45 Les lamantins, par exemple, se nourrissent quasi exclusivement de plantes aquatiques,
13:51 des feuilles à la racine, et en consomment jusqu'à 40 kilos par jour.
13:54 Les austères sont également un complément au régime alimentaire des tortues marines.
14:02 Un mystère est à peine résolu qu'une nouvelle énigme se pose à la communauté scientifique.
14:12 Comment ces plantes gèrent-elles l'excès de lumière ? Les herbiers se mettent-ils
14:19 en danger en surproduisant du glucose et donc en suralimentant leurs bactéries productrices
14:24 d'ammonium ?
14:26 Lorsqu'il y a beaucoup de lumière, les plantes produisent beaucoup de sucre.
14:32 Or, l'excès de glucose est néfaste pour les cellules.
14:35 Leur équilibre osmotique est mis à mal lorsque ce glucose reste trop longtemps dans les cellules.
14:42 Le sucre agirait donc comme un poison pour les cellules.
14:45 Retour sur l'île d'Elbe.
14:49 Nicole Dubillier veut prouver que les austères libèrent leur excédent de sucre dans les
14:53 sédiments marins.
14:54 Mais comment le démontrer dans un écosystème aussi salé ?
14:57 Il n'y a pas d'outil tout fait pour faire cette expérience et prélever de l'eau interstitielle.
15:03 On a dû fabriquer un instrument avec du matériel acheté dans un magasin de bricolage, notamment
15:09 des fermoirs en plastique et du scotch.
15:11 Et on a ajouté une pointe métallique au bout pour pouvoir mieux accéder aux sédiments
15:16 solides.
15:17 C'est avec ce système que l'on va prélever nos échantillons.
15:20 Opération réussie.
15:29 Nicole et son équipe sont parvenues à prélever de l'eau interstitielle contenue dans les
15:33 cavités du sol sous les plantes.
15:35 Problème ? Les échantillons sont évidemment salés.
15:38 Un nouveau procédé complexe et récemment mis au point a permis de purifier les échantillons.
15:46 Et le résultat des analyses est tout bonnement stupéfiant.
15:49 Les réserves de sucre stockées sous les herbiers seraient colossales et représenteraient
15:54 globalement plus d'un milliard de kilos.
15:57 Cette découverte soulève de nouvelles interrogations.
15:59 Quand on a vu pour la première fois ces énormes pics de sucre, on a été très surpris.
16:06 En règle générale, les micro-organismes raffolent des glucides.
16:11 On s'est donc bien sûr demandé pourquoi ils ne décomposaient pas ces montagnes de
16:17 sucre.
16:18 Les scientifiques mettront plusieurs mois avant de résoudre l'énigme.
16:23 Les herbiers produisent d'énormes quantités d'une substance amère qui est libérée
16:34 dans les fonds marins, parallèlement à leur excédent de sucre.
16:37 Ces métabolites, appelées phénols, empêchent les micro-organismes de dégrader les glucides.
16:44 Les plantes se protègent ainsi car si les micro-organismes décomposaient tout l'excédent
16:48 de sucre, la qualité des sols se dégraderait et les herbiers en pâtiraient.
16:53 Ces énormes réserves de glucides stabilisent le climat mondial car elles contiennent du
17:03 dioxyde de carbone.
17:04 Les austères stockent donc non seulement le CO2 dans leurs feuilles et leurs racines,
17:11 mais aussi dans le sol.
17:12 Malheureusement, les herbiers marins sont menacés par le réchauffement climatique.
17:24 Les feuilles, affaiblies par les températures trop élevées, sont colonisées par les algues
17:30 et ne sont plus en mesure d'absorber la lumière du soleil pour nourrir leurs bactéries.
17:34 Les austères doivent aussi faire face aux polluants d'origine humaine déversés en
17:40 mer.
17:41 En outre, de moins en moins de lumière du soleil parvient jusqu'aux austères.
17:51 L'érosion et la bétonisation des littoraux troublent l'eau de mer.
17:56 Un manque d'énergie lumineuse qui entrave le processus de photosynthèse.
18:00 « En détruisant les herbiers marins, on contribue à libérer les montagnes de sucre
18:07 présentes dans le sol.
18:09 Une énorme quantité de CO2 est alors rejetée en très peu de temps.
18:14 Le gaz à effet de serre se dissipera dans l'atmosphère.
18:18 À long terme, la disparition des prairies sous-marines est encore plus dommageable,
18:24 car ces écosystèmes fixent beaucoup plus de CO2 que les glucides dans l'hiver.
18:30 »
18:31 L'activité industrielle et le changement climatique ne sont pas les seuls responsables.
18:35 Partout dans le monde, vacanciers et amateurs de sport nautique détruisent sans forcément
18:41 s'en rendre compte ces précieuses prairies, que ce soit en les piétinant ou en jetant
18:46 l'encre d'un bateau.
18:47 Tous ces facteurs fragilisent les herbiers marins.
18:59 Le résultat est aussi visible sur les plages, où les graines et les fruits des plantes
19:05 s'échouent de plus en plus souvent.
19:06 Ce phénomène est normal, mais pas à cette échelle.
19:10 Sur la terre ferme, les arbres malades vont produire davantage de graines pour sauver
19:16 leur espèce.
19:17 Leurs cousins aquatiques font de même.
19:20 « Il y a encore dix ans, il était rare de voir des graines fleurir et se développer
19:31 sur la plage.
19:32 Mais depuis quelques années, c'est beaucoup plus fréquent.
19:35 Ça prouve que les plantes sont davantage stressées.
19:38 On pourrait penser que c'est une bonne chose de voir ces graines germer.
19:41 Mais la question est de savoir si elles vont réussir à se développer et à former de
19:46 nouvelles prairies sous-marines.
19:47 » Stefano Acunto est chercheur et tente de remédier
19:57 à ce phénomène.
19:59 Avec son équipe, il collecte les graines échouées sur les plages et replante les
20:04 herbes arrachées suite à des travaux de construction, au mouillage des encres ou
20:08 à l'action des vagues.
20:09 Chaque plante est taillée pour qu'elle puisse repousser plus rapidement.
20:23 « Cette méthode a été développée en France et a été depuis sans cesse améliorée.
20:30 On est plusieurs scientifiques à l'appliquer.
20:33 Et on s'échange tout le temps des conseils pour la perfectionner.
20:36 » Entre autres conseils, le recours à un allié
20:42 précieux, les nattes en fibre de noix de coco.
20:45 Fixée au sol, ce tissu 100% végétal et biodégradable protège les plantes et les
20:53 graines grâce à ses grandes mailles.
20:55 Mais l'opération est fastidieuse.
20:57 En une heure, un plongeur ne peut traiter qu'une surface de 10 mètres carrés.
21:01 Ce projet a pourtant fourni de nouvelles connaissances aux scientifiques.
21:04 « Au début de sa croissance, la plante se développe vers le haut.
21:10 Ce n'est qu'une fois qu'elle est suffisamment robuste qu'elle se met à pousser sur les
21:13 côtés.
21:14 L'important pour les prairies sous-marines, c'est qu'un maximum de surface soit recouverte.
21:20 Mais il faut attendre 4 ans pour qu'une plante pousse de manière latérale.
21:26 C'est fascinant.
21:28 C'est un sacré effort.
21:31 En tout, on était 6 plongeurs.
21:33 Mais il n'y a pas d'autre solution.
21:36 Il faut en passer par là.
21:37 » Les îles Balear sont entourées de prairies
21:44 humaines qui pourraient bien être les plus anciennes de la planète.
21:47 Celle située entre Ibiza et Formentera aurait près de 80 000 ans.
21:52 Elle renferme aujourd'hui encore bien des secrets.
21:55 Ces écosystèmes engloutis cachent également des paysages sonores difficilement audibles
22:01 pour l'oreille humaine.
22:02 La seule manière de les percevoir est de s'en approcher avec un tuba sans bouteille
22:06 d'oxygène.
22:07 « Le mieux, c'est de rester en apnée, d'éviter de respirer.
22:11 Il faut que ce soit calme autour.
22:13 Le mieux, c'est à l'aube et au crépuscule, quand il n'y a pas beaucoup d'agitation.
22:17 C'est là où on peut entendre le bruit des poissons.
22:19 Après, ce sont des sons assez faibles, mais on peut les entendre avec notre oreille.
22:23 » Les habitants des épaisses prairies sous-marines
22:27 passent facilement inaperçus.
22:28 Grâce à une nouvelle approche, Marine Etève, chercheuse en écoacoustique, entend bien
22:34 rendre cette faune audible et ainsi découvrir si ses écosystèmes se portent bien.
22:38 Conseillée par le biologiste Lorenzo Bramanti, la chercheuse a recréé le paysage sonore
22:45 sous-marin de manière tridimensionnelle, à l'aide de quatre microphones, positionnés
22:49 chacun à une hauteur et à une distance donnée.
22:52 Les micros fonctionnent simultanément, de sorte qu'ils puissent localiser tous les
22:58 sons.
22:59 Les poissons communiquent entre autres par des grognements et des cliquetis.
23:07 Et si ces créatures sont douées pour se cacher, elles ne pourront échapper à l'enregistrement
23:13 des microphones.
23:14 Pour communiquer sous l'eau, d'autres espèces animales utilisent leurs pinces ou leurs
23:31 antennes.
23:32 « Il y a plusieurs façons.
23:34 En général, ils vont utiliser la vessie natatoire, c'est leur poche de gaz, ce qui
23:38 leur permet de monter ou de descendre dans la colonne d'eau.
23:40 Ils font vibrer les muscles très fort et ça va amplifier le son, comme un tambour.
23:44 Sinon, il y a d'autres espèces, c'est du frottement, comme les dents.
23:48 Ils frottent leurs dents, ça fait du bruit.
23:49 » Pour retranscrire les paysages sonores le
23:55 plus fidèlement possible, les chercheurs ont disposé les micros avec une extrême précision.
24:00 Six jours durant et sans interruption, ces appareils enregistreront le moindre bruit
24:12 émis dans les austères.
24:13 Les plongeurs se hâtent de remonter à la surface.
24:18 Il ne s'agirait pas d'effrayer les objets de leur recherche.
24:22 Ces longs enregistrements ont fourni de nouvelles informations aux scientifiques.
24:32 Ainsi, dès le coucher du soleil, de nombreuses espèces nocturnes, invisibles en journée,
24:39 rejoignent les herbiers marins.
24:41 Pour l'heure, il est encore compliqué d'attribuer un son à un animal précis.
24:47 Mais ce qui est certain, c'est que le paysage sonore des austères varie considérablement
24:54 selon l'heure du jour.
24:55 Les rascasses ont attiré l'attention des chercheurs.
25:01 Car dès la nuit tombée, ces poissons se font entendre avec force démonstration vocale.
25:06 La rascasse, elle va chanter très fort et tous en même temps, entre 20h20 et 20h30,
25:36 jusqu'à minuit, on va entendre qu'eux.
25:40 C'est comme les grenouilles dans une mare.
25:42 Ils vont tous chanter en même temps et on va entendre qu'eux.
25:45 Donc oui, il y a certaines espèces qui ont vraiment des horaires précises pour une activité.
25:50 L'objectif n'est pas seulement d'étudier le comportement propre à chaque espèce.
25:55 Le projet contribuera également à déterminer à grande échelle l'état de santé des
26:00 prairies sous-marines.
26:01 Car plus un milieu grouille de vie, et donc de bruit, plus il est sain.
26:06 Cette prairie est particulièrement silencieuse.
26:11 Signe d'une mauvaise santé de l'écosystème et d'une biodiversité en berne.
26:16 Les bruits à la surface, en revanche, se multiplient.
26:19 Et ces nuisances font fuir les habitants des herbiers marins, qui souffrent eux aussi
26:24 de l'activité humaine.
26:25 Les plantes, elles ne bougent pas.
26:27 Elles ne peuvent pas fruir le bruit.
26:28 Et les bateaux, ça fait énormément de bruit.
26:30 Et en fait, ce bruit, dans les basses fréquences, tout le temps, tout le temps, tout le temps,
26:34 ça va impacter les pocidonies.
26:36 Ça a été montré, en fait, ça touche leurs racines dans leurs structures.
26:39 Et du coup, la plante, elle va avoir du mal à pousser, à se régénérer.
26:43 Ça attaque vraiment la vitalité de la plante.
26:45 Partout dans le monde, les 66 espèces d'herbiers marins connues à ce jour sont menacées par
26:54 ce phénomène.
26:55 Et c'est aussi le cas ici, dans la mer Baltique, pour une variété endémique de zoster.
27:00 Mais cette mer intérieure, quasiment isolée de l'océan Atlantique, est aussi une aubaine
27:13 pour les scientifiques.
27:14 L'environnement de la Baltique est fascinant.
27:18 Là-bas, au-delà du cinquantième parallèle nord, une seule espèce est à l'origine,
27:24 à elle seule, de tout un écosystème très diversifié.
27:27 Cette contradiction me passionne.
27:30 Cette contradiction, ça fascine.
27:31 Ça me fascine.
27:32 Ça me fascine.
27:33 C'est un phénomène qui me fascine.
27:34 C'est un phénomène qui me fascine.
27:35 C'est un phénomène qui me fascine.
27:36 C'est un phénomène qui me fascine.
27:37 C'est un phénomène qui me fascine.
27:38 C'est un phénomène qui me fascine.
27:39 C'est un phénomène qui me fascine.
27:40 C'est un phénomène qui me fascine.
27:41 C'est un phénomène qui me fascine.
27:42 C'est un phénomène qui me fascine.
27:43 C'est un phénomène qui me fascine.
27:44 C'est un phénomène qui me fascine.
27:45 C'est un phénomène qui me fascine.
27:46 C'est un phénomène qui me fascine.
28:12 C'est un phénomène qui me fascine.
28:41 Pour mieux comprendre les effets du réchauffement climatique sur les eaux sterres, l'Institut
28:46 Guéomart de Kiel a lancé une opération unique au monde.
28:49 Depuis plus de 15 ans, Philippe Schubert et Thorsten Reusch cartographient les prairies
28:55 sous-marines à l'aide d'une caméra spécialement développée à cet effet.
28:58 Et leur projet est titanesque.
29:00 Quand j'ai commencé cette mission en 2010, je n'imaginais pas du tout l'ampleur de la
29:12 tâche.
29:13 On y travaille déjà depuis plus de 10 ans, parce qu'il y a quasi 500 kilomètres de
29:16 côte dans le Chlèsvik-Holstein.
29:17 L'avantage de notre caméra, c'est qu'elle est reliée au système électrique du bateau.
29:22 On la traîne derrière nous tout en visualisant en direct ce qu'elle est en train de filmer.
29:26 Comme ça, on peut cartographier les fonds marins 8 à 10 heures d'affilée par jour,
29:30 ce qui serait impossible avec une autre méthode.
29:32 Cette caméra est également dotée d'une technologie laser, gage de précision.
29:44 Afin de documenter la taille exacte des prairies sous-marines, les scientifiques parcourent
29:50 chaque jour un itinéraire planifié à l'avance grâce à un signal GPS.
29:55 Tous les cinq ans, Philippe Schubert et Thorsten Reusch reviennent aux mêmes endroits pour
30:03 renouveler les mesures et constater une éventuelle évolution des austères.
30:07 Une prairie des environs avait par exemple entièrement disparu.
30:18 Je pensais qu'elle mettrait des décennies à se régénérer.
30:21 Mais en trois ou quatre ans, elle a réapparu.
30:24 Alors certes, elle n'est plus aussi dense qu'avant, mais ça donne de l'espoir.
30:28 D'un autre côté, ça illustre l'extrême fragilité de ces écosystèmes.
30:33 Pourtant, même cette technologie de pointe présente des inconvénients.
30:38 Les côtes du Schleswig-Holstein sont sableuses, mais on tombe parfois sur d'énormes pierres.
30:48 Il faut l'anticiper et appuyer sur le champignon pour éviter que la caméra ne les heurte.
30:53 Dans la mer Baltique, la destruction des austères est alarmante.
30:58 Près de 60% des prairies sous-marines y ont disparu en l'espace d'un siècle.
31:03 L'agriculture en est la principale responsable.
31:07 Certains champs s'étirent jusqu'à la côte.
31:09 Toujours plus de polluants et de nutriments sont déversés dans la mer, favorisant le développement des algues.
31:14 L'eau devient trouble, les plantes aquatiques peinent à capter la lumière.
31:18 Hélas, les lois environnementales restent inefficaces.
31:22 Pour l'instant, on ne voit hélas toujours pas d'amélioration significative dans cette zone.
31:27 Pourtant, tous les pays européens, y compris l'Allemagne, se sont engagés à mieux protéger les milieux aquatiques.
31:34 Mais tout espoir n'est pas perdu.
31:37 Les prairies sous-marines, éloignées du rivage et des terres agricoles, se portent mieux.
31:43 Les plantes aquatiques y colonisent même de nouvelles surfaces.
31:46 Pour le grand bonheur de certaines espèces animales.
31:50 Comme l'anguille-wézarde, devenue experte en camouflage pour mieux attirer ses proies.
32:07 Récemment, des analyses ont aussi prouvé que les herbiers marins en bonne santé empêchaient la prolifération d'agents pathogènes dangereux pour les humains.
32:16 Les vibrions sont des bactéries naturellement présentes en mer.
32:21 Elles peuvent être très dangereuses pour les personnes avec un système immunitaire fragilisé.
32:26 Certaines, comme Vibrio vulnificus, sont des bactéries mangeuses de chair qui infectent les plaies ouvertes.
32:34 Or, nous avons découvert que les herbiers marins réduisaient l'incidence de ces bactéries.
32:38 Les plantes aquatiques sont ainsi capables de purifier l'eau comme de vraies stations d'épuration.
32:47 La plus grande station d'épuration du Chleswick-Holstein est à Bulk, près de Kiel.
32:54 Elle purifie l'eau pour environ 350 000 personnes.
32:58 Il faudrait construire quatre stations d'épuration de ce type en plus sur nos côtes pour obtenir le même résultat de filtrage que les herbes marines fournissent gratuitement.
33:07 Torsten Reusch et son équipe ont fait une autre découverte de taille.
33:12 Si les herbiers marins peuvent se reproduire via leurs racines, leurs clones, pourtant issus du même pied, auraient un patrimoine génétique différent de la plante dont ils sont issus.
33:26 Dans le monde scientifique, il est communément admis que les clones sont génétiquement identiques.
33:30 Nous avons pourtant constaté que ce n'était pas le cas pour les herbiers marins.
33:34 Certains clones très anciens, dont nous estimons l'âge à plus de 10 000 ans, présentent des divergences génétiques et semblent avoir muté.
33:42 Cette découverte aura très certainement de grandes conséquences sur notre vision de l'évolution.
33:48 Et les austères pourraient même constituer un modèle applicable à d'autres espèces.
33:54 Une flexibilité qui pourrait peut-être sauver les herbiers marins du réchauffement climatique.
33:59 On va compter combien de graines ont déjà germé, même si je pense qu'il est encore trop tôt pour les prélever.
34:06 Les scientifiques ont reproduit le cycle de vie des herbiers en laboratoire et entendent planter les clones obtenus dans la mer Baltique.
34:20 Les services rendus par l'écosystème des prairies sous-marines sont considérables.
34:24 Chaque kilomètre carré des austères nous permet d'économiser en dirons 2 millions d'euros par an.
34:30 Car non seulement les herbiers consolident les côtes en empêchant le déplacement du sable,
34:36 mais ils absorbent aussi les nutriments présents dans l'eau et stockent le dioxyde de carbone dans les sédiments de la mer.
34:44 Mais ils absorbent aussi les nutriments présents dans l'eau et stockent le dioxyde de carbone dans les sédiments marins sur une très longue période.
34:52 Cette année, les scientifiques ont déjà récolté pas moins de 80 000 graines.
35:00 Ils espèrent dépasser le million l'an prochain.
35:03 Car Thorsten Reusch a un incroyable projet en tête.
35:11 Notre démarche est comparable à du jardinage sous-marin, voire à de l'agriculture.
35:15 Nous sommes d'ailleurs en discussion avec des entreprises agricoles pour qu'elles développent des semoires adaptées.
35:20 À l'avenir, on pourrait même imaginer une automatisation des semis
35:24 avec des petits rouleaux qui injecteraient les graines directement dans les sédiments.
35:28 Sur les côtes de la mer du Nord et de la Baltique, l'usage des herbiers marins s'inscrit dans une tradition séculaire.
35:37 Pendant longtemps, les plantes aquatiques récoltées, puis séchées, ont servi dans différents domaines.
35:43 Tombées en désuétude après la Seconde Guerre mondiale, leur utilisation connaît un regain d'intérêt depuis quelques années.
35:52 Selon plusieurs études, les austères présenteraient d'aussi bonnes propriétés d'isolation et de rembourrage que des matériaux modernes, bien moins naturels.
36:03 Sans compter que les herbiers marins séchés se conservent très longtemps
36:07 et sont anti-allergiques grâce aux substances amères qui freinent le développement d'agents pathogènes.
36:12 Dans la région, on avait l'habitude d'isoler les habitations avec des herbes marines.
36:23 Et certaines qui ont parfois plus de 400 ans sont encore en très bon état.
36:27 Plusieurs de mes clients ont des maisons isolées il y a plus d'un siècle avec des austères.
36:32 Et le matériau est de même qualité que celui qu'on trouve aujourd'hui sur le marché.
36:36 Cette ancienne méthode de construction est loin de se cantonner au nord de l'Europe.
36:44 Partout dans le monde, on retrouve des bâtiments isolés avec des herbiers marins.
36:48 C'est le cas du Rockefeller Center, à New York.
36:52 Et pour que ces plantes ne pourrissent pas et tiennent le plus longtemps possible, tout est une question d'aération.
37:00 Pour prévenir le pourrissement des herbes marines et évacuer l'humidité, on utilise des panneaux en fibre de bois.
37:06 Ça fonctionne très bien. On fait pareil avec les isolants conventionnels.
37:11 Les austères sont également utilisées pour rembourrer matelas, coussins, canapés ou encore oreillers.
37:24 Ce matériau présente tout de même un petit défaut.
37:28 Les herbiers marins sentent mauvais, surtout après être restés deux semaines sur la plage.
37:32 Les chiens et les mouettes se sont amusés dedans et on y retrouve parfois des algues rouges qui ont une odeur très marquée.
37:38 Personne n'achète de vieilles salades au supermarché.
37:40 Eh bien, c'est la même chose pour la zoster.
37:42 Il faut la récolter fraîche et une fois lavée et séchée, elle en baume presque comme le thé.
37:47 Pour confectionner ses oreillers, Christian Dietmann lave et sèche lui-même ses herbes marines après les avoir séchées.
37:56 Il les sèche une fois sèches et les ramène après les avoir débarrassées des matières plastiques.
38:00 Mon travail est très sain. L'eau de nettoyage est bonne pour ma peau.
38:06 Et grâce aux algues, j'ai toujours les ongles en parfait état.
38:10 Les herbes marines sont lavées à l'eau douce, puis entreposées sur des étagères pendant une durée de six semaines.
38:18 Une fois séchées, elles seront transformées en oreillers sans ajout du moindre additif.
38:25 La mer contient de l'iode et du bord.
38:27 Les plantes aquatiques sont donc moins sujettes aux moisissures et aux acariens.
38:31 Avec ces oreillers, les personnes allergiques passent de meilleures nuits.
38:34 Leurs muqueuses sont moins gonflées au réveil.
38:36 En plus, les zosters sèches peuvent absorber jusqu'à trois fois leur poids en eau.
38:41 Un oreiller en herbes marines absorbe ainsi jusqu'à deux litres de transpiration par nuit.
38:48 Et peut être utilisé plus de cinq ans sans perdre de son volume.
38:53 À l'Institut Guéomart de Kiel, les chercheurs misent sur la capacité d'adaptation des herbiers marins.
38:59 En 2023, Thorsten Reusch est le premier à faire germer des graines de zoster en laboratoire.
39:06 Pour cela, il a eu recours à une enceinte climatique commandée par ordinateur.
39:11 Comme pour le champagne, un mécanisme fait tourner ses graines pendant des mois à l'horizontale et à la verticale,
39:18 jusqu'à ce qu'elles atteignent une maturité idéale.
39:21 Ce frigo est notre coffre-trésor.
39:24 On a entreposé ici nos graines à une température de 4 degrés dans un environnement sombre,
39:28 avec une forte concentration en sel, pour qu'elles ne germent surtout pas avant le mois de mars.
39:32 Et c'est ce qui s'est produit.
39:34 On a atteint un taux de germination de 50 %,
39:37 ce qui est beaucoup plus élevé que tout ce qui a été publié jusqu'à présent dans la presse scientifique.
39:41 L'équipe veut maintenant étudier la réaction des graines à la chaleur.
39:47 Torsten Reusch les a répartis dans des réservoirs plus ou moins chauds,
39:51 avec des teneurs différentes en sel et en oxygène,
39:54 pour observer leur réponse à certains changements environnementaux.
39:58 Nous travaillons au développement de végétalités,
40:07 et nous avons des données qui nous permettent de voir comment les graines se répartissent.
40:11 Nous travaillons au développement de plusieurs techniques pour renaturer de vastes zones sous-marines.
40:20 Si nous avons misé sur ces graines, c'est pour trois raisons.
40:24 La première, c'est que n'importe quel champ dans le monde est planté avec des graines, et non des boutures.
40:30 La seconde, c'est qu'avec nos expériences, nous espérons obtenir des semences plus résistantes.
40:36 Et la troisième, c'est que pour obtenir une prairie avec des centaines de nouvelles germinations au mètre carré,
40:42 il faut une diversité génétique maximale.
40:45 Toutes les 30 minutes, l'équivalent d'un terrain de football en prairie marine disparaît.
40:53 Et partout dans le monde, la biodiversité des milieux aquatiques diminue en conséquence.
40:59 Des espèces, comme l'anguille-wézarde, souffrent de la destruction des austères.
41:05 Sans plantes pour se camoufler, ce piètre nageur est à la merci de ses prédateurs.
41:10 Ce lointain cousin de l'hippocampe a la particularité de ressembler à une feuille.
41:15 Il passe ainsi aisément inaperçu auprès de ses proies pour les happer plus facilement.
41:19 Impossible sans les herbiers marins.
41:22 Par ailleurs, seuls les herbiers en bonne santé améliorent la qualité de l'eau
41:29 et la filtrent en retenant sédiments, nutriments, ainsi que produits polluants.
41:34 Dans les prairies fragilisées, la mort guette.
41:38 Si les herbes marines tombent malades, le nombre de virus et de bactéries dans l'eau explose.
41:44 Et cette nouvelle conséquence du changement climatique inquiète Olivia Roth, biologiste de l'évolution.
41:50 Les bactéries sont de plus en plus virulentes et font énormément de dégâts.
41:56 Ce sont les grandes gagnantes du réchauffement de la planète.
42:00 Les anguilles-vésardes, en revanche, sont très stressées par l'augmentation des températures.
42:05 On a même constaté que leur système immunitaire était plus faible qu'avant.
42:10 L'anguille-vésarde est loin d'être la seule espèce menacée par ce phénomène.
42:18 Son mode de reproduction inhabituel a attiré l'attention d'Olivia Roth.
42:24 Car chez cette espèce, ce sont les mâles qui incubent les œufs du couple dans une poche spéciale, après les avoir fécondés.
42:31 Ce sont les mâles qui choisissent leur partenaire.
42:37 Et les femelles arborent des couleurs plus vives et sont plus imposantes que les mâles.
42:41 Grâce à ces animaux, on va pouvoir approfondir les théories de l'évolution concernant les différences entre les sexes.
42:51 Après avoir pondu ses œufs dans la poche du mâle, la femelle disparaît pour ne plus jamais revenir.
42:57 Les pères portent ensuite seules leurs progénitures.
43:01 Si les mâles se comportent de la sorte, c'est parce que leur système immunitaire a été complètement modifié au cours de l'évolution.
43:19 Les anguilles-vésardes n'ont pas d'estomac et doivent donc manger très souvent.
43:24 C'est sans doute à cause de ça qu'elles ont commencé à transporter leurs œufs au lieu de les placer dans un nid.
43:29 Et suite à différentes adaptations, l'espèce a développé cette forme de grossesse masculine.
43:35 Olivia Roth cherche aujourd'hui à expliquer pourquoi le système immunitaire des mâles ne rejette pas ses œufs.
43:45 Ces découvertes pourraient aider à mieux comprendre les maladies auto-immunes chez les humains.
43:50 À l'Institut Guéomart, Torsten Reusch et son équipe misent également sur la génétique.
44:10 Des expérimentations en plein air devraient permettre, à terme, de produire des plantes capables de survivre à des températures élevées.
44:18 Rigueur oblige, on reproduit à l'identique la houle de la mer Baltique.
44:23 Dans chaque réservoir, la température de l'eau est contrôlée pour atteindre jusqu'à 5 degrés de plus que dans la mer.
44:30 Résultat, là où l'eau est la plus chaude, seules quelques plantes ont survécu.
44:36 En analysant leur activité photosynthétique, Torsten Reusch veut déterminer comment les herbiers s'adaptent aux nouvelles conditions climatiques.
44:44 Le scientifique soumet leurs feuilles à la lumière.
44:47 Plus les plantes réagissent, plus elles sont en forme.
44:50 Bien entendu, ce sont surtout les herbes marines qui sont les plus dangereuses.
45:01 Bien entendu, ce sont surtout les herbes marines qui ont survécu dans le réservoir le plus chaud qui intéresse les chercheurs.
45:09 Ces plantes sont vraiment coriaces.
45:16 Elles ont survécu pendant un an dans un réservoir où la température de l'eau était supérieure de 5 degrés à celle de la baie de Kiel.
45:23 Elles sont donc très intéressantes pour nous parce qu'il doit y avoir quelque chose dans leur génétique qui les rend plus résistantes à la chaleur que les autres plantes.
45:32 Les scientifiques cherchent à collecter le maximum de données.
45:36 L'équipe de l'Institut Guéomart a réitéré son expérience dans un laboratoire en reproduisant la lumière du soleil.
45:42 La seule alternative à cette culture artificielle serait d'implanter dans la Baltique des espèces vivant dans des mers plus chaudes, comme la Méditerranée.
45:51 Mais la législation en vigueur l'interdit.
45:54 Le risque est de voir disparaître pour de bon toutes nos prairies sous-marines.
45:58 Pour éviter que ça se produise, il faudrait peut-être réfléchir de manière moins conventionnelle.
46:04 Les lois relatives à la protection de la nature ont été rédigées il y a 30 ou 40 ans.
46:08 A l'époque, il était impensable d'importer des espèces étrangères dans la Baltique.
46:12 Mais aujourd'hui, le monde change tellement vite qu'à mon avis, cette position n'est plus tenable.
46:18 Transférer dans la Baltique des herbiers marins résistants à la chaleur reste une démarche controversée.
46:24 Car les risques sont importants.
46:27 Certaines espèces, ou agents pathogènes inoffensifs en Méditerranée, pourraient bien provoquer une catastrophe écologique dans des mers plus froides.
46:35 Voilà pourquoi dans ce canal à houle de Hanover, on cherche plutôt à renaturer les prairies endommagées à partir d'espèces locales.
46:43 Pour connaître la taille des plantes qui résisteraient le mieux aux vagues de la Baltique, et pour savoir à quelle distance elles devraient être placées les unes des autres,
46:57 Maike Paul mesure et marque chaque herbier.
47:05 On plante ces herbes marines une par une, avec des plongeurs. C'est un travail extrêmement chronophage.
47:12 Imaginez maintenant que ces plantes soient déracinées par une tempête au bout de deux jours.
47:18 Tout leur travail n'aurait servi à rien.
47:20 C'est justement pour éviter ce genre de situation que nous faisons des recherches ici.
47:25 Nous voulons déterminer précisément quelle est la meilleure période pour planter ces herbiers, pour maximiser leur chance de résister à la houle.
47:34 Pour leur expérience, les scientifiques ont planté les herbiers marins dans des sortes de jardinières pesant une centaine de kilos.
47:41 Celles-ci sont ensuite encastrées dans des cavités aménagées dans le fond en acier du bassin.
47:47 Des sondes mesurent alors la vitesse et l'énergie des vagues déferlant sur les plantes aquatiques.
47:55 On va commencer par lancer de petites vagues. Puis on va augmenter leur intensité jusqu'à ce que la machine soit parvienne à déraciner les plantes, soit atteigne ses limites.
48:05 L'expérience dure plusieurs heures.
48:14 Une fois la machine arrêtée, les scientifiques constatent que ce sont les plantes âgées d'environ deux ans, avec de nombreuses ramifications mais peu de feuilles,
48:24 qui se défendent le plus longtemps face aux vagues.
48:27 Et que les herbiers repiqués mettent une bonne dizaine de jours avant de s'ancrer solidement dans le sol.
48:33 Il serait donc inutile de transplanter des plantes aquatiques en cas de mauvais temps ou d'avis de tempête.
48:38 En cette belle journée ensoleillée, les conditions sont réunies pour une réimplantation réussie.
48:45 Mike Powell est ici pour poursuivre ses recherches sur le terrain et vérifier son hypothèse que des prairies sous-marines en bonne santé protègent le littoral en réduisant la hauteur des vagues de 15%.
48:57 L'équipe de Thorsten Reusch est bien trop réduite pour restaurer à elle seule tous les herbiers de Zoster.
49:08 Passionnée par ce projet, la biologiste Angela Stevenson a donc lancé un appel à volontaires sur Internet.
49:15 Très vite, un petit miracle s'est produit.
49:19 Une organisation environnementale a fourni de l'équipement et de la main-d'œuvre aux scientifiques, et des centaines de plongeurs amateurs sont venus prêter main-forte.
49:27 Avant de se lancer, les bénévoles ont suivi une formation théorique et pratique.
49:34 Leur première mission consiste à collecter dans les prairies saines les jeunes pousses destinées à être replantées.
49:40 Les scientifiques espèrent à terme que l'Union européenne soutiendra ce projet participatif.
49:49 Est-ce que le monde est condamné ? Je ne pense pas.
49:55 Des petites initiatives comme celle-là peuvent prendre de l'ampleur grâce aux sciences participatives.
50:00 Si une centaine d'équipes travaillent en parallèle sur l'ensemble de la batique, ça démultipliera tout de suite l'utilité du projet.
50:07 Avec ce projet, on rencontre d'autres personnes qui ont de l'expérience et qui connaissent bien la nature.
50:19 On apprend plein de choses. C'est un cercle vertueux.
50:28 Une fois collectées, les plantes sont examinées par un chercheur, puis triées en vue de leur réimplantation.
50:35 Les prairies sous-marines choisies pour le projet l'ont été en fonction de la probabilité de réussite de l'opération.
50:51 Même un jardinier sous-marin inexpérimenté est capable de repiquer jusqu'à 500 plantes aquatiques par jour.
50:58 Les résultats de plusieurs années de recherche pourraient ainsi profiter à toute la mer Baltique.
51:04 Le seul bémol de ce projet de grande ampleur reste pour l'heure son financement.
51:09 Plusieurs mois après cette opération, les herbiers ont repris racine et contribué au développement de vastes prairies.
51:19 Nous avons planté nos prairies sous-marines en damier et aujourd'hui on peut les visualiser en partie sur Google Earth.
51:25 C'est génial ! On peut fournir aux bénévoles leurs coordonnées géographiques pour qu'ils puissent voir par eux-mêmes tout ce qu'ils ont repiqué.
51:34 Mais ce qui nous échappe à l'œil nu, c'est que ces prairies de plus en plus denses ne font pas que stocker de grandes quantités de CO2.
51:43 Elles ont aussi permis le retour de leurs anciens résidents.
51:47 Comme ces jeunes anguilles vésardes et leurs parents.
51:54 Un peu partout, les jeunes pousses réimplantées produisent à leur tour des graines, porteuses d'espoir.
52:06 [Musique]
52:29 [Musique]
52:30 [Musique]
52:32 [Musique]
52:33 [Musique]

Recommandée