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00:00 Il ne faut pas se tromper, c'est dangereux.
00:02 C'est putain de dangereux d'aller là-haut.
00:04 Moi je perds en moyenne, je ne sais pas moi,
00:08 6, 7, 8 kilos par expédition.
00:10 Je suis devenue le premier Français,
00:12 ou la première personne de nationalité française,
00:15 à réussir le grand chelum himalayen,
00:18 à savoir gravir les 14 sommets de plus de 8000 mètres.
00:21 Ce grand projet des 14,
00:23 ça m'a pris effectivement 11 ans de ma vie.
00:26 C'est 22 expéditions au total,
00:28 donc clairement ça ne marche pas à tous les coups.
00:30 Qui dit ça ne marche pas à tous les coups,
00:32 dit effectivement une vraie école du renoncement.
00:35 En 2016, on n'a pas atteint le sommet,
00:38 parce qu'on a une énorme avalanche
00:40 qui a balayé notre camp d'altitude
00:43 à plus de 7500 mètres,
00:45 et on a tout perdu.
00:46 On a perdu tout notre matériel,
00:48 donc les tentes, les bouteilles d'oxygène,
00:50 tout ce qui nous permettrait potentiellement
00:52 de faire le sommet.
00:53 C'est un échec, oui et non.
00:55 Je suis contente d'être là pour en parler.
00:57 Donc si on le prend dans ce sens-là,
00:59 ce n'est pas forcément un échec.
01:01 J'ai plus peur aujourd'hui
01:03 que sur ma première expédition en 2012,
01:06 ça c'est clair.
01:07 Le fait de manquer d'oxygène...
01:09 Le corps souffre.
01:11 J'ai cette volonté que je veux y aller,
01:14 donc c'est évident que je ne vais pas arrêter.
01:17 C'est effrayant !
01:19 L'ascension de toutes ces grandes montagnes,
01:21 il n'y a rien de facile.
01:23 Ce que François, je pense,
01:24 a très bien réussi à montrer dans le film,
01:27 c'est cette lenteur de progression
01:30 qu'impose l'hypoxie.
01:32 L'hypoxie, c'est le manque d'oxygène,
01:34 donc ça altère complètement la réflexion.
01:36 Ça met dans un état un petit peu second,
01:39 dans une torpeur,
01:41 qui fait que très souvent,
01:43 on est en risque de prendre des mauvaises décisions.
01:46 Ça va Sophie ?
01:50 Je ne sais pas.
01:52 C'est un ami qui m'a amenée à l'alpinisme.
01:54 Justement, cet ami,
01:55 il avait le rêve de gravir le Mont-Blanc,
01:57 et on a fait ce pari,
01:58 et donc on y est arrivés.
01:59 Dès 4000 des Alpes,
02:01 j'ai organisé mes loisirs, mes vacances,
02:04 pour essayer de gravir un sommet
02:07 toujours un peu plus haut.
02:08 5000 mètres, ça a marché.
02:10 6000 mètres, je suis passée.
02:12 7000 mètres, ça a marché aussi.
02:14 Et puis après, on arrive à la barre des 8000.
02:16 Tous les 8000 sont en Himalaya.
02:18 Ce qu'il faut comprendre,
02:19 c'est que pour gravir un Mont-Blanc,
02:20 il faut deux jours.
02:21 Et pour gravir un 8000, il faut deux mois.
02:23 Nous sommes le toit du monde.
02:25 C'est un truc de dingue.
02:26 Moi, je dirigeais une entreprise avec mon frère.
02:33 Quand on est pris dans une routine de travail,
02:36 c'est très difficile finalement de se dégager deux mois.
02:38 En 2008, il y a la crise économique qui passe par là.
02:41 On travaillait dans le secteur de la finance,
02:44 et notre business model s'est complètement écroulé.
02:47 On a survécu jusqu'en 2011,
02:48 et là, on a fermé l'entreprise.
02:50 C'est comme ça que j'ai pu avoir le temps
02:55 pour tenter un 8000.
02:56 Je réussis le Shisha Pangma et le Choyu.
02:59 Je réussis deux 8000 dans une saison,
03:01 ce qui n'était de nouveau pas du tout prémédité.
03:03 Quand je suis rentrée,
03:05 il fallait que je trouve un nouveau job.
03:06 Mais ça commençait à me titiller déjà dans la tête
03:10 de repartir en Himalaya.
03:12 Une fois que j'avais atteint le sommet de l'Everest,
03:14 je me suis dit que je n'avais pas du tout envie d'arrêter.
03:16 Et c'est là où je me suis mis ce rêve un peu dingue,
03:20 mais en tout cas, je ne le disais pas, ça c'est sûr,
03:22 de vouloir tenter les 14.
03:24 Ce n'est pas du tout le challenge en tant que tel.
03:27 Je ne suis pas du tout en quête de performance
03:30 ou quoi que ce soit.
03:31 C'est vraiment un défi que je me suis mis à moi-même.
03:34 Et donc, je pense que j'aurais coché la centième place.
03:37 Je m'y serais prise de la même façon.
03:39 Nanga, c'est une montagne difficile.
03:42 Alors, ils avèrent que c'est le dernier.
03:45 Je pense que c'est assez clair dans ma tête
03:47 que je vais arrêter d'aller à 8000 mètres.
03:49 Parce que c'est effectivement vraiment putain de dangereux,
03:53 comme je le dis dans le film.
03:54 Et je pense que j'ai vraiment perdu beaucoup, beaucoup d'amis.
03:57 Donc aujourd'hui, j'ai mes dix doigts,
03:59 j'ai mes dix orteils.
04:00 Donc, je pense qu'il faut conserver ça.
04:03 Par contre, je ne vais pas mettre les crampons à la cave
04:05 tout de suite, je pense, quand même.