• il y a 7 mois


Émilie reçoit Golshifteh Farahani, comédienne franco iranienne, qui présente son dernier film « Roqya » sorti ce mercredi 15 mai. Dans ce film elle interprète une mère célibataire prête à tout pour son fils y compris à faire de la sorcellerie pour faire fleurir son business. Jusqu'au jour où tout bascule et où elle est accusée d'avoir tué un jeune garçon avant d'être pourchassée comme une sorcière. La comédienne revient sur ce rôle de femme forte à l'indépendance qui dérange. Elle abordera aussi le combat pour la liberté, la fuite du réalisateur Mohammad Rasoulof et la condamnation à mort du rappeur Toomaj Salehi qu'elle qualifie de barbarie absolue. 

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Transcription
00:00 Bonjour, Colchif Tefarani. Quelle joie de vous recevoir dans Télé Matins pour parler d'abord de ce film "Rokia", sorti hier en salle,
00:06 dans lequel on vous voit comme on ne vous avait encore jamais vu. Vous êtes Nour,
00:10 mère célibataire prête à tout pour son fils, prête aussi à faire de la sorcellerie pour faire fleurir son business, gagner sa vie, quitte
00:17 à gober des mini-grenouilles
00:20 venimeuses pour les revendre sur un marché parallèle.
00:22 Alors, outre vomir les grenouilles, vous avez dû tourner aussi avec d'autres bêtes que moi j'approcherai jamais, comme un iguane,
00:29 maléfique, j'espère qu'on va le voir. Ça va, ce sont des bons camarades de jeu, tous ces animaux ? Oui, oui, très bien, ils sont très doux, très gentils.
00:36 Très doux, oui.
00:37 On ne dirait pas comme ça.
00:39 Jusqu'au jour où une de vos consultations dérape, vous êtes accusée d'avoir tué un jeune garçon et vous êtes pourchassée comme une sorcière, bande annonce.
00:46 Ils ont des vrais problèmes, ces gens-là. Nous, on va vraiment les soigner.
00:50 Il manque 500 bras sur la pension. Là, on va appeler le juge.
00:56 Appelez le juge, toi. Je vais lui dire, Kevin, que tu l'embarques dans des trucs de marabout sur Stairway de je-sais-pas-quoi.
01:00 Et puis, ton fils, il le reverra quand il aura 18 ans.
01:03 T'as tué Kevin. Ils vont pas croire que c'est comme vrai.
01:15 Je voulais que t'allais là.
01:19 Ils ont été envoûtés. Ton fils, on peut encore le sauver.
01:27 Les gens pensent que je suis possédée, mais je crois que je suis juste en colère.
01:30 Un très grand film. Les critiques sont dithyrambiques.
01:33 Je le dis, j'ai été moi-même envoûtée par Okia, ce premier film du réalisateur Saïd Bektibiak.
01:38 Pour qui c'était ?
01:40 Vous étiez, une évidence, dans ce rôle de femme puissante, en colère, prête à tout pour sa liberté.
01:44 Il dit, qui de mieux que Goldshifter pour incarner l'histoire d'une femme prise pour cible ?
01:49 Pour vous aussi, c'était une évidence ?
01:51 Travailler avec lui, oui.
01:54 Quand j'ai lu l'histoire, c'était évident. C'est une femme qui, son indépendance dérange.
02:00 Elle a une singularité qui... ça lui pose beaucoup de problèmes.
02:08 Une indépendance qui dérange. C'est un rôle qui vous ressemble et qui fait forcément penser à votre propre histoire.
02:13 Vous, qui, je le rappelle, étiez une actrice star en Iran, quand vous avez dû fuir votre pays,
02:17 sachant que vous alliez être condamnée pour avoir joué dans le film de l'Américain Ridley Scott,
02:21 "Mensonge d'Etat", aux côtés de Leonardo DiCaprio.
02:24 Malgré tout ce que vous avez vécu, ce rôle de Noor, dans "Rokhia", c'est l'un de vos plus grands rôles,
02:29 et aussi l'un des tournages les plus éprouvants,
02:32 aussi parce qu'en même temps, il y avait le mouvement "Femmes, Vies, Libertés" en Iran.
02:35 Oui, c'est vrai. C'était un peu... Les histoires étaient un peu parallèles.
02:39 Elle était pour chasser, moi, quand je sortais de tournage, j'ai senti un peu pour chasser aussi, dans ma vie.
02:45 C'était un moment assez...
02:47 Vous étiez vous-même pour chasser pendant ce mouvement-là ?
02:49 Je sentais, parce que c'était vraiment... Pendant le tournage, j'étais sur mon Instagram,
02:53 ils me disaient "motor", j'étais toujours sur l'Instagram, j'étais un peu concentrée, mais complètement déconcentrée.
02:59 C'était plutôt mon corps qui était sur le tournage, mon esprit était ailleurs.
03:04 Ailleurs en Iran, avec ce mouvement "Femmes, Vies, Libertés", initié par des femmes, rejoint par des hommes,
03:08 pour demander la liberté, où est-ce qu'on en est de ce mouvement aujourd'hui ?
03:11 Justement, je voulais parler de ça, parce que vous voyez, en Iran, on avait des hommes qui sont morts pour les femmes,
03:16 pour la liberté de femmes. Et là, le combat qu'on voit aujourd'hui, spécialement à Cannes,
03:21 c'est en fait, ce mouvement-là, ce n'est pas un combat de genre,
03:25 c'est un combat des femmes et des hommes contre l'ignorance.
03:29 Et en Iran, ça continue, la révolution continue, c'est une révolution silencieuse,
03:34 mais tant qu'on n'arrive pas à la liberté, on essaye, et on marche vers une destination.
03:41 Tant qu'on marche, on s'approche aux destinations.
03:44 C'est un combat aussi qui peut se mener discrètement, par chacun, quand ces femmes retirent leur voile,
03:49 vous vous l'aviez retiré, votre voile, dès votre arrivée aux États-Unis, d'ailleurs,
03:52 pour l'avant-première de "Mensonges d'État", justement.
03:55 Vous apparaissiez comme ça, on va le voir, sur le tapis rouge.
03:59 À l'époque, c'était il y a 16 ans, c'était un acte fort, un acte politique.
04:03 Depuis, vous n'avez jamais cessé de vous battre pour cette liberté,
04:06 la liberté que vous aviez dit trouver, dès votre arrivée à Paris.
04:10 En France, vous parliez de Cannes, vous parliez de ce mouvement #MeToo,
04:14 un mouvement pour se battre contre les violences sexistes et sexuelles.
04:18 Dans le film, vous dites "il ne faut pas toucher les filles, c'est dangereux".
04:22 Moi, ça m'a fait penser à la phrase de Judith Gaudrech lors de son discours à la cérémonie des Césars,
04:25 quand elle dit "il faut se méfier des petites filles, elles se blessent, mais elles rebondissent".
04:29 Judith Gaudrech, hier, qui a d'ailleurs eu un geste symbolique sur le tapis rouge,
04:33 comme ça, sur sa bouche, pour parler de la libération de la parole.
04:36 Oui, c'est quoi votre regard sur ça ?
04:38 Moi, c'est ce que je vois, c'est que nous, d'où je viens,
04:42 on a eu beaucoup d'hommes qui sont morts en criant "femme, vie, liberté".
04:46 Et moi, je crois qu'il ne faut pas penser que là, ce combat-là, c'est un combat entre les genres.
04:51 Même dans notre film, ce ne sont pas les hommes qui sont derrière une femme, non.
04:55 Il y a toujours une femme aussi avec les hommes qui cherchent cette femme-là.
04:59 Je crois que c'est un combat contre l'ignorance.
05:02 Et on a besoin d'hommes, beaucoup plus encore.
05:05 On a besoin des frères, on a besoin des maris,
05:08 on a besoin d'être main dans la main pour la liberté de fin, pour la justice.
05:12 Il n'empêche, #MeToo persiste et signe.
05:15 On a taclé les messieurs tout-puissants.
05:17 Vous avez dû vous faire face à ces messieurs en Iran, mais aussi ici, en Occident ?
05:22 Moi, heureusement, je n'ai pas eu des expériences de ce genre.
05:28 Peut-être c'est à cause de ma personnalité, je ne sais pas,
05:31 ou j'avais beaucoup de la chance dans le cinéma.
05:33 Mais quand j'étais toute petite, remplie.
05:35 Mon enfance est remplie des agresseurs, des moments terribles que j'ai vécus.
05:40 Alors, moi, c'est ce qui me donne beaucoup d'espoir,
05:43 c'est que de toute façon, le cinéma, c'est un milieu très privilégié.
05:47 Moi, je pense aux usines dans les provinces,
05:50 dans les endroits où les femmes ne sont pas protégées.
05:52 Et là, j'espère que ce mouvement va donner un peu de courage à ces femmes,
05:58 mais aussi faire peur aux hommes ou aux gens qui veulent faire les choses mal.
06:04 Vous parliez d'unité entre les femmes et les hommes,
06:06 vous trouvez qu'on les entend assez, les hommes, aujourd'hui ?
06:09 Bien sûr que non, mais je crois que ça va commencer, il faut commencer.
06:14 Et moi aussi, encore avec la révolution Femmes, Vies, Libertés,
06:18 les premières gens dans le monde entier qui sont venus soutenir les femmes iraniens,
06:23 c'était les hommes.
06:24 Ce n'étaient pas les plus grands féministes du monde.
06:26 Ce n'était pas Michel Omahba, ce n'était pas Oprah.
06:29 Justement, c'était les hommes qui sont venus au début.
06:32 Alors moi, je crois que ce combat, nous, on est ensemble, les femmes et les hommes.
06:38 Un homme encore qui ne sait pas s'il pourra se rendre au Festival de Cannes
06:41 où il est sélectionné pour la Palme d'Or pour son film "Les graines du figuier sauvage",
06:44 c'est le cinéaste iranien Mohamed Rasouloff qui a fui clandestinement l'Iran
06:49 pour un lieu tenu secret en Europe.
06:51 Il a imploré le cinéma mondial pour lui apporter son soutien,
06:54 soutien fort à tous les réalisateurs menacés.
06:57 C'est aussi ce que vous réclamez, comme vous l'aviez fait pour le rappeur Toumaj,
07:00 lui qui est condamné à la pendaison en Iran.
07:04 C'est terrible.
07:05 On vit dans un monde où un artiste, un rappeur,
07:08 il est condamné à la mort pour juste chanter des chansons.
07:13 Et Rasouloff aussi, Mohamed, il est là, mais c'est fou.
07:17 Comme Jafar Panahi disait, je ne sais pas s'il est content que Rasouloff,
07:20 il est parti ou pas, parce qu'on est triste et aussi content en même temps.
07:25 Et Toumaj, condamner Toumaj à la mort, c'est condamner l'art à la mort.
07:30 Je crois que tous les artistes du monde doivent essayer d'arrêter cet acte
07:35 de barbarie absolue.
07:38 Et on va tout faire pour arrêter ça.
07:41 Merci beaucoup, Nelshif Teffai.
07:43 "Avokia", c'est depuis hier au cinéma.
07:45 Merci beaucoup.

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