• il y a 7 mois
À 9h20, Chiara Mastroianni et Fabrice Luchini sont les invités de Léa Salamé. Ils seront à l'affiche du film "Marcello Mio" réalisé par Christophe Honoré, en compétition officielle au 77ème Festival de Cannes et en salles mardi prochain. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-jeudi-16-mai-2024-1002610

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00:00Bonjour Chiara Mastroianni et bonjour Fabrice Luchini, merci d'être avec nous tous les deux ce matin.
00:06Chiara, si Fabrice Luchini était un animal, s'il était un personnage historique et s'il était un sentiment, il serait qui, il serait quoi ?
00:14Et vous répondrez ensuite Fabrice pour Chiara.
00:16Un personnage historique, je ne dis pas ça parce que je n'ai pas fait d'études et que je suis nulle et que je suis un peu en panique.
00:22Mais en vrai, il est déjà un personnage historique en lui-même Fabrice.
00:26Donc c'est difficile de le mettre dans le sillage d'un autre parce que pour moi il est tellement...
00:32Alors évidemment vous allez me dire qu'il est à côté de vous, mais c'est beaucoup plus difficile de dire du bien de quelqu'un quand la personne est là.
00:37Surtout pour celui qui l'entend j'imagine Fabrice.
00:40Il est déjà historique ?
00:42Vous êtes déjà historique ?
00:44Vous voyez comme vous êtes, c'est terrible. Je n'ai pas dit historique au sens de passé, mais au sens de...
00:51Il va rester.
00:52Exactement. Il y a des gens comme ça au cours de l'histoire qui ont amené, là en l'occurrence, pas un truc plus culturel,
01:00mais qui amènent quelque chose avec eux qui fait que ce n'est pas tout à fait pareil après.
01:05Il crée un chemin.
01:08Vous avez intérêt à être au niveau Fabrice parce que c'est un des plus belles images.
01:11Parce que moi je n'ai rien compris à la question. Je croyais que c'était de nous-mêmes.
01:15Non, c'est de l'autre.
01:18Moi je l'ai persuadé alors je cherchais Charles Péguy, Molière.
01:22Non, mais j'adore.
01:24Tu pensais que... Arrêtons, mais parlons plutôt de toi.
01:27Non, au contraire.
01:28Par contre, on ne va pas passer toute l'interview sur mon petit questionnaire pas très intéressant.
01:32Mais nous on est des gens ludiques, on aime bien les questionnaires.
01:34S'il était un animal ?
01:36C'est un peu facile à dire, mais pour moi le chien.
01:39Parce qu'il y a quelque chose, en tout cas dans le rapport que j'ai eu la chance de connaître avec Fabrice
01:46où nous on ne se connaissait pas, on s'était croisés une fois comme ça.
01:48Mais je ne sais pas comment vous dire, il y a un truc tellement vital chez Fabrice
01:53que quand il arrive comme ça, il y a une espèce de gaieté
01:57comme peuvent avoir souvent les gens, les êtres au contraire parfois profonds et parfois...
02:02Dépressifs.
02:04Oui, appelons un chien un chat.
02:06Il y a cette capacité incroyable, et c'est ce qui les rend d'ailleurs souvent très fascinants et attachants,
02:12c'est que ça passe par des moments de pure exaltation à des moments...
02:18Mais pour quelqu'un comme moi qui suis un peu dans la même famille que lui on va dire,
02:23c'est vrai que par contre aujourd'hui il m'a appelé, la famille des mélancoliques,
02:26aujourd'hui il m'a appelé, il était 14h, je suis contente parce que je vais enfin pouvoir commencer ma journée.
02:31Parce que souvent il appelle plus tôt.
02:33Et ça me donne le petit coup de punch pour attaquer la journée.
02:36Il vous appelle le matin et vous arrive là.
02:38Il connaît mes horaires, il est très attentif.
02:40Là il vous dit qu'il croyait qu'il fallait qu'il parle de lui, d'un personnage historique,
02:43mais il est très attentif aux autres.
02:45Et s'il était un sentiment, Chiara ?
02:48Moi je dirais la loyauté.
02:51Mais en même temps ça paraît prétentieux de ma part de définir Fabrice,
02:55parce que dans le fond on ne se connaît pas depuis si longtemps que ça.
02:58Mais c'est intéressant que vous n'hésitez pas.
03:00C'est moi ce que je ressens en tout cas.
03:02Moi en tout cas de mon expérience, de ce que j'en ai vécu,
03:05peut-être que ça ne mettra pas tout le monde d'accord Fabrice, j'en suis désolée.
03:08Mais pour moi c'est la loyauté et la bienveillance.
03:12Fabrice Luchini, si Chiara était...
03:14Sous des airs, pardon, parce que c'est quand même important.
03:16Sous des airs de se la jouer, je suis un monstre, je suis une brute d'égoïste et tout ça.
03:20Mais c'est le meilleur moyen d'avoir la paix.
03:22C'est comme les gens qui font croire qu'ils sont paresseux.
03:24Je pense qu'on a bientôt fini l'interview en fait.
03:26Mais vous allez monter.
03:28Si Chiara Mastroianni était un animal, un personnage historique et un sentiment, alors un animal ?
03:33Un animal, ce serait un chien.
03:36Parce que d'abord elle incarne cet instinct de fidélité aux gens qu'elle aime.
03:43Comme par exemple Christophe Honoré.
03:45Si c'était un personnage historique, je la vois en Virginia Woolf.
03:49C'est-à-dire un personnage d'une richesse, d'une féminité immense.
03:53Et si c'était un sentiment, ce serait un concept de Spinoza.
03:59C'est-à-dire un fond dépressif et une joie absolument hallucinante.
04:04Parce que pour en être où elle est avec le point de départ de sa vie, c'est qu'il y a une vitalité supérieure.
04:10C'est très beau.
04:11Vous voyez, quand quelqu'un vous parle comme ça, ça ne peut qu'aller un peu mieux.
04:14Ça va mieux.
04:15Chiara Mastroianni, Fabrice Lucchini, je suis très heureuse de vous recevoir ce matin pour un des films les plus originaux,
04:19les plus jolis, les plus émouvants de la sélection officielle du Festival de Cannes.
04:24« Marcello Mio » de Christophe Honoré.
04:27C'est l'histoire d'une femme qui s'appelle Chiara.
04:29Une actrice qui est la fille de deux acteurs très connus, Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve.
04:33Et qui à un moment de sa vie, où elle tourne en rond, où elle est perdue, où elle ne va pas bien,
04:37décide qu'au lieu de continuer de vivre sa propre vie, elle devrait plutôt vivre celle de son père.
04:43Alors elle commence par s'habiller comme lui, par parler comme lui.
04:46Elle demande aux autres de l'appeler Marcello.
04:49Tout le monde autour d'elle est sidéré, gêné, mal à l'aise.
04:53Ils pensent qu'elle est devenue complètement folle.
04:55Que ce soit la réalisatrice avec qui elle doit tourner un film, Nicole Garcia, qui joue son propre rôle.
04:58Que ce soit sa mère, Catherine Deneuve.
05:00Que ce soit son ex-mari, Benjamin Biollet.
05:02Que ce soit son premier amour, Belleville Poupeau.
05:04Tout le monde la regarde de manière bizarre.
05:05Sauf une personne qui est Fabrice Lucchini, qui joue son propre rôle,
05:09qui lui l'encourage parce que son rêve c'est de connaître Marcello Mastroianni.
05:13Et donc il lui dit, vas-y, continue, continue ce travestissement.
05:16Alors évidemment sur le papier, quand je raconte le film comme ça,
05:18sur le papier on se dit, c'est quoi cette histoire un peu folle ?
05:21Sauf que ça marche.
05:22C'est une réussite.
05:23C'est une méditation poétique, votre film.
05:25Existentiel presque.
05:27Sur ce qu'est la famille.
05:28Sur quel est notre place dans la famille.
05:31Sur l'héritage.
05:32Ce qu'on hérite ou pas de ses parents.
05:34Sur le cinéma aussi.
05:35Sur les acteurs.
05:36Chiara, on connaît vos liens depuis 20 ans avec Christophe Honoré.
05:39Vous avez fait 5 films avec lui.
05:40C'est le sixième, celui-là.
05:41Mais quand il est venu vous proposer d'être votre père,
05:43vous ne lui avez pas dit, t'es gentille mais t'es complètement tarée ?
05:46Non mais je l'ai pensé.
05:50Je me suis juste dit, c'est étonnant qu'il ait cette idée-là.
05:54En même temps, ça s'inscrivait finalement dans la suite d'un travail
05:57qu'on a commencé ensemble, notamment avec le théâtre,
05:59où on échange un peu nos familles, nos fantômes.
06:05On a une grande affection pour les fantômes.
06:10Et je me suis juste dit, ok.
06:13En plus, Christophe, il n'est pas du tout quelqu'un de très normal.
06:17Je veux dire, ce n'est pas quelqu'un qui boit, qui se drogue, qui rien.
06:19Il est très psychédélique sans avoir besoin d'aucun artifice.
06:23Et je me suis dit, bon, allez, allons-y.
06:25Parce que de toute façon, ça c'est la chance,
06:27quand on a établi un lien de confiance avec quelqu'un
06:30avec qui on travaille depuis tant d'années et tout ça.
06:33C'est ce qui permet aussi de faire qu'on se dit, allez, on y va.
06:37Vous, vous avez dit allons-y.
06:38Mais c'est vrai que ça a été dur de convaincre à la fois Catherine Deneuve,
06:42à la fois Benjamin Biollet, Melville Poupeau,
06:44qui vous ont regardé en disant,
06:45non mais il paraît que Catherine Deneuve a répondu à Honoré,
06:48il n'y a rien de plus ennuyeux que de jouer mon propre rôle.
06:50Vous n'avez pas autre chose à me proposer ?
06:52Oui, et moi j'ai tenté le coup aussi.
06:54J'ai dit, mais Christophe, t'es sûr que pour ma mère, il faut vraiment prendre ma mère ?
06:57Parce qu'il me dit, oui, ça va être compliqué sinon autrement.
07:00Fabrice Luchini, c'est le seul, dit Christophe Honoré,
07:03qui a pris plaisir à jouer son propre rôle,
07:05qui n'avait pas de problème avec ça.
07:07C'est vrai ça, Fabrice ?
07:08Moi, je n'ai rien compris.
07:09D'abord, première chose, c'était une matinée joyeuse.
07:11Parce qu'enfin, j'entends quelque chose de vraiment pertinent,
07:15et ce n'est pas parce que vous êtes là, Léa Salamé,
07:18mais c'est exactement ça, ce film.
07:21Ce film, ça dépasse le problème de l'entre-soi de Deneuve, de Mastroianni.
07:25On n'en a rien à carrer, ça n'a rien à voir.
07:28C'est une comédie qui nous met…
07:30Alors, je vais vous citer un écrivain monstrueux.
07:33Quand je suis sorti de la projection,
07:35d'habitude, quand les acteurs parlent de leur film,
07:37il n'y a rien de plus pénible.
07:39Qui aurait le courage de dire que c'est une daube immense ?
07:42C'est la plus grosse merde que je n'ai jamais vue en 20 ans.
07:46Bon, moi, je ne suis pas trop mal, mais le reste…
07:48Donc, tout ce que disent les acteurs, ce n'est pas intéressant.
07:51Mais, quand je sors de ce film,
07:54je me dis, putain, mais qu'est-ce qui s'est passé ?
07:57Et je pense à une merveilleuse phrase du Voyage au bout de la nuit,
08:01où Céline, au moment où il était fréquentable,
08:04et plutôt homme de gauche dans le voyage,
08:07il va en Amérique, il va au cinéma,
08:09et il dit la définition la plus sublime du cinéma,
08:12et le film d'Honoré est à la hauteur de cette définition,
08:15il dit, en rentrant dans le cinéma, il a 30 ans,
08:18il dit, on plonge en plein dans le pardon tiède,
08:22on n'aurait-tu qu'à se laisser aller pour penser
08:24que le monde peut-être venait enfin de se convertir à l'indulgence ?
08:28On y était soit presque déjà,
08:30et là, je ne vous dis pas le reste, je vous dis juste le début,
08:33alors les rêves montent dans la nuit
08:35pour aller s'embraser au mirage de la lumière qui bouge.
08:38Ce qui est sublime, c'est que dans l'époque que nous traversons,
08:42dans l'horreur de l'agressivité qui règne,
08:44dans la monstruosité binaire qui nous envahit,
08:47nous sommes en face d'un film qui n'a rien à voir avec Deneuve,
08:51qui n'a rien à voir avec Mastroianne,
08:53pourquoi je gueule, c'est parce que je suis fatigué,
08:55qui n'a rien à voir avec Biagiamma, Biola, ni Poupeau, ni Nicole Garcia,
08:59mais qui nous met en contact avec un moment miraculeux,
09:03un moment rare, un moment unique d'être réconcilié.
09:06Oui, les hommes et les femmes, c'est ça.
09:10Ce n'est pas que ce qu'on nous donne comme matériaux toute la journée.
09:13« Ah oui, ça dépasse le problème de mère, fille, machin, moi ça m'a rasé. »
09:18Moi, quand il m'a proposé le film, je me suis dit « bizarre comme idée,
09:21ça va être un truc, je le capte à 148 000, fin de carrière,
09:26centre-ville à fond la caisse, mais quand même, pourquoi pas y aller ? »
09:30Et quand je vois le film, je me dis « mais il dépasse tout ça ! »
09:33Parce que la poésie, parce que la douceur de ce film,
09:36vous avez raison de dire que ça dépasse l'entre-soi,
09:40parce que bien sûr que vous êtes la fille de votre père,
09:43et bien sûr que c'est un hommage à votre père ce film-là aussi,
09:45bien sûr que votre mère, et honnêtement, je vais vous dire,
09:48on n'était pas prêts à voir Catherine Deneuve en Birkenstock,
09:52on la voit dans le film, et c'est vrai qu'il y a quelque chose,
09:56presque un peu, je vais vous le dire honnêtement,
09:58une forme de voyeurisme, de voir votre vie,
10:00et votre vie telle qu'on l'imagine, un peu mythifiée,
10:03mais en réalité c'est un film qui touche tout le monde,
10:06parce que ça parle de l'affiliation, et ça pourrait être n'importe qui.
10:09C'est n'importe qui, quand vous avez des parents puissants,
10:12parfois écrasants, comment trouver votre propre place ?
10:15D'ailleurs à un moment, votre mère vous dit « mais toi, tu es où là-dedans ? »
10:19Et vous répondez « moi, ça me va très bien de disparaître ».
10:22Mais c'est vrai en plus !
10:25Moi j'aime bien, et c'est vrai que la chance que j'ai eue avec ce film-là,
10:29c'est qu'il y a une transfiguration, parce que je ne veux pas utiliser ce mot
10:34que j'entends des fois de déguisement, c'est pas du tout l'histoire d'un déguisement,
10:37c'est quelqu'un qui vit une sorte de métamorphose existentielle.
10:41Evidemment moi quand j'en parle, c'est beaucoup moins vendeur que quand c'est Fabrice,
10:46parce qu'il a beaucoup plus le sens des mots.
10:48Mais moi j'ai un petit rôle, toi t'as un rôle écrasant.
10:50Non, non, il a un vrai rôle aussi Fabrice.
10:53Moi je me demandais s'il n'avait pas le rôle de Christophe Honoré.
10:57Je crois que c'est ça qu'elle m'a dit.
10:59Mais elle est forte.
11:01Parce que comme elle est maintenant très starisée,
11:03évidemment elle est aimée, mais elle est repérée.
11:06Il parle de vous, là.
11:08C'est exactement ce qu'elle dit.
11:10Allez, revenons.
11:11C'est exactement ça.
11:13Moi je n'y avais pas pensé, mais effectivement vous avez raison.
11:16C'est l'ami, la pièce rapportée, qui essaye d'être ami.
11:20Est-ce que vous auriez rêvé, comme Fabrice Luchini dans le film,
11:23d'être ami avec Marcello Mastroianni ?
11:25Alors ça, il a été formidable Honoré.
11:28Il m'a parlé de ma grande mythologie sur Louis Jouvet,
11:32et il m'a fait rajouter, et je n'avais aucun effort à faire,
11:35parce que ça c'est une scène quasiment un peu impro.
11:38Il y a très peu d'improvisations, mais il y en a une.
11:41Sur la neutralité de l'acteur.
11:43Voilà, sur la maman de Chantal, sur la Chantal Poupeau
11:46que j'ai coiffée quand j'avais 14 ans.
11:48Moi j'ai gardé Melville Poupeau quand elle avait un an.
11:51C'est vrai que vous avez coiffé sa mère comme vous lui dites dans le film ?
11:53Mais c'est vrai ?
11:55C'est elle qui m'a fait rencontrer ma première femme.
11:59La sexualité, c'est grâce à Chantal Poupeau que je l'ai obtenue.
12:02Chantal Poupeau qui est donc la mère de Melville Poupeau.
12:04Et tout le temps on se demande ce qui est vrai, ce qui est faux.
12:07Alors que moi, ma mère, elle ne me fait pas répéter mes scènes avant les ESSEF.
12:10C'est-à-dire que le vrai du faux n'est pas du tout à l'endroit que les gens imaginent.
12:14Mais ce qu'il y a, alors merde, qu'est-ce que je disais ?
12:17La vraie question c'est, ah oui, Christophe Honoré.
12:19Mais il ne me l'a pas dit du tout.
12:21Il dit peu de choses.
12:23Il me donne ce rôle.
12:25Moi je me dis, il me donne le rôle d'un être bienveillant, humain, fraternel,
12:30qui n'a pas de possession.
12:32Je dis, mais tu rêves, tu t'es trompé d'acteur.
12:34Moi j'aime bien jouer les rôles de fiante.
12:37La phrase de Céline, Mme Bérange, elle visait bas, elle visait juste.
12:41Moi, toute ma philosophie, c'est pour ça que je ne suis pas progressiste,
12:44c'est que je pense que la nature humaine, c'est par le bas qu'il faut la saisir.
12:48Parce qu'elle est le plus vrai.
12:50Et là, il vous donne un rôle qui dépasse.
12:52Et les gens me disent, oh mais t'es un mec bien.
12:54Je dis, vous vous trompez.
12:56T'es un mec merveilleux.
12:58Là, vous avez bicolé.
13:00Et pourtant, c'est le rôle.
13:02Mais croyez-moi, il n'y a aucun égo de ma part.
13:04C'est le génie de Christophe Honoré.
13:06Parce que, est-ce que j'aurais pu...
13:08Alors voilà, Mastroianni.
13:10Jouvet, c'est le père.
13:12Un père archétypal, comme un père qui est une autorité.
13:14Mais Mastroianni, c'est l'incarnation absolue de ce qui est le génie français.
13:20Et le génie italien. Pourquoi ?
13:22Parce que c'est la grâce.
13:24Et que tous les acteurs qui font des théories, ils en ont tous des théories.
13:26Je veux être moi-même, je ne veux pas être moi-même.
13:28Je veux être autre, je veux être personnel, je veux être impersonnel.
13:30Mais Mastroianni, il n'y a pas ça.
13:32Mastroianni, il a été désiré par...
13:34Il y a un problème ?
13:36Il a été désiré par qui ?
13:38Il a été désiré par Fellini.
13:40Il a été désiré par Ferreri.
13:42Il a été désiré par Ettore Scola.
13:44C'est-à-dire, il est le génie féminin.
13:48C'est-à-dire qu'il produit la grâce.
13:50Il produit le contraire de l'acteur prétentieux.
13:54Moi, je me suis nourri de tous ces interviews.
13:56Les interviews de Mastroianni.
13:58Justement, on va l'écouter.
14:00Toi, tu les connais, c'est ton père.
14:02Oui, mais je les regarde souvent.
14:04Je les regarde souvent, les interviews.
14:06Parce qu'il y a quelque chose d'assez unique et d'assez libre.
14:08Il y a des choses qu'il dit parfois en interview
14:10qu'aujourd'hui, on n'imaginerait pas.
14:12Il est une drôlerie.
14:14Il va à la télé américaine dans les années, je crois,
14:16ça doit être fin 70.
14:18Et il dit au David Letterman Show, en Amérique quand même,
14:20où les choses sont plutôt polissées,
14:22à l'époque en tout cas.
14:24Et lui, il est là à dire, moi j'aime pas Los Angeles
14:26parce qu'il n'y a pas assez de merde de chien dans vos rues.
14:28Et je me dis, mais c'est fou la liberté.
14:30Il s'en fout, il n'a rien à perdre quand il est là-bas.
14:32Et par exemple, quelles sont vos journées,
14:34Marcello Mastroianni ?
14:36Cette grâce physique, ce physique sublime
14:38dont elle a hérité.
14:40C'est pour ça que Christophe Honoré a piqué ma phrase
14:42de tout est grand,
14:44ce qui est grand est héritage.
14:46Les gens ne comprennent pas ce que ça veut dire.
14:48Ce n'est pas l'héritage de l'oseille,
14:50c'est l'héritage.
14:52C'est-à-dire que toi, tu as hérité de ton père.
14:54Ton père, c'est un des plus grands,
14:56un des quatre plus grands acteurs de l'histoire de l'humanité.
14:58Pourquoi ? C'est très simple.
15:00Parce qu'on lui dit, et vos journées, Marcello ?
15:02Oh ben voilà,
15:04je me promène, je bouquille,
15:06on lui dit, oh non, non, pas trop,
15:08il ne joue pas du tout l'acteur intello.
15:10Mais vous faites quoi ? Je vais voir mon pote au garage,
15:12et puis on boit un coup.
15:14Il n'est pas intello,
15:16il est ce que tous les acteurs souhaitent.
15:18Il est la grâce,
15:20il est l'homme qui a connu Fellini,
15:22que Fellini a été amoureux de lui.
15:24Il a celui qui a provoqué,
15:26qui a été Torres Cola,
15:28qui a pris Sofia Loren dans les bras en jouant un homosexuel.
15:30Il jouait tout,
15:32c'est la grâce, le contraire,
15:34c'est merveilleux, c'est exaltant.
15:36Le film d'Honoré est à la hauteur de Mastroianni,
15:38c'est un film merveilleux,
15:40les gens sont morts de rire dans les salles,
15:42et j'ai osé me dire,
15:44ce n'est pas un peu entre soi ?
15:46Qui vous a dit ce n'est pas un peu entre soi ?
15:48Un nigri, tu sais, le ressentiment.
15:50Il y a une phrase extraordinaire
15:52que maintenant, qui est mon obsession,
15:54que je ne l'atteins jamais, c'est une phrase de Victor Hugo.
15:56Apprenez à dédaigner.
15:58Mais je n'y arrive pas.
16:00Ça vous énerve en fait.
16:02J'adorerais dédaigner.
16:04Oui, ça touche.
16:06Ça vous touche si on dit que c'est un film de l'entre-soi ?
16:08Non, pour moi, ça n'est pas du tout un film de l'entre-soi.
16:10Pour l'instant, on ne me l'a pas encore dit,
16:12et si on me le dit, on verra bien.
16:14Mais je trouve que ce n'est pas un truc de l'entre-soi,
16:16parce que pour moi,
16:18le côté de neuf Mastroianni,
16:20qui est fagocité,
16:22le mot est un peu négatif,
16:24mais qui prend quand même beaucoup de place
16:26dans toute cette promo.
16:28Il ne faudrait pas oublier,
16:30comme le rappelait très bien Fabrice,
16:32que c'est vraiment un pur film de Christophe Honoré.
16:34Et que la présence de neuf Mastroianni,
16:36un peu écrasante,
16:38un peu éclipsante pour le reste,
16:40c'est folklorique, c'est du détail.
16:42Parce que ce que ça raconte, ce n'est pas ça.
16:44Qu'est-ce que ça raconte Carassa ?
16:46Ça raconte le manque d'un père ?
16:48Je pense.
16:50Ça pourrait être le manque d'une mère,
16:52d'un cousin, de ce que vous voulez.
16:54Le manque de quelqu'un qui a compté pour vous,
16:56mais tout n'est pas un truc de la quête du père.
16:58Parce qu'on est quand même dans une comédie ludique,
17:00et je ne voudrais pas...
17:02Oui, que ça fasse vieille psychanalyse.
17:04Mais en tout cas, c'est sûr que c'est
17:06l'idée de comment...
17:08C'est pour ça que je reviens à la pièce de théâtre de Christophe
17:10et à son travail antérieur en général.
17:12Comment est-ce que les fantômes nous aident ?
17:14Comment est-ce qu'on va aller chercher les fantômes ?
17:16Tu adores le mot fantôme.
17:18C'est bizarre, ça m'angoisse ce mot-là,
17:20parce que c'est abstrait.
17:22Parce que fantôme en italien, ça se dit fantasma.
17:24C'est aussi le fantasme.
17:26Tu nous niques, tu nous donnes notre race.
17:28Tu nous remets en place.
17:30Je ne sais pas si tu es Céline.
17:32Oui, mais mon chéri, c'est merveilleux.
17:34Fantôme ? Fantasme.
17:36C'est très beau.
17:38Tu la verrais en Italie, réservée des chambres d'hôtel.
17:40Parce que moi, je suis un phobique.
17:42Alors je lui disais, il faudrait que tu me trouves
17:44une chambre sans bruit, ce qui est une folie en Italie.
17:46À Naples, en plus.
17:48Et alors tu verrais la Chiara.
17:50Elle te parle en italien.
17:52En Angleterre, pour faire
17:54dans la communauté française,
17:56le Victor Hugo.
17:58Tu peux me réserver. Et crac, en italien.
18:00Après, c'est en anglais.
18:02Mais je voulais vous dire une phrase très importante.
18:04Parce qu'après, je voudrais qu'elle l'entende sur son père aussi.
18:06Imaginez que tous les gens
18:08qui nous écoutent, ils n'ont pas de père puissant.
18:10Ils n'ont pas de père et de mère puissants.
18:12Et le film, il est totalement
18:14universel.
18:16Ça ne parle pas du tout de gens puissants.
18:18Oui, c'est ça, c'est ce que j'allais dire.
18:20C'est un peu de puissance. Parce que vous savez bien,
18:22les puissants de l'extérieur ne le sont pas forcément
18:24dans le privé.
18:26Merci Fabrice.
18:28Il ne va pas vous laisser en placer une.
18:30Vous êtes au courant.
18:32J'ai l'habitude, on s'excite comme ça l'un l'autre.
18:34C'est très verbal notre relation.
18:36Mais c'est vrai, non ?
18:38Moi, je voudrais juste vous demander.
18:40Mais attendez, je voulais juste finir.
18:42Pour moi, ce n'est pas la question de la puissance.
18:44C'est plus la question de l'identité.
18:46Et comment on se construit.
18:48C'est une espèce de dialogue intérieur.
18:50Avec son fantôme.
18:52Avec les morts.
18:54Mais c'est ça, je vais en arriver.
18:56Ma question qui me brûle,
18:58c'est dans quelle mesure
19:00le fantôme de votre père,
19:02qui est mort en 1996, il y a presque 30 ans,
19:04vous accompagne et vous aide tous les jours.
19:06Parce que ça, c'est universel.
19:08Pour moi, ce qui est formidable, c'est que ça a été très long.
19:10Ça a été douloureux, ça arrivait quand j'étais jeune.
19:12Mais n'empêche que,
19:14ça ne s'est pas fait en 24 heures,
19:16je me suis rendu compte au fur et à mesure
19:18que par le travail, qui était en fait la chose
19:20qui nous lie, parce que c'est lié pour moi
19:22très fort ma relation avec lui
19:24au plateau de cinéma, parce que pour moi, sa maison,
19:26c'était les plateaux de cinéma. Et ce n'est pas pour faire une formule,
19:28c'est juste que c'est la vérité.
19:30Il n'aimait pas tellement la vie normale,
19:32il aimait être en tournage.
19:34Donc, je finis, j'accélère, je n'arrive pas à avoir un début aussi rapide
19:36que celui de Fabrice, mais je sais que je fais des phrases
19:38un peu longues, alambiquées, mais vous montrez là-dedans.
19:40Mais donc pour moi, c'est vraiment à travers le travail
19:42que j'ai pu,
19:44et je ne veux pas du tout faire un truc,
19:46ce n'est pas une histoire de psychologie,
19:48je ne sais pas quoi, mais simplement, je peux juste dire
19:50très simplement, c'est grâce au travail
19:52et je ne m'en suis pas rendu compte
19:54au début, cette inconscience
19:56que j'ai retrouvée et que j'ai pu
19:58prolonger pour moi, ce dialogue
20:00intérieur avec mon père. Et donc, je ne vais pas
20:02me cacher du fait que mon père m'a manqué,
20:04mon père me manque et mon père me manquera.
20:06Mais, qu'est-ce que vous voulez ? C'est la vie,
20:08on fait comme on peut, mais c'est vraiment
20:10pour moi, ce n'est pas du tout une histoire des puissants.
20:12Parce que les puissants, c'est la puissance
20:14que nous, on leur donne, ce n'est pas la
20:16puissance du public,
20:18ce n'est pas ça. C'est comment
20:20on essaye de trouver
20:22des artifices pour prolonger quelque chose
20:24qui n'est plus, et est-ce que ça marche ?
20:26Et malheureusement, la réponse est non.
20:28Ça ne marche pas ?
20:30Mais si, ça marche !
20:32Vous dites que vous continuez votre dialogue avec votre père.
20:34Parce que moi, je ne suis pas le personnage du film,
20:36mais ce que je veux dire, c'est que ça marche jusqu'à un certain point.
20:38Ça marche, mais il ne faut pas que ça soit une douleur pour l'entourage.
20:40Et c'est à un moment donné, là-dedans que ça bascule.
20:42Voilà, c'est là où ça bascule.
20:44Mais ça n'a rien à voir avec la puissance.
20:46Vous dites que vous aimez l'un et l'autre.
20:48Vous avez écouté l'un et l'autre, les interviews de Marcello Mastroianni.
20:50Moi, j'ai choisi,
20:52il y en a beaucoup, c'est vrai que c'est un bonheur de l'écouter parler
20:54notamment en français avec cet accent.
20:56Jacques Chancel, on est en 82,
20:58Radioscopie, il demande à votre père
21:00si ça ne va pas être trop dur
21:02d'être la fille de Marcello Mastroianni,
21:04de Catherine Deneuve.
21:06Eh bien, écoutez sa réponse.
21:08Cette petite Chiara, vous ne pensez pas
21:10qu'elle aura quand même une vie difficile,
21:12avoir un père qui s'appelle Marcello Mastroianni
21:14et une mère qui s'appelle Catherine Deneuve ?
21:16Elle est enrichie.
21:18Elle est habituée, probablement,
21:20elle pense que tous les parents sont comme ça.
21:22Ils font du cinéma, ils ne savent pas.
21:24Oui, quelquefois, ça peut être, oui,
21:26une limite d'avoir des parents communs.
21:28Mais,
21:30j'insiste à dire que
21:32s'ils apprennent tout ça de quand ils sont petits,
21:34ça doit être pourri normal.
21:36Il n'est pas étourdi
21:38quand elle vient me voir sur un set.
21:40Au contraire, elle est très intriguée
21:42parce que c'est un travail
21:44qui est très aimé par les enfants.
21:46Les enfants sont ravis de voir faire du cinéma.
21:48C'est le cirque.
21:50Donc,
21:52vous voyez qu'au contraire, il y a quelque chose de positif.
21:54Ce serait pire d'aller voir son
21:56papa au bureau
21:58vis-à-vis d'un truc
22:00plein de numéros à faire des addictions.
22:02Mais vous avez l'impression d'avoir réussi
22:04votre vie personnelle.
22:06Vous avez réussi votre vie d'acteur.
22:08Moi, ma vie personnelle, non.
22:10Il y a eu toujours beaucoup de confusion.
22:12Mais, en somme, qu'est-ce que vous voulez faire?
22:14Probablement,
22:16je dirais
22:18que
22:20cet aspect que moi j'ai
22:22qui me pousse vers les compromises,
22:24je trouve
22:26que ce n'est pas extraordinaire.
22:28Peut-être que j'aurais aimé être un homme
22:30avec des idées plus claires, être plus
22:32strict, comme on dit, plus direct.
22:34Mais vous n'auriez pas été Mastroianni.
22:36Vous n'auriez pas été avec des acteurs.
22:38Moi, personnellement, je me
22:40contente. J'ai dit, si je suis
22:42venu comme ça, qu'est-ce que je peux faire?
22:44Mais souvent, tout ça, ce n'est pas
22:46du tout confortable pour les autres qui sont
22:48autour de vous.
22:50J'ai découvert une sensation nouvelle.
22:52C'est très beau, non?
22:54Il est
22:56l'incarnation du flottant lumineux.
22:58C'est pour ça que c'est un immense acteur.
23:00Il n'y a pas d'acteur sans être flottant,
23:02un peu pas
23:04fort, structuré, comme un
23:06moi phallique.
23:08Et il est lumineux là-dedans.
23:10Il n'a aucune complication
23:12intellectuelle. Il a un bon sens,
23:14mais qui n'est pas un bon sens qui descend vers
23:16le bas. Il a un bon sens qui descend
23:18vers la lumière, qui monte vers la
23:20lumière. C'est prodigieux.
23:22Et le film est
23:24nourri de ça. Mais c'est fascinant
23:26parce qu'on a très peu d'images d'archives
23:28dans le film. Il n'y en a même pas.
23:30Donc ce n'est pas non plus un film sur Mastroyal.
23:32Mais de toute façon, en vrai,
23:34on ne sait pas très bien ce qu'on a fait.
23:36On ne sait pas très bien ce qu'il s'est passé.
23:38On sait absolument pas, parce que moi je n'ai rien compris.
23:40Finalement, heureusement qu'il y avait Christophe au commande.
23:42Mais c'est un moment magique.
23:44Vous ne savez pas ce que vous avez fait, mais le téléspectateur,
23:46enfin le spectateur, je dis le téléspectateur
23:48parce que j'ai un mauvais biais.
23:50Le spectateur
23:52ressort avec un moment
23:54magique. Je vous dis simplement, un moment
23:56qui vous fait du bien. On sort de là.
23:58On pense à nos parents et on pense à nos morts.
24:00Mais voilà !
24:02Et il y a eu un moment de poésie
24:04entre Paris et Rome,
24:06Rome et Naples. Vous nous avez fait
24:08voyager autour de cette figure
24:10de Marcello Mastroianni. Qu'est-ce que ça vous fait de l'entendre là ?
24:12Moi ça me touche beaucoup.
24:14En plus, je trouve qu'il y a un truc
24:16quand il parle. Moi je parlais en italien avec lui,
24:18mais quand je l'entends parler en français, il y a une espèce de rondeur,
24:20une application de...
24:22Comment dire ? Pas une application, mais au sens que
24:24j'ai toujours été frappée par le vocabulaire qu'il avait.
24:26Mon père était un homme qui n'avait pas fait vraiment
24:28des études, des trucs comme ça. C'est un homme qui est né en
24:3024 et à chaque fois que je l'entends parler français,
24:32je suis toujours assez émerveillée
24:34de la pratique de la langue et de la douceur de cet accent
24:36qui me touche tellement.
24:40Et quand il dit qu'il a raté, au fond,
24:42qu'il n'a pas réussi sa vie personnelle,
24:44il répond à Chancelle,
24:46« Non, j'ai raté ma vie personnelle ». Oh oui, ce n'est pas de la pause.
24:48Non, ce n'est pas de la pause, mais comme vous voyez,
24:50comme il le dit, ce n'est pas non plus un truc pour
24:52qui on pleure sur lui. C'est un constat.
24:54C'est aussi une façon qu'on
24:56n'attende plus trop grand-chose de lui.
24:58Je le connaissais bien.
25:00Il avait ce côté aussi, un peu, à toujours vouloir
25:02se faire passer pour plus paresseux qu'il n'était.
25:04Comme ça, ça évitait qu'on lui demande quoi que ce soit.
25:06Mais je pense
25:08que c'est aussi ça qui fait que cet homme-là
25:10était particulièrement...
25:12que les gens étaient très attachés à lui.
25:14C'est qu'il y avait une proximité,
25:16parce qu'il n'y a pas du tout de fabrication
25:18d'essayer, justement,
25:20comme disait Fabrice, soit d'avoir l'air d'un intello,
25:22soit d'avoir l'air d'un...
25:24Non, il se présente comme il est.
25:26Authentique. Mais ce qui est drôle, dans la question
25:28de Jacques Chancel, j'adore quand au début
25:30il lui dit...
25:32Elle va avoir une vie impossible.
25:34Ça va, quoi. Ce n'est pas comme si mon père
25:36c'était, je ne sais pas moi, un homme politique.
25:38Vous voyez ce que je veux dire ? On reste quand même dans
25:40un domaine
25:42qui est ludique.
25:44Ce n'est pas comme si je me révèle.
25:46Je ne suis pas fille de dictateur.
25:48Heureusement. Je termine par les impromptus.
25:50Quelques questions rapides, vous répondez
25:52sans trop réfléchir. Votre film préféré
25:54de Marcello Mastroianni, l'un et l'autre ?
25:56C'est difficile d'en choisir qu'un...
26:00Je pense...
26:02Je suis entre 8 et demi...
26:04Une journée particulière.
26:06Et vous ? Oui, je dirais la même chose.
26:08Et il y a Divorce à l'Italienne.
26:10Et Mariage à l'Italienne.
26:12Mais Mariage, c'est plus triste que Divorce, bizarrement.
26:14Mais Divorce, c'est sublime.
26:16C'est magnifique. Parce qu'en plus, le Divorce,
26:18c'est un film vachement engagé.
26:20En enfance, j'ai pris ça comme une comédie.
26:22C'est un vrai truc qui dénonçait
26:24le fait qu'en Italie, on ne pouvait pas divorcer.
26:26Ce sera le sujet de notre émission.
26:28J'ai vu le regard de Fabrice.
26:30La dernière fois que vous vous êtes mis en colère, Chiara ?
26:32Je ne sais pas. Ce matin, je crois.
26:34Ou hier.
26:36Fabrice m'a calmée, bien sûr.
26:38La dernière fois que vous avez pleuré, Fabrice Lucchini ?
26:42La dernière fois que j'ai pleuré...
26:44J'ai pleuré, tout à fait,
26:46dernièrement.
26:50En voyant le film de Christophe Honoré, un petit peu.
26:52Il vous a fait pleurer ?
26:54Oui, ça m'a bouleversé. J'ai ri et j'ai pleuré.
26:58La dernière question,
27:00je cite souvent à mes invités cette phrase de Sartre,
27:02il n'y a pas de bon père.
27:04Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ?
27:08Je crois qu'il n'y a pas de bonne mère non plus.
27:10Je crois qu'on fait comme on peut.
27:12Tu peux peut-être remettre ça dans...
27:14Non, mais elle le sait bien.
27:16On fait comme on peut.
27:18Vous connaissez la phrase de Freud ?
27:20Par contre, c'est peut-être dans un contexte,
27:22la phrase de Sartre, et moi je réduis tout ça
27:24à un tout petit tunnel.
27:26On fait comme on peut.
27:28Le problème, c'est qu'on n'est pas assez armé
27:30au moment où on le fait,
27:32pour savoir qu'on fera comme on pourra.
27:34Du coup, on se torture à se dire
27:36« Merde, j'ai tout le temps mal fait. »
27:38Je crois qu'on pose le problème dans le mauvais sens.
27:40Il y a deux choses.
27:42C'est la dernière phrase de Paul Valéry.
27:44« J'ai fait ce que j'ai pu. »
27:46Et puis, la phrase merveilleuse de Freud.
27:48« Il y a trois métiers impossibles.
27:50Président de la République,
27:52psychanalyste
27:54et père de famille. »
27:56C'est là que la dame lui dit
27:58« Mais comment je dois élever mon môme ? »
28:00Et il a répondu « Comme vous voulez, ça sera mal. »
28:04Marcelo Millo, de Christophe Honoré,
28:06c'est en sélection officielle au Festival de Cannes
28:08et ce sera en salle dès ce soir.
28:10Merci à tous les deux.
28:12Merci infiniment.
28:14Merci à vous de nous avoir reçus.
28:16Merci pour votre enthousiasme.
28:18Pour la formule.
28:20C'est la première fois que quelqu'un me parle du film.
28:22Parce que personne ne nous en a parlé,
28:24à part des menteurs.
28:26Merci et belle journée.

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