la Conférence : avec Bernard Lugan sur le Sahara dite occidental

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00:00:00 [Applaudissements]
00:00:04 Je tiens déjà à exprimer un remerciement à toute l'organisation,
00:00:08 tout le staff de l'université de Roubaix,
00:00:13 et je suis très heureux, très très heureux de me retrouver aujourd'hui dans cet amphi,
00:00:19 devant des têtes la plupart connues déjà,
00:00:23 qui sont presque devenues des amis, disons,
00:00:27 et tout au moins nous sommes en pensée, bien souvent, sur des terrains communs.
00:00:32 Alors, oui, première question, pourquoi le titre du livre est "Le Sahara Occidental en 10 questions"
00:00:41 et non pas "Le Sahara Marocain en 10 questions".
00:00:45 Pour la raison très simple, vous savez, j'ai édité, j'ai publié l'histoire du Maroc,
00:00:52 et à l'occasion de la publication de cette histoire du Maroc,
00:00:55 j'ai donné des conférences un peu partout en Europe, à l'Amérique du Nord, notamment au Québec,
00:01:00 et chaque fois revenait une question sur le Sahara Occidental.
00:01:05 Il y avait les livres là encore dehors du Maroc,
00:01:08 où nous sommes tous bien persuadés de cette réalité historique,
00:01:11 de ce lien ombilical entre les provinces dont situe le royaume.
00:01:18 Ailleurs dans le monde, on ne connaît pas le Sahara Marocain,
00:01:21 on connaît le Sahara Occidental, et pourquoi ?
00:01:24 Parce que la vulgate et la propagande des voisins d'outre-Moulouya
00:01:31 a réussi à imposer l'idée d'une réalité "politique",
00:01:36 d'une réalité "sur un critère géographique".
00:01:40 Ce qui fait que les gens ne comprennent pas un livre qui s'intitulerait
00:01:46 "Le Sahara Marocain en 10 questions" quand il n'intéresserait personne.
00:01:51 Le terme n'est pas connu, ce qui est connu c'est le nom "Sahara Occidental".
00:01:55 Alors mon but a été, à partir du monde géographique
00:02:01 que certains voulaient transformer en réalité politique,
00:02:05 de mettre à plat cette question pour justement permettre à ceux,
00:02:11 les non-Marocains, quoique dans mon livre il y a pas mal d'éléments
00:02:14 qui peuvent intéresser les Marocains aussi,
00:02:16 j'apporte un certain nombre de détails qui ne sont pas forcément connus
00:02:20 de tous les Marocains, du moins ceux qui ne sont pas historiens.
00:02:22 Les historiens ne connaissent pas encore les autres, pas forcément.
00:02:25 J'en ai eu encore la preuve lors de mes dernières interventions,
00:02:29 notamment en médias, etc.
00:02:32 La jeunesse marocaine a vraiment besoin de connaître à fond son argumentaire.
00:02:37 Il ne suffit pas de dire en bon patriote "le Sahara est marocain",
00:02:41 encore ce type est capable d'argumenter.
00:02:44 Ça c'est fondamental.
00:02:46 Le patriotisme est un point de départ,
00:02:49 mais la culture patriotique est bien plus importante et est essentielle
00:02:53 dans l'argumentation et dans la progression du combat des idées.
00:02:57 Alors donc, voilà pourquoi j'ai publié ce livre en partant d'un certain nombre de questions.
00:03:02 Des questions que se posent les gens.
00:03:04 Qu'est-ce que le Sahara occidental ? Pourquoi ? Etc.
00:03:07 Alors nous allons revenir sur ces questions.
00:03:10 Et voilà l'idée qui était la mienne.
00:03:14 Et il est bien évident que, bien que la couverture du livre montre sa finalité,
00:03:20 en couverture du livre, je publie une carte.
00:03:25 Ceux qui ont le livre entre les mains ont cette carte.
00:03:28 C'est une carte qui date de 1891
00:03:32 et qui a été tracée par un ingénieur civil français
00:03:37 qui s'appelait Focke et qui montre dans cette carte
00:03:43 qu'à l'époque, en 1891, il était de notoriété publique
00:03:48 que le Sahara dix-occidentale était marocain.
00:03:52 Il montre même plus que ça.
00:03:54 Vous pouvez parler même, comme le disait Alain de Fassig,
00:03:57 le Sahara oriental, les provinces orientales qui aujourd'hui sont algériennes
00:04:03 et qui à l'époque étaient connues comme étant marocaines.
00:04:08 Ma première question porte sur la méthode,
00:04:11 parce que c'est l'une des particularités du livre, c'est qu'il est très rigoureux.
00:04:15 C'est une question qui paraît anodine, la première que vous me posez,
00:04:18 mais qui en réalité interpelle énormément, notamment nos ADSR,
00:04:22 les Algériens et tous leurs acolytes,
00:04:25 parce que tout leur argumentaire se fonde sur le principe
00:04:28 d'autocatégorisation des peuples et que le peuple Sahraoui
00:04:31 mérite d'accéder à ce droit aussi que n'importe quel autre peuple sauf les Kablis.
00:04:36 Ils n'ont pas le droit.
00:04:37 Mais vous posez la question, qu'est-ce qu'un peuple ?
00:04:40 Et y a-t-il un peuple Sahraoui en tant que tel ?
00:04:43 Quelles réponses à contrer ?
00:04:45 Et y a-t-il déjà une réalité politique Sahraoui occidentale ?
00:04:49 Alors au début, mes deux premières questions
00:04:51 tournent justement autour de la géographie et autour de l'ethnographie.
00:04:55 J'ai la chance d'avoir une formation, je suis historien,
00:04:59 ethnologue, mais j'ai une formation de géographe.
00:05:02 A l'époque où je faisais mes études, y a longtemps, en France,
00:05:07 il n'y avait pas de césure entre la géographie et l'histoire.
00:05:10 Vous faisiez une licence d'histoire-géographie ou de géographie-histoire.
00:05:15 Dominante géographie, deux tiers géographie, un tiers histoire.
00:05:18 Dominante histoire, deux tiers histoire, un tiers géographie.
00:05:21 Ce qui fait que nous avions une formation qui était complète,
00:05:24 nous marchions sur nos deux pieds.
00:05:26 Maintenant, avec les réformes qui ont été faites en France,
00:05:28 les historiens ne connaissent plus la géographie
00:05:31 et les géographes ne connaissent plus l'histoire.
00:05:33 Donc c'est embêtant pour des géographes de ne pas connaître le passé
00:05:36 et c'est embêtant pour des historiens de ne pas connaître le milieu.
00:05:38 Bon, alors moi j'ai eu la chance de partir à une génération
00:05:40 où on a été formés différemment.
00:05:42 Donc, ma première question c'est, qu'est-ce que le Sahara Occidental ?
00:05:46 Est-ce que ça veut dire quelque chose ?
00:05:48 Est-ce que politiquement ça veut dire quelque chose ? Non.
00:05:51 Le Sahara Occidental, c'est la partie occidentale,
00:05:53 c'est-à-dire la partie ouest d'un immense désert
00:05:56 qui s'étend de la mer Rouge à l'Atlantique.
00:05:59 Et dans cet immense désert, il y a un certain nombre d'États,
00:06:03 une certaine nombre de populations,
00:06:04 mais il n'y a pas de Sahara Occidental.
00:06:07 Le Sahara Occidental n'a jamais existé en tant que nation, en tant qu'État.
00:06:11 Le Sahara Occidental faisait partie d'un ensemble politique
00:06:14 qui n'était pas un ensemble oriental,
00:06:16 mais qui était un ensemble nordiste qui partait de Tangiers
00:06:20 et qui allait, disons, jusqu'au nord de la Mauritanie,
00:06:24 avec l'entendu des extensions périodiques
00:06:27 lors de certains épisodes historiques.
00:06:30 Ça, c'est le premier point.
00:06:31 Le deuxième point, la partie algérienne dit
00:06:36 oui, mais il y a un peuple Sahraoui qui est colonisé par le Maroc
00:06:40 et qui réclame son indépendance,
00:06:44 qu'il pourrait parvenir à travers une référendum, etc.
00:06:49 Là encore, nous sommes dans l'illusion complète.
00:06:52 Le Sahara, il n'y a pas de Sahraoui.
00:06:54 Ou alors, si, tous les habitants du Sahara sont Sahraoui,
00:06:58 tous les habitants qui vivent dans ce immense désert,
00:07:01 qui, je le rappelle, part de l'Atlantique jusqu'à la Meronge,
00:07:04 sont Sahraoui les Toubou du Tchad,
00:07:06 sont Sahraoui les Touareg et les Mundane,
00:07:09 sont Sahraoui les habitants de...
00:07:13 sont Sahraoui les Libyens qui habitent dans le sud de l'Adenine,
00:07:16 sont Sahraoui les Algériennes d'Isra,
00:07:18 comme sont Sahraoui les Marocains.
00:07:22 Donc, il n'y a pas d'identité humaine
00:07:27 qui serait rassemblée autour d'un peuple Sahraoui
00:07:30 qui s'opposait à une population marocaine
00:07:33 et qui réclamait son indépendance.
00:07:35 D'autant plus que ces populations qui vivent
00:07:38 dans ce qui est appelé le Sahara occidental
00:07:40 sont des populations qui sont des populations bien connues,
00:07:43 qui appartiennent à un certain nombre de grandes confédérations,
00:07:47 de grands ensembles, les Gebas, les T'in'k'na, etc.,
00:07:49 qui tous sont attachés traditionnellement au Maroc.
00:07:53 Dont les ancêtres fondateurs sont des ancêtres marocains,
00:07:56 qui ont des parties importantes de leurs composantes
00:08:00 qui sont dans le Maroc septentrional,
00:08:02 dans le Maroc oriental, etc.
00:08:04 Donc, l'idée d'un peuple Sahraoui n'existe pas,
00:08:09 et l'idée d'un État Sahraoui non plus.
00:08:12 L'histoire, la géographie, l'ethnographie
00:08:14 ne vont pas dans ce sens-là.
00:08:16 Il y a, c'est voulu, un postulat,
00:08:18 un postulat idéologique, mais la force de la propagande,
00:08:23 la force, oui, de la propagande,
00:08:26 a fait que, pour certains, le postulat semble,
00:08:31 ce qui est une chimère,
00:08:32 une chimère devenue réalité pour certains.
00:08:37 - Alors, cette partie, on dirait,
00:08:39 atlantique du Grand Sahara, qui est à la mer au sud...
00:08:42 - Voilà, je crois que c'est terminé.
00:08:44 - C'est plus que la partie atlantique ?
00:08:45 - Oui, voilà, le Sahara atlantique.
00:08:48 - Alors, cette partie atlantique du Sahara
00:08:51 était-elle, au XVIIIe, au XIXe siècle,
00:08:54 factuellement marocaine ?
00:08:55 Pourquoi je dis "factuellement" ?
00:08:57 Parce que dans votre livre, vous évoquez, vous invoquez,
00:09:01 bon nombre de preuves factuelles, pour le coup,
00:09:03 notamment des traités signés entre l'Espagne
00:09:06 et le Sultan du Maroc,
00:09:08 qui démontrent ouvertement que
00:09:11 cette région du Sahara était marocaine.
00:09:14 Déjà, on dirait que c'est un islam, qui est un avant-meme,
00:09:16 mais reste pas justement la partie relativement contemporaine.
00:09:19 Donc, quels sont les arguments les plus percutants,
00:09:22 qui ne relèvent pas de notre réalité marocaine,
00:09:24 parce qu'on nous accuserait de subjectivité,
00:09:27 mais qui impliquent d'autres pays qui le démontrent, comme l'Espagne ?
00:09:31 - Dès le XVIe siècle, je dirais même,
00:09:33 dès la fin du XVe siècle, nous avons la preuve,
00:09:36 par les documents.
00:09:37 Commençons par les origines.
00:09:39 Les Espagnols vont s'installer au Canary,
00:09:44 en 15e, à peu près, pour ce moment.
00:09:46 Et dès l'installation des Espagnols au Canary,
00:09:50 ces Espagnols vont constater que les eaux
00:09:53 de ce littoral sont très poissonneuses.
00:09:56 Et les Espagnols vont posséder des salines au Canary,
00:10:00 ce qui va faire la fortune du Canary.
00:10:02 À l'époque, le poisson se conservait par la régulation,
00:10:05 donc le poisson est nécessairement consommé en Europe.
00:10:09 L'interdit religieux fait que
00:10:13 le vendredi, en Europe, dans les pays chrétiens,
00:10:17 nous, chrétiens, ne mangeons pas de viande,
00:10:20 ainsi que le vendredi, nous mangeons du poisson.
00:10:22 Et dans l'histoire du Moyen-Âge européen,
00:10:26 les interdits religieux alimentaires
00:10:30 sont tout ce qui est carême,
00:10:32 nous faisons le carême, nous aussi.
00:10:34 Vous faites le ramadan, nous faisons le carême.
00:10:36 C'est un carême qui dure 40 jours,
00:10:38 pendant lequel, en principe, on ne mange pas gras,
00:10:42 on ne mange pas de viande, etc.
00:10:44 Donc, l'importance du poisson est le poisson salé,
00:10:48 parce qu'on ne peut pas conserver le poisson.
00:10:50 Donc, les Espagnols vont, ça veut dire les Canaris,
00:10:52 vont établir un monopole très important
00:10:55 grâce au poisson qui est pêché le long du littoral,
00:10:58 de ce qui va devenir le Sahara occidental,
00:11:00 et qui est conservé grâce aux salines des Canaris.
00:11:04 Il est bien évident que dès le début,
00:11:06 il y aura des relations entre le Paroc et l'Espagnol.
00:11:08 Dès le tout début de la présence espagnole en Canaries,
00:11:12 nous avons des traités entre les sultans du Maroc
00:11:15 et les autorités espagnoles.
00:11:17 Car les Espagnols vont bien sûr perdre les marins,
00:11:20 les bateaux qui vont couler,
00:11:21 les tempêtes, les naufrages, etc.
00:11:24 Et dès le début, les Espagnols passent des accords
00:11:27 avec les autorités marocaines,
00:11:29 bien que cette région est sous contrôle marocain,
00:11:33 pour faire libérer les marins naufragés
00:11:36 qui pourraient tomber aux mains de telle ou telle partie de cette région.
00:11:41 Et nous avons, même sous les rétocides,
00:11:46 nous avons des documents selon lesquels
00:11:50 les sultans du Maroc donnent en concession
00:11:55 le droit de pêche entre les Canaris
00:11:58 et le littoral marocain-espagnol à l'Espagne.
00:12:03 Et l'article dit bien aux Canariens et aux Espagnols.
00:12:08 Et donc ce sont les plus anciennes textes.
00:12:11 Alors on pourrait les réciter,
00:12:12 moi je les cite dans mon livre.
00:12:14 Et puis nous avons des traités beaucoup plus récents.
00:12:19 Nous avons notamment un traité qui est très intéressant,
00:12:23 c'est le traité de 1911.
00:12:26 Le traité de 1911 qui va voir la préparation,
00:12:30 nous sommes juste avant le protége-franc, le protège-franc ça va être 1912.
00:12:34 Et déjà le partage se fait avant,
00:12:36 parce qu'en fait le Maroc va se voir appliquer
00:12:40 les accords internationaux qui ont été faits dans son dos.
00:12:44 Or les accords internationaux qui vont être faits
00:12:47 sont des accords qui vont essentiellement être négociés entre trois puissances,
00:12:51 la France, l'Angleterre et l'Espagne.
00:12:54 La France, l'Angleterre et l'Allemagne, pardon.
00:12:56 Et la France va "désintéresser" l'Angleterre
00:13:01 en abandonnant toute revendication sur l'Egypte.
00:13:04 Et à ce moment-là l'Angleterre va laisser les mains libres à la France au Maroc.
00:13:10 Et il va falloir également traiter avec l'Allemagne.
00:13:14 Mais les Espagnols vont se mêler à la question
00:13:18 en disant "mais attention, nous nous sommes attétoirs, nous sommes là,
00:13:21 nous voulons une partie, notamment en face des Canaries".
00:13:27 Et nous avons un texte très intéressant que je cite,
00:13:30 de l'ambassadeur de France, Amaury,
00:13:34 qui voit le premier ministre espagnol,
00:13:37 qui se plaint du fait que dans le futur protectorat qui se dessine,
00:13:42 l'Espagne n'a qu'une petite partie du nord du Maroc
00:13:45 alors que la France va avoir tout le reste.
00:13:48 Et l'ambassadeur, le texte est excellent,
00:13:51 mais comme le dit le premier ministre espagnol,
00:13:54 vous pourriez tout de même reconnaître l'effort que nous avons fait,
00:14:00 et le cadeau que nous avons fait,
00:14:03 en détachant toute cette partie du Sahara marocaine pour la revenir à l'Espagne.
00:14:10 Donc, vous voyez, il n'y a pas de discussion possible.
00:14:13 A partir du moment où vous sortez les textes,
00:14:15 à partir du moment où vous avez les inclores internationaux,
00:14:17 à partir du moment où vous avez les cartes, etc.,
00:14:20 tout le reste c'est l'idéologie.
00:14:22 Et c'est pour cela qu'il est très important, je le répète,
00:14:24 pour des patriotes marocains, de savoir ça.
00:14:27 Il ne suffit pas de dire "c'est marocain, c'est marocain", non, non.
00:14:32 C'est comme disait De Gaulle à propos de l'Europe,
00:14:34 sauter comme des cabris en disant "l'Europe, l'Europe, l'Europe", non, non.
00:14:37 Il faut savoir de quoi on parle.
00:14:40 Comme je dis souvent en géopolitique, il ne suffit pas d'avoir raison.
00:14:43 Il faut se donner des moyens d'avoir raison, de se démontrer.
00:14:47 Il faut étayer, il faut étayer là.
00:14:50 D'autant plus que c'est la partie algérienne
00:14:54 qui est très faible au point de vue argumentaire,
00:14:56 qui n'est pas un argument.
00:14:58 Et la partie algérienne oppose, comment dirais-je,
00:15:01 des a priori auxquels l'on ne peut faire face qu'avec des faits.
00:15:08 Le problème c'est qu'avec vos amis algériens,
00:15:11 il y a refus des faits.
00:15:13 Moi je le vois, je le vois,
00:15:15 moi je le vois bien, là aujourd'hui nous avons une conférence
00:15:18 à Thessalonique.
00:15:20 Imaginez dans les universités françaises
00:15:23 ou dans les siècles de réunions français
00:15:26 quand je présente l'histoire du Maroc
00:15:29 ou l'histoire du Sahara d'y occidental.
00:15:32 C'est un peu de l'hystérie, non, ça, parce que
00:15:35 la partie algérienne est une partie
00:15:38 qui n'a pas d'argument hors de la vocifération.
00:15:42 Ça c'est vraiment très embêtant.
00:15:45 Pour les scientifiques que nous sommes,
00:15:48 avoir en face de soi des vrais débatteurs
00:15:51 c'est tout à fait stimulant pour l'esprit,
00:15:54 c'est enrichissant, ça quand même aide à changer d'idée.
00:15:57 Ça aide, ça fait progresser.
00:15:59 C'est de la dissertation au sens étymologique latin du terme
00:16:03 que naît véritablement la confrontation.
00:16:06 Ça c'est l'esprit universitaire.
00:16:08 Pour moi le reste c'est dogme.
00:16:10 C'est l'esprit émotionnel.
00:16:12 C'est bien qu'on ait introduit l'Espagne
00:16:14 parce qu'on y va garduellement
00:16:16 avant d'arriver à la question de l'Algérie
00:16:18 et de son implication pour ce dossier.
00:16:20 Le Maroc, contrairement à la plupart des pays du continent africain,
00:16:23 a été l'objet d'une double occupation.
00:16:26 Vous l'expliquez très bien dans le livre,
00:16:28 autant espagnol, pour l'instant que vous avez évoqué,
00:16:31 on lui a pensé des territoires dans des logiques de compensation
00:16:34 par rapport à un partage qui dépassait l'Espagne,
00:16:36 mais il a été également l'objet d'une occupation française.
00:16:39 Et vous rappelez que du point de vue de l'ONU,
00:16:41 la dynamique de décolonisation
00:16:44 ne peut se faire qu'à travers la réintégration
00:16:48 des territoires amputés lors de la colonisation
00:16:52 quand il s'agit d'un État qui existait déjà avant d'être colonisé,
00:16:55 quand il ne s'agit pas d'un État nouveau.
00:16:57 Donc quelle mesure de fait d'avoir été occupé par deux puissances européennes
00:17:00 a-t-il rendu plus compliqué cette dynamique-là ?
00:17:03 Je vais répondre en deux temps.
00:17:05 Je vais commencer par répondre au deuxième point de votre question.
00:17:08 Si le Maroc n'avait été colonisé que par une puissance,
00:17:13 l'Espagne, la France...
00:17:16 Je ne vais pas parler clairement de colonisation marocaine,
00:17:19 ce n'est pas l'Algérie, c'est un autre histoire.
00:17:21 Si le Maroc n'avait pas été occupé par deux puissances,
00:17:25 mais par une seule,
00:17:27 l'indépendance serait faite d'une manière unique.
00:17:30 Et on ne parlerait pas de Sahara Occidental.
00:17:32 Imaginez que la partie qui est devenue le Sahara Occidental
00:17:37 ait été à l'époque du protéctorat en 1916
00:17:43 entièrement sous les administrations françaises.
00:17:47 L'indépendance de 1956,
00:17:49 le retour à l'indépendance de 1956 serait fait du nord au sud.
00:17:53 Et il n'y aurait pas eu de coupure.
00:17:55 Le drame, c'est qu'il y avait deux administrations coloniales.
00:17:58 Et comme il y a eu deux administrations coloniales,
00:18:01 l'ONU et les partisans de la Luie,
00:18:06 vont utiliser un seul aspect de la définition de l'ONU.
00:18:11 Et là j'insiste, je pense que c'est un des points importants de mon livre,
00:18:15 parce que c'est un argument qui est peu utilisé au Maroc, pas assez.
00:18:19 Et comme je le dis souvent,
00:18:21 il faudrait vraiment que ce point-là soit approfondi par des juristes.
00:18:26 Moi j'ai fait du droit, j'ai été étudiant en droit à Sasse,
00:18:30 j'ai fait du droit,
00:18:31 mais je n'ai pas la formation juridique suffisante
00:18:35 pour véritablement approfondir cette notion qui est sans appel.
00:18:40 Je vais la dévoiler.
00:18:42 Que nous dit l'Algérie ?
00:18:45 L'Algérie nous dit, et a raison,
00:18:49 que l'ONU parle de l'indépendance
00:18:54 dans les frontières des États établis
00:18:57 d'après les anciennes provinces coloniales auxquelles ces États succèdent.
00:19:02 On est d'accord ? Donc c'est le droit hérité de la colonisation.
00:19:06 Les frontières héritées de la colonisation.
00:19:09 C'est imparable.
00:19:11 Oui, sauf que l'ONU ne dit pas exactement cela.
00:19:15 L'ONU, quand elle distingue deux types d'États,
00:19:18 les États nouveaux,
00:19:21 pour lesquels les frontières sont héritées de la colonisation,
00:19:27 puisque ces États n'existaient pas avant la colonisation,
00:19:30 et que c'est la colonisation qui les a créés à partir de ces limites internes.
00:19:35 Donc c'est le cas d'une très grande partie de l'Afrique.
00:19:40 Et parfois aussi de l'Asie.
00:19:43 Mais l'ONU nous dit également, et là c'est fondamental,
00:19:47 et c'est le point, vraiment, j'insiste là-dessus,
00:19:50 parce que c'est un point qu'on voit peu dans l'argumentaire marocain,
00:19:53 et pourtant c'est un point fondamental.
00:19:56 La résolution 1514 de l'ONU, en date du 14 décembre 1960, nous dit quoi ?
00:20:03 Je cite.
00:20:05 "Les territoires coloniaux, arrachés à un pays souverain,
00:20:11 ne peuvent avoir une forme de décolonisation
00:20:16 autre que leur réintégration au pays d'origine duquel ils ont été dissociés."
00:20:23 Article 6.
00:20:26 Si un État a été démembré par le colonialisme,
00:20:29 il a le droit de recouvrer son intégrité territoriale après sa décolonisation.
00:20:36 Parce que quand les Algériens parlent des frontières héritées de la colonisation,
00:20:43 de l'intangibilité, ils font allusion à eux-mêmes,
00:20:48 puisque l'Algérie n'existait pas avant 1962.
00:20:52 Il ne se peut pas dire qu'il n'y ait pas d'histoire d'Algérie, mais attention,
00:20:55 mais l'Algérie en tant qu'État n'existait pas.
00:20:57 Avant 1962, c'était la France.
00:21:00 Avant la France, c'était la Turquie.
00:21:02 Avant la Turquie, c'était les principautés, ou c'était le Maroc.
00:21:05 À l'époque, il y avait le Maroc, qui nous servait, qui nous servait des Marocains.
00:21:09 Et, tandis que le Maroc, lui, n'est pas un État nouveau,
00:21:14 c'est un État qui existe, comme je le dis chaque fois et je le répète,
00:21:18 et c'est important, la longue durée,
00:21:20 quand Hugues Capet, qui est le premier roi capétien, est élu en 987.
00:21:27 En France, la dynastie grissille a déjà 170 ans d'existence.
00:21:32 Donc, c'est un État qui est plus que millénaire, 1200 ans, 1300 ans.
00:21:37 Donc, un État millénaire, on ne peut pas appliquer un principe de frontière
00:21:42 hérité de la colonisation,
00:21:46 puisque cette colonisation a amputé un État qui existait avant la colonisation.
00:21:51 Alors, le problème, c'est que nous avons la confrontation de deux États,
00:21:55 le Maroc, avec son ancrage ludénaire, et l'Algérie, qui est né en 1962.
00:22:01 Alors, l'Algérie a raison de dire, dans sa logique,
00:22:05 que les frontières doivent être les frontières héritées de la colonisation,
00:22:09 mais le Maroc a encore plus de raison en disant que ce n'est pas parce qu'il y a des États nouveaux
00:22:14 qu'un État français doit accepter d'être amputé au profit de cet État nouveau.
00:22:18 Donc, c'est un double-débat. C'est un point important.
00:22:21 Il faut vraiment que ce point juridique soit étudié à fond par les juristes marocains,
00:22:27 parce qu'il n'est pas assez mis en évidence.
00:22:29 Moi, je pense que c'est un point important de mon livre, qui est donné à ce moment-là.
00:22:34 Donc, le Maroc va opposer un principe nouveau, sa légitimité, sa compréhension historique.
00:22:43 Mais le problème, c'est que le droit international, c'est un droit occidental.
00:22:50 C'est un droit occidental.
00:22:52 Et la Cour internationale de justice fonctionne sur des principes occidentaux,
00:22:58 sur des principes qui sont le résultat des révolutions juridiques, politiques, intellectuelles et religieuses
00:23:05 depuis le 18ème siècle en Europe.
00:23:07 C'est ça, le droit international.
00:23:09 Comment voulez-vous que des juristes du droit international puissent comprendre
00:23:14 que c'était le phénomène, par exemple, de la BIA ?
00:23:17 Ce n'est pas pensable.
00:23:18 C'est complètement au-dehors de leur schéma juridique et de leur schéma intellectuel.
00:23:22 Donc, il y a un télescopage.
00:23:24 Jusqu'à présent, nous étions dans une impasse.
00:23:29 Or, et là c'est une grande preuve d'optimisme,
00:23:34 depuis, disons, une dizaine d'années,
00:23:37 éclate le magistère occidental avec ses principes juridiques au profit du multicentrisme.
00:23:47 Nous voyons maintenant, avec la renaissance des vieux États
00:23:54 ou des vieilles civilisations qui avaient été en endormissement,
00:24:00 en sommeil pendant la période coloniale,
00:24:03 nous voyons qu'une nouvelle ordre mondiale se met en place avec une nouvelle définition.
00:24:08 Et dans ce contexte-là, je pense que les définitions nationales
00:24:16 vont petit à petit réussir à l'emporter sur le principe du droit international,
00:24:22 qui est un droit national, disons le terme, post-colonial.
00:24:27 Puisque c'est un droit qui est basé sur l'individu,
00:24:32 c'est-à-dire sur un concept européen et nord-américain,
00:24:37 c'est-à-dire au total 700 millions d'habitants sur 7 milliards,
00:24:44 parce que les 7 milliards d'autres ne vivent pas,
00:24:48 ou du moins ne définissent pas leur mode d'existence
00:24:52 sur le principe d'abord de l'individu,
00:24:55 mais aussi sur le principe des cartes sociaux, des structures.
00:24:59 Et ça c'est fondamental.
00:25:01 Et l'universalisme individualiste est en train de pousser son champ du signe
00:25:10 avec son autosuicide à travers sa philosophie, la théorie du genre, l'égalité, etc.
00:25:17 Là c'est la fin.
00:25:19 C'est le bout du processus qui va aboutir véritablement à l'éclatement de cela
00:25:25 pour un retour à l'ordre naturel.
00:25:27 Moi je crois beaucoup au retour à l'ordre naturel.
00:25:29 Ça ne va pas durer, ça va.
00:25:31 Donc avec toute cette évolution qui va se faire,
00:25:34 je pense que... je pars très loin du Maroc là,
00:25:37 mais je vais revenir à la BIA, c'est fondamental.
00:25:40 C'est un principe qui est fondamental, car le droit national marocain repose là-dessus.
00:25:46 Donc je trouve ce qui ne peut pas être compris par le juridisme international.
00:25:50 Ce qui va expliquer l'arrêt de la Cour internationale,
00:25:54 qui va donner raison au Maroc,
00:25:56 mais avec un petit frein derrière
00:26:00 on sent une incompréhension culturelle, juridique, philosophique et religieuse.
00:26:08 Effectivement, le paradigme de ces juristes ne leur permet pas de comprendre le concept de la BIA.
00:26:15 Au fait, c'était la forme d'expression et d'existence de la souveraineté dans un état traditionnel.
00:26:21 Et qu'on ne peut pas, vous l'expliquez très bien, projeter une conception moderne de la souveraineté
00:26:25 quand on est sur l'état de la science, à partir de la pensée de Jean Godin, de Thomas Hock etc.
00:26:30 C'est une réalité qu'ils ne citeraient pas.
00:26:32 Et donc ils tombent dans un anachronisme.
00:26:34 Avec en plus, parce qu'on s'est raffaibli, la notion de séparation du pouvoir.
00:26:38 Or, dans le principe de droit traditionnel, le chef détient à la fois l'auctoritas et la potestas.
00:26:45 Et s'il perd l'un ou l'autre, il n'est plus le chef.
00:26:49 C'est spirituel et c'est temporel.
00:26:52 Mais alors je peux comprendre que les juristes ne comprennent pas cette réalité culturelle marocaine traditionnelle.
00:26:56 Parce que même en France, la philodélite était fondée sur des liens d'allégeance symbolique.
00:27:00 Mais l'Espagne ne pouvait pas ne pas savoir que le Sahara qui l'occupait était marocain.
00:27:07 Du fait même que les traités dont on parle depuis le début et qui figurent dans votre livre,
00:27:11 ils les possèdent également en copie.
00:27:13 Donc, une sorte de mauvaise foi espagnole, à l'époque,
00:27:17 pour ne pas tomber autour d'un anachronisme en créant l'Espagne d'aujourd'hui,
00:27:20 ce qui a été fait par nos ancêtres.
00:27:22 Mais peut-être qu'il y a une faute beaucoup plus importante de l'Espagne à l'époque que de la France.
00:27:28 Parce que la France compétite le Maroc dans le schéma de décolonisation.
00:27:32 Globalement, ça se passe bien.
00:27:34 De Gaulle propose au Maroc même de décider des frontières par rapport à la future Algérie.
00:27:40 Le Maroc, élégamment, vous y revenez dans l'ouvrage,
00:27:43 refuse en disant qu'on ne va pas négocier dans le dos de nos frères algériens.
00:27:46 Après, c'est pas tout de fait d'Espagne.
00:27:49 Des frères comme Carré et Abel.
00:27:51 Mais l'Espagne a quand même tout fait pour s'accrocher à tout prix à ces territoires-là,
00:28:00 dans sa schéma de mauvaise foi totale.
00:28:02 Et que le problème est davantage dans le pays espagnol que dans le Maroc français.
00:28:05 Je ne vais pas parler de mauvaise foi parce que je suis un historien.
00:28:09 Les historiens ne connaissent pas la mauvaise foi.
00:28:11 Ils connaissent les intérêts nationaux, les rapports de force.
00:28:15 Un pays n'a pas d'amis, il n'a que des intérêts.
00:28:20 Donc l'intérêt de l'Espagne à l'époque était de déposséder le Maroc.
00:28:25 Voilà, c'est tout.
00:28:26 Portons pas de jugement de valeur.
00:28:28 L'Espagne a voulu rester au Sahara.
00:28:32 Toujours les Canaries.
00:28:35 L'Espagne n'aurait pas les Canaries, il n'y aurait pas eu le Sahara occidental espagnol.
00:28:42 Et l'Espagne va essayer pendant un certain temps d'entretenir la fiction.
00:28:48 Car en fait c'est l'Espagne qui va l'inventer.
00:28:51 C'est l'Espagne qui va inventer la fiction d'un pseudo-état Sahraoui.
00:28:57 En espérant avoir un petit protégé très faible, dépendant d'elle, pour exister.
00:29:05 Et l'Algérie a eu le même intérêt.
00:29:07 L'Algérie qui va reprendre...
00:29:09 Dans mon livre il y a une carte qui est absolument parlante.
00:29:13 Qui est une carte qui représente la vision...
00:29:16 Je ne l'ai pas mise ici, mais elle est dans mon livre.
00:29:18 Qui représente la vision qu'ont eu certains cercles ultra-coloniaux français
00:29:24 de l'époque de l'Algérie française.
00:29:26 Qui était de couper le sud du Maroc par une bande
00:29:31 qui aurait permis à l'Algérie française d'avoir une ouverture sur l'Atlantique.
00:29:36 Le projet commissariaux.
00:29:38 L'Algérie à l'heure actuelle est l'héritière des ultras de la colonisation française.
00:29:44 L'Algérie a hérité des frontières, a hérité du Jacobinif
00:29:48 et a hérité de ce projet de poussée vers la frontière.
00:29:52 Pourquoi ?
00:29:53 La carte vous montre bien l'Algérie.
00:29:56 C'est un immense centre...
00:29:58 C'est un peu...
00:29:59 Ouvert.
00:30:00 Sahraoui, qu'elle n'a jamais possédé.
00:30:02 Que la France lui a offert en 1960.
00:30:06 Il n'est qu'en 1960 que De Gaulle,
00:30:09 après l'échec de la communauté de l'office saharien,
00:30:13 après l'échec de ses négociations,
00:30:15 décide de rattacher le Sahara à l'Algérie.
00:30:18 Mais si la négociation régionale se défait différemment,
00:30:22 la France ne rattachait pas le Sahara à l'Algérie.
00:30:24 Donc en 1960, De Gaulle décide de se débarrasser de ce qu'il appelait le fardeau algérien.
00:30:29 Parce que ça coûtait trop cher à la France.
00:30:31 Et il l'appelait le fardeau, c'est pas très chide pour l'Algérie,
00:30:35 mais bon, c'est ça.
00:30:37 Et De Gaulle va donc donner le Sahara à l'Algérie.
00:30:40 Ce qui fait que l'Algérie se retrouve avec un énorme ventre
00:30:44 et une toute petite tête sur le Méditerranée.
00:30:46 Une toute petite façade.
00:30:48 C'est-à-dire, tu vois les gros ventres et les petites têtes sur le Méditerranée.
00:30:53 Et le Méditerranée, qu'est-ce que c'est que ça là ?
00:30:55 C'est une sorte de mer Noire.
00:30:57 De même que les russes sont bloqués par les détroits verdes à Nel,
00:31:01 l'Algérie, comme tous les pays méditerranéens,
00:31:04 se trouve être bloquée par les détroits du Gibraltar.
00:31:06 Vous mettez trois mines ou un sous-marin dans les détroits du Gibraltar,
00:31:09 plus personne ne sort.
00:31:11 Tenez sur le Maroc, plusieurs milliers de kilomètres de Tanger jusqu'à la Bretagne.
00:31:16 Donc là, l'ouverture est en an.
00:31:18 Pour l'Algérie, il y a cette obsession de la poussée vers l'Ouest
00:31:23 et cette obsession de l'Atlantique.
00:31:25 Et toute la politique algérienne va s'expliquer par ça.
00:31:28 Donc, nous sommes dans les années qui vont précéder 1975
00:31:32 et l'Espagne sait qu'elle va devoir quitter le Sahara.
00:31:36 Donc l'Espagne va essayer de créer une fiction d'un état ou d'une entité
00:31:44 et elle va être alliée à l'Algérie.
00:31:46 Car l'Espagne, dans cette entreprise, va être alliée à l'Algérie très tardivement.
00:31:51 Je vois quand je donne des conférences en Espagne,
00:31:55 et comme je le dis toujours, en France,
00:31:58 quand je donne des conférences, j'ai contre moi le lobby algérien
00:32:03 et quand je donne des conférences en Espagne, j'ai contre moi le lobby sahraouine.
00:32:07 Les deux côtés, on retrouve la même chose.
00:32:10 Donc l'Espagne va rester jusqu'au moment où la réalité politique va l'emporter.
00:32:14 Parce que finalement, on ne peut pas.
00:32:16 Ou alors on meurt.
00:32:17 Si on en reste dans l'idéologie, un état ne peut pas rester dans l'idéologie en permanence, il meurt.
00:32:22 Les constants historiques, les marxistes parlent de lignes de force,
00:32:25 moi qui suis un basilien, je parle de constants historiques,
00:32:28 finissent par s'imposer.
00:32:30 Donc l'Espagne va devenir une approche réaliste,
00:32:33 d'où l'évolution politique que nous connaissons.
00:32:36 Mais la réalité historique, c'est cette politique, cette attirance de l'Atlantique pour l'Algérie
00:32:41 et cette volonté pour l'Espagne d'aller tranquille
00:32:46 sur sa rive ouest des îles d'Azerhaïpres, de l'archipel des Canards.
00:32:52 Donc au fait, l'Espagne, ayant compris que son départ était de toute manière irrémédiable
00:32:59 parce que le monde post-45 avait radicalement changé,
00:33:02 que l'Union Soviétique et les Etats-Unis étaient tous les deux d'accord
00:33:06 pour le démantèlement des anciens antipodoniaux,
00:33:09 et donc avant de quitter, elle a décidé, comme vous l'expliquez,
00:33:12 d'inventer la fixe d'un pseudo-État fantoche,
00:33:16 dans ces régions-là du Sahara Atlantique,
00:33:18 afin de servir de relais et de maintenir l'influence espagnole dans la région.
00:33:23 Et l'Algérie, pour des raisons qui lui sont propres,
00:33:26 totalement différentes de celles de l'Espagne,
00:33:28 a atterri sur ce narratif-là, mais avec un autre argumentaire.
00:33:32 Et l'Algérie va mettre en avant l'idée de l'ultérimation,
00:33:38 ce qui est tout à fait paradoxal,
00:33:41 parce que l'Algérie va demander l'autodétermination d'un territoire
00:33:47 qui a été, comme le disait Antonio Gutiérrez, décolonisé en 1975,
00:33:53 mais elle-même ne va pas appliquer chez elle le principe d'autodétermination
00:33:58 pour les territoires marocains que la coloniation française a rattachés à l'Algérie.
00:34:04 Il n'y a pas de projet d'autodétermination pour le gouvernement,
00:34:07 le Titi-Kelt, Saouda, etc.
00:34:10 Donc on est vraiment là dans le paradoxe géographique-physique.
00:34:17 On en revient à la mauvaise histoire.
00:34:19 On en revient à la mauvaise histoire, je ne devrais pas le dire.
00:34:22 L'historien n'a pas le droit de parler de la mauvaise histoire.
00:34:25 On n'est pas tous historiens, on est également humains.
00:34:28 Alors, je disais que l'Espagne, avant de s'y affixer,
00:34:32 avant de partir, parce qu'elle traîne des pieds,
00:34:35 et ne veut pas partir de toute manière.
00:34:37 Donc il a fallu le coup de main réalisé par le Seigneur Saint-Denis,
00:34:41 à savoir la marche verte, pour obliger l'Espagne à accepter le fait accompli,
00:34:46 c'est-à-dire la marocanité du Sahara.
00:34:48 On est passé à tout de suite à la guerre.
00:34:51 Mais est-ce qu'aujourd'hui, on doit énormément à cette marche verte,
00:34:56 parce que sans la marche verte, on serait en train de défendre la marocanité d'un Sahara
00:35:01 où on n'aurait pas été présent.
00:35:03 Donc, je dis que c'est un avantage énorme d'être dans le Sahara et de le défendre,
00:35:08 plutôt que de le défendre en y étant pas.
00:35:11 Parce qu'il y a des gens qui le voient comme une tête folklorique, etc.,
00:35:14 mais qui ne perçoivent pas que ce fut vraiment quelque chose de génial, d'extraordinaire,
00:35:19 et qui continue de produire des appuis aujourd'hui.
00:35:22 C'est une idée géniale, parce que c'est un fait accompli,
00:35:25 et surtout l'idée de prendre des populations de toutes les provinces,
00:35:31 de toutes les origines, etc., sociales et autres.
00:35:36 Avant-hier, j'ai appris qu'il y avait même des Libanais
00:35:40 qui ont fait la marche verte avec les Marocains.
00:35:42 J'ai eu des amis français du Maroc qui l'ont fait aussi.
00:35:46 Donc, c'était notamment un ami qui était parmi ceux
00:35:52 qui ont organisé l'arrêt de l'attaquement en Europe.
00:35:54 Et donc, c'est quelque chose qui a été d'assez important.
00:35:58 Comme vous le dites si bien, si le Maroc n'avait pas fait la marche verte,
00:36:04 je ne comprends souvent pas comment il aurait pu récupérer le Sahara occidental
00:36:08 uniquement par la négociation et par la pression internationale.
00:36:12 Ça, ça me rappelle.
00:36:13 De temps en temps, il faut couper le noeud gordien,
00:36:16 il faut savoir trancher le noeud gordien.
00:36:18 Et là, c'est le travail, c'est le génie des grands politiques.
00:36:22 C'est ce qu'était sa majesté Hassane II.
00:36:25 C'est-à-dire qu'à un moment donné, il faut prendre des décisions.
00:36:28 Il faut y aller.
00:36:29 Et quand il faut y aller, on y va en...
00:36:31 L'intérêt, l'intérêt actuel.
00:36:33 Et là, c'est... Attention, le contexte, il n'est pas facile.
00:36:35 - Que dites-vous à tel de dos la guerre ?
00:36:37 Les Espagnols étaient très rassurés au début.
00:36:39 - Par cette conscience, c'était la godine de Franco.
00:36:41 Franco était en train de mourir.
00:36:42 Et il y avait la vieille garde espagnole qui, elle-même, n'acceptait pas
00:36:47 de pouvoir se retirer.
00:36:49 Il y avait quand même 4, 10, 5 TFE espagnols qui étaient là.
00:36:54 Il y avait le nouveau politrério de Caralendir.
00:36:57 Il y avait l'élite de l'armée espagnole qui était là.
00:37:00 Donc, on était à deux doigts.
00:37:02 En même temps, les Algériens qui attaquaient dans les parties Est.
00:37:06 Donc, on était vraiment à deux doigts.
00:37:08 Et du coup, le génie qui fait que, bon, il y a eu des accords.
00:37:13 Mais on est passé très près de la guerre.
00:37:17 - Il nous reste quelques minutes avant d'ouvrir le champ question-réponse.
00:37:21 - Peut-on affirmer aujourd'hui que l'élite algérienne, l'élite politique
00:37:24 ou l'agente algérienne sait très bien que le travail est en cours ?
00:37:29 Et que le fait de continuer à pousser ce narratif fallacieux
00:37:35 du point de vue du problème national, autant que de l'histoire,
00:37:38 procède d'une logique existentielle.
00:37:41 C'est qu'il a besoin d'entretenir ce narratif
00:37:44 comme étant le fondement de son régime politique.
00:37:46 C'est que, de fait, comme c'est existentiel,
00:37:49 il n'y a pas moyen de trouver une solution avec l'Algérie.
00:37:53 D'entendre que l'Algérie dit qu'elle est neutre et qu'elle n'est pas engagée.
00:37:56 Maintenant, c'est une affaire entre le Pays de l'Arière et le Maroc.
00:37:58 - C'est fondamental. Je vais revenir un peu sur ce que vous disiez tout à l'heure.
00:38:01 Les négociations entre la France et le Maroc
00:38:04 n'ont pas eu lieu, malheureusement, pour la rectification des frontières.
00:38:06 Donc, en De Gaulle, n'oublions pas que Ahmed V et De Gaulle étaient très proches.
00:38:11 Ahmed V était compagnon de la Démarration.
00:38:14 N'oublions pas qu'en 1942, quand il y a eu le débarquement américain, roche noire, etc.
00:38:19 et que l'armée française qui était au Maroc a failli repousser les Américains.
00:38:24 Moi, je connais bien, mon père a participé à ces combats.
00:38:27 Donc, je suis très bien comme c'est passé.
00:38:30 Et qui a rétabli la paix ? C'est le roi du Maroc.
00:38:33 C'est le roi du Maroc qui est... enfin, le sultan,
00:38:36 qui a réussi à imposer le juice et le feu.
00:38:39 Donc, véritablement, De Gaulle était très proche de son majesté Mohammed V.
00:38:43 Et De Gaulle, dès le début, dès 1958, veut donner la Démarration à De Gaulle.
00:38:49 Vous vous trompez complètement en France, en croyant que De Gaulle...
00:38:53 L'armée met De Gaulle au pouvoir pour garder l'Algérie française.
00:38:57 Et De Gaulle fait comme s'il allait garder l'Algérie française.
00:39:01 Moi, je suis lavé.
00:39:03 S'il arrive au pouvoir, porté par l'armée, en disant "je lui donne la Démarration à Algerie", il était mort.
00:39:07 Il était abattu.
00:39:09 Donc, il a joué d'une manière très habile.
00:39:12 Et dès 1958-1959, comme il sait que la France va donner l'indépendance à l'Algérie,
00:39:18 et comme c'est un homme d'histoire, De Gaulle, De Gaulle est un homme cultivé,
00:39:22 et De Gaulle savait très bien que le Maroc avait été amputé par la France.
00:39:27 Et comme De Gaulle est en très bon terme avec la monarchie marocaine,
00:39:31 il propose au Maroc une négociation de la rectification des frontières.
00:39:36 De Gaulle était prêt à donner dès le départ, Thindou, bien sûr, Colombechère, etc.
00:39:40 Plus à l'ouest, plus à l'est, la discussion aurait commencé.
00:39:45 A l'époque, je rappelle que le Sahara n'a pas encore été donné à l'Algérie par la France.
00:39:50 Parce que la France n'a pas donné le Sahara à l'Algérie qu'à la fin de l'année 1960.
00:39:55 - On parle pas du Sahara, pas du renseignement marocain, mais du Sahara dans la partie algérienne, juste pour rectifier.
00:40:01 - On s'est compris, on s'est compris. Je parle du Sahara qui est actuellement algérien.
00:40:05 A la fin de l'année 1960. Vous voyez que la négociation va commencer en 1958-1959.
00:40:10 Donc, il y avait la possibilité à l'époque de rectifier les frontières.
00:40:15 Et comme vous le disiez, justement, le Maroc, très élégamment, va dire non,
00:40:19 on ne va pas accepter de discuter avec le colonisateur sur le dos des Algériens qui se battent contre le colonisateur.
00:40:25 Nous allons nous entendre contre le frère maghrébin après l'indépendance de l'Algérie.
00:40:30 D'où les accords de 1961 qui sont passés entre le Maroc et le GPRA,
00:40:38 le gouvernement provisoire de la République algérienne,
00:40:41 qui disent très clairement qu'après l'indépendance de l'Algérie,
00:40:44 une commission mixte se réunira pour que les rectifications des frontières soient faites.
00:40:51 L'Algérie est indépendante.
00:40:54 Kindouf est occupée par l'armée algérienne.
00:40:58 Ça commence mal pour la fraternité maghrébine.
00:41:01 Ça commence mal pour le respect des accords de 1961.
00:41:05 Et le roi Hassan II...
00:41:07 Alors, j'assiste toujours dans mes conférences à liser le défi de sa majesté, le roi Hassan.
00:41:14 Je ne sais pas qui n'a pas lu le défi de Saddam.
00:41:17 Ou qui a lu le défi de Saddam.
00:41:19 Voilà, voilà, et bien c'est triste.
00:41:21 Vous devriez tous l'avoir lu.
00:41:23 Parce que s'il avait lu le défi, vous avez véritablement toute la trame de cette période.
00:41:30 C'est un livre à la fois de témoignage et c'est un livre, c'est une histoire vraiment extraordinaire.
00:41:36 Hassan II raconte tout ça.
00:41:38 Alors, Hassan II dit l'indépendance de l'Algérie, pense un peu les Algériens.
00:41:43 Et puis, Ben Bella au pouvoir.
00:41:47 On verra après comment Ben Bella arrive au pouvoir.
00:41:49 Et Hassan II rencontre Ben Bella, il dit alors...
00:41:55 "Majesté, laissez-moi m'installer, le pouvoir est difficile et après on va négocier."
00:42:02 "On va négocier, gardez ça."
00:42:04 Attaque des garnisons marocaines par l'armée algérienne en guise de négociation.
00:42:11 Alors, qu'est-ce qu'il s'est-il passé ?
00:42:12 C'est très simple. Il s'est passé que Ben Bella et l'État, le système algérien, ne reconnaissent pas les accords du GPRA.
00:42:22 Pourquoi ?
00:42:23 Il se passe en Algérie, dès l'indépendance, une guerre civile.
00:42:29 Entre ceux qui se sont battus contre les Français et ceux qui étaient aux Marocs et en Tunisie dans l'armée des frontières.
00:42:38 Quasiment pas combattus, qu'ils étaient en Algérie et au Maroc.
00:42:42 Tandis que ceux qui ont combattu les Français dans les villas d'intérieur, malheureusement pour eux, il n'en reste plus beaucoup.
00:42:49 Parce qu'il y a eu des morts à l'ère d'Algérie.
00:42:52 Et au moment de l'indépendance, les combattants de l'intérieur se font voler l'indépendance par ceux de l'extérieur, par l'armée des frontières.
00:43:03 Et des combats ont lieu en juillet et en août 1962.
00:43:08 Et le GPRA est renversé par l'armée des frontières, qui va mettre un oblige au pouvoir, Ben Bella,
00:43:16 qui ensuite sera lui-même renversé par l'armée.
00:43:18 Et le système algérien naît.
00:43:21 Le système algérien qui aujourd'hui est au pouvoir naît de ce renversement du GPRA par l'armée des frontières, par le pouvoir militaire.
00:43:31 Avec la négation du congrès de la SOUMAM, parce que nous sommes là dans la grande opposition.
00:43:38 Le congrès de la SOUMAM de 1956, qui a été fait par les combattants d'intérieur,
00:43:44 qui définissent l'Algérie indépendante de demain comme non confessionnelle, non alignée sur les blocs,
00:43:53 Berbero ou Arapo Berber et le pouvoir militaire sont renversés par ceux qui ont des positions complètement différentes
00:44:06 et qui vont prendre le pouvoir à partir de l'été 1962.
00:44:10 Et ces gens-là ne veulent pas reconnaître les accords du GPA et vont s'ancrer dans la définition des frontières héritiers d'agglomération
00:44:21 et vont devenir les héritiers de l'Algérie française.
00:44:26 Moi je dis souvent à mes amis algériens, au lieu de claquer la France, vous devrez mettre partout sur les bâtiments officiers "Vive l'Algérie française".
00:44:33 Parce que c'est la France qui a créé l'Algérie, c'est la France qui a unifié l'Algérie,
00:44:38 c'est la France qui a fait l'Algérie et qui a donné à l'Algérie le Sahara et des frontières en rattachant à l'Algérie les territoires marocains.
00:44:48 Il faut dire merci au lieu de critiquer. Mais ils n'aiment pas que les gens...
00:44:53 Pour conclure, il y a un dernier aspect extrêmement important.
00:44:57 On a vu depuis une dizaine d'années à peu près, à partir de 2015-2016, un changement radical dans la dynamique diplomatique autour de ce dossier,
00:45:05 notamment du point de vue marocain.
00:45:07 Puisqu'on a eu la réintégration de l'Union africaine, le Maroc a mis fin à la politique de la Chef Lide,
00:45:14 il y a eu une pluralité de partenariats stratégiques signés par d'autres puissances que le monde occidental,
00:45:20 grâce à une diplomatie royale proactive, avec Moscou, avec Pékin, avec une délié d'autres.
00:45:26 On a eu de plus en plus de pays africains qui ont abandonné la reconnaissance de l'Occident rafle.
00:45:33 Et enfin, on a eu la reconnaissance américaine de la Marocaine et du Sahara,
00:45:38 et le soutien au plan d'autonomie par les plus grands pays européens, l'Allemagne, l'Espagne, la France, etc.
00:45:45 Peut-on dire que le plan d'autonomie proposé par le Maroc a été la bombe atomique sur une plan diplomatique
00:45:52 qui a dévoilé, pour reprendre encore le thème, la mauvaise foi de l'Algérie ?
00:45:57 C'est que le Maroc a apporté la preuve utile de sa volonté de trouver un juste milieu
00:46:03 pour permettre à l'Algérie de sauver la place, tout en dépassant le dossier,
00:46:08 et que face à cette proposition, l'Algérie n'a pu réagir que par de la violence et pas de plus de violence.
00:46:14 Oui, les masques sont tombés parce que cette évolution marocaine, cette révolution marocaine,
00:46:23 a été faite dans un esprit, j'allais dire, de conciliation.
00:46:28 Alors que la position algérienne a toujours été une position d'ancrage sur des idées intangibles.
00:46:37 Et ceci a permis à l'opinion internationale d'avoir un argument de sortie de crise.
00:46:47 Et ça c'est fondamental, parce que là, effectivement, cette solution...
00:46:51 Et c'était un peu, en quelque sorte, si l'Algérie avait été habile,
00:46:55 l'Algérie s'est, à mon même, au fond d'elle-même...
00:46:58 Quand on discute avec les Algériens...
00:47:00 Moi j'étais professeur à l'école de guerre à Paris,
00:47:04 donc j'ai eu de son passé dans le séminaire,
00:47:08 beaucoup d'Africains, sur les Marocains, et des Algériens aussi, sur les géniaux.
00:47:14 Et quand on discutait avec eux, je ne dirais pas de non,
00:47:17 parce qu'ils vont partir à la prison avec les 150 autres géniaux algériens,
00:47:23 parce que ça tourne, hein, dans l'Algérie.
00:47:26 Et ils me disaient, ils me disaient "mais c'est évident, c'est évident,
00:47:31 c'est évident, le sarrat occidental, on n'y peut rien".
00:47:35 Donc, là, l'Algérie avait la solution pour sortir sans faire la face,
00:47:42 sortir par le haut.
00:47:44 Elle n'a pas saisi l'opportunité.
00:47:46 Et au contraire, elle s'est enfuirée dans un jusqu'au boutisme
00:47:49 qui se retourne chaque jour contre elle.
00:47:51 Parce que les pays africains, qui les uns après les autres,
00:47:55 notamment les Africains, cessent de reconnaître ce nom RASD,
00:48:00 ont été sensibles à cela.
00:48:02 Parce que d'un côté, quand vous prenez les discours de Sa Majesté Mme Sissé,
00:48:07 c'est quand même extraordinaire, à aucun moment vous n'avez d'agressivité,
00:48:12 à aucun moment vous n'avez de dureté,
00:48:16 à aucun moment vous n'avez de volonté d'humilier.
00:48:19 C'est toujours la main tendue.
00:48:22 Et en face, vous avez la soupe.
00:48:24 Donc, ça, si vous voyez, ça marche peut-être pour la politique intérieure du système algérien,
00:48:29 mais à l'extérieur, ça ne marche plus.
00:48:31 Ça ne marche plus parce que les gens lisent,
00:48:33 les gens sont étrangers, ils sont cultivés, et ça...
00:48:36 Et donc, on se retrouve...
00:48:38 Moi, je suis inquiet d'une chose,
00:48:40 c'est comment les futures autorités algériennes
00:48:44 vont-elles faire pour sortir de cette impassie ?
00:48:47 Comment vont-elles sortir de cette impassie ?
00:48:49 Ça serait une démilitarisation du régime.
00:48:51 Il y a eu un Hérac qui s'est arrêté en raison de la pandémie,
00:48:54 mais qui pourrait demain redémarrer de manière pacifique,
00:48:57 et un peu, c'est l'unique lecture,
00:49:00 l'armée rentrera dans les casernes et on pourra enfin dialoguer avec des gens
00:49:04 qui ont à cœur l'intérêt des Algériens.
00:49:06 On ne demande pas aux Algériens d'être pas marocains,
00:49:09 mais on leur demande d'être pro-algériens,
00:49:11 et donc de faire le dialogue avec le Maroc,
00:49:13 et de permettre à cette région de déconner, collectivement.
00:49:16 On n'en est pas là pour le moment,
00:49:18 et lorsque l'on voit les déclarations du président de Toulme,
00:49:21 jamais, jamais, les déclarations ont été aussi dures que maintenant.
00:49:26 Là, on sent qu'on est en fin de cycle.
00:49:30 Et que, je veux dire, l'ultra-chibanisme des dirigeants algériens,
00:49:36 c'est qu'ils n'ont pas compris que le monde avait évolué.
00:49:40 Et à un moment où le disque tournait,
00:49:43 alors, que va-t-il se passer ? Je ne sais pas.
00:49:45 Mais comment ?
00:49:48 Le problème, ce n'est pas que ce va se passer de l'autre côté,
00:49:51 de faire "ah, marocain, marocain",
00:49:53 mais comment la juge est tellement engagée dans cette affaire,
00:49:59 comment peut-elle sortir de là sans se sentir humiliée ou sans perdre la face ?
00:50:06 - C'est plus les diplomates à la lumière,
00:50:08 que les ouvriers de l'Ontario, qui ont fait passer l'enquête.
00:50:10 - Laissons les diplomates...
00:50:12 - Tout à fait. En tout cas, tous ces aspects-là sont très détaillés,
00:50:16 et argumentés dans le livre, donc je vous invite à les découvrir.
00:50:18 Et je remercie, au nom de l'université, au remettre de place,
00:50:21 et au nom de toute la direction, du corps professoral, des étudiants, étudiantes,
00:50:26 je remercie Bernard Lupin pour tous ces éclairages, pour ce livre,
00:50:30 et pour l'amour qu'il porte pour son second pays, le Maroc,
00:50:33 sachant qu'il est m'kénassi.
00:50:35 - Ah, moi, c'est bon.
00:50:37 [Applaudissements]
00:50:43 - Je suis en train de prendre quelques questions.
00:50:47 - L'Algérie, il y avait trois départements,
00:50:51 tous les trois départements, l'Algérie française,
00:50:54 et au sud, il y avait le Sahara, France,
00:50:58 qui était un territoire militaire,
00:51:03 et qui était contrôlé par le QG,
00:51:07 le QG, A.G.
00:51:10 pour des histoires de congruence.
00:51:15 Quand est-ce que ce territoire est-il passé
00:51:21 d'un contrôle militaire à un contrôle civil,
00:51:26 et dans quelles conditions ?
00:51:29 - Il n'est jamais passé, réellement, à un contrôle civil,
00:51:33 parce qu'il y a eu des essais atomiques
00:51:36 qui ont fait que ça restait sur l'organisation militaire,
00:51:40 mais ce qui est intéressant, c'est de voir
00:51:43 à quel moment ce territoire a été politiquement rattaché
00:51:47 à l'Algérie du Nord.
00:51:49 Je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est à la fin de l'année 1960.
00:51:53 Jusque-là, à la suite de deux échecs politiques,
00:51:58 l'échec de l'Office commun des régions sahariennes,
00:52:03 et à la suite de l'échec, des négociations proposées par la France
00:52:10 au Maroc pour la rectification des frontières.
00:52:13 Donc à ce moment-là, De Gaulle a décidé
00:52:18 que l'Office des régions sahariennes ne pouvait pas se faire.
00:52:22 De Gaulle s'est dit qu'on ne restait pas avec un pied dedans, un pied dehors,
00:52:27 on coupe directement, on tranche dans le vif,
00:52:31 et on se débarrasse, ce qui s'appelle le fardeau algérien.
00:52:34 Donc on donne l'Algérie en prime,
00:52:37 avec simplement un dernier accord qui est passé avec le FLN,
00:52:43 que la France puisse encore deux ans utiliser la base de Régame,
00:52:48 qui va permettre d'achever le processus atomique français.
00:52:53 Après, on ne sait plus quoi faire.
00:52:54 Ensuite, très rapidement, la France avait suffisamment d'espace maritime en Océanie,
00:52:59 et a transféré complètement ses champs atomiques en Ouluois, etc.
00:53:03 Ce qui est d'ailleurs beaucoup mieux,
00:53:05 ça tue des poissons, mais ça ne tue pas des hommes.
00:53:09 Et, quoique, énormément de marins français
00:53:13 qui étaient dans les observations lointaines,
00:53:16 qui meurent les uns après les autres de l'Océanie,
00:53:18 encore après les essais du nouveau roi.
00:53:21 Donc voilà, disons que c'est dans les derniers mois,
00:53:23 dans les dernières années de l'Algérie française.
00:53:25 Ce territoire militaire,
00:53:27 d'ailleurs, le sud algérien,
00:53:30 même les régions Biscra, Toghourt, etc.,
00:53:33 ont été longtemps territoires militaires avant de devenir départements.
00:53:37 Alors, je vais vous dire ce que je voulais dire à propos des départements,
00:53:40 car c'est très important.
00:53:43 L'Algérie française, Élysée, c'était à France.
00:53:48 La France ne pensait pas un jour devoir donner le département à l'Algérie.
00:53:51 Au Maroc, j'ai dit, "Géant, quand l'Iaute arrive au Maroc,
00:53:56 un discours de l'Iaute de 1916, donc quelques années après l'Ivoire-Maroc,
00:54:00 il faut bien être persuadé que dans un avenir proche,
00:54:04 nous allons quitter le Maroc."
00:54:07 Il le dit, il le dit, dès 1916.
00:54:09 L'Algérie, tout le monde pensait que c'était la France, le département français.
00:54:13 Or, comme l'Algérie était le département français,
00:54:16 elle élisait des députés.
00:54:18 Entre 12 et 20 députés en fonction des régions.
00:54:22 Or, la France à l'époque, et ça c'est fondamental,
00:54:25 c'était la Troisième République.
00:54:28 Et la Troisième République était l'origine des partis,
00:54:31 où il y avait un système quasi-propensionnel
00:54:34 qui fait qu'il n'y avait pas de majorité.
00:54:37 Il y avait deux grands blocs, grosso modo à la droite,
00:54:40 grosso modo à la gauche,
00:54:42 et il y avait des petits partis charnières
00:54:45 qui faisaient des majorités.
00:54:47 Un peu comme vous voyez, comme en Israël,
00:54:50 avec deux partis,
00:54:52 et les cinq députés religieux
00:54:55 font, en fonction de leur vote,
00:54:58 s'ils vont pour les uns ou pour les autres,
00:55:01 ils font le gouvernement.
00:55:02 Les forces politiques ne bougent pas,
00:55:04 mais il y a cinq ou six députés qui passent d'un camp à l'autre.
00:55:07 En France, c'était la même chose.
00:55:09 Il y avait les députés d'Algérie,
00:55:11 qui étaient d'obédences politiques différentes,
00:55:14 qui étaient plutôt des radicaux,
00:55:16 d'ailleurs souvent francs-maçons,
00:55:18 certains de droite,
00:55:20 mais souvent plutôt des radicaux francs-maçons,
00:55:23 et qui soutenaient tel ou tel gouvernement
00:55:26 en fonction du soutien que ce gouvernement donnait
00:55:29 à la politique d'Algérie française.
00:55:31 Ce qui fait que l'Algérie a eu un rôle essentiel
00:55:34 dans la politique française,
00:55:36 dans le sens où
00:55:38 aucune réforme n'était possible,
00:55:40 notamment au point de vue territorial.
00:55:42 Ce qui va expliquer le fameux document du maréchal Lyautey de 1924,
00:55:47 donc peu de temps avant le départ de Lyautey,
00:55:50 le Quartier des Gauches a pris le pouvoir en France.
00:55:53 Donc ces députés de l'Algérie française
00:55:57 vont se mettre du côté du Quartier des Gauches,
00:56:00 donc la droite à la main de pouvoir.
00:56:02 Et que va demander la France à ce moment-là ?
00:56:06 Une amputation du Maroc
00:56:09 entre la zone espagnole et la région d'Agadir à peu près,
00:56:13 pour que l'Algérie française puisse avoir un couloir
00:56:18 allant jusqu'à l'Atlantique.
00:56:22 Oui, la politique, or,
00:56:24 Lyautey,
00:56:26 c'est totalement opposé à cela,
00:56:28 ça va probablement coûter le poste de Lyautey,
00:56:32 parce que le Quartier des Gauches va,
00:56:34 dans le mois suivant,
00:56:36 évincer Lyautey, le faire évincer par Cotin, la guerre du Rilis, etc.
00:56:40 Lyautey dit "mais c'est pas possible,
00:56:43 nous sommes ici dans un système de protectorat".
00:56:46 Protectorat, ça veut dire protection,
00:56:49 ça ne veut pas dire amputation.
00:56:51 Donc Lyautey va réunir des historiens marocains,
00:56:55 des historiens français, etc.
00:56:57 Et Lyautey va faire bien un énorme document
00:57:01 qui date de 1924,
00:57:03 justement sur les frontières marocaines.
00:57:06 Et Lyautey remet tout sur la table.
00:57:08 Il dit "Colombes et Chars, et Marocains, etc."
00:57:11 Et au sud, il dit "les frontières du Maroc au sud
00:57:15 vont jusqu'à l'AOF",
00:57:17 c'est-à-dire jusqu'à la Mauritanie.
00:57:19 Et Lyautey écrit,
00:57:22 je publie cette lettre dans mon livre,
00:57:25 il écrit personnellement au Premier ministre,
00:57:28 à l'époque on disait Président du Conseil,
00:57:30 en disant "je m'oppose faux
00:57:33 contre totalement cette idée, etc."
00:57:36 Donc on a véritablement là quelque chose
00:57:39 qui est fondamental,
00:57:41 qui montre bien que nous sommes en présence
00:57:44 d'une réalité.
00:57:45 Donc cette réalité de l'Algérie
00:57:47 se retrouve avec les permanences
00:57:49 aujourd'hui un problème politique.
00:57:51 C'est intéressant l'affaire de Lyautey et la suite.
00:57:55 Donc le quartier de Lyautey arrive au pouvoir
00:57:57 et jusqu'à présent,
00:57:59 on ne s'est pas fait partir de Lyautey
00:58:01 et pas de l'été.
00:58:02 On est puissant, on l'a vu.
00:58:04 Donc la gauche arrive au pouvoir
00:58:05 et la gauche décide de se débarrasser de Lyautey.
00:58:07 Comment va-t-elle se débarrasser de Lyautey ?
00:58:10 Elle ne va pas le faire de front.
00:58:12 Elle va lui retirer une partie de ses pouvoirs.
00:58:16 Je disais que le Résident Général
00:58:18 avait à la fois l'Octoritas et la Protestas.
00:58:21 Et on va lui retirer le pouvoir militaire.
00:58:25 On va lui laisser que le pouvoir civil.
00:58:28 Lyautey va dire "Moi non".
00:58:30 L'originalité du Protectorat,
00:58:32 c'est que je suis à la fois chef politique et chef militaire.
00:58:35 Donc à ce moment-là, il va décider de démissionner.
00:58:39 Et la France, pour le dégommer,
00:58:42 envoie Pétain, le maréchal Pétain,
00:58:44 le vainqueur de Verdun, au Réunion-de-Gloire.
00:58:47 Pétain arrive au Maroc en pleine guerre du rifle.
00:58:50 Et au moment où le front est stabilisé,
00:58:53 la descente des riflins sur Fès a été stabilisée,
00:58:56 le Wargaz est arrivé.
00:58:58 Parce que Lyautey va avoir une discussion
00:59:01 très ferme et très sévère avec Pétain.
00:59:04 Lyautey va dire à Pétain
00:59:06 "Mais moi je ne veux pas écraser Atelkine.
00:59:09 Atelkine est un grand chef.
00:59:11 Ce que je veux, c'est le ramener
00:59:13 dans l'autorité du Sultan du Maroc, etc.
00:59:16 Je ne veux pas du tout...
00:59:18 Au contraire, ça doit être un des grands colis de l'État marocain."
00:59:21 Et Pétain lui dit
00:59:23 "Vous faites de la politique, moi je fais de la guerre."
00:59:26 Et la France va aller en Espagne
00:59:29 pour vitrifier le rifle.
00:59:31 Donc là encore, on voit deux conceptions,
00:59:34 deux conceptions de la politique, etc.
00:59:37 Et donc le parti colonial, l'Ultra,
00:59:40 et c'est la gauche des deux pouvoirs,
00:59:42 va soutenir, bien sûr, l'affaire du rifle,
00:59:45 sauf le parti communiste, c'est autre chose.
00:59:47 Et nous sommes là encore dans une grande réalité.
00:59:50 Le rôle des députés français d'Algérie
00:59:53 au Parlement, rôle très important,
00:59:56 qui est peignot...
00:59:58 Tu en fais une chronique pour le France 160,
01:00:00 ça mérite peut-être d'être...
01:00:02 "Seulement, j'en ai déjà fait un, quand je parlais,
01:00:04 quand on émettait un français, quand il parlait de la question,
01:00:06 je ne l'ai jamais évoqué."
01:00:08 Et on voit d'autres...
01:00:10 Par exemple, Maillère,
01:00:12 qui va être président du Conseil français,
01:00:15 en 1952-53,
01:00:17 était député de Constantin.
01:00:19 Et on s'explique...
01:00:21 Donc, professeur, vous avez parlé du pouvoir des cartes,
01:00:26 et nous l'avons totalement remarqué
01:00:29 lors de la rencontre du RS Berker,
01:00:32 puisque notre chère carte a pu marquer
01:00:34 ses doutes à l'en-retour.
01:00:36 Donc, ma question, professeur,
01:00:39 est, assistons-nous à l'impulsion de l'État voisin,
01:00:42 du fait que
01:00:45 l'ennemi que ce dernier a créé
01:00:48 comme vous voulez, les frais internes,
01:00:51 ne fait qu'estimer
01:00:55 les coûts en toute finesse ?
01:00:58 Oui, il y a deux.
01:01:00 Alors actuellement, il y a deux menaces
01:01:02 pour l'État algérien.
01:01:04 Je ne parle pas de la menace sociale,
01:01:06 qui est énorme,
01:01:07 je ne parle pas de la menace économique,
01:01:09 qui est énorme aussi,
01:01:10 je parle de la menace existentielle.
01:01:13 L'une, c'est le mouvement de Kabyle.
01:01:17 La question pousse le mouvement Kabyle
01:01:19 que le mouvement pervers,
01:01:20 dans le cas furthe présent,
01:01:21 parce que le RS,
01:01:23 souvent les cartes actuelles du système
01:01:25 sont d'orésiens, etc.
01:01:26 La question sur les banques.
01:01:27 Disons, la question Kabyle,
01:01:28 on le voit bien avec le Mac, etc.
01:01:30 Alors, ce mouvement a-t-il un avenir ?
01:01:33 Je ne sais pas.
01:01:35 L'autre problème,
01:01:36 c'est celui qu'on a vu apparaître
01:01:37 au moment du Hiérac.
01:01:39 Au moment du Hiérac,
01:01:40 ce n'était pas tellement
01:01:41 le quatrième mandat d'Ostra
01:01:43 qui était là.
01:01:44 C'est ça.
01:01:45 Mais en fait, c'était la renaissance
01:01:48 de l'esprit du GPRA.
01:01:52 C'est-à-dire,
01:01:53 les renaissances de la Soumane,
01:01:56 du congrès de la Soumane.
01:01:58 L'idée qui ressortait,
01:02:00 on l'a bien vu par exemple,
01:02:02 avec l'affaire des anciens combattants,
01:02:05 qui étaient des vrais anciens combattants,
01:02:07 qui ont commencé à sortir des documents
01:02:09 contre les faux Moudjahidines.
01:02:11 C'était tout à fait étonnant comme affaire.
01:02:14 On a vu certains députés,
01:02:17 quelques-fils d'anciens combattants
01:02:19 qui se sont levés en disant
01:02:22 "Ceux qui dirigent en l'heure actuelle
01:02:24 la société Moudjahidine
01:02:25 sont des fous, des imposteurs,
01:02:27 ce sont des gens qui n'ont jamais tiré
01:02:28 d'un coup de fusil, etc."
01:02:30 Donc, il y a à la fois ce retour
01:02:32 de cette conception du congrès de la Soumane,
01:02:36 qui ne peut pas être mis en cause
01:02:39 par le système,
01:02:41 c'est un système meurtre.
01:02:42 Car le système algérien repose
01:02:45 sur ce coup d'État,
01:02:46 il repose sur la fausse histoire.
01:02:48 Donc, si le système algérien
01:02:50 commence à reconnaître
01:02:52 des réalités historiques,
01:02:54 c'est fini, tout va lâcher.
01:02:56 Parce qu'ils ont tout virouillé
01:02:58 dans la fausse histoire,
01:03:00 et le jour où la faille va se faire,
01:03:03 l'immeuble va s'effondrer.
01:03:06 Donc, c'est de là,
01:03:08 c'est de là que vous éclatez le système.
01:03:12 Écoutez, merci infiniment
01:03:14 de votre calme
01:03:18 et de votre attention,
01:03:20 et puis à bientôt, j'espère.
01:03:23 Bonne journée.
01:03:25 (Applaudissements)

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