Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.
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00:00 -Bonjour Patrick. -Vous êtes appelé ce matin ?
00:07 -On joue dans le même club. -Il y a des promotions sur les carreaux.
00:11 -Je ne savais pas comment faire pour remplacer l'irremplaçable.
00:15 -Ah oui, il recommence comme ça. -C'est en bonne voie.
00:17 -Il s'est mis des cheveux blancs, il s'est dit "ça peut peut-être t'aider aussi".
00:20 Bon Patrick, vous êtes l'ancien directeur de la rédaction de Paris Match.
00:23 Alors qu'est-ce que vous avez voulu nous faire découvrir à nous dans cet ouvrage ?
00:28 -J'ai voulu faire découvrir aux lecteurs que c'est la vie des Français depuis 75 ans
00:34 et que ce magazine a traversé toutes les générations.
00:37 Ce n'est pas par hasard si on le trouve en quantité importante dans les familles.
00:43 Les gens gardaient le journal. -Oui, bien sûr. On les reliait.
00:46 -On les reliait, bien sûr. -On les souvienne, ça.
00:47 -Et d'ailleurs, il y avait une formule au début à la création du journal d'un rédacteur en chef
00:51 qui disait, il avait un accent du Midi, un accent occitan,
00:53 "Paris Match, le journal que l'on n'oublie pas dans les trains".
00:58 Ça voulait tout dire déjà. On comprend mieux pourquoi on l'a gardé.
01:01 -Alors comment l'histoire commence, l'histoire de ce succès-là ?
01:05 Est-ce que ça a été rapide ?
01:07 -Il a fallu un an à peu près avant que le journal décolle.
01:10 Et s'il a décollé, c'est grâce à un sommet d'ailleurs,
01:13 ça a été la conquête de l'Annapurna par Maurice Herzog.
01:16 En fait, ce qui se passe, c'est que le journal est né en 49
01:19 et la conquête de l'Annapurna a lieu au printemps 50.
01:23 Mais il n'y a pas de photos.
01:25 On ne lit que des chroniques, des dépêches, dans l'horreur,
01:29 c'est l'horreur du quotidien de l'époque.
01:31 Mais il n'y a pas de photos. Et soudain, elles arrivent.
01:33 Mais elles arrivent en plein été.
01:35 Donc les lecteurs, le public, les Français sont appâtés
01:39 par les récits qu'ils ont lus, mais ils n'ont pas vu les photos.
01:41 Et soudain, Paris Match les publie,
01:43 et c'est le début du lancement de Paris Match à l'été 1950.
01:46 -Un peu comme ce que faisaient les Américains avec Life, finalement,
01:50 à l'époque, à peu près.
01:52 -C'est ça, il fait le modèle. C'est le grand frère.
01:55 -On vous a très souvent posé la question, mais ça fait un âge,
01:58 la pose quand même, qu'est-ce que c'est que l'ADN de Match ?
02:01 Qui s'est affirmé au fil des années ?
02:03 C'était pas toujours comme ça au début,
02:05 parce que c'est pas seulement un magazine people, il faut le savoir.
02:08 Match, ça se traite de tous les sujets, politiques et autres.
02:11 -Depuis l'origine, d'ailleurs, depuis le numéro 1,
02:14 puisque Winston Churchill était sur la première couverture
02:17 avec Berlin, il y avait Berlin à l'époque, c'est après-guerre,
02:20 en 1949, il y avait un modèle, un modèle de mode.
02:24 Mais effectivement, l'ADN, c'est la chaîne des chromosomes,
02:28 bien sûr, le point A, mais nous, à Paris Match,
02:31 on a décidé d'aller jusqu'au point Z.
02:33 C'est-à-dire que Roger Théron, qui a en effet affiné le magazine
02:37 avec cette formule du poids des mots et du choc des photos...
02:40 -C'est lui qui l'a inventé ?
02:42 -C'est lui, dans un ensemble de...
02:44 Un petit groupe avec Jean Coe, en particulier, qui était là,
02:47 Jean Durieux, qui était un rédacteur en chef,
02:50 et puis Guy Tria, directeur artistique,
02:52 qui, lui, c'était à l'insulte de sa volonté,
02:54 de son plein gré, comme aurait dit Richard Viranque,
02:57 qui, en ayant jeté une boule de papier
02:59 à la figure d'un de ses maquettistes,
03:01 dont il était mécontent, s'est entendu dire
03:03 "Oh là là, Guy, mais ça, c'est le choc des photos."
03:06 C'est ainsi qu'est née la formule.
03:08 Donc l'ADN, c'est ça, et nous, on va jusqu'au point Z.
03:11 L'idée de Roger Théron, c'est quand on a un sujet,
03:14 on le prend au point A, mais on va jusqu'à la fin.
03:17 Il faut raconter l'histoire.
03:19 -Dans le livre, vous racontez à quel point, justement,
03:22 l'homme que vous citez, on vient de voir son visage,
03:25 c'est Roger Théron, c'est le patron,
03:27 il avait l'oeil, quoi, pour construire des reportages.
03:31 Je pense à l'histoire du film "L'Ament",
03:34 "L'Ament" de Marguerite Duras,
03:37 mais "L'Ament", le vrai, car il a existé,
03:40 et c'est comme ça qu'elle a écrit son livre,
03:43 il a bien existé, et vous l'avez retrouvé,
03:45 parce qu'il s'est dit qu'il faut le chercher.
03:47 -Au début, c'est le film de Jean-Jacques Annaud, en 92,
03:50 qui produit le roman de Marguerite Duras,
03:54 prix Goncourt 84, 2 millions d'exemplaires vendus,
03:57 20 traductions dans le monde, quand même, c'est pas mal,
04:00 et qui produit ce film magnifique avec une actrice sublime,
04:04 Jeanne Marsh, une gamine de 17 ans.
04:06 Il faut se souvenir que Marguerite Duras et son amant,
04:09 elle avait 15 ans et demi et lui, 28 ans, à l'époque de l'histoire,
04:12 et donc on a tout le sujet, les interviews,
04:15 Catherine Pancol a fait un très bon texte,
04:17 les photos du tournage... -Catherine Pancol a travaillé.
04:20 -Absolument, et longtemps.
04:22 Et soudain, Jean Caux, d'ailleurs, dit cette petite phrase rigolote
04:25 avec son fum...
04:28 Il avait un grand... Qu'en appelait-il ?
04:30 -Fum cigare. -Fum cigarette, oui.
04:32 Il dit "Mais on ne sait pas qui a effeillé la marguerite."
04:36 Et en partant de cette petite boutade de conférences de rédaction,
04:40 Roger Théon ne dit rien, il feuillette les photos,
04:43 les dossiers photos, et puis il dit
04:46 "Mais au fait, mais il est où, l'amant ?"
04:49 Et là, heureusement, Jean Durieux, rédacteur en chef,
04:52 présent, dit "Il y a une stupeur générale, quand même.
04:55 "Tout est là, tout est prêt. Il y a 16 pages de prêtres,
04:58 "sauf il manque l'amant." Et à ce moment-là,
05:01 Jean Durieux dit "Ecoutez, Roger, j'ai une idée.
05:04 "On a un reporteur, Benoît Gisinbert, qui est actuellement au Vietnam,
05:07 "qui fait un reportage de Vietnam. On va l'appeler."
05:10 Et donc, à 3h du matin, Gisinbert est tiré de son lit
05:13 et va se mettre en chasse pour trouver l'amant.
05:16 -C'est pas facile. -Il va dans un petit village
05:19 qui s'appelle Sa Dec, sur le Mekong. Il va remonter la filière,
05:22 grâce à la fille d'un ancien légionnaire qui était en Indochine,
05:25 qui va lui indiquer la filière. Et il va trouver les photos de l'amant.
05:30 -Mais les photos ? Est-ce qu'il trouve l'amant ?
05:33 -Il fallait le prouver. Et Roger Théon appelle au moment
05:36 de la publication. Il appelle Gisinbert à minuit,
05:39 le jour de la publication. Il fait "Dis donc, Benoît,
05:42 "tu es sûr que c'est vraiment l'amant ?" Benoît répond
05:45 "C'est une fille de légionnaire qui m'a mis sur la piste.
05:48 "Ca ne ment pas, déjà. Nous va-t-il rassurer ?"
05:51 Mais surtout, Marguerite Duras, qui est suivie par la télévision
05:55 et qui est contre le film, à l'époque, et c'est pour ça qu'on la suit,
05:59 elle dit d'un seul coup "Ecoutez, oui, moi, j'aime pas ce film,
06:02 "j'aime pas l'acteur qu'on a choisi, un gars de Hong Kong.
06:05 "Vraiment." Et elle sort quoi ? Elle sort Paris Match.
06:08 Plein écran. Là, c'est la révélation absolue.
06:11 -C'est bon pour Paris Match. -Excellent.
06:13 -Il y a des célébrités, des hommes politiques,
06:16 des affaires extraordinaires, le sport, la culture,
06:19 mais quelle est l'affaire, selon vous, ou le dossier
06:22 qui a le plus marqué les lecteurs sur 75 ans,
06:25 donc sur toute génération confondue ?
06:27 -Par exemple, dans les faits divers, si vous voulez.
06:30 Je dis "faits divers" car ils sont des faits de société.
06:33 C'est intéressant de voir que depuis 1953,
06:35 l'affaire de Minnissi, par exemple,
06:37 c'est à cause des photos prises du fils de Minnissi
06:41 qui accuse son père à l'audience que l'on va interdire,
06:44 je parle sous le contrôle d'un avocat, Roland Perez,
06:47 que l'on va interdire les photos pendant les procès du photographe.
06:51 D'où ça vient. Mais sinon, l'affaire en fait divers,
06:54 moi, qui m'a le plus marqué, c'est l'affaire Jacques Mérine.
06:57 Mérine s'évade de la santé, il trouve rien de mieux
07:00 que de lui frapper à la porte d'une journaliste
07:03 qu'il avait repérée pendant le procès car il la trouvait très jolie,
07:06 il croquait en dessin tellement il la trouvait belle,
07:09 et il est allé chez elle, armé d'un 357 Magnum,
07:12 en disant "bonjour, je voulais juste savoir où vous habitiez".
07:15 Mais de cette rencontre-là est né un scoop phénoménal,
07:18 c'est qu'il l'a emmené dans sa planque rue Béliard,
07:21 près de la porte de Clignancourt.
07:23 Il a fait cette grande interview, tout en posant,
07:25 avec un T-shirt à la James Dean, une kalachnikov et des grenades,
07:28 et il a fait une interview incroyable,
07:31 qui a été extrêmement critiquée à l'époque.
07:33 - Et d'après vous, cette photo-là est probablement la plus étonnante ?
07:37 - Elle est incroyable, parce que c'est lui-même qui organise sa mise en scène.
07:40 - Oui, bien sûr. Et il est mort pas loin, à côté de chez lui.
07:45 - Et encore une fois, les histoires de A à Z,
07:48 deux journalistes qui s'étaient procurés un scanner depuis les Etats-Unis
07:51 avaient réussi à capter les ondes de la police
07:54 et s'étaient mis en place dès 6h du matin,
07:57 sans qu'il se passerait quelque chose.
07:59 L'opération Cristal, à l'époque.
08:01 - Et ça s'est passé effectivement là.
08:03 Merci beaucoup, et à bientôt sur le terrain,
08:05 avec nos chebises d'ombre.
08:07 - Du club.
08:09 - Patrick Maé, c'était La légende de Paris-Mâches,
08:11 c'est publié chez Plon.
08:13 Merci beaucoup de votre visite.
08:15 - Merci beaucoup à tous.
08:17 ♪ ♪ ♪