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La présidente géorgienne s'est ardemment opposée à une loi sur l'ingérence étrangère qui, depuis plus d'un mois, provoque des vagues de protestation parmi la population. Elle explique sa position dans un entretien exclusif à euronews.

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Transcription
00:00 [INAUDIBLE]
00:07 Madame la Présidente, merci d'accorder cet entretien Euronews.
00:11 Alors vous êtes ardemment opposé à cette loi qu'on appelle la loi sur les influences étrangères.
00:17 Vous avez promis d'y opposer votre veto.
00:20 Et aujourd'hui, le parti au pouvoir, le Ref Géorgien, affirme être prêt à modifier ce texte
00:28 en fonction notamment des propositions européennes.
00:30 Alors est-ce qu'un compromis est envisageable ?
00:34 D'abord, le compromis n'est pas avec moi parce que moi je ne fais qu'incarner
00:40 ce que la vox populi géorgienne proteste ardemment depuis maintenant 37 jours.
00:49 Et moi je suis la seule aujourd'hui élue de cette vox populi
00:56 et je considère que je suis redevable et que je suis responsable devant elle
01:03 et que je partage l'analyse qui est faite de cette loi, de son inopportunité absolue,
01:11 en essence et pas seulement dans le texte ou les amendements,
01:16 et qu'un compromis sur une loi qui l'année dernière a été présentée
01:22 a été rejeté dans la même forme par des manifestations massives
01:27 et par les critiques de nos partenaires européens
01:30 et retiré par les autorités avec la promesse ferme qu'elle ne serait jamais reproposée
01:38 est aujourd'hui introduite.
01:40 Comment croire qu'il peut y avoir encore un compromis ?
01:44 D'autant que moi j'ai proposé un compromis, non pas avec moi,
01:48 mais avec encore une fois la population et nos partenaires européens.
01:52 La veille de l'adoption du texte en troisième lecture,
01:57 j'ai fait une déclaration publique dans laquelle je proposais
02:01 que les autorités marquent un temps d'arrêt et reviennent à la deuxième lecture
02:07 qui est l'endroit où on peut amender le texte, écouter les objections des uns et des autres
02:14 et apporter des modifications si on le souhaite.
02:17 Ça n'a non seulement pas été entendu,
02:20 mais le texte a été adopté en troisième lecture en comité en une minute et sept secondes,
02:26 pratiquement en l'absence de députés de l'opposition et devant la réaction de la population.
02:34 Donc ça c'est pour ce qui est des chances du compromis.
02:37 Je comprends qu'à tout moment on peut avoir envie, et c'est normal de rechercher un compromis,
02:44 mais aujourd'hui la situation est sortie de cette possibilité parce que le problème n'est plus la loi.
02:52 La loi qui n'est pas amendable, c'est ça son vrai problème, c'est l'essence de la loi qui est pervertie.
03:00 Cette loi qui décrète nos partenaires depuis trente ans et amis européens ou américains
03:08 comme étant ceux qui sont soupçonnés de vouloir déstabiliser le pays,
03:13 financer des intérêts autres que celui du pays,
03:17 sont accusés de fomenter un deuxième front dans le pays
03:21 et de vouloir la révolution ou le renversement du gouvernement tour à tour.
03:25 Donc il y a une inversion complète des valeurs.
03:27 Je ne vois pas comment est-ce qu'on amende ou on améliore quelque chose qui est fondamentalement vicier
03:34 et qui constitue un véritable obstacle, j'ai même utilisé le mot de sabotage et je peux le réutiliser,
03:41 de notre voie européenne.
03:43 Parce qu'aujourd'hui, non seulement on ne devrait pas être en train de discuter
03:48 et d'avoir des gens dans la rue pour essayer de se débarrasser de cette loi,
03:52 mais le Parlement auquel il reste un mois, un peu plus, avant la fin de la session de printemps,
03:59 devrait être en train de travailler d'arrache-pied aux réformes qui sont demandées
04:05 dans les recommandations de la Commission européenne
04:09 pour nous permettre de briguer l'ouverture des négociations d'accession à la fin de l'année.
04:15 On sait que la Commission va publier un premier constat de progrès ou non de progrès en octobre
04:23 et pendant ce temps-là, au lieu de faire ce qui est nécessaire,
04:27 il y a beaucoup de sujets sur lesquels on devrait être réellement en train de faire des propositions législatives
04:33 et de les adopter rapidement, on fait du marche arrière.
04:37 Donc c'est très très préoccupant et c'est encore plus préoccupant quand c'est sur fond d'autres lois
04:43 sur lesquelles je ne vais pas revenir maintenant, mais qui, elles, chacune aussi,
04:47 mettent des couteaux dans le contrat avec l'Union européenne sur différents aspects
04:54 qui sont des aspects importants mais plus techniques que cette loi.
04:58 Et pendant ce temps-là, les autorités, qui ont célébré avec toute la population,
05:06 mais vraiment sans exception, en décembre, l'accession au statut de candidat,
05:10 qui ont dit "c'est nous qui avons obtenu, on a tout fait, depuis le mois de février,
05:16 non seulement proposent cette loi et avancent cette loi, mais ils recommencent à tenir un langage très anti-européen,
05:24 très anti-américain et occidental en général,
05:28 et le discours du 29 avril du président du Rêve géorgien, du président honoraire, Ivan Ishvili,
05:35 est un discours batanguère, extrêmement dur sur nos partenaires,
05:43 ceux dont on a besoin, ceux qui viennent de nous donner le statut, non sans mal,
05:47 parce que ce n'était pas décidé d'avance, et ceux dont on attend qu'ils nous donnent l'accord sur l'étape suivante.
05:55 Tous les jours, hier, c'était les ministres d'affaires étrangères qui étaient là,
05:59 représentants de quatre pays nordiques, qui se sont fait agonir par le président du Parlement,
06:05 qui n'a pas reçu les représentants des parlements d'autres pays européens,
06:10 dont la commission des affaires étrangères du Bundestag, Mikhail Roth,
06:15 qui en plus s'est fait agonir d'autres insultes que je ne répéterai pas.
06:19 Donc l'atmosphère n'est pas d'un gouvernement qui est en train de vouloir faire des compromis,
06:25 et je ne dis rien de la situation que l'on a dans la rue face à une jeunesse qui est l'essentiel de la manifestation,
06:35 mais pas toujours quand il y a 200 000 personnes, c'est évidemment pas seulement les jeunes.
06:40 Mais dans le quotidien de ces 37 jours, c'est beaucoup les jeunes,
06:44 aujourd'hui désormais les universités qui sont déclarées en grève.
06:48 Et l'intimidation, les attaques directes et les brutalités sont très inquiétantes,
06:56 parce qu'elles révèlent non pas la brutalité policière qu'on peut voir un peu partout
07:02 quand il y a des excès dans les manifestations, mais là en l'occurrence il n'y a pratiquement pas d'excès.
07:09 Et surtout ce sont des brutalités qui ne sont pas le fait de la police,
07:13 qui se comportent comme n'importe quelle police, mais de forces spéciales
07:20 qui ont une inscription "police" mais aucune identification.
07:25 Donc les investigations, les enquêtes sur les auteurs des brutalités ne sont pas possibles.
07:32 Donc on est dans une situation qui pourrait de ce fait escalader en violence à n'importe quel moment.
07:39 Ça n'est pas arrivé, on a eu 37 jours de calme et je signale quand même pour vos auditeurs
07:46 que cette population qui proteste depuis 37 jours n'a pas brûlé une seule voiture ni cassé aucune vitrine.
07:53 Ils ont certes fait des inscriptions un peu sur le Parlement, c'est le maximum de leur audace.
08:00 Donc ça c'est le côté optimiste, c'est qu'il y a une population, une société,
08:06 une société civile qui se manifeste, qui s'est montrée, que nous-mêmes on découvre un petit peu,
08:11 parce qu'on n'avait pas l'impression qu'il y avait une telle capacité de mobilisation.
08:16 Et ça, ça nous devrait nous permettre de passer à l'autre étape qui est celle de la préparation des élections du 26 octobre.
08:25 Parce qu'il est impératif de transformer cette énergie aujourd'hui qui ne débouchera pas sur le retrait de la loi
08:32 ou qui débouchera sur une modification fictive que tout le monde a déjà compris.
08:38 Moi aujourd'hui je reçois des lettres des organisations gouvernementales, 120 d'entre elles,
08:44 des organisations politiques ou des jeunes pour me dire "surtout vous ne négociez pas pour nous, nous ne négocions rien".
08:53 Donc cette loi va passer, le veto va être surpassé ou elle va être modifiée de façon marginale et sans intérêt.
09:02 Donc l'important aujourd'hui c'est d'aller vers les élections. Dans ces élections que tout le monde comprenne,
09:07 et je comprends que la Moldavie a aujourd'hui annoncé qu'en octobre elle tiendrait un référendum sur son avenir européen, sur l'accession.
09:15 C'est la même chose. A travers des élections, nous aurons un référendum sur l'Europe.
09:20 C'est comme ça qu'il faut voir ces prochaines élections qui ne pourront pas être des élections normales,
09:25 qui seront les élections pour arrêter cette déviation. J'utilise un mot faible, ce n'est qu'une déviation.
09:31 On va revenir sur la route, mais il est important de le faire par la voie des élections.
09:37 Et c'est ça que l'Union européenne doit reconnaître, c'est qu'il y a aujourd'hui une population qui dit son fait,
09:44 qui dit ce qu'elle veut, ce que la Géorgie a dit depuis presque 30 ans, qu'elle veut l'Europe.
09:50 Ça a été redit dans la rue, mais ça sera redit dans les urnes. Il faut nous accompagner sur cette voie,
09:56 pour que cette voie soit pacifique, qu'il n'y ait pas d'escalade de la violence.
10:01 Et surtout, il faut que l'Union européenne dise très clairement qu'elle tiendra compte du choix de la Géorgie.
10:07 C'est-à-dire qu'elle ne va pas sanctionner le pays. Je distingue les sanctions individuelles et le pays.
10:13 Mais que le pays ne sera pas sanctionné tant que sa réponse ne sera pas connue dans les urnes.
10:18 — Alors justement, une partie de l'opinion géorgienne estime que l'Union européenne fait preuve d'un certain manque de fermeté
10:25 à l'égard du gouvernement géorgien et réclame des sanctions. Alors...
10:30 — Alors moi, je ne réclame pas... Parce que ce sont... Là, il faut bien distinguer les deux choses.
10:34 Il y a les sanctions individuelles sur lesquelles un président ne peut pas se prononcer. C'est pas de mon fait.
10:40 Les Européens sont des grands. Ils savent ce qu'ils doivent faire quand ils doivent le faire.
10:44 En revanche, la fermeté... Moi, je pense qu'aujourd'hui, l'UE doit dire clairement qu'elle soutient,
10:51 comme l'ont fait les ministres hier des Affaires étrangères, qu'elle soutient un mouvement qui est un mouvement pro-européen,
10:57 pacifique et absolument pas « révolutionnaire », entre guillemets, qu'elle critique les autorités en place
11:07 pour avoir lancé un pavé dans la mare qui est un instrument de polarisation inutile et qui va à l'encontre des objectifs européens.
11:18 Il faut le dire clairement. Il faut pas dire « Il y a de deux côtés quelque chose ». Non.
11:22 Et puis il faut que l'UE, les ambassadeurs ici, aussi bien que l'UE, montrent que ce n'est pas acceptable
11:31 que ou les représentants de l'UE ici, ou ceux qui viennent en visite, ou bien en général les dirigeants européens,
11:41 soient insultés constamment. Il faut que la rhétorique change d'abord.
11:45 Ça, c'est ce qui est à faire aujourd'hui, sans attendre. Et la deuxième étape, c'est-à-dire celle d'éventuelles sanctions radicales
11:55 qui concerneraient l'avenir du pays en disant « On stoppe ou on pose ou on… »
11:59 Ça, ça doit dépendre de « démocratie oblige », de ce que la population dira dans les urnes.
12:06 Alors, on voit clairement les aspirations européennes de cette population qui se mobilise.
12:13 Mais il y a aussi une composante importante de la société georgienne, très traditionnaliste, on va dire,
12:21 qui n'est peut-être pas aussi enthousiaste. Est-ce que cette composante ne peut pas gagner du terrain,
12:27 à l'instar de ce qui se passe dans l'UE ?
12:30 Je ne suis pas aussi sûr, parce que d'abord, les sondages d'opinion, alors ce ne sont peut-être pas des gens
12:35 qui sortent de la même façon ou qui comprennent de la même façon l'Europe, mais d'abord, 80% des sondages,
12:42 et aujourd'hui 85%, ont toujours donné la voie européenne comme choisie par le…
12:47 C'est ce même parti qui avait inscrit dans la Constitution l'orientation européenne.
12:52 Et il est très intéressant de noter qu'aujourd'hui, tout en insultant l'Europe,
12:56 et tout en prenant des mesures qui vont à l'encontre de la voie européenne,
13:02 les dirigeants du rêve georgien ont tout d'un coup ajouté un petit codicil à leur discours extrêmement offensif,
13:10 pour dire « nous aussi, de toute façon, on rentrera dans l'Europe en 2030 ».
13:14 Pourquoi ? Parce qu'ils mesurent aussi leur propre supporter, leur carré de supporters,
13:20 je ne sais pas ce que ça représente, mais on verra aussi.
13:23 Et ils ont compris qu'eux aussi veulent l'Europe et ne veulent pas renoncer à cet avenir européen.
13:31 Donc il y a là réellement un consensus, tous ces gens-là ont leurs enfants qui étudient en Europe,
13:38 font leurs courses en Europe, plus que la population qui est dans la rue.
13:43 Il faut bien voir que les intérêts profonds, et puis tout est lié.
13:47 Aujourd'hui, la géorgie est profondément européenne.
13:50 Un étudiant sur deux a été en Europe étudier pour des stages,
13:54 peut-être pas des stages longs, mais au moins pour des stages courts.
13:57 Erasmus est probablement ce qu'il y a ici de plus apprécié.
14:03 Tout le monde a été passer quelques jours en Europe ou plus,
14:08 parce que maintenant on a des vols low cost qui ont permis à tout le monde,
14:12 je ne sais plus les chiffres, mais c'est pratiquement les trois quarts de la population géorgienne
14:17 qui ont eu une découverte au moins de l'Europe.
14:20 Donc ce sont des liens que plus personne ne peut trancher.
14:24 Alors est-ce qu'on n'est pas quand même à un moment charnière,
14:28 à la croisée des chemins pour le pays qui serait présumé entre son appétit d'Europe, son envie d'Europe,
14:39 et encore une fois une tentation présumée de rapprochement avec la Russie ?
14:45 Quel intérêt est-ce que le gouvernement trouverait à cela ?
14:50 Alors le gouvernement, je n'en sais rien.
14:52 Ceux qui l'animent, je n'en sais rien, parce que ce n'est pas exposé publiquement, ce n'est pas discuté.
14:59 Ce dont je peux me porter garante, c'est que dans ce pays qui a connu au moins trois guerres
15:06 et des dizaines d'années d'occupation par les différentes Russies, pour ne pas dire siècles,
15:13 qui a 20% de son territoire occupé, sur lequel il n'y a pas de jour qui se passe sans qu'il y ait des otages pris,
15:20 où la langue géorgienne est pratiquement interdite,
15:23 où les droits de l'homme, y compris des populations non-géorgiennes, sont violés tous les jours,
15:30 il ne peut pas y avoir de tentation de retour dans le Girond-Russe,
15:34 surtout quand on regarde aujourd'hui ce qu'est cette Russie d'aujourd'hui.
15:38 Une Russie qui aurait évolué, qui ne serait pas dans cette guerre atroce contre l'Ukraine,
15:45 qui serait en train de la gagner de telle façon que tout le monde se dirait "oh là là, tout va mal".
15:50 Ce n'est pas le cas. Il faut arrêter sous prétexte que l'Ukraine n'a pas récupéré aujourd'hui ses territoires
15:58 pour des raisons qui ne lui sont pas imputables à elle.
16:01 Elle a déjà prouvé que cet immense empire est un empire au pied d'argile,
16:06 elle a déjà prouvé que la stratégie militaire de la Russie ne fonctionne pas,
16:11 il change à tour de bras de commandant militaire,
16:14 que cette grande armée invincible russe n'est pas si invincible que ça,
16:20 et que ce régime n'a rien d'autre que la force à offrir, et ça ne peut attirer personne,
16:26 et surtout pas des géorgiens, ça peut attirer des européens qui n'ont pas encore compris très bien
16:31 ce qu'est le grand avantage d'une Europe pacifique, même si tout ne leur plaît pas,
16:37 ça ne peut pas attirer les géorgiens.
16:40 Donc il n'y a pas de tentation russe, il peut y avoir des manœuvres russes de certains dirigeants.
16:45 Madame la Présidente, merci beaucoup.
16:47 Est-ce que c'était clair ?
16:48 C'était très clair. Merci bien finiment.
16:51 de nos prochaines vidéos.
16:52 Au revoir.
16:52 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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