L'invitée : Stéphanie Elbaz pour son livre "Un Jasmin en Hiver" !
Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.
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00:00 Et on passe à la littérature avec notre invitée du jour. Bonjour Stéphanie Elbaz.
00:03 Bonjour Caroline.
00:04 Vous êtes journaliste, productrice et vous publiez votre premier roman, ça s'appelle
00:08 "Un jasmin en hiver" publié chez Jean-Claude Lattès. "Un jasmin en hiver" c'est un livre
00:14 choral, on pourrait dire, l'histoire de Félix qui écrit ses mémoires avec l'aide de sa
00:18 petite fille Mona. Les relations intergénérationnelles entre grands-parents et petits-enfants c'est
00:24 une thématique qui est importante pour vous ?
00:25 Pour moi c'est une thématique centrale, c'est la thématique de la transmission entre
00:29 les générations. Les grands-parents pour moi c'est ceux qui peuvent le plus vous apprendre
00:33 la vie parce qu'il n'y a pas d'enjeux, ce n'est pas vos parents. Donc ils peuvent être
00:36 vraiment eux-mêmes avec vous. Et moi c'est vrai que j'ai eu des relations extraordinaires
00:40 avec mes grands-parents, avec mes quatre grands-parents et ça m'a semblé très naturel quand j'ai
00:45 eu envie d'écrire vraiment un premier roman. C'est ça qui est venu tout de suite quoi,
00:49 parce que je crois que c'est fondateur.
00:50 C'est ce qui vous anime et à l'inverse les jeunes, qu'est-ce qu'ils apportent aux aînés ?
00:55 Aujourd'hui les jeunes apportent beaucoup aux aînés, c'est un peu eux qui sont le
00:58 guide et qui nous apprennent des choses. C'est quelque chose qui a beaucoup changé dans
01:01 la société, je pense.
01:02 Et vous déjà, vous avez l'impression que les plus jeunes vous apportent au quotidien ?
01:06 Beaucoup, beaucoup. Et je dirais qu'avec le renversement, les nouvelles technologies,
01:11 je dirais qu'on écoute beaucoup plus les jeunes qu'on le faisait quand nous, nous
01:13 étions beaucoup plus jeunes.
01:15 Alors vous faites un parallèle entre les deux vies, celle du grand-père et celle
01:19 de sa petite-fille, l'héroïne de votre histoire. Deux vies très différentes, un
01:25 vieux monsieur, une jeune femme, maman, divorcée, très angoissée. Qu'est-ce que vous avez
01:31 essayé peut-être de raconter en mettant en parallèle ces deux vies et ces deux façons
01:37 d'aborder la vie aussi ?
01:38 Félix est quelqu'un qui aime tellement la vie qu'il a envie de vivre toujours. Seulement
01:42 il a 94 ans et il pense que le fait qu'il soit sur Terre c'est une erreur. Il se dit
01:46 que Dieu l'a forcément oublié. Donc il est persuadé que ça va arriver bientôt et il
01:50 dit "écrivons nos mémoires mais en cachette". Et Mona c'est quelqu'un qui est tellement
01:54 angoissée par tout dans la vie que ce qu'elle voudrait c'est avoir déjà l'âge de son
01:58 grand-père pour que ça se soit bien passé. Tout l'inquiète.
02:01 Pour dire "j'ai réussi, j'ai vécu".
02:03 "J'ai passé le truc". Et en fait elle a beaucoup de mal à profiter de l'instant
02:07 présent, elle est toujours dans l'anticipation de l'angoisse. Et moi j'avais très envie
02:09 d'écrire sur l'angoisse parce que je pense que les gens se sentent assez seuls avec ça
02:12 et j'avais très envie de raconter ce personnage pour que les gens s'y retrouvent aussi. Parce
02:19 que chacun peut aller y prendre quelque chose.
02:21 Elle est tellement angoissée qu'elle en fait des malaises amnésiques, je ne sais
02:25 pas, ce n'est pas le terme scientifique, mais des amnésies.
02:27 Des thons dans les pommes.
02:28 C'est le mal du siècle pour vous.
02:31 Oui l'angoisse c'est quand même très fréquent, on n'en parle pas, on veut toujours
02:35 montrer qu'on est très bien, qu'on va très bien et ce n'est pas vrai. Chacun a
02:37 des angoisses dont il pense qu'elles sont ridicules et qu'elles ne concernent qu'eux.
02:42 Et voilà, moi j'avais envie de montrer ce personnage qui était très très angoissé
02:46 presque de manière caricaturale pour qu'on puisse s'y retrouver et aller piocher ce
02:50 qu'on a chacun.
02:51 Quelle est la part d'autobiographie dans votre roman ?
02:54 Forcément on n'écrit que sur les choses qu'on connaît, mais après c'est une
02:58 fiction et je me suis beaucoup amusée à créer ces personnages et surtout à travailler
03:01 la problématique du secret de famille.
03:03 C'est un livre qui tourne beaucoup autour d'un secret, une enquête que va mener Mona
03:08 pour aller au bout de ce secret parce qu'au bout du secret il y a peut-être la liberté
03:11 pour elle, il y a peut-être la solution à ses problèmes.
03:15 En tout cas c'est ce qu'elle pense et c'est ce qui la guide.
03:16 Et ça aussi c'est un thème universel, vous pensez que toutes les familles ont un
03:20 secret quelque part ?
03:21 Oui parce que finalement on ne veut pas forcément mentir mais les souvenirs on les tronque un
03:28 petit peu en les transmettant, en les racontant et moi je pense que le corps c'est très
03:32 bien ce qu'ont vécu les gens avant nous.
03:34 Je pense que notre corps est plus intelligent que nous et qu'il sait s'il y a quelque
03:38 chose qu'on nous a pas dit et qu'il faut aller le chercher.
03:39 Je pense qu'il y a des choses qui nous animent, qui nous appartiennent pas et qu'il
03:42 faut aller chercher.
03:43 D'où le secret de famille à aller.
03:45 Et qui est inscrit dans notre corps quelque part.
03:49 Je crois beaucoup à ça, à la mémoire cellulaire, à toutes ces choses là.
03:52 Et donc c'est pour ça aussi que la transmission avec les grands-parents est très importante.
03:56 Alors vous êtes diplômée en philosophie et on le ressent en vous lisant.
03:59 Est-ce que ça a été aussi une source d'inspiration ?
04:01 Oui, oui, oui.
04:02 Je pense que la philo m'a jamais quittée, c'est vraiment mes premiers amours et j'ai
04:07 beaucoup aimé jouer avec ça, l'évoquer, jouer avec finalement toute la prise de tête
04:12 qui va avec la philosophie et qui est aussi celle de Mona dans son anxiété.
04:15 Dans son quotidien.
04:16 Qui fait qu'elle est drôle parce que c'est quand même… elle est marrante quoi.
04:20 Son grand-père est marrant aussi.
04:21 C'est des gens qui dans l'introspection nous font rire.
04:23 Surtout Félix, le grand-père, je pense que c'est vraiment un personnage qui est très
04:26 amusant quand on…
04:27 Et on l'imagine très bien adapté à l'écran, votre histoire.
04:31 Pourquoi vous avez décidé de vous lancer dans l'écriture ? Vous êtes journaliste,
04:35 vous êtes productrice, réalisatrice.
04:37 Et comment on devient écrivain du jour au lendemain ?
04:39 En fait j'ai toujours écrit.
04:40 Quand j'étais petite j'écrivais dans mes journaux intimes.
04:42 Et puis être productrice, être journaliste, c'est aussi écrire tout le temps.
04:47 Et j'avais envie d'aller plus loin dans l'écriture, de ne pas écrire pour quelque
04:50 chose qui est attendu à la télévision avec une date de diffusion.
04:53 J'ai pris beaucoup de temps et beaucoup de plaisir à écrire parce que personne n'attendait
04:56 mon livre.
04:57 Combien de temps ?
04:58 Ça m'a pris trois bonnes années.
04:59 Avec une astreinte quotidienne ?
05:01 Oui.
05:02 Oui.
05:03 J'avais une… je m'étais fixée des choses assez… assez tiques en fait.
05:08 J'avais une chambre dans laquelle j'allais m'enfermer, dans laquelle j'avais des
05:10 règles auxquelles je ne pouvais pas déroger, j'avais une plante verte que je devais aller
05:14 arroser tous les jours, je n'avais pas le droit de décrocher mon téléphone.
05:17 Je devais écrire dans cette chambre.
05:19 Et si je n'écrivais pas, il fallait que je fasse un coloriage.
05:21 C'était les deux seules options que j'avais.
05:23 Donc j'écrivais.
05:24 C'est votre méthode que vous avez trouvée toute seule ?
05:25 C'est la méthode que j'ai trouvée et j'ai adoré cette période-là.
05:28 Et donc vous allez forcément continuer à écrire ?
05:30 Ah ben c'est déjà en route.
05:32 Et la fiction c'est satisfaisant par rapport au travail journalistique qui est plus dans
05:37 le réel ?
05:38 Oui parce qu'en fait ce n'est pas frustrant, il n'y a pas de limite, on peut aller exactement
05:41 où on veut en fait.
05:42 Et c'est un peu comme un puzzle.
05:45 Au début c'est difficile, on ne sait pas comment on va trouver la clé.
05:47 Et après quand on est dedans, c'est formidable.
05:50 Ça s'appelle "Un jasmin en hiver" chez Jean-Claude Lattès.
05:53 Merci beaucoup Stéphanie Elbaz d'être venue nous en parler.
05:56 Merci infiniment pour votre invitation.
05:57 et on passe au...
05:58 [Musique]