• il y a 5 mois
Policiers et voyous : était-ce vraiment mieux avant ? Braquages, attaques et émeutes : quels remèdes face à l'ultra-violence ? Lutte contre l'homophobie dans le foot : faut-il sanctionner les joueurs qui ont refusé de participer ? On en parle dans RTL Bonsoir.

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Transcription
00:00 William Galibert et Cyprien Signy, RTL bonsoir.
00:04 Les grands débats continuent sur RTL, Rocaille à Diallo, Isabelle Saporta, Guillaume Fard, Jean-Louis Fermenghi.
00:09 Cyprien Signy, toujours avec nous, ce livre "Flick Stories" aux éditions du Rocher signé Guillaume Fard.
00:14 On en parlait comment ? Est-ce qu'on réinstaure une forme de respect et de dialogue ?
00:19 Est-ce que c'est un point que vous avez aussi abordé avec toutes ces grandes figures que vous avez rencontrées, Guillaume Fard ?
00:24 Oui, c'est la question de la fin que je pose aux dix d'ailleurs, enfin neuf policiers et gendarmes.
00:29 C'est selon vous qu'est-ce qui a le plus changé dans la police ?
00:33 Alors beaucoup parlent des nouvelles technologies, de la façon dont les métiers de l'enquête progressent.
00:38 Et puis après du rapport à la violence parce qu'en fait il y a sans doute un flux et un reflux.
00:44 La violence a pu diminuer assez nettement dans les années 2010, on tuait moins que dans les années 2000 en France.
00:51 Et puis ça remonte depuis une dizaine d'années. Et ça c'est vrai que ce n'est pas conforme à un idéal de progrès.
00:59 S'il y a un idéal de progrès social, c'est qu'on tue de moins en moins.
01:02 Et que comme on avait atteint les 800 homicides dans les années 2010, pourquoi maintenant on a repassé la barre des mille ?
01:08 Alors qu'on avait réussi à diminuer. Et donc il y a un sujet aussi qui tient au rapprochement police-population.
01:15 Et il y a quelques initiatives qui sont prises pour essayer de retrouver un contact qui permette d'avoir davantage de confiance.
01:25 Mais ça n'est pas évident.
01:27 C'est quand vous parlez de la fameuse police de proximité ou pas ?
01:30 Par exemple, c'est surtout dans une des interviews, parce que j'interview Marc Calliaros qui a été à Mantes-la-Jolie dans les années 1990.
01:38 Ou avant même la création de la police de proximité qui est créée en 1999.
01:42 Et effectivement, lui, il est dans un contexte où il y a le film "La haine" qui vient de sortir au cinéma.
01:48 Et où déjà des gens dans le débat disent entre les jeunes et la police, c'est la haine.
01:52 Mais dès le début des années 90.
01:54 Et lui, policier en sécurité publique, il essaye de recréer un lien par des initiatives.
01:59 Mais ce qui est certain, c'est qu'on avait une police qui était connue des personnes, parce qu'elle était ancrée territorialement.
02:04 Et donc il y avait un lien. Il y avait un lien avec les commerçants, il y avait un lien avec les habitants, il y avait un lien avec les jeunes, il y avait un lien avec les plus anciens.
02:10 Qui vivaient là, connaissaient leurs policiers.
02:12 C'est vrai qu'aujourd'hui, quand on voit qui patrouille, c'est plutôt en voiture qu'à pied.
02:16 C'est plutôt le nez dans le téléphone portable, en tout cas pour celui qui ne conduit pas, que la tête relevée.
02:22 Et ça ne donne pas le même sentiment.
02:24 Et ça c'est vrai que c'est un regret que formulent certains dans le livre.
02:28 Un lien local, on l'entend. Peut-être un lien aussi plus tutélaire ou plus national.
02:33 On voit ces grandes figures dans le livre.
02:35 Si je remontais un petit peu avant, Robert Broussard, Roger Borniche, c'est des noms, c'est des figures qui étaient connues de tous les Français.
02:42 Les Français savaient qui étaient "les meilleurs flics du pays".
02:46 Ça, ça a changé aussi Jean-Louis ?
02:48 Ça a changé parce que les médias ont changé.
02:51 À mon époque, il y a plusieurs décades, il n'y avait qu'un ou deux journaux qui parlaient de ces affaires.
02:59 Maintenant, il y a X journaux, X radios, X canaux, etc.
03:05 Je reviens sur ce que disait Guillaume.
03:08 C'est vrai que ce problème d'autorité, ce n'est pas que la police, c'est toute la population.
03:14 Aujourd'hui, on est en crise d'autorité et ce n'est pas simplement la police, c'est beaucoup de choses, les collectivités, etc.
03:24 C'est une crise d'ordre ou une crise d'autorité ?
03:27 C'est une crise d'ordre et d'autorité.
03:31 C'est une crise sociale en tout cas.
03:34 Aujourd'hui, je pense que les parents ont reculé, les enfants ont toujours la tête dans les tablettes, etc.
03:42 Pour avoir la paix, on se décharge.
03:45 Et je crois qu'à un moment donné, ce qui se passe en Calédonie, vous savez, j'étais en Calédonie,
03:52 on reparle toujours des mêmes choses, la coutume, le temps, le rapport aux parents.
03:58 C'est un peu ce qui se passe aujourd'hui, c'est que tous ces liens sont déstructurés et les gosses ne craignent plus leurs parents.
04:06 Il y a beaucoup de choses.
04:08 Il n'y a qu'à Faucon, bien sûr, tout le monde a ses conseils, mais je crois qu'il y a vraiment cette crise de société.
04:15 Il n'y a qu'à Faucon, il faut faire quoi, Isabelle Sabortin ?
04:18 C'est vrai que j'étais en train de vous écouter, je bouillais un peu intérieurement.
04:22 C'est pour ça que tu m'as donné la parole.
04:25 Non, mais c'est parce que je suis étonnée que vous ne vous saisissiez pas de cette tribune pour dire qu'effectivement,
04:32 aujourd'hui, on envoie les policiers, les gendarmes, nos professeurs, tout ce qui fait notre service public en France,
04:40 avec les armes nécessaires, que ce soit les armes symboliques ou que ce soit les protections nécessaires.
04:46 Moi, j'entends qu'on dise toujours que c'est la faute des parents.
04:50 Moi, je suis parent, on fait ce qu'on peut.
04:52 Généralement, quand il y a une fusillade, maintenant, on dit que c'est la faute des jeux vidéo.
04:55 J'ai entendu Darmanin, notre ministre de l'Intérieur, dire que c'était la faute des fumeurs de pétards
05:00 quand il y avait du narcotrafic et qu'on ferait bien de regarder ce qui se passait à Cannes.
05:05 Moi, je suis ministre de l'Intérieur, je n'attends pas que les ministres de l'Intérieur me disent que c'est la faute des fumeurs de pétards.
05:09 J'attends à ce qu'on s'attaque de façon massive au narcotrafic et qu'on y aille.
05:14 Maintenant, je comprends très bien qu'après l'opération Paillette et Froufrou à faire semblant d'aller à Marseille il y a quelques mois,
05:21 Macron ne puisse pas nous le faire tous les deux mois.
05:23 Mais malgré tout, c'est ça qu'on attend.
05:25 C'est qu'on attend une vraie opération pour mettre fin au narcotrafic.
05:28 Et alors après, du coup, l'autorité, les parents, les fumeurs de pétards, comment vous dire ?
05:32 J'ai l'impression que c'est un peu de la peau d'rose yeux.
05:34 Mais non, ce n'est pas de la peau d'rose yeux.
05:35 Ce n'est pas uniquement un problème d'intérieur.
05:37 Nous, policiers, on sait ce qu'on fait, ce qu'on doit faire.
05:40 Mais lorsqu'on arrête dix fois les mêmes personnes et ces personnes sont de nouveau dehors, etc.
05:45 Qu'est-ce que vous voulez dire ? Qu'est-ce que vous voulez faire ?
05:47 Donc, il y a un sentiment où on s'aperçoit que ce n'est pas uniquement un problème du ministère de l'Intérieur.
05:53 Aujourd'hui, sur le narco...
05:54 Et de la justice alors dans ces cas-là ?
05:56 Je l'ai dit, c'est pluridisciplinaire.
05:58 C'est une crise de société et c'est pour ça que c'est un peu le rôle de chacun, la responsabilité de chacun.
06:05 Et je crois qu'aujourd'hui, il y a un déclassement qui fait qu'il faut prendre ce problème à bras-le-corps.
06:12 Parce que le ministre de l'Intérieur, aujourd'hui, quand il en fait trop, on dit que c'est la poudre aux yeux.
06:18 Quand il n'en fait pas assez, on dit que fait la police.
06:20 Darmanin, aujourd'hui, sur le narco, il essaye de se battre avec ses armes.
06:24 Il essaye de nous faire remplir notre rôle par rapport au narco.
06:28 La lutte contre la drogue, c'est quand même quelque chose d'effectif.
06:36 Maintenant, est-ce que ça durera sur le temps ? Pas le temps.
06:39 Et il n'y a pas que le ministère de l'Intérieur.
06:41 Quand vous avez ce rapport qui dit qu'il y a une infiltration du narcotrafic
06:44 parce qu'aujourd'hui, il y a un début de corruption, il y a peut-être aussi la question qu'on peut se poser.
06:48 Il y a toujours eu de la corruption.
06:50 Vous l'avez connu, la corruption ?
06:52 Oui, bien sûr.
06:53 Vous en avez profité, vous, de la corruption ?
06:55 Non, mais de toute façon, ça c'est comme #MeToo, on en a profité, oui ou non.
06:59 On est rattrapé par la patrouille.
07:01 Si on en a profité, aujourd'hui...
07:03 Je vous taquinez.
07:05 Non, mais c'est bien.
07:07 Vous avez une jolie montre poignée, tout le monde.
07:09 C'est la montre que ma femme m'a offerte.
07:12 Je suis rentré à Saint-Cyr.
07:14 Non, non, mais je suis tout à fait d'accord avec vous.
07:17 Ce ne sont pas des problèmes nouveaux.
07:19 Le problème de la corruption aujourd'hui avec les narcos,
07:22 il y a tellement d'argent liquide que c'est énorme.
07:25 Et c'est vrai que ça pose un souci, ça pose un problème.
07:28 On le voit sur toutes les dernières affaires, d'ailleurs,
07:30 qu'il y a eu certaines connivences entre les uns et les autres.
07:34 Rokhaya Dialo, ça vous fait réagir, ce dialogue et ce discours anti-drogue
07:39 porté par le ministre de l'Intérieur, notamment ?
07:41 Moi, ça me pose la question aussi, qui est peut-être un peu à côté,
07:45 qui est la question de la formation.
07:47 J'ai l'impression aussi que c'est une question qui est soulevée régulièrement.
07:50 Le fait que les temps de formation ont été réduits sur les dernières décennies,
07:54 en tout cas, les dernières années,
07:56 et puis sur le fait que les résultats qui se sont requis
07:59 pour devenir policier sont de moins en moins importants.
08:01 C'est-à-dire qu'on a aujourd'hui des personnes qui deviennent policiers
08:04 avec des notes beaucoup moins bonnes que les personnes
08:06 qui rentraient dans la police il y a 10, 15, 20 ans.
08:09 Donc, quel incident ça a aussi sur la pratique et sur le terrain ?
08:11 Ça, c'est mathématique.
08:12 Parce qu'en fait, d'abord, il y a une pyramide des âges qui est défavorable.
08:15 Il faut remplacer les départs en retraite.
08:17 Et au moment où il faut recruter plus parce qu'il y a des départs en retraite,
08:19 il y a une création nette de postes qui a été décidée depuis François Hollande.
08:23 Donc, tous les ans, on crée davantage de postes.
08:25 Donc, mécaniquement, le niveau baisse.
08:26 Après, la question, c'est comment est-ce que ça se rattrape hors école ?
08:29 Parce que le temps de formation en école, c'est 12 mois.
08:31 Après, il y a 12 mois de stage et c'est parti.
08:33 - Mais il y a une formation continue, j'imagine ?
08:35 - En fait, non. Pas assez.
08:36 Et en fait, rapport après rapport,
08:38 on voit que les temps de formation continue ont été réduits,
08:41 qu'on ne libère pas les gens pour qu'ils aillent se former,
08:43 que l'académie de police, elle n'a d'académie plus que le nom
08:46 et qu'en réalité, elle n'est pas créée.
08:47 D'ailleurs, elle devait être installée à Montpellier, il n'y a rien.
08:49 Et ça, c'est quand même quelque chose qui manque.
08:51 Et dans le passé, ce que racontent beaucoup des personnes
08:54 intervenues dans le livre, c'est que les anciens apprenaient le métier.
08:57 - Ils apprenaient aux jeunes ?
08:58 - L'encadrement intermédiaire, bien sûr.
08:59 - Et là, ils n'ont plus le temps, c'est ça ?
09:01 - Quand vous êtes à 1 pour 12 dans des zones,
09:04 dans des circonscriptions de police tendues,
09:06 vous savez, quand vous passez le concours de gardien de la paix,
09:09 au trois quarts, vous n'êtes pas francilien.
09:12 Au deux tiers, vous êtes affecté en Ile-de-France.
09:14 Déjà, vous ne connaissez pas le territoire.
09:16 Ensuite, quand vous arrivez, on vous envoie dans les zones de police,
09:19 parfois les plus tendues, notamment en Seine-Saint-Denis,
09:21 les besoins sont les plus forts.
09:23 Et vous avez un niveau d'encadrement qui a baissé.
09:25 Dans ces conditions-là, comment est-ce que vous voulez faire face ?
09:28 Vous avez besoin d'un encadrement et d'une formation continue.
09:33 Et ça, c'est deux difficultés qui sont pointées rapport après rapport,
09:38 pour prendre le beau vaux de la sécurité,
09:40 de l'orientation, de la programmation ministérielle, etc.
09:42 Mais ça tarde à être corrigé.
09:44 - Jean-Louis Fermianghi, vous voulez rajouter quelque chose ?
09:46 - Oui, moi, je fais la différence entre les comportements et les connaissances.
09:50 Et c'est vrai qu'à mon époque, je prends,
09:52 puisqu'on est tous passés en commissariat,
09:54 je prends simplement l'accueil.
09:56 Aller aujourd'hui dans un commissariat,
09:58 ça me paraît épouvantable.
10:00 Moi qui suis un ancien policier, je trouve ça épouvantable.
10:03 Il y a vingt ou trente ans, on était reçus dans un commissariat
10:06 et on ne faisait pas autant de stages de formation.
10:09 C'est paradoxal.
10:11 - C'était un lieu de vie, ce n'est plus un lieu de vie.
10:13 - C'est ça la problématique.
10:15 Aujourd'hui, on rentre dans un commissariat,
10:19 c'est presque la guerre.
10:21 C'est la victime qui est considérée comme un voyou, etc.
10:25 Donc c'est vrai que c'est difficile de ressentir ce sentiment.
10:30 Et c'est vrai qu'il y a trente ou quarante ans,
10:33 je parle de comportement et de connaissance,
10:36 les jeunes qui venaient de milieux ouvriers, viticulteurs, etc.
10:42 avaient une éducation.
10:46 Certes, ils avaient une éducation.
10:48 Donc ils savaient dire bonjour, au revoir, etc.
10:50 Aujourd'hui, il n'y a plus tout ça.
10:52 La société a changé, évolué, qu'on le veuille ou non.
10:54 Et je trouve qu'on est en but par rapport à ça.
10:57 - Guillaume Farré.
10:58 - Sur ce que dit Jean-Louis sur l'accueil où la victime est parfois presque suspectée,
11:02 je ne sais pas si vous avez fait le 17 récemment,
11:04 mais au lieu qu'on vous dise "ici, police, secours, on va vous prêter assistance",
11:08 on vous dit "tout appel abusif va être sanctionné".
11:11 Vous composez le 17 parce que vous êtes dans une posture de détresse,
11:15 donc vous attendez qu'on vienne vous aider.
11:17 C'est-à-dire que vous êtes cambriolé, vous êtes agressé,
11:19 et on vous dit "si votre appel est malveillant, on va vous punir".
11:22 Oui, mais ce n'est peut-être pas ce qu'a envie d'entendre une victime en réalité.
11:25 Et ça, ça dénote quand même d'un état d'esprit très particulier,
11:28 comme disait Jean-Louis, où la victime,
11:30 aujourd'hui, quand elle va devant un policier,
11:32 elle est parfois en train de se demander si ce n'est pas elle qui a causé quelque chose de mal.
11:37 Oui, pour l'avoir vécu récemment, même poser une main courante,
11:39 il faut vraiment dire cinq fois aux policiers devant que "oui, on est sûrs",
11:42 et même que ça ne va servir à rien,
11:44 mais "oui, on veut déposer notre main courante et on essaie vraiment de nous dissuader".
11:48 Et tout à l'heure, on parlait de la vision...
11:51 Un peu plus près du micro.
11:53 Pardon.
11:54 On parlait de la vision, et c'est vrai qu'aujourd'hui,
11:56 tous les policiers sont en Robocop.
11:58 On dirait qu'on a affaire au gars du Red en permanence.
12:02 Et je trouve que le policier des Bonaires, c'est sûr que ce n'est plus la période,
12:07 mais quand même, pour aller vers quelqu'un, il ne faut pas qu'il soit en tenue guerrière.
12:11 Plus humain.
12:12 Si on est en tenue guerrière, on veut la guerre.
12:15 C'est ça, la problématique.
12:17 Lorsqu'au Red, on met notre tenue noire, c'est pour aller à la guerre.
12:21 C'est pour aller sur la prise d'otages.
12:23 Et aujourd'hui, c'est vrai que dans la rue, on trouve des Robocop,
12:26 et c'est vrai que le citoyen ne sait plus trop quoi faire.

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