Comment faire face à la bêtise des ultras ? Le foot en est malade, la preuve encore ce week-end avec ces scènes effrayantes à un péage des Hauts-de-France : avant la finale de la Coupe de France PSG-Lyon, des bus de supporters se sont croisés. Résultat, une bataille rangée, un bus incendié, le péage en feu, des coups de couteau, des insultes racistes... Bilan : une trentaine de blessés. Faut-il faire le ménage ? Dissoudre encore des groupes ? Écoutez le débat entre Philippe Sanfourche, chef de la rubrique foot de RTL, Jean-Baptiste Djebbari, ancien ministre des Transports, Rokhaya Diallo, éditorialiste au Guardian et au Washington Post, et Carl Meeus, rédacteur en chef au Figaro Magazine.
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00:00RTL, bonsoir, Julien Célier et Cyprien Cygne.
00:05Les grands débats RTL, bonsoir, jusqu'à 20h pour mieux comprendre le monde qui nous
00:10entoure avec autour de la table l'ancien ministre Jean-Baptiste Djebari, Carl Meus
00:14du Figaro Magazine et l'éditorialiste Rockaïa Dialo.
00:17On accueille aussi dans ce studio notre chef du foot, ici RTL, qui nous rejoint.
00:21Bonsoir Philippe Sanfourche.
00:22Bonsoir à toutes et à tous.
00:23On vous accueille parce qu'on va se poser ensemble cette question maintenant.
00:26Comment faire face à la bêtise des ultras, des hooligans ? Le foot, on est malade.
00:31La preuve encore ce week-end avec ces scènes absolument effrayantes.
00:35Un péage des Hauts-de-France.
00:36Avant PSG Lyon, c'était la finale de la Coupe de France.
00:39Des bus de supporters se sont croisés.
00:41Bataille rangée, bus incendiés, péage en feu, coup de couteau, insulte raciste.
00:45Bilan, une trentaine de blessés.
00:47C'était très violent.
00:48On a vu des gens en sang.
00:50Et puis en fait, ça venait de tous les côtés.
00:52Il y a des gens qui ont perdu leurs dents, les nez cassés.
00:55Ils ont tiré des fumigènes dans un des bus.
00:57C'est celui qui a pris feu.
00:58Il y avait encore des personnes dedans qui heureusement sont sorties à temps.
01:01Ils étaient armés, lourdement quand même.
01:03Il y avait des clubs de golf.
01:05Il y avait des mortiers.
01:06Il y avait des couteaux.
01:08Il n'y avait pas que des ultras dans le bus.
01:10Il y avait aussi des enfants.
01:11Il y avait des femmes.
01:12Il y avait des gens, des néophytes pour qui c'était les premiers déplacements.
01:14Le récit de cette supportrice lyonnaise sur RTL.
01:17On a pu lire aussi par exemple dans l'équipe ce matin le récit effrayant d'un supporter
01:21à Lyon qui racontait le comportement raciste et violent d'Ultra.
01:24Très algolisé qui visiblement espérait depuis le début de la journée une bagarre.
01:28Philippe Sanfourche, votre regard d'expert.
01:30On a la sensation d'une escalade depuis quelques mois.
01:33On a vu des joueurs touchés par des projectiles sur les dernières saisons sur la pelouse.
01:37On a vu le bus de l'équipe lyonnaise attaquer à Marseille avant un match.
01:40Là, on est sur une bataille rangée devant un péage d'autoroute qui a été en partie incendié.
01:46On a la sensation qu'à chaque fois on atteint un niveau supérieur dans la bêtise.
01:50Oui, effectivement, le constat est implacable.
01:52Ce n'est pas un sentiment, c'est factuel.
01:55Les faits se multiplient.
01:57Ils sont aussi éclatés un peu partout en France parce qu'on parle évidemment plus de ces faits
02:02quand il concerne les grands clubs que sont le PSG, Lyon ou Marseille.
02:06Mais on a vu que de ci de là, à Rennes, à Nantes, à Lille, un peu partout sur le territoire,
02:11à Saint-Etienne, à Bordeaux, il y a des faits de violence qui sont avérés et qui ne sont pas endigués.
02:17La violence dans le football, vous aviez tout à l'heure un spécialiste qui l'exprimait,
02:22elle est inhérente quelque part au mouvement du supporterisme ultra.
02:26Après, la question est de savoir si on la gère mieux ou moins bien en France qu'ailleurs.
02:30Et je pense qu'il y a une vraie question à ce sujet.
02:33Et des décisions à prendre, à mon avis, collectives, à la fois au niveau des clubs
02:38et au niveau des autorités publiques, alors que depuis des mois et des années,
02:41on a tendance à se renvoyer la balle.
02:43Karl Meus, est-ce qu'il y a une gestion un peu calamiteuse aujourd'hui du supporterisme
02:48et des violences qui en découlent dans notre pays ?
02:51On a tous en tête, évidemment, alors qu'il n'y avait pas de violence ce jour-là,
02:54l'exemple de la gestion de la finale de la Ligue des champions Liverpool-Real Madrid au Stade de France
02:59qui avait été un fiasco. Là, par exemple, ce week-end, on se demande pourquoi tous ces bus empruntent la même autoroute.
03:07Il y a un problème de gestion des flux de supporters dans ce pays ?
03:10Alors, samedi, il y a eu visiblement un problème de gestion, puisque, si j'ai bien compris,
03:15parce que là, je parle d'un domaine que je ne connais pas, parce qu'avec le ministre Gébhari, nous, on est plutôt rugby.
03:20Et ça se passe mieux au rugby.
03:21Autant vous dire que...
03:22C'est plus festif, en général.
03:24Et oui, mais on y viendra peut-être, mais peut-être qu'il y a des raisons,
03:28parce que, de mon point de vue, il y a une histoire de respect,
03:33c'est-à-dire que le public du rugby respecte l'arbitre, respecte les joueurs adverses,
03:38respecte les supporters.
03:40Ce n'était pas évident.
03:42Le match avait lieu à Tottenham, en Angleterre.
03:44Il y avait des Irlandais.
03:45Vous parlez de la finale de la Coupe d'Europe de Rugby.
03:48Champions Cup de Rugby, exactement. Toulouse-Leinster.
03:50On sait que les Irlandais, ils commencent la bière assez tôt dans la journée.
03:53La veille.
03:54On est d'accord.
03:55Donc, ça peut être une circonstance aggravante quand vous avez le match vers 16h.
04:00Les Toulousains sont assez bons aussi sur la descente de bière.
04:03Ça s'est très bien passé.
04:05Il n'y a eu aucun problème.
04:06Ni avant, ni après, où chacun s'est retrouvé.
04:09Et là, il n'y a pas eu aussi de gestion de flux de supporters.
04:14Je reviens à votre question.
04:16Visiblement, si j'ai bien compris, les supporters parisiens, les bus,
04:19devaient prendre une autoroute, s'arrêter à une aire de repos.
04:21Les supporters lyonnais, prendre une autre autoroute et avoir une autre aire de repos.
04:25Ce qui, visiblement, s'est passé, c'est qu'à la suite d'un accident,
04:27les bus lyonnais étaient en retard et se sont retrouvés sur la même aire de repos
04:31que les supporters du PSG.
04:34Normalement, s'il n'y avait pas eu...
04:36Ce qui paraît grave pour un match classé 5 sur 5 par la division nationale...
04:39Voilà, mais c'est ça qu'il faut savoir.
04:40C'est pourquoi ils se sont retrouvés là.
04:42Parce que s'ils ne s'étaient pas retrouvés là, on peut refaire le match pour le coup,
04:45mais il n'y aurait pas eu ces incidents.
04:47Et on aurait un autre sujet de discussion ce soir.
04:50Peut-être que ce qui n'est pas normal, c'est que s'ils se retrouvent sur la même aire d'autoroute,
04:53ça part comme des animaux.
04:55À la différence du rugby.
04:57Rokhaya, est-ce qu'il y a aussi un souci ?
04:59Philippe disait très justement que tout le monde se renvoie la balle depuis des années.
05:02Les pouvoirs publics, les clubs...
05:04Parlons des supporters lyonnais, par exemple,
05:07qui sont connus pour leur débordement raciste depuis maintenant plusieurs mois.
05:12Est-ce qu'il faut que les clubs fassent le ménage,
05:14comme le PSG a su le faire il y a quelques années ?
05:17Je pense que c'est nécessaire,
05:19mais ça interroge énormément sur ce que viennent chercher certains supporters
05:22lorsqu'ils assistent aux matchs de foot.
05:24Parce qu'on voit qu'il y a des personnes qui sont quand même venues en étant armées,
05:26en ayant la possibilité de s'en prendre physiquement avec d'autres personnes.
05:29C'est-à-dire que ces personnes partent de chez elles
05:31avec l'intention de commettre des actes de violence.
05:33Déjà en termes de démarche,
05:35c'est complètement affligeant et ça fait vraiment peur.
05:38Ça pose vraiment des questions sur la nature des sentiments
05:43qui animent ces supporters.
05:45Ça m'interroge évidemment sur cette violence
05:49qu'on s'autorise à exprimer dans ces espaces-là,
05:51mais qu'on n'exprimerait pas ailleurs.
05:53Parce que je suis sûre que si on prend ces supporters individuellement
05:55et dans leur quotidien, ce ne sont pas des personnes
05:57qu'on identifie comme pouvant commettre des actes de violence
05:59dans leur quotidien, au niveau de leur emploi, etc.
06:02Donc pourquoi, tout à coup, cette violence leur semble acceptable
06:05et pourquoi ils sont incapables ?
06:07Voilà, c'est l'exutoire.
06:08C'est aussi l'expression d'une certaine forme de masculinité.
06:10Je pense qu'on peut mettre en cause le patriarcat,
06:12mais vraiment très très facilement dans ce qui se passe là.
06:14Et pourquoi notre société produit des hommes
06:17qui ont besoin d'exprimer ce type de violence
06:19dans ces circonstances particulières ?
06:21Une fois qu'on a posé le constat, Jean-Baptiste Djebari,
06:24il y a de la violence dans le football, et ceci depuis des années,
06:26et les actes sont de plus en plus récurrents.
06:29On fait quoi ?
06:30La tactique en France depuis des mois maintenant,
06:32c'est interdire les déplacements de supporters.
06:34Bon, le problème, c'est que visiblement, on a du mal à les gérer ensuite
06:36quand il y a des déplacements qui sont nécessaires
06:38comme pour une finale de Coupe de France.
06:40Qu'est-ce qu'on fait ?
06:41La dissolution de groupes de supporters ?
06:42Et les matchs à huis clos ? Et les radiations à vie ?
06:44On est quand même instruits de ce qui s'était passé dans le football anglais
06:46il y a quelques années, avec des mesures assez fortes
06:48prises contre le hooliganisme.
06:50Il y a d'ailleurs des mesures qui ont été importées en France.
06:52Moi, je ne sais pas si c'est la masculinité toxique
06:54qui s'exerce particulièrement dans le foot,
06:56puisqu'à la preuve, il y a quand même beaucoup de virilisme dans le rugby
06:59et on n'a pas ces mêmes sujets.
07:01Moi, ce que j'observe pour avoir pratiqué le rugby depuis très longtemps
07:06et avoir fréquenté les deux types d'Enceinte et de Sénacle,
07:09c'est que depuis le sport amateur et depuis le plus jeune âge,
07:12il y a un respect qui est inculqué au rugby
07:14qui n'est pas inculqué au foot.
07:16Ça, c'est une évidence, le respect de l'arbitre.
07:18Et d'ailleurs, même quand on voit des joueurs,
07:20même des joueurs très respectables, qui se comportent bien,
07:22ils ne se comportent souvent pas très bien avec l'arbitre.
07:24Ils sont proches de lui, ils contestent absolument toutes les décisions.
07:27Il y a une espèce de continuum culturel dans le foot
07:29qui n'existe pas dans d'autres sports collectifs.
07:31Ce n'est pas vrai au handball, ce n'est pas vrai au rugby,
07:33ce n'est pas vrai ailleurs.
07:35Et je pense qu'il y a un sujet culturel et un peu endémique
07:38du football et du comportement des joueurs dans le football.
07:41Je vous vois...
07:43Je ne suis pas complètement d'accord avec cette thèse.
07:46Je pense que culturellement, les éducateurs
07:49ont la même volonté d'inculquer des valeurs de respect
07:53à la fois des règles et de l'arbitrage.
07:55Simplement, le football est un sport éminemment populaire
07:58qui traverse toutes les couches de population.
08:01Parfois, des populations...
08:03Il y a des clubs dans tous les villages, dans toutes les villes,
08:05dans toutes les banlieues.
08:06Il n'y a pas toujours les infrastructures qui permettent aussi
08:09de pouvoir continuer au quotidien,
08:12de faire le travail avec des parents
08:14qui sont parfois aussi un peu absents.
08:16Tous ces débats-là, ce sont aussi les débats de société
08:18parce que le football traverse toute la société.
08:21C'est le sport le plus populaire et pratiqué par le plus grand nombre.
08:24Donc, fatalement, il est le reflet d'une société ?
08:26Il est un peu l'effet miroir, oui.
08:28Il est miroir de la société.
08:30Maintenant, encore une fois, je pose la question
08:33parce que ça fait des années qu'on en parle, de ce problème.
08:36Il y a toujours autant de violence inhérente dans le football
08:39dans tous les pays.
08:40Mais on voit qu'en France, on n'arrive pas à le régler.
08:42Au moment où on se parle, les Anglais ont dit
08:44qu'ils ont réglé le problème il y a 20 ans, il y a 30 ans.
08:46Mais ils continuent de travailler énormément.
08:48À l'heure où on se parle, il y a 1 600 interdictions de stade
08:51qui ont été prononcées pour les supporters britanniques et gallois
08:54pour l'Euro 2024.
08:55C'est-à-dire qu'il y a 1 600 personnes
08:57qui vont être obligées de remettre leur passeport
09:00dans un poste de police
09:02au moment où va débuter l'Euro
09:04et qui viendront le rechercher à la fin.
09:06En France, on est maximum à 300 ou 350 interdictions de supporters.
09:10En fait, c'est un noyau, un noyau dur de violence
09:13et ensuite il y a des cercles qui viennent s'agglomérer
09:15et comme le disait Ankaïa très justement il y a quelques instants,
09:19il y a ensuite des gens qui ne sont pas naturellement violents
09:22qui vont venir se défouler
09:24parce que le noyau dur est là.
09:26Si on arrive à extraire le noyau dur,
09:27je pense qu'on a déjà réglé une bonne partie de la problématique.
09:30Merci beaucoup Philippe Sanfonge.