L'ancien Premier ministre et chef du parti Horizons était invité de France Bleu Pays basque ce mercredi.
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00:00 Il est 8h15, irez-vous voter aux élections européennes cette année ?
00:05 Le scrutin c'est dans 18 jours et pourtant le taux de participation reste encore au plus bas.
00:10 Pas beaucoup d'intention de vote, seulement 42%.
00:13 Est-ce que vous, vous allez aller voter, vous en êtes sûr ?
00:15 Ou au contraire, vous resterez à la maison peut-être ce jour-là ?
00:18 05 59 59 17 17, on reçoit Edouard Philippe, ancien Premier ministre, maire du Havre et président du Parti Horizon.
00:24 Bonjour Edouard Philippe.
00:26 Bonjour.
00:26 Vous êtes entourné au Pays-Bas, ce que vous êtes arrivé hier, pas pour faire du tourisme, mais pour un programme évidemment politique.
00:32 D'abord, ces européennes, vous soutenez la liste de la majorité gouvernementale, la liste portée par Valérie Hayé.
00:38 On pose la question ce matin aux auditeurs de la participation, de l'intérêt de ce scrutin.
00:43 Chaque élection européenne, c'est la même histoire, ça ne passionne pas les foules.
00:48 Oui, même si vous vous souvenez peut-être qu'en 2019, la participation avait été supérieure à ce qu'on imaginait,
00:54 supérieure d'ailleurs à ce qui était traditionnellement la règle.
00:57 Mais je vous rejoins assez volontiers quand vous dites que le débat public sur les questions européennes est un peu difficile à saisir.
01:05 D'abord, il est souvent très technique, ensuite il est souvent un peu contourné,
01:10 c'est-à-dire que souvent on parle des élections européennes pour faire de la politique en France.
01:13 Et on a une lecture nationale des enjeux européens, on a une lecture nationale des résultats des élections européennes.
01:19 Plutôt que du contenu ?
01:21 Plutôt, c'est assez traditionnel et c'est peut-être un peu regrettable.
01:27 Mais vous dites que c'est très technique, est-ce que ce n'est pas aussi de votre faute finalement ?
01:31 Est-ce qu'il n'y a pas un manque de pédagogie ? Les politiques n'ont jamais su intéresser les Français à ce débat
01:36 et vous le dites, eux-mêmes utilisent ce scrutin pour parler de leur propre parti.
01:41 Vous avez parfaitement le droit de le penser.
01:43 Quand je dis que c'est technique, il se trouve que les sujets dont s'occupe l'Europe et la façon dont elle s'en occupe sont techniques.
01:50 Mais je n'y peux rien. Vous non plus d'ailleurs.
01:52 C'est comme ça que ça a été fait. Quand vous rentrez dans le détail, mais même pas dans le détail,
01:55 quand vous regardez par exemple comment une décision est prise, c'est tout simple,
01:58 comment une décision est prise à Bruxelles, je suis obligé de constater que c'est assez compliqué
02:03 parce qu'interviennent le Parlement, la Commission européenne, parfois le Conseil des chefs d'État.
02:07 Donc oui, c'est une matière un peu compliquée.
02:10 Il n'empêche que derrière cette complexité technique, et je vous rejoins là aussi,
02:14 il y a des sujets qui sont éminemment politiques et éminemment importants à la fois pour notre continent
02:19 et pour notre pays. Et c'est de cela dont il faut parler.
02:23 - Et alors justement, quoi c'est important, c'est européenne, pour les habitants du Pays Basque qui vous écoutent ce matin ?
02:28 - C'est important pour les habitants du Pays Basque comme pour absolument tous les habitants de France.
02:32 Avec cette petite particularité que quand on est Basque, je ne suis pas Basque et je ne prétends pas connaître le Pays Basque,
02:39 mais quand on est Basque, on vit dans une région qui est transfrontalière.
02:43 On vit dans une région qui est très fortement marquée par le fait qu'il existe quelque chose d'extrêmement proche
02:50 de l'autre côté d'une frontière nationale. Et que la capacité qu'on a à faire en sorte que la fluidité de l'économie,
02:57 des circulations puissent être garanties des deux côtés de la frontière a beaucoup de sens.
03:03 Mais au-delà de ça, parce que ça d'une certaine façon on y est déjà,
03:06 au-delà de ça, l'élection européenne du 9 juin, elle a un enjeu qui est...
03:12 Il faut toujours être prudent avec les mots, et vous savez, à chaque fois qu'on dit "c'est un enjeu historique",
03:16 moi ça me fatigue un peu parce qu'on a l'impression qu'on vit une chose que personne n'aurait jamais vécue.
03:20 N'empêche que l'enjeu de l'élection du 9 juin, il est extrêmement important, et à mon avis,
03:24 il tient dans ce que nous allons devoir déterminer la composition du Parlement européen.
03:31 Et pour la première fois depuis qu'on vote au Parlement européen, il est possible
03:36 qu'une partie très significative du Parlement européen soit occupée par des députés
03:43 qui, au fond d'eux-mêmes, veulent remettre en cause l'idée européenne,
03:47 veulent remettre en cause la construction européenne.
03:49 - Vous pensez à qui par exemple pour les candidats en France ?
03:52 - Je pense évidemment aux candidats du Rassemblement national,
03:55 qui ont beaucoup varié sur les questions européennes.
04:00 Ils ont été contre l'euro, puis pour l'euro, sans qu'on sache d'ailleurs très bien pourquoi,
04:04 ils ont été contre l'Europe, puis pour l'Europe maintenant.
04:07 Donc il y a ce qu'on appelle des bougées intéressantes.
04:12 À la fin de la fin, ils ont été pour le Brexit, ou pour le Frexit, ils sont maintenant contre, disent-ils.
04:19 Mais moi ce que je crains, c'est qu'au sein du Parlement européen,
04:22 il y ait une masse critique de parlementaires, pas simplement français d'ailleurs,
04:25 qui aient envie de détruire l'idée de la construction de l'intérieur.
04:29 Soit en la ralentissant, soit en la rendant impossible.
04:32 Et ça, ce serait très dangereux.
04:33 Pour une raison simple, c'est que quand je vois les très grands dangers,
04:38 ou les très grands enjeux auxquels la France doit faire face dans le monde dans lequel nous vivons,
04:43 qui est un monde compliqué, et qui est un monde sacrément dangereux,
04:46 il m'apparaît que sur chacun de ces enjeux, nous nous en sortirons mieux,
04:51 si l'Europe est forte, si elle est bien organisée,
04:54 si elle est capable de répondre d'une seule voix sur ces sujets.
04:57 Et c'est vrai, quel que soit l'enjeu en question.
05:00 La compétition commerciale entre la Chine et les Etats-Unis.
05:03 On sera plus fort si l'Europe parle d'une voix et si elle est puissante.
05:06 Les migrations. On sera les migrations au pluriel.
05:10 On sera plus fort si l'Europe est organisée et si elle est capable de parler d'une seule voix
05:15 par rapport à des flux qui sont importants et qui vont aller croissant.
05:20 - Le discours, celui que vous tenez, pardonnez-moi de vous interrompre,
05:23 mais vous tenez ce discours, mais vous êtes largué par ce que vous craignez,
05:28 qui pourrait mettre en danger l'Europe forte que vous souhaitez,
05:32 l'ERN, qui est quand même largement devant vous.
05:36 - Non mais ça, pardon, je m'en fous. Excusez-moi de le dire un peu brutalement.
05:38 - Mais c'est une réalité. - Non mais je m'en fous.
05:39 - C'est une réalité aujourd'hui. - Je ne suis pas là pour commenter les sondages.
05:41 Je ne suis pas là pour dire "Oh là là, si on regarde les sondages,
05:44 on a l'impression qu'il y a des gens qui sont devant nous".
05:46 Ça n'est pas mon problème.
05:47 - Mais oui, mais c'est un discours qui intéresse les Français.
05:50 - Ça ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est de parler du fond,
05:53 et pas des projections de sondages.
05:55 Je comprends très bien que vous le fassiez,
05:57 et je comprends très bien que la question soit généralement posée.
05:59 Mais encore une fois, pardon, mais on ne parle pas souvent d'Europe.
06:02 Donc si on passe la moitié de notre temps à parler d'Europe,
06:04 de la projection des sondages, on ne va pas s'en sortir.
06:07 - Non mais ça montre une réalité, qui est qu'aujourd'hui,
06:09 ce discours-là du Rassemblement National que vous craignez,
06:13 il est entendu par une partie de la population.
06:15 - Je pense qu'on peut dire qu'il y a beaucoup de Françaises et de Français
06:19 qui souhaitent utiliser le scrutin national pour manifester
06:24 soit une opposition, soit un avis, soit une frustration,
06:26 soit une colère, soit une critique contre le gouvernement ou le président.
06:32 Je veux bien en convenir, ça a été le cas à toutes les élections européennes.
06:35 Donc je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas aujourd'hui.
06:37 Mais ce que je dis, moi, c'est que si on ne prend pas au sérieux
06:41 les enjeux de cette élection européenne,
06:43 alors on passe à côté de quelque chose.
06:45 Et ce n'est pas un gros mot d'essayer de prendre au sérieux des enjeux.
06:47 Je veux dire, la politique, ce n'est pas simplement un concours de
06:50 "qui c'est qui a la meilleure tête".
06:51 - Mais à la fin, ça se termine comme ça à un moment donné.
06:55 C'est "qui a le plus de voix".
06:56 - Et donc, comment est-ce qu'on se bat pour ces idées ?
06:59 Comment est-ce qu'on fait pour que la France soit forte dans une Europe
07:03 qui soit compétitive dans le monde ?
07:05 Aujourd'hui, l'Europe, dans son ensemble, pas simplement la France,
07:08 est en train de prendre un choc de compétitivité négatif,
07:12 pardon de le dire comme ça, à cause des États-Unis et à cause de la Chine.
07:16 Si on ne fait rien, si on se dit "oui, mais nous ce qui nous intéresse
07:19 c'est de pouvoir sanctionner tel ou tel type ou d'écouter tel ou tel discours",
07:21 alors on est largué sur la compétition européenne.
07:23 Alors ça veut dire qu'on va devenir plus faible,
07:25 alors ça veut dire qu'on va devenir moins prospère,
07:28 et ça, ça m'inquiète.
07:29 Et ces élections européennes, elles portent cet enjeu.
07:31 - Il est 8h22 sur France Bleu, Pays Basque.
07:33 Ce matin, notre invité, Edouard Philippe, ancien Premier ministre,
07:35 maire du Havre et président du parti Horizon.
07:37 - Edouard Philippe, on le disait, vous êtes ici pour un programme politique,
07:41 notamment pour parler des européennes,
07:42 mais vous êtes aussi là pour trois jours et vous avez déclaré à Sud-Ouest hier
07:45 "je suis ici pour apprendre et réfléchir".
07:48 À nos collègues de France Bleu Mayenne, il y a trois mois,
07:50 vous disiez "je ne suis pas candidat à la présidentielle, je me prépare".
07:52 C'est assez mystérieux, c'est assez intriguant,
07:55 ça veut dire tout et son contraire.
07:57 - Il n'y a vraiment que vous qui trouvez ça mystérieux.
07:59 - Et ça veut dire quoi ? Vous n'êtes pas candidat, mais vous vous préparez ?
08:02 - Mais ça veut dire qu'il ne vous a pas échappé qu'aujourd'hui,
08:04 on était dans une élection européenne,
08:06 et qu'on était quelque part à la fin du mois de mai 2024.
08:10 Il y aura des élections présidentielles, je vous le confirme.
08:12 Normalement, elles devront avoir lieu en avril et mai 2027, dans trois ans.
08:17 L'élection présidentielle, elle n'a pas commencé.
08:19 Je pense que tout le monde sait ça, tout le monde a compris ça.
08:22 Et deuxième point, en effet, j'ai envie de m'y intéresser.
08:25 Donc je me prépare.
08:27 Ça ne veut pas dire que je suis en campagne, ça veut dire que je me prépare.
08:30 Et comment est-ce que je me prépare ?
08:31 En parcourant le pays, et en essayant d'apprendre,
08:34 d'écouter, d'entendre des choses qui sont intéressantes pour l'avenir du pays.
08:40 Et partout en France, dans le Pays Basque bien entendu,
08:43 mais pas seulement dans le Pays Basque.
08:44 Il y a des gens, il y a des initiatives, il y a des sujets qu'il faut comprendre.
08:48 Et donc, aller se promener, prendre le temps.
08:50 Je prends deux jours et demi pour être ici, tranquillement,
08:53 rencontrer des élus, mais pas seulement des élus, visiter des entreprises,
08:55 essayer de rencontrer des initiatives sociales,
08:58 essayer de me dire "voilà comment ici on aborde le sujet".
09:02 Je vais vous en donner un exemple.
09:04 Aujourd'hui, plus grand monde parle de la transformation climatique,
09:09 et de ses impacts sur nos vies.
09:13 Ce sujet a été très très présent dans le débat public,
09:16 et puis on a l'impression qu'en ce moment il est un peu moins présent.
09:18 N'empêche qu'il reste un sujet très important.
09:20 Hier, avec la maire de Biarritz,
09:22 on a passé un petit peu de temps pour voir comment ici,
09:25 on luttait contre l'érosion du trait de côte.
09:29 Comment est-ce qu'on faisait pour renforcer les falaises ?
09:32 Comment est-ce qu'on faisait pour adapter une ville
09:34 à cette transformation climatique qui vient ?
09:36 C'est pas un sujet spectaculaire peut-être,
09:39 pour le pays basque ici,
09:41 mais c'est un sujet extrêmement important.
09:43 Et c'est pas un sujet seulement basque.
09:45 J'ai des falaises chez moi, je vis exactement le même sujet.
09:47 Mais réfléchir ici, voir les bonnes initiatives,
09:49 voir le travail des collectivités entre elles,
09:51 voilà quelque chose qui m'intéresse.
09:53 - Un autre sujet, le logement forcément, vous l'avez évoqué.
09:55 - Oui, bien sûr.
09:57 - Il y a une loi qui est en discussion,
09:59 qui est portée par le député socialiste Iñaki Echáñiz,
10:02 et qui prévoit notamment de réduire l'avantage fiscal
10:05 dont bénéficient les meublés de tourisme comme Airbnb.
10:08 Est-ce que c'est envisageable selon vous ?
10:10 Est-ce que c'est nécessaire, impératif ?
10:12 Est-ce qu'il faut le faire ?
10:14 - Ce qui est certain, c'est que
10:16 la politique du logement actuellement
10:18 mise en œuvre ne permet pas
10:20 de répondre aux attentes
10:22 de nos concitoyens. C'est pas fait.
10:24 Enfin, elle ne permet pas suffisamment bien, on va dire.
10:26 Pourtant, elle coûte beaucoup d'argent.
10:28 Chaque année, la France consacre
10:30 près de 40 milliards d'euros, c'est énorme comme ça,
10:32 40 milliards d'euros pour
10:34 mettre en place une politique du logement
10:36 qui, objectivement, fait beaucoup d'insatisfaits.
10:38 Une des raisons, il y en a beaucoup,
10:40 c'est qu'on n'arrive pas
10:42 à produire suffisamment de logements
10:44 par rapport à une offre
10:46 qui, elle, continue à être
10:48 extrêmement fortée. Ce qui est vrai un peu partout en France
10:50 est encore plus vrai dans les endroits comme le Pays Basque
10:52 où il y a une pression démographique
10:54 et où les gens ont envie de s'installer ici.
10:56 Quand vous ajoutez les contraintes
10:58 liées à la préservation du milieu naturel
11:00 qui sont indispensables, les contraintes
11:02 liées à la prévention
11:04 des risques naturels qui sont évidemment
11:06 extrêmement importantes, quand vous
11:08 ajoutez l'impact, notamment
11:10 par exemple de Airbnb qui vient, en fait,
11:12 scalper, si j'ose dire,
11:14 l'offre locative. On enlève
11:16 du parc locatif qui, normalement, pourrait être
11:18 accessible à tout le monde, toute une série d'appartements
11:20 pour des locations de très courte durée.
11:22 C'est formidable quand vous êtes le propriétaire, vous gagnez
11:24 un peu d'argent, je ne conteste pas ça,
11:26 mais pour la collectivité,
11:28 ça veut dire moins de logements accessibles
11:30 et donc ça veut dire moins de possibilités
11:32 pour les habitants de se loger et donc ça veut dire
11:34 des prix qui montent partout et qui
11:36 finalement écartent
11:38 ceux qui ont un revenu
11:40 d'abord très faible puis même un revenu moyen.
11:42 Donc il y a quelque chose d'insatisfaisant.
11:44 Comment est-ce qu'on fait pour changer ça ?
11:46 Moi j'observe,
11:48 ensuite vous en penserez ce que vous voudrez,
11:50 j'observe qu'à chaque fois qu'on veut
11:52 intervenir dans la politique de logement en France,
11:54 on le fait en contraignant
11:56 un peu plus le marché immobilier,
11:58 en créant des règles
12:00 qui rendent un peu plus délicate
12:02 la gestion des biens immobiliers.
12:04 Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne direction.
12:06 - Ca serait quoi la bonne direction, rapidement, parce qu'il nous reste très peu de temps ?
12:08 - Je pense qu'il faut faire en sorte qu'il y ait
12:10 plus d'offres sur le marché
12:12 et qu'elle soit plus fluide,
12:14 qu'on puisse plus facilement louer son bien
12:16 ou le récupérer lorsqu'il a été loué, de façon à ce que
12:18 la rotation dans le parc immobilier soit
12:20 plus grande. Je suis assez convaincu
12:22 qu'on ne prend pas la bonne direction parce qu'on
12:24 veut protéger, et c'est très légitime de vouloir protéger,
12:26 mais qu'en protégeant, en réalité,
12:28 on n'aide pas
12:30 ceux qui ont le plus besoin de pouvoir accéder à un logement.
12:32 - Edouard Philippe, merci d'avoir été
12:34 présent sur France Bleu, Pays Basque.
12:36 Edouard Philippe, ancien Premier ministre, maire du Havre
12:38 et président du parti Horizon. - On retrouve sur
12:40 francebleu.fr. Bonne journée.
12:42 Il est 8h27 sur France Bleu, Pays Basque.
12:44 On vient faire un petit tour
12:46 du côté des routes, avec
12:48 c'est surtout le rond-point Saint-Léon qui est bloqué
12:50 quand vous arrivez de l'avenue de...