Le Premier ministre Gabriel Attal a confirmé dans la presse ce dimanche le durcissement des règles de l'assurance chômage à partir de décembre. Durée d’indemnisation réduite, conditions d’accès durcies, etc. Les syndicats dénoncent une réforme injuste.
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00:00 Alors vous l'avez compris, ça va être beaucoup plus difficile de toucher le chômage à partir du mois de décembre.
00:05 Le Premier ministre Gabriel Attal a précisé hier les détails de la réforme de l'assurance chômage.
00:09 Et cette réforme, elle est déjà vivement critiquée.
00:12 Pour l'analyser, notre invitée ce matin, c'est la déléguée syndicale SNU à France Travail.
00:17 France Travail, anciennement Pôle emploi dans les Pyrénées-Orientales.
00:21 Le SNI qui est le syndicat majoritaire à France Travail dans la région Suzanne Chaudjahi.
00:25 Bonjour Christelle Lara.
00:27 Bonjour, merci de m'avoir suivie.
00:28 Avec plaisir. Il est donc question de réduire la durée d'indemnisation des chômeurs.
00:32 Elle sera désormais de 15 mois au lieu de 18 mois aujourd'hui.
00:36 Il faudra travailler aussi 8 mois pour être indemnisé. C'est plus qu'actuellement.
00:41 Alors l'un des arguments du gouvernement, c'est de dire que cette réforme va permettre aux chômeurs de trouver du travail plus vite.
00:47 Est-ce que c'est vrai selon vous ?
00:49 Non, pas du tout. En fait, cette réforme, elle n'aura pas d'autre but que de faire des économies sur le dos des plus pauvres et des plus précaires.
00:56 Et donc là, pour le coup, des privés d'emploi.
00:58 Si le but était de remettre les gens au travail, on ne s'y prendrait pas de cette manière-là.
01:03 Ce n'est pas en supprimant le revenu de subsistance de quelqu'un qu'on arrive à faire en sorte qu'il aille plus vite accéder à de l'emploi.
01:10 C'est en créant de l'emploi et en essayant d'avoir une économie dynamique.
01:14 Mais comment on crée de l'emploi si les entreprises ne peuvent pas embaucher ?
01:18 Alors pour le coup, la question c'est pourquoi les entreprises ne peuvent pas embaucher ?
01:21 Parce que des mesures incitatives sont mises en place chaque année, avec des millions qui sont à la clé pour les employeurs,
01:28 pour leur permettre justement de dégager des embauches.
01:31 Et pour autant, la seule question qui se pose là aujourd'hui, c'est de baisser l'indemnisation des privés d'emploi.
01:36 Donc il n'y a rien à faire, rien à toucher selon vous, sur le système de l'indemnisation chômage aujourd'hui en France ?
01:42 Alors en effet, sur le système de l'indemnisation par lui-même, ce n'est pas là qu'il faut aller chercher.
01:47 Si on se pose la question d'arriver à mieux travailler et à plus travailler, il faut aller chercher du côté des syndicats,
01:55 en l'occurrence de patrons, de sorte à pouvoir négocier des meilleures conditions d'accès à l'emploi et des meilleures conditions de travail.
02:01 Et permettre par exemple aux jeunes de favoriser leur entrée sur le marché du travail.
02:06 Ne pas les indemniser après une période de travail, ça ce ne sera jamais la solution.
02:11 Cette réforme dans le département, elle pourrait concerner combien de bénéficiaires ?
02:15 Alors dans le département, on n'a pas encore chiffré puisque les mesures sont tombées hier.
02:20 Donc l'UNEDIC avait déjà de toute manière commencé à réfléchir à cette question-là.
02:25 Il y a à peu près 90 000 personnes qui vont se retrouver exclues du revenu de remplacement demain matin avec ces nouvelles mesures.
02:33 Le revenu de remplacement ?
02:35 L'allocation chômage. Oui, tout simplement.
02:37 Le revenu de subsistance en fait pour les privés d'emploi.
02:40 Donc il y a à peu près 90 000 personnes nationalement qui vont se retrouver privées d'emploi.
02:44 On peut compter que dans le département, on devrait en avoir à la louche à peu près une centaine.
02:53 Et pour les saisonniers, quelles conséquences ça aura cette réforme pour eux ?
02:58 Il y en a beaucoup dans les Pyrénées-Argentins.
03:00 Les personnes sur lesquelles cette réforme va le plus peser, ça va être les jeunes qui auront du mal à cumuler la période nécessaire de travail pour pouvoir être indemnisés.
03:08 Mais aussi les personnes qui font des saisons.
03:11 Et donc ce que le gouvernement appelle les "permitants du chômage", comme si c'était un choix, comme le statut d'intermittent,
03:18 qui permet justement aux personnes qui sont en saison d'avoir un revenu de subsistance pour enchaîner d'une saison à l'autre.
03:27 Et c'est ces personnes-là qui vont être le plus impactées par cette réforme.
03:31 Parce qu'ils auront du mal à cumuler 8 mois de travail sur les 20 derniers mois ?
03:35 C'est ça. Parce que la période de référence a été diminuée.
03:39 C'était 24 mois précédemment, ça passe à 20 mois.
03:42 Du coup, là maintenant on va devoir trouver 8 mois de travail en continu.
03:45 Or on sait qu'une saison ça dure 3-4 mois et qu'on a beau les enchaîner,
03:49 c'est pas dit du tout selon la date à laquelle on débute qu'on arrive à obtenir ces fameux 8 mois de travail à temps plein.
03:55 Parce que c'est aussi du travail à temps plein sur la période dont on parle qui va permettre l'indemnisation.
04:00 Donc évidemment, c'est les personnes qui vont être le plus atteintes.
04:03 8h10 sur France Bleu, Roussillon, Suzanne Chaud, Jaïno Travité, Christelle Larra, déléguée syndicale SNU, à France Travail.
04:09 Alors on entend vos arguments, mais en même temps le déficit public a atteint 154 milliards d'euros l'an dernier.
04:16 C'est plus de 5% du PIB. Est-ce que finalement cette réforme n'est pas inévitable ?
04:22 Alors effectivement, il y a un problème de déficit dans le pays.
04:27 Mais il n'y a pas un problème de déséquilibre du régime d'assurance chômage.
04:30 Le régime d'assurance chômage, lui, a bien été en déficit à un moment donné, mais est à l'équilibre depuis 2023.
04:36 Donc elle ne se justifie pas économiquement.
04:39 C'est pas sur cette population, c'est pas sur la population des privés d'emploi
04:42 qu'il faut aller chercher la manne financière nécessaire pour pouvoir résorber le déficit public.
04:47 Alors c'est sur quelle population alors ?
04:49 Il y a tout un tas d'autres choses. Par exemple, cette réforme a un autre but,
04:52 et c'est pour ça qu'elle est soutenue notamment par le MEDEF,
04:55 c'est de diminuer à peu près d'un tiers le montant des cotisations patronales.
04:58 Peut-être qu'il faut maintenir les cotisations patronales au même niveau,
05:02 et puis arriver justement à compenser une partie du déficit.
05:06 Donc de nouveau, vous dites que ce sont les entreprises qui doivent faire des efforts ?
05:11 Je pense en tout cas que là, on demande aux privés d'emploi, aux plus précaires,
05:14 et aux salariés les plus pauvres, et aux personnes les plus pauvres de notre société de faire l'effort,
05:19 alors que, effectivement, les entreprises continuent de faire des bénéfices,
05:23 et que c'est peut-être de ce côté-là qu'il faut aller chercher, oui.
05:25 Il y a quand même une petite musique qui dit que certains profitent du système,
05:30 beaucoup de Français le pensent, que certains ne cherchent pas vraiment du travail.
05:34 Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
05:36 Je réponds que c'est un mythe, en fait.
05:37 Le mythe du demandeur d'emploi qui est installé tranquillement dans son canapé
05:41 et qui attend que le temps passe, ça n'existe pas, enfin, ou ça existe peut-être à la marge.
05:45 C'est pas ce que vous constatez, par exemple, ici dans les Pyrénées-Orientales ?
05:48 Non, c'est clairement pas ce qu'on constate.
05:49 Ce qu'on constate, c'est qu'il y a tout un tas de populations
05:52 qui cherchent à avoir un emploi durable et un emploi stable,
05:56 que c'est extrêmement difficile, qu'ils font l'effort notamment de prendre des saisons
05:59 parce que c'est tout ce qui reste,
06:01 et que malgré tout c'est comme ça qu'on va les pénaliser.
06:03 Pourtant, il y a plusieurs sondages récemment qui montrent que les Français
06:07 sont majoritairement pour un durcissement des règles du chômage.
06:11 La société, est-ce qu'elle n'est pas prête, en fait, à ce genre de réformes, selon vous ?
06:16 Alors, les Français sont peut-être globalement pour les réformes de la sûreté au chômage,
06:20 à condition qu'ils ne soient pas eux-mêmes concernés par le chômage.
06:22 C'est-à-dire que je ne connais personne qui soit privé d'emploi du jour au lendemain
06:27 et qui trouve ça agréable, et qui ne voit pas,
06:29 parce qu'un privé d'emploi, il faut voir que quand même,
06:32 il se retrouve avec 50% de son revenu précédent.
06:35 Bon, n'importe qui qui avait un revenu à peu près confortable,
06:38 admettons à 2000 euros par mois,
06:40 se retrouve du jour au lendemain à 1000 euros par mois,
06:43 avec les mêmes frais, avec les mêmes charges,
06:46 avec un crédit maison par exemple, les charges de ses enfants,
06:50 et puis de la vie quotidienne.
06:51 Concrètement, ça fait une grosse difficulté financière.
06:56 Vous pensez que les gens ne s'en rendent pas compte, en fait,
06:58 de ce que c'est que d'être au chômage ?
06:59 Je pense que les gens, en tout cas pour ceux qui ont pu y être un jour,
07:03 ont peut-être oublié désormais, et tant mieux pour eux,
07:06 mais je pense qu'être privé d'emploi,
07:08 ce n'est pas une situation confortable dans ce pays.
07:11 Pourquoi les syndicats n'appellent pas à manifester de grands rassemblements,
07:14 comme on a vu par exemple contre la réforme des retraites ?
07:18 Parce que, toujours pareil, la semaine dernière,
07:21 à l'initiative de la CGT, la FSU emploi, dont je fais partie,
07:25 a mis en place une action pour informer le grand public.
07:27 Le problème, c'est que les chômeurs,
07:30 c'est une catégorie qui n'intéresse pas,
07:32 parce que c'est une catégorie qui est moins visible dans la société,
07:37 et du coup, c'est extrêmement difficile de mobiliser autour des préoccupations,
07:42 parce que, comme vous le dites, les personnes qui sont en emploi
07:45 se disent que finalement, ceux qui n'en ont pas,
07:47 peut-être que c'est qu'elles n'en cherchent pas trop,
07:49 et puis, globalement, c'est assez compliqué
07:51 de mobiliser autour des questions liées au privé d'emploi.
07:54 La réforme de l'assurance chômage qui doit donc prendre effet le 1er décembre,
07:58 selon ce que veut le gouvernement.
08:00 Merci beaucoup Christelle Lara d'être venue en discuter avec nous.
08:04 Vous êtes la déléguée syndicale SNU à France Travail,
08:07 anciennement Pôle emploi, ici dans les Pyrénées-Orientales.
08:10 Très bonne journée.