Une vingtaine de sportifs français se sont rendus en janvier au camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, en Pologne, pour un «voyage de la mémoire des champions» chargé de contribuer à lutter, à six mois et demi des Jeux olympiques de Paris, contre l'antisémitisme et le racisme. Parmi les participants au voyage figure l'ancien haltérophile Léon Lewkowicz, rescapé de Birkenau, le camp le plus vaste du complexe d'Auschwitz. Présent dans CNews, il affirme avoir «connu l’enfer» de son vivant.
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00:0012 ans, 12 ans et demi, quelque chose comme ça.
00:05– Et vous êtes resté combien de temps ?
00:07– Jusqu'à avril 45, alors j'ai fait trois camps,
00:13Birkenau, Auschwitz, à pied jusqu'à Gross-Rosen,
00:19des Gross-Rosen à pied jusqu'à Buchenwald.
00:25J'ai connu, comment dirais-je, l'enfer des monts vivants, voilà,
00:37des moments épouvantables.
00:40Et à la libération du 11 avril, bon, la France m'a adopté,
00:50pas seulement moi, mais nous étions 427 enfants à Buchenwald survivants.
00:59Et nous sommes arrivés à Paris, dans un village à Écuy, dans l'Eure,
01:06où nous avons vécu pas mal de temps pour, question des quarantaines,
01:14c'est ça ? – C'est ça, oui.
01:16– Pour nous mettre un petit peu en jambe,
01:19et puis après on a été dispatchés dans des maisons autour de Paris.
01:24Alors j'habitais Véziné, Meudon, Bellevue, Champigny-sur-Marne,
01:33et c'est là que j'ai commencé à apprendre le français,
01:39parce que je ne connaissais que le Yiddish, que je parlais avec tout le monde,
01:45et en Pologne, j'ai appris le Yiddish dans le camp,
01:51il fallait se comprendre avec les autres.
01:52Pour moi, le monde entier… – Parce qu'elle pro parle Yiddish.
01:54– Pour moi, le… – Parce qu'elle pro parle Yiddish.
01:57– Ah oui, écoutez, si vous voulez, ça ne me dérange pas, et puis…
02:06– Quand vous arrivez en France, vous n'avez plus de famille ?
02:10– Tout seul, tout seul.
02:14– Et vos parents ?
02:16– Mes parents ont été sélectionnés par Mengele à être gazés et incinérés.
02:27Moi, j'étais sélectionné, c'était la dernière sélection que j'ai subie,
02:36et ils se sont amusés, les Allemands, ils ont bâti un portique
02:40comme le sceau à la perche, il fallait courir et toucher avec la tête le sommet du portique.
02:53Moi, j'étais trop petit, je ne suis pas arrivé,
02:57bien sûr, j'étais sélectionné tout de suite.
03:00Et ensuite, une fois la sélection faite,
03:04Mengele faisait son petit parcours,
03:09de nous, les sélectionnés, à ne plus être sur cette terre.
03:15Et il m'a demandé quel âge tu as,
03:18« Wie alt bist du ? » Vous parlez un peu allemand ?
03:21– Oui.
03:22– Alors, je lui dis « Ich bin 16 », je me suis…
03:26Et il m'a dit « Du wirst klein bleiben », tu resteras toujours petit.
03:32Et on nous a conduits à la chambre à gaz,
03:37on nous a fait déshabiller, en jetant nos affaires,
03:41parce qu'on prenait quelquefois des douches,
03:43mais on laissait nos affaires à notre place.
03:46Mais là, il savait pertinemment qu'il n'était pas question de les retrouver,
03:52donc on nous a déshabillés.
03:57Et puis, moi, j'avais entendu par les undercommando
04:03que pour ne pas trop souffrir dans la chambre à gaz,
04:09il fallait être tout près où le cyclone B tomberait,
04:14pour prendre une bonne bouffée de ce gaz et être évanoui sur le champ.
04:23Et puis, on attendait, on attendait, la lumière était toujours allumée,
04:28on entendait des cris et des coups de feu à l'extérieur,
04:31on se demandait ce que c'était, c'était le 7 octobre 1944,
04:37la révolte des undercommando,
04:39eux, sachant que tous les six mois, ils étaient liquidés,
04:42ils en savaient trop pour ne pas révéler par la suite, pour l'histoire.
04:52Les portes se sont ouvertes, la première fournée a été mitraillée,
04:59et moi, j'avais la chance d'être dans la deuxième fournée,
05:02et on nous a ramenés dans le bloc,
05:04parce qu'il y avait tellement de morts
05:08que c'est pas les Allemands qui étaient chargés pour débarrasser les cadavres,
05:14c'était toujours les undercommando, choisis parmi les juifs.
05:20Et il y a des choses qui se bousculent dans ma tête,
05:29il y en a tellement.
05:30Et puis, on nous a ramenés au bloc,
05:35et on a même reçu deux parts de rations de pain,
05:41je ne sais pas pour quelles raisons, en tout cas,
05:44mais voilà, à partir de cette date-là, il n'y avait plus de gazage.