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00:00 Elle portait une tenue provoquante.
00:01 Si elle n'avait pas envie, elle n'avait qu'à dire non.
00:04 Pourquoi elle n'a pas crié ?
00:05 Toutes ces phrases, moi, je les ai trouvées
00:06 dans mes procès pour viol du XVIIIe siècle,
00:09 mais si on ne les date pas, on pourrait penser qu'elles datent
00:13 soit de l'époque médiévale, soit du XVIIIe siècle ou de 2022.
00:16 À l'époque antique, le viol en tant que tel n'existe pas
00:24 dans tout ce qui va être texte juridique.
00:26 On va plutôt avoir le rapt et l'adultère,
00:29 donc le rapt, c'est un rapport sexuel effectué sur une jeune fille
00:33 sans le consentement de son père,
00:35 et l'adultère, ça va être un rapport sexuel effectué sur une femme mariée
00:38 sans le consentement de son époux.
00:40 On va voler soit cette virginité, soit cette chasteté conjugale,
00:47 et finalement, ça va être un vol réalisé à l'encontre des hommes,
00:51 et le viol est une circonstance aggravante,
00:54 donc il va y avoir des adultères réalisées avec violence
00:57 et des rapts réalisés avec violence.
00:59 Pour autant, la question du consentement féminin
01:03 n'est pas forcément liée à la violence.
01:06 On va parfois considérer que l'épouse était consentante à l'adultère
01:11 et donc qu'elle va être châtiée au même titre que l'amant,
01:14 alors même qu'on reconnaît la violence de l'adultère.
01:16 Ambroise Paré, au XVIe siècle, considère que la matrice,
01:23 donc l'utérus, est un animal vivant,
01:26 se balade finalement dans le corps des femmes
01:28 si ces dernières n'ont pas de relation sexuelle.
01:30 Et donc, il peut notamment remonter jusqu'aux organes vitaux
01:34 et provoquer des maladies possiblement mortelles pour les femmes.
01:38 Il va conseiller de se marier.
01:40 Avec le mariage, effectivement,
01:41 c'est pas que le consentement veut plus rien dire,
01:43 c'est que cette notion de devoir conjugal a théorisé le fait
01:46 que l'époux et l'épouse sont consentants pour toutes les relations sexuelles
01:51 qui vont intervenir finalement dans leur vie conjugale.
01:54 Et ce, même s'il y a ensuite séparation de bien ou de corps.
01:57 Rousseau, qui va notamment critiquer cette notion de devoir conjugal
02:02 et qui va conseiller aux époux
02:04 de devenir en fait l'amant de leur épouse
02:08 pour avoir une vie sexuelle en fait plus épanouie.
02:11 Le crime de viol va être considéré
02:17 comme une attaque à l'intégrité de la personne
02:19 à partir du XVIIIe siècle dans les dictionnaires juridiques,
02:23 et c'est pour ça qu'on va juger un viol et non plus un rapte ou un adultère.
02:26 En 1791, effectivement, le viol va rentrer dans le Code pénal.
02:30 Ça va être un crime qui va être très difficile à prouver,
02:33 puisqu'il faut qu'elle prouve qu'elle les ait criées,
02:34 qu'elle les ait résistées jusqu'au bout.
02:36 Dans les dictionnaires juridiques,
02:37 on dit qu'un viol ne peut être commis, par exemple, en ville,
02:41 puisque on entendrait la femme crier.
02:43 La première preuve qu'on cherchait, notamment chez les jeunes filles,
02:47 c'était la déchirure de l'hymen.
02:50 C'est aussi ce qui a amené, par exemple, au XIXe siècle,
02:53 des penseurs à remettre en question, finalement, le viol sur des femmes mariées,
02:59 étant donné qu'elles n'avaient plus d'hymen.
03:01 Elles ne sentiraient quasiment pas, en fait, le sexe masculin dans leur vagin,
03:06 puisqu'elles étaient tellement habituées et le vagin était tellement grand
03:09 qu'elles n'allaient rien sentir.
03:11 Théoriquement, l'état de sidération est reconnu à partir de 1881.
03:16 C'est cette idée que, parce qu'il y a un trop-plein d'émotions,
03:19 la victime ne peut plus réagir.
03:21 En 1980, c'est le moment où le viol va devenir un crime,
03:29 donc c'est après le combat du MLF,
03:31 c'est notamment les procès que va mener Gisèle Halimi.
03:36 Le viol va être considéré, effectivement, non plus
03:40 comme seulement une pénétration du vagin par le sexe masculin.
03:43 En 1992, ça va être la reconnaissance du viol conjugal.
03:47 Pour moi, le XXe siècle n'est clairement pas le siècle du consentement,
03:50 puisqu'on peine encore à définir cette notion.
03:54 Aujourd'hui, on tape "consentement" et on a des milliers d'articles qui sortent.
03:57 Pour moi, c'est vraiment le mouvement #MeToo qui a propulsé la notion de consentement.
04:02 On n'a pas une histoire linéaire qui irait de l'Antiquité,
04:16 où le viol n'était pas reconnu et où toutes les femmes étaient violées,
04:18 à aujourd'hui, où tout va bien.
04:20 Le consentement positif existe tout au long de l'histoire
04:23 et n'a forcément pas du tout les mêmes caractéristiques qu'aujourd'hui,
04:27 mais il a existé.
04:28 Il y a des femmes qui ont désiré et consenti,
04:30 prenant en main leur sexualité,
04:32 que ce soit des femmes mariées qui disent à leurs amants
04:34 "En fait, on a couché une fois ensemble et j'ai plus envie de coucher avec toi,
04:38 donc va-t'en."
04:39 Des jeunes filles qui ont plusieurs amants
04:42 et qui, face à la jalousie d'un de leurs amants,
04:44 disent "En fait, tu n'es pas mon mari,
04:45 donc si tu ne veux pas que j'ai d'autres amants,
04:48 en fait, ne reste pas avec moi."
04:50 On a encore cette culture du viol qui fait partie de notre imaginaire collectif
04:55 et à force de se dire "De toute façon, avant, c'était différent et c'était horrible",
04:59 on n'avance pas.
05:01 [SILENCE]