L'AGROECOLOGIE Peut-Elle Encore Sauver l'Agriculture ? (Matthieu Calame)

  • il y a 3 mois
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L'Agriculture industrielle scie la branche sur laquelle elle est assise. Basé sur la motorisation, les énergies fossiles, les engrais, les pesticides elle est responsable du dépassement de la moitié des limites planétaires.

Mais comment on en est arrivé là ?

Comment est-on passé d’une société avec des savoirs agronomiques poussés et des polycultures à des sols appauvris et des monocultures responsables pour une bonne partie du réchauffement climatique ?

Et surtout comment pouvons-nous radicalement réorganiser notre système agro-alimentaire pour faire face aux enjeux environnementaux présents de manière juste ?

Aujourd’hui nous allons parler d’un modèle alternatif du système alimentaire qui réorganise profondément les pratiques de production et de consommation de la fourche à la fourchette : l'AGROECOLOGIE

Pour nous éclairer sur ce sujet, j’ai le plaisir d'accueillir Matthieu Calame. Matthieu est ingénieur agronome et directeur de la Fondation pour le Progrès de l’Homme. Il a procédé dans les 1990 à la reconversion d’une ferme vers une gestion durable. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages tels que “Comprendre l’Agroécologie, Origines, Principes et Politiques”.

SOMMAIRE

00:00:00 Introduction

L'Agriculture :

00:04:14 Bases biophysiques de l'agriculture
00:12:33 Non-soutenabilité de l'agriculture
00:21:43 Industrialisation de l'agriculture
00:37:42 Agriculture et capitalisme

L'Agroécologie :
00:52:12 Qu'est-ce que l'agroécologie ?
01:02:29 Rôle des arbres en agroécologie
01:08:13 L'agroécologie en pratique

RÉFÉRENCES

Comprendre l'agroécologie (2016) Matthieu Calame (invité)
Homo Domesticus (2017) James C. Scott
La Richesse des Nations (1776) Adam Smith
Voyage en France (1792) Arthur Young
La fin des paysans (1967) Henri Mendras
La grande transformation (1944) Karl Polanyi
Exterminez toutes ces brutes (2014) Sven Lindqvist

️La Bergerie de Villarceaux (Val d’Oise) : Ferme sur laquelle a travaillé l'invité
️Terre de Liens (fondée en 2003) Association française d’aide aux petit.e.s agriculteur.ices

Columelle (4-70) : Agronome romain
Olivier de Serres (1539-1619) : Agronome français
Jean-Baptiste Van-Helmont (1579-1644) : Alchimiste et médecin
Antoine L. Lavoisier (1743-1794) : Inventeur de la chimie moderne
Justus von Liebig (1803-1873): chimiste & agronome (expériences sur l'humus)
Fritz Haber (1868-1934) : Chimiste (Synthèse de l’ammoniac pour explosifs et engrais)
Earl Butz (1909-2008) : Secrétaire de l’agriculture sous Nixon et Ford (pro industrialisation)
Basil Bensin : Inventeur du terme “agroécologie” en 1928
Rudolf Steiner (1861-1925) : fondateur de l’agriculture biodynamique
Pierre Rabhi (1938-2021) : figure de l'agroécologie

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Transcript
00:00:00 Quelqu'un qui travaille toute une vie ne peut pas rembourser son outil de travail.
00:00:04 Donc là, vous passez à l'agriculture de firme.
00:00:06 Et donc tout va dans le sens de dire aux gens, investissez en machines.
00:00:10 Les agriculteurs disparaissent comme classe sociale.
00:00:13 Il y a ceux qui deviennent des capitalistes et ceux qui doivent devenir des ouvriers.
00:00:17 Les trois voies à l'heure actuelle sont le capitalisme, le prolétariat ou le suicide.
00:00:22 L'agriculture est à la fois affectée et à la fois cause dans toute une série de dépassements de limites.
00:00:28 Il y a un peu un rêve qu'on allait écologiser l'agriculture dans des sociétés industrielles.
00:00:33 Et je pense que ce n'est pas vrai.
00:00:34 Comme on doit aller vers un monde écologique pour survivre, il y aura une agriculture de ce monde écologique.
00:00:39 Et c'est l'agroécologie.
00:00:40 On voit bien que l'industrialisation a tout transformé en automates, nous et les animaux.
00:00:44 Et on redécouvre notre condition animale, pour la plus grande joie, j'espère.
00:00:48 À moins qu'on apprécie beaucoup être un automate.
00:00:50 La vie produit sans rien.
00:00:52 Une forêt, on n'y amène rien.
00:00:54 [Générique]
00:00:59 Bonjour et bienvenue au podcast Circular Métabolisme,
00:01:01 le rendez-vous bi-hepdomadaire qui interview des penseurs, chercheurs et praticiens
00:01:06 pour mieux comprendre le métabolisme de nos sociétés,
00:01:08 ou en d'autres mots, leur consommation de ressources et leurs émissions de polluants,
00:01:12 et comment les réduire d'une manière systémique, juste et contextualisée.
00:01:16 Aujourd'hui, nous allons parler de notre système agricole industriel
00:01:19 qui est basé sur la mécanisation et les énergies fossiles,
00:01:22 les engrais et les pesticides,
00:01:24 et les monocultures et l'artificialisation des sols.
00:01:27 Ces pratiques bien loin des savoirs agronomiques anciens
00:01:30 ont rendu notre système agricole responsable du dépassement de la moitié des limites planétaires,
00:01:35 d'une bonne partie du dérèglement climatique et de nombreuses inégalités sociales.
00:01:39 Mais comment en arriver là ?
00:01:41 Et surtout, qu'est-il possible de faire à présent pour changer ces choses ?
00:01:45 Il existe un modèle alternatif qui permet de réorganiser profondément notre agriculture
00:01:50 et de remédier à ses ravages socio-écologiques.
00:01:53 Ce modèle s'appelle l'agroécologie.
00:01:55 Pour nous éclairer sur ce sujet, j'ai le plaisir d'accueillir Mathieu Calam.
00:01:59 Mathieu est ingénieur agronome et directeur de la Fondation pour le Progrès de l'Homme.
00:02:04 Il a mené dès les années 90 la reconversion d'une ferme vers une gestion durable.
00:02:09 Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Comprendre l'agroécologie, Origines, Principes et Politiques.
00:02:15 Dans cet épisode, nous allons échanger sur les causes des ravages de l'agriculture moderne,
00:02:20 son évolution depuis l'Antiquité jusqu'à son industrialisation
00:02:24 et finalement les solutions alternatives proposées par l'approche agroécologique.
00:02:29 Bienvenue Mathieu sur le podcast.
00:02:32 Merci Aristide.
00:02:33 Avant qu'on parle dans le vif du sujet, qu'on comprenne tiens c'est quoi un système agroalimentaire,
00:02:38 c'est quoi l'agroécologie, peut-être qu'on peut comprendre toi pourquoi tu trouves ça important,
00:02:44 intéressant et pourquoi tu as décidé de te focaliser dans l'agronomie.
00:02:48 Alors je suis arrivé en agronomie, il faut reconnaître un peu au début par hasard,
00:02:52 comme souvent des étudiants en France.
00:02:54 Au moment des orientations, j'ai fini par faire une prépa bio,
00:03:01 peut-être parce que j'étais pas assez bon en maths et en physique,
00:03:03 ça fait partie de la réalité de notre pays.
00:03:06 Et puis en fait ça a quand même été un heureux hasard parce qu'en classe prépa, je me suis un peu ennuyé.
00:03:13 Par contre quand je suis arrivé en école d'agronomie, j'ai trouvé ça très passionnant
00:03:18 puisque l'objet de l'agronomie c'est l'activité agricole
00:03:21 et donc il y a des dimensions chimiques, biologiques, notamment dans les cycles de matière,
00:03:26 mais aussi bien sûr la photosynthèse, tout ce qui est le métabolisme de la cellulaire,
00:03:31 qui reste quand même tout à fait fascinant.
00:03:34 Mais à côté de ces aspects biologiques, il y avait aussi des aspects sociaux et même politiques
00:03:39 puisque comme on le verra, l'agriculture est le produit d'une société
00:03:43 qui produit des politiques qui l'orientent.
00:03:45 Et puis après évidemment, comme beaucoup de gens, j'ai été pris par les enjeux
00:03:49 et donc moi j'ai fini mon école d'agronomie en 92, c'était le moment du sommet de Rio.
00:03:55 Donc je baignais quand même dans une atmosphère où, comme on va le voir,
00:03:59 les questions agricoles étaient quand même déjà très prégnantes
00:04:02 puisque l'agriculture et l'alimentation, c'est une des activités humaines
00:04:07 qui ont un très fort impact à la fois sur les sociétés et sur les écosystèmes,
00:04:12 et depuis très longtemps, parce que c'est une très vieille activité.
00:04:15 Quand on rentre par la porte de l'agriculture ou de l'agronomie,
00:04:25 on se rend compte que ce n'est pas quelque chose d'isolé,
00:04:28 c'est la politique, c'est notre rapport à la société, c'est notre rapport à la technique.
00:04:32 Mais je propose qu'on donne deux, trois bases plutôt théoriques
00:04:35 pour nous permettre de comprendre comment l'agriculture interagit avec le sol,
00:04:40 interagit avec les cycles.
00:04:42 Souvent on fait abstraction de tout ça et on parle juste de l'agriculture.
00:04:46 C'est d'ailleurs tout le sens du terme agroécologie,
00:04:49 de rappeler qu'en fait l'agriculture, c'est un déplacement de l'écosystème.
00:04:56 On va lui faire subir un certain nombre de transformations
00:04:59 qui vont déplacer son métabolisme à notre profit,
00:05:03 mais parfois si loin que ça se fait au détriment de la viabilité de l'écosystème.
00:05:10 C'est la grande qualité de ce progrès, disons, conceptuel qu'est l'agroécologie,
00:05:15 même si évidemment les populations paysannes
00:05:17 ont été confrontées à la problématique depuis très longtemps.
00:05:19 Ce qu'il y a sous-jacent, c'est un certain nombre de lois
00:05:22 qu'on peut considérer comme les lois des reins de la biomasse,
00:05:25 que je pense que tout le monde peut comprendre très rapidement,
00:05:28 qui est que tous les organismes vivants sont faits d'une famille de matières
00:05:35 qu'on a d'ailleurs appelées matières organiques parce qu'elles composent nos organes.
00:05:38 Donc toute la chimie du 19e siècle a mis en évidence finalement
00:05:42 qu'on était essentiellement des chaînes de carbone.
00:05:44 Je suis un petit peu vite, mais c'est ça.
00:05:46 Alors on a les os, enfin des choses comme ça et tout,
00:05:49 mais que toute la matière qui forme nos muscles, nos cerveaux, notre moelle épinière,
00:05:54 ce sont essentiellement des chaînes de carbone,
00:05:56 que ces chaînes de carbone, nous autres, les animaux,
00:05:58 nous sommes incapables de les produire nous-mêmes,
00:06:02 qu'on ne les obtient qu'en mangeant.
00:06:03 C'est pour ça qu'il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger.
00:06:07 La deuxième se discute, mais le premier est incontestable.
00:06:11 Il faut manger pour vivre.
00:06:12 Et en fait, il n'y a que les végétaux qui sont capables de créer cette matière organique
00:06:18 grâce à la photosynthèse.
00:06:20 Et l'opération inverse de la photosynthèse, c'est la respiration au fond.
00:06:24 En le sens que, pas la respiration, le geste d'inspirer de l'air,
00:06:28 mais le fait qu'on va absorber de l'oxygène
00:06:30 et cet oxygène nous sert à brûler une partie de cette matière organique.
00:06:34 Ce n'était pas évident d'ailleurs de comprendre
00:06:36 qu'il y a une très belle question scientifique qui taraudait les Grecs,
00:06:40 c'est d'où vient le mouvement.
00:06:41 Et pendant des siècles et des millénaires,
00:06:45 on s'est dit que le moteur du mouvement, c'est l'âme.
00:06:48 Parce qu'on était incapable de concevoir la notion d'énergie.
00:06:51 Et en fait, avec la voisier, avec les découvertes du rôle de l'oxygène,
00:06:56 on a petit à petit compris, et la machine à vapeur,
00:06:58 qui tout à coup nous donnait cette idée qu'était le moteur,
00:07:02 on a petit à petit compris qu'en fait, on fait une combustion à l'intérieur de notre corps.
00:07:06 Les sucres, les huiles qu'on absorbe, on les rejette sous forme de CO2.
00:07:11 Effectivement, quand vous brûlez une bûche dans votre cheminée,
00:07:16 vous brûlez du CO2.
00:07:18 Ce serait un chapitre entier de comprendre
00:07:20 comment les êtres humains ont découvert lentement tout ça.
00:07:24 Mais le mot métabolisme a apparu aussi dans ces périodes-là.
00:07:27 C'est-à-dire que souvent, c'est la poule et l'œuf.
00:07:30 On a un mot parce qu'on a compris un concept.
00:07:33 Et tant qu'on n'a pas compris ce concept,
00:07:35 on n'arrive pas à le caractériser.
00:07:37 D'ailleurs, les grands personnages de cette histoire,
00:07:40 s'il fallait en retenir deux, c'est Van Helmont,
00:07:43 sur lequel je vais revenir,
00:07:45 qui lui comprend ou en tout cas défait les théories antérieures
00:07:49 sur de quoi étaient constitués les végétaux.
00:07:51 Et puis, bien sûr, c'est Lavoisier qui, avec la combustion, l'oxygène,
00:07:55 toutes ces choses-là, va permettre de comprendre
00:07:59 ce qui se passe dans notre métabolisme.
00:08:02 Mais on voit bien d'un côté les végétaux
00:08:05 qui globalement fixent de la biomasse, de la matière organique,
00:08:09 de l'autre, les animaux qui en détruisent.
00:08:12 Et cette loi des reins qui est de dire
00:08:14 que s'il y a trop d'animaux par rapport à ce qu'il y a comme végétaux,
00:08:17 c'est comme s'il y a trop de maîtres par rapport aux esclaves.
00:08:19 Je vous permet de cette comparaison.
00:08:21 Mais en gros, c'est un petit peu ça.
00:08:23 Vous arrivez à une société complètement déséquilibrée
00:08:26 et qui va s'effondrer.
00:08:27 Et quand on détruit toute la matière organique d'un écosystème,
00:08:32 à la fin, un écosystème sans matière organique, c'est le désert.
00:08:35 Et c'est pour ça que, d'une manière assez pessimiste,
00:08:40 un savant du 19e siècle,
00:08:43 la Reveillière Lepaud, dans une encyclopédie de l'époque,
00:08:47 a au chapitre forêt, a cette phrase
00:08:50 "les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent"
00:08:52 parce qu'ils avaient déjà conscience que l'activité humaine avait créé du désert.
00:08:56 Et ça, c'est la loi des reins.
00:08:58 Ça, on peut peut-être parler, c'était assez fascinant de lire,
00:09:02 comment se fait que la Mésopotamie est devenue un désert, par exemple,
00:09:06 qui était l'endroit le plus "riche".
00:09:09 On apprend dans les livres d'histoire le croissant fertile et le trésor.
00:09:12 Oui, alors ça, c'est beaucoup les recherches archéologiques
00:09:16 des 20-30 dernières années
00:09:19 qui ont complètement inversé le récit.
00:09:21 C'est très bien d'ailleurs exploité par D.C. Scott dans "Against the Grain",
00:09:27 homo domesticus.
00:09:29 Effectivement, on a longtemps cru que c'était des zones désertiques
00:09:33 que l'homme avait rendues fertiles grâce à l'irrigation.
00:09:36 Et maintenant, la plupart des scénarios laissa penser
00:09:40 que c'est une agriculture, l'agriculture apparaît au nord de la Mésopotamie,
00:09:47 dans ce qui est, je dirais, le sud-est de la Turquie actuelle,
00:09:52 le nord, la Syrie et l'Irak.
00:09:55 Dans des zones qui étaient...
00:09:58 Alors, l'un des éléments qui est trace, si je puis dire,
00:10:02 qui en est la preuve, c'est que l'ensemble des espèces
00:10:06 qu'on a cultivées en Europe avant la découverte de l'Amérique,
00:10:11 donc les céréales, les lentilles et des animaux,
00:10:14 sont typiques de steppes arides.
00:10:16 Donc c'est dans un écosystème de stèpes arides
00:10:19 que les hommes, ou les femmes d'ailleurs,
00:10:22 il y a une très forte probabilité que ce soit les femmes
00:10:24 qui aient commencé l'agriculture.
00:10:26 En tout cas, les témoignages qu'on a dans les civilisations intermédiaires
00:10:29 qu'on a retrouvées en Amérique du Nord,
00:10:31 on voit que quand les hommes sont encore chasseurs,
00:10:34 ce sont les femmes qui commencent à faire l'agriculture.
00:10:37 Toujours est-il que l'agriculture se forme,
00:10:39 et cette agriculture va permettre un certain nombre de choses,
00:10:44 notamment la croissance démographique.
00:10:46 En tout cas, les deux phénomènes sont...
00:10:49 C'est un peu la poule et l'œuf, comme toujours,
00:10:51 mais on s'aperçoit que les deux phénomènes sont conjoints.
00:10:55 Alors, je dois tout de suite ouvrir une parenthèse pour dire que,
00:10:59 ça je vais décrire un scénario, mais évidemment c'est une scénarisation,
00:11:02 on n'a pas de preuves absolues, il y a beaucoup de chances
00:11:04 que ça n'ait pas été linéaire, qu'il y ait des retours en arrière.
00:11:07 C'est les âges sombres, il n'y avait pas de journalistes pour nous le dire.
00:11:11 Toujours est-il qu'on a cette trace très forte,
00:11:14 c'est bien ces plantes de zone aride qui sont domestiquées,
00:11:19 qui sont entre 250-300 mm de précipitation et un peu au-delà.
00:11:25 Et simplement, quand vous travaillez beaucoup le sol,
00:11:28 quand vous avez trop d'animaux, quand vous êtes trop nombreux,
00:11:30 vous finissez par détruire la matière organique.
00:11:32 En fait, ils seraient ensuite redescendus,
00:11:35 et ils rencontraient des zones de marécage,
00:11:38 ils descendaient vers les fleuves,
00:11:40 et en fait, ce n'est pas l'irrigation qu'ils ont fait, c'est le drainage.
00:11:43 Et ça, c'est tout bête, mais on en a un témoignage,
00:11:47 une sorte de trace archéologique qui est dans la Bible, dans la première Genèse.
00:11:52 Effectivement, qu'est-ce que fait Dieu ?
00:11:54 C'est qu'il sépare la terre et l'eau, et en fait, il draine, il n'irrigue pas.
00:11:59 Le geste de création n'est pas qu'il verse de l'eau sur de la terre pour faire pousser,
00:12:03 on voit très clairement qu'il sépare, et ça, c'est probablement une mémoire longue.
00:12:08 Et ce drainage, en fait, il contribue certes temporairement à dégager des parcelles
00:12:14 dont on va en fait consommer la matière organique accumulée depuis longtemps,
00:12:20 mais sur le très long terme, il produit une désertification
00:12:23 qui probablement s'est produite dans le bassin de la Mésopotamie,
00:12:27 de l'Amont vers l'Aval, et probablement aussi en Égypte.
00:12:31 Du coup, c'est assez drôle parce que ça fait beaucoup écho à ces questions de renouvelables,
00:12:37 de ce qui est renouvelable, c'est cette question de pas de temps au final.
00:12:41 Une zone marécageuse, une zone humide, va être très fertile,
00:12:47 mais à quel pas de temps ? Et à quel rythme d'exploitation ?
00:12:51 La même chose avec le bois, etc.
00:12:53 C'est très juste, il y a des dynamiques, et c'est ces dynamiques qu'il faut prendre en compte.
00:12:58 Et effectivement, il y a toute surexploitation,
00:13:01 c'est-à-dire toute exploitation qui va au-delà de la capacité de renouvelablement
00:13:05 n'est pas renouvelable, presque par définition.
00:13:08 On a ce problème à l'heure actuelle, évidemment, avec le rush sur la biomasse forestière,
00:13:14 où on imagine qu'on va chauffer tout le monde avec du bois, sans isoler les maisons.
00:13:17 Comme disent certains forestiers, quitte à couper du bois,
00:13:20 autant le mettre en isolant plutôt qu'en chauffage.
00:13:23 Là, effectivement, le bois est une ressource renouvelable,
00:13:26 à condition qu'on ne l'exploite pas au-delà de la biomasse que peut former la forêt.
00:13:31 Donc on retombe toujours dans cette loi des reins, que tout le monde peut d'ailleurs comprendre.
00:13:36 Il y a une très bonne image qu'on peut avoir avec le fait d'avoir un capital et son rendement.
00:13:41 Si vous avez un capital de 100 avec un rendement de 5,
00:13:44 si vous dépensez 4, vous vous enrichissez, vous augmentez votre capital.
00:13:49 Si vous dépensez 6, à la fin vous faites banqueroute.
00:13:53 Et d'ailleurs, c'est exactement le terme qu'utilise Albert Howard,
00:13:57 qui a été un des pères de l'agriculture biologique dans le testament agricole.
00:14:00 Il dit que l'agriculture industrielle a appris aux paysans à être des pieurs de ressources.
00:14:06 On sait comment finissent ces affaires.
00:14:08 Il utilise lui-même la métaphore, il dit que ça finit en banqueroute.
00:14:11 Effectivement, on va tout droit, à l'heure actuelle, vers une banqueroute de la biomasse, de la matière organique.
00:14:19 Je propose qu'on explore pourquoi, comment, c'était quoi les mécanismes qui nous ont amenés.
00:14:24 Juste donner peut-être un diagnostic du monde agricole et des impacts.
00:14:30 Il y a plein d'éléments qui sont entreliés avec le monde d'agriculture industrielle.
00:14:36 Tu peux un peu nous dire c'est quoi les différents points ?
00:14:40 Alors, c'est vrai que tu évoquais dans ton introduction les limites planétaires de Rockström.
00:14:46 Donc effectivement, si on regarde les neuf limites, je crois que maintenant il a un modèle avec un peu plus de limites,
00:14:51 mais les neuf initiales, on voit que l'agriculture est à la fois affectée et à la fois cause et impliquée
00:14:58 dans toute une série de dépassements de limites.
00:15:01 Alors, les premiers évident, c'est la saturation, les cycles du phosphore et de l'azote,
00:15:05 puisque en gros, une grande partie de l'agriculture industrielle, ça a été d'amender avec du phosphore et de l'azote les champs, évidemment.
00:15:12 Il y a la destruction d'un certain nombre d'écosystèmes, de beaucoup de surfaces d'écosystèmes
00:15:18 qui ont évidemment partie liée avec la chute de la biodiversité.
00:15:22 Alors, on connaît la destruction de la forêt amazonienne, ça pour faire du soja,
00:15:27 lequel vont nourrir des animaux d'élevage, mais on oublie que même encore en Europe,
00:15:34 la destruction des zones humides est détaillée et continue.
00:15:41 D'ailleurs, l'association française de l'arbre et de la hauchampète, qui s'appelle Réseau et France maintenant,
00:15:47 a poussé un cri d'alarme récemment en disant que la France continue à détruire ses haies à un rythme absolument insoutenable,
00:15:55 enfin insupportable en plus, compte tenu de tout ce qu'on sait.
00:15:59 Donc ça, c'est pour l'aspect biodiversité.
00:16:02 L'agriculture est responsable directe et indirecte de gaz à effet de serre.
00:16:08 Je dirais de manière semi-directe, il y a déjà juste le fait de couper des forêts et de les brûler pour faire du soja,
00:16:15 c'est un gros dégagement. De manière complètement directe, il y a le fait que c'est quand même une agriculture
00:16:21 qui est extrêmement dopée aux engrais, lesquels sont de forts consommateurs de gaz naturel essentiellement,
00:16:29 au mieux, c'est du gaz naturel, mais en Chine, par exemple, une grande partie de l'azote est encore fait avec du charbon.
00:16:36 Donc il y a cet aspect-là, il y a le fait que les engrais azotés se transforment souvent en oxyde nitreux
00:16:42 qui ont un fort effet de gaz à effet de serre et se rajoutent à ça, évidemment, nos braves polygastriques,
00:16:49 c'est-à-dire essentiellement les vaches, mais aussi un peu les moutons et les chèvres,
00:16:53 dont l'immense qualité, c'est de pouvoir dégrader des fourrages très grossiers.
00:16:58 Et l'immense défaut, c'est qu'ils font ça en faisant une méthanisation dans leur rumaine,
00:17:02 donc ces braves animaux rotent et pètent. Et enfin, il y a les rizières aussi, donc il y a toute une gamme.
00:17:09 Évidemment, l'agriculture, c'est le grand consommateur d'eau douce.
00:17:14 Alors, je ne sais pas, je n'ai pas fait le tour, je ne suis plus à combien d'éléments de Rockström,
00:17:19 enfin, je ne veux pas faire quelque chose d'apocalyptique, mais avec ça, puisque la région planétaire va de pair aussi,
00:17:26 la acidification des océans, bon bref, ce n'est pas joyeux.
00:17:32 Alors, ce qui est vrai, c'est que l'agriculture, en plus, se prend dans la gueule les impacts de tout ça.
00:17:39 L'impact climat à travers la sécheresse, etc. est très bien et de plus en plus évalué et mesuré.
00:17:47 Il est évident que pour un certain nombre de systèmes, on avait levé les contraintes à la production en amenant de l'azote.
00:17:56 Sauf que maintenant, la contrainte à la production, ce n'est pas un manque d'azote ou des ravageurs,
00:18:02 c'est tout simplement qu'il n'y aura pas d'eau, qu'il y a des stress hydriques, etc.
00:18:07 Donc, il y a quand même des fortes inquiétudes sur les rendements moyens dans les années vingt-neuf.
00:18:15 Alors, évidemment, on va déplacer les cultures, on va monter plus au nord ou des choses comme ça,
00:18:20 mais est-ce qu'on déplacera les populations aussi ?
00:18:23 Il y a des sérieux soucis à se faire, et pas qu'en agriculture.
00:18:29 Mais évidemment, on comprend bien que comme il faut manger pour vivre, l'agriculture est particulièrement concernée.
00:18:35 Alors, il faut peut-être que je rajoute un point important.
00:18:38 C'est vrai que moi, le premier, j'associe tout de suite agriculture à alimentation.
00:18:43 Néanmoins, l'agriculture, ce n'est pas que l'alimentation, c'est aussi la production d'énormément de fibres.
00:18:51 Le coton, qui est un énorme consommateur d'eau et de pesticides.
00:18:55 Donc, c'est vrai, et on en reviendra après, c'est vrai qu'il faut changer son assiette alimentaire,
00:19:01 mais il y a un vrai problème de surproduction de vêtements pléthoriques, à obsolescence programmée,
00:19:08 parce qu'ils sont faits de mauvaise qualité, qui ont un impact environnemental qu'il ne faut pas oublier.
00:19:13 Si les soviétiques ont désertifié la mer d'Aral, c'est en grande partie pour faire du coton dans le Kazakhstan.
00:19:18 Près de la frontière entre l'Ouzbékistan et le Kazakhstan, se trouve un désert recouvert de coquillages et de carcasses de bateaux de pêche rouillés.
00:19:26 Ce sont des vestiges de la mer d'Aral, qui recouvraient autrefois la région.
00:19:31 Dans les années 60, la mer d'Aral était le quatrième plus grand lac du monde.
00:19:35 Privés de coton, les soviétiques se sont vus dans l'obligation de cultiver leur propre champ.
00:19:39 Ils ont donc construit un vaste réseau de canaux pour atteindre cet objectif.
00:19:43 Mais cette histoire a un côté plus sombre, car les plantations de coton ont consommé plus d'eau que les rivières ne pouvaient en supporter.
00:19:50 Et très vite, la mer d'Aral a commencé à s'assécher.
00:19:54 Et puis même la laine, parce qu'il faut des braves moutons.
00:19:58 Et les moutons extensifs, qui détruisent un peu plus la forêt de savane d'Australie,
00:20:06 sont des gros agents de destruction de l'environnement et de production de gaz à effet de serre.
00:20:11 Il faut aussi penser aux vêtements.
00:20:13 Et puis de plus en plus, on évoque des biomatériaux pour remplacer ce que la chimie ne produira pas.
00:20:18 Alors on reviendra après, il y aura sans doute une tension là-dessus.
00:20:22 On parle du lin, par exemple, pour isoler.
00:20:25 Mais ce lin, il va bien falloir le produire, donc il va avoir aussi son impact.
00:20:30 Il y aura une concurrence à un moment entre les usages.
00:20:33 Et on revient complètement à ce que tu disais, c'est à quelle vitesse.
00:20:37 Et puis en quelle quantité.
00:20:39 Je n'étonnerai personne dans cette émission en disant que la sobriété est la première mesure.
00:20:44 Parce que si on remplace toutes les matières plastiques qu'on utilise pour isoler,
00:20:51 tous les isolants issus du pétrole par du lin en une égale quantité, à mon avis on ravage la planète.
00:20:57 Je n'ai pas fait de calcul, mais il faudra beaucoup de surface.
00:21:00 Mais les ordres de grandeur sont fondamentaux.
00:21:03 Oui pour les biomatériaux, mais comme toujours, en ayant commencé par réduire considérablement le besoin.
00:21:13 Parce qu'en effet, aujourd'hui c'est aussi un système ultra linéaire,
00:21:17 avec beaucoup d'entrants, beaucoup de sortants et une monoculture au milieu.
00:21:22 C'est-à-dire que c'est vraiment une espèce de métabolisme linéaire qui est super dopé à plein de choses.
00:21:29 On pourrait très bien imaginer que si la demande était énorme,
00:21:32 des gens se mettent à faire de la monoculture de lin ou de chanvre,
00:21:35 puis en fait on reproduirait les mêmes vices.
00:21:38 Tout à fait.
00:21:39 Donc ça c'est un peu le constat aujourd'hui, les impacts.
00:21:43 Mais évidemment, c'est assez récent tout ça.
00:21:46 Voilà, en fait ce qui est surprenant c'est qu'on n'y soit pas arrivé plus tôt.
00:21:50 Parce que je crois qu'on peut dire en propos préliminaires que finalement,
00:21:54 ce n'est pas une surprise que les sociétés industrielles aient produit une agriculture industrielle.
00:21:58 Oui, c'était la dernière pièce du puzzle, la plus difficile à trouver.
00:22:02 Et même Adam Smith, dans "La richesse des nations",
00:22:07 qui est écrit à la fin du XVIIIe siècle, a tout un passage en disant
00:22:10 "Finalement on n'arrivera pas à faire avec l'agriculture ce qu'on a fait avec la fabrique".
00:22:15 Il croyait qu'on ne pourrait pas.
00:22:17 Il croyait qu'on ne pourrait pas parce que comme toute la modernité est construite
00:22:20 sur la réorganisation du processus de production autour de la machine,
00:22:25 et qu'à l'époque d'Adam Smith on n'a pas inventé le moteur,
00:22:29 il n'imagine pas qu'on puisse mettre la machine dans les champs.
00:22:33 Et comme on ne peut pas mettre les champs dans la machine,
00:22:36 alors qu'on avait réussi à faire de la fabrique, de mettre les ouvriers autour,
00:22:40 qu'on avait... là il bute et il dit "on n'y arrivera pas".
00:22:44 Et en fait on y est arrivé en deux étapes.
00:22:46 D'abord en amenant les machines dans les champs, ce qui arrivera en deuxième étape,
00:22:51 mais surtout on y est arrivé en pensant le monde comme une machine,
00:22:56 en pensant le vivant comme une machine.
00:22:58 Et ça c'est très ancien comme fantasme.
00:23:00 On le trouve d'une certaine manière avec Bacon et Descartes,
00:23:05 la pensée que le vivant est une machine, l'analogie mécaniste,
00:23:09 l'analogie de l'automate d'ailleurs, c'est le terme qu'il faut employer,
00:23:13 c'est celui qui utilise Descartes, l'automate,
00:23:16 l'idée du vivant comme un automate, ça, ça travaillait.
00:23:19 Donc il y a un substrat, je dirais, idéologique, cosmologique,
00:23:24 une manière de voir le monde derrière tout ça.
00:23:27 On concède quand même à l'homme qu'il a une âme,
00:23:30 mais enfin quand on voit la manière dont on a traité les ouvriers dans les usines,
00:23:34 c'est Charlie Chaplin, "Les temps modernes",
00:23:37 on les a bien traités comme des automates humains.
00:23:40 Et l'automatisation dans les usines chez Renault n'est que l'accomplissement,
00:23:46 dans les années 80, n'est que l'accomplissement final du fait qu'on a enfin réussi
00:23:49 à faire des automates qui imitaient le geste d'un ouvrier
00:23:52 qui était lui-même réduit en automates.
00:23:54 Je dis ça parce que quand on s'étonne de l'élevage de l'automate,
00:23:58 on se dit "Ah, c'est pas un automate, c'est un ouvrier".
00:24:01 Et c'est pas un ouvrier, c'est un automate.
00:24:03 C'est un ouvrier qui a été réduit en automates.
00:24:05 Il a été lui-même réduit en automates.
00:24:07 Je dis ça parce que quand on s'étonne de l'élevage industriel,
00:24:10 qu'on traite les vaches comme des machines à lait,
00:24:13 on s'aperçoit qu'on a fait à l'homme ce qu'on a fait plus tard à l'animal en fait.
00:24:18 Cette espèce de conception automate.
00:24:20 Ça c'est très fort, simplement on ne savait pas quels étaient les rouages.
00:24:25 Descartes il dit "Ah, on est des petits rouages",
00:24:27 il voyait que les organes comme des rouages,
00:24:29 mais c'est la chimie finalement au 19e siècle qui arrive à trouver
00:24:33 les rouages de base finalement de ce grand automate du vivant.
00:24:38 Et ça c'est la révolution avec des noms assez prestigieux
00:24:45 comme l'Ibiche bien sûr, auquel on doit protéines,
00:24:50 l'analyse des abîments, le métabolisme c'est peut-être de lui.
00:24:54 Donc toute une pensée qui d'ailleurs a une certaine valeur
00:24:57 puisqu'on va l'utiliser couramment.
00:24:59 Et puis la grande conquête c'est la compréhension de la nutrition des plantes.
00:25:03 Alors ça c'est vraiment une aventure, je vais être très rapide là-dessus,
00:25:06 mais en gros pendant longtemps on a cru que les plantes mangeaient de la terre.
00:25:10 C'est pour ça qu'on parle d'engrais et il a fallu les expériences de Van Helmond
00:25:15 que j'évoquais tout à l'heure au début du 17e siècle
00:25:18 qui est un médecin spécialiste des problèmes de digestion.
00:25:22 - Évidemment !
00:25:23 - Voilà évidemment, on est dans le métabolisme.
00:25:25 - Ça se transpose.
00:25:26 - Il a fait une superbe expérience qu'on ne pourrait plus faire maintenant
00:25:29 parce qu'elle a duré 7 ans et on sait que dans les cadres académiques actuels
00:25:33 17 mois c'est le maximum pour son expérimentation
00:25:36 puisqu'il faut ensuite 13 mois pour tirer les conséquences.
00:25:39 Il a fait 7 ans, il a planté un jeune saule dans un bac de terre,
00:25:45 il l'a gardé pendant 7 ans en l'arrosant et au bout de 7 ans il a repesé,
00:25:49 il a pesé la terre, il a montré que la terre, selon les outils de l'époque,
00:25:53 n'avait pas perdu de poids et donc il en a déduit que la plante n'était pas faite de terre.
00:25:57 Il a cru qu'elle était faite d'eau puisqu'il l'avait arrosée
00:26:00 parce qu'il n'a pas pensé qu'elle était faite d'air,
00:26:02 ce qui effectivement est contre-intuitif,
00:26:04 encore que le seul paradoxe de Van Helmond, c'est lui qui a inventé le terme de gaz
00:26:09 et c'est lui qui parle de gaz sylvain, je crois,
00:26:14 pour parler du gaz qui est dégagé par les bûches quand elles brûlent.
00:26:18 Mais il n'a pas fait l'opération inverse, il ne s'est pas dit
00:26:21 "Ah oui, si ça sort, ça devrait rentrer au sylvain".
00:26:23 Si ça sort, c'est ça le principe et c'est pour ça qu'il faut aller à l'avoisier et à la combustion
00:26:28 pour comprendre que le gaz est en fait ce qui est issu de la combustion,
00:26:33 enfin bref, ça va passer des meilleurs.
00:26:35 Toujours est-il qu'à partir de là, on comprend que les plantes mangent autre chose
00:26:41 et ça va être un peu toutes les recherches et finalement,
00:26:44 il y a au 19e siècle les recherches sur les engrais
00:26:48 et la mise en évidence que notamment les nitrates ont un rôle fondamental.
00:26:56 Et d'ailleurs, encore à cette époque, Libiche fait une première expérience,
00:27:03 il prend de l'humus, il le met dans de l'eau, il n'y a rien qui sort,
00:27:07 donc il dit "il n'y a pas de sel qui se dissolve, donc l'humus ne sert à rien".
00:27:11 Mais tous ces gens-là ne savent pas encore ce que sont les micro-organismes,
00:27:17 ils ne savent pas ce que c'est une bactérie, ils ne savent pas ce que c'est les champignons du sol,
00:27:20 c'est-à-dire tout ce monde microscopique dont on va voir qu'il joue un rôle fondamental,
00:27:24 ils l'ignorent.
00:27:25 Toujours est-il que Libiche va faire ce qui est l'avenir de l'agriculture industrielle,
00:27:32 il va faire les premières cultures hydroponiques,
00:27:34 il va montrer qu'on peut faire...
00:27:36 Dans la suite de Van Helmond qui a dit "la terre ne sert à rien",
00:27:39 il montre que, pas aussi critique que Van Helmond,
00:27:42 mais il montre que dans une solution avec les bons minéraux et des nitrates,
00:27:46 vous faites pousser vos tomates.
00:27:48 Et donc il dit "le sol sert juste comme support et un petit peu comme réservoir de minéraux
00:27:54 mais qui sont infinitésimaux".
00:27:56 Et à partir de là, on commence à voir les deux éléments qui se mettent en place,
00:28:02 la machine qui avec l'arrivée du moteur va pouvoir être amenée dans les gens.
00:28:07 Il y a déjà eu des batteuses avant, mais on les amenait de village par village,
00:28:11 on amenait les blés, ce qui va être génial c'est l'invention de la moissonneuse,
00:28:16 puis de la moissonneuse-batteuse, puis du tracteur, etc.
00:28:20 Et puis ça pour l'aspect machine, et puis pour l'aspect stimulation de la production,
00:28:27 on va réussir grâce à Fritz Haber et Robert Bocz,
00:28:32 la synthèse de l'ammonia qui nous permet de faire les engrais azotés, etc.
00:28:38 Et ils vont pouvoir à ce moment-là faire de l'hydroponie.
00:28:43 Ils vont amener le rêve de Libiche qui disait "bon voilà on peut faire ça,
00:28:48 mais ça coûtait tellement cher à l'époque les nitrates,
00:28:51 que c'était économiquement non concevable, qu'ils vont faire ça".
00:28:54 Alors ils vont faire ça, c'est pas que les nitrates ne coûtaient pas cher,
00:28:57 mais il y a eu la première guerre mondiale,
00:28:59 vous savez les nitrates c'est la base des explosifs,
00:29:02 il n'y a rien de tel que les ammonitrates,
00:29:05 comme malheureusement on l'a vu à Beyrouth, pour faire péter une ville entière, les voisins.
00:29:10 Donc entre 1914 et 1918, l'Europe se couvre d'usines à nitrates,
00:29:15 et donc en 1918 on se dit "qu'est-ce qu'on fait ?"
00:29:17 On réexume les travaux de Haber, qui recevra d'ailleurs un prix Nobel pour ça,
00:29:24 et on va commencer à faire crasher les écosystèmes,
00:29:29 qui sont de moins en moins traités comme des écosystèmes,
00:29:31 puisqu'ils ne sont plus qu'un substrat.
00:29:33 Et là on est vraiment sorti de l'idée d'agroécologie,
00:29:38 ou dans le sens où on gérerait un écosystème,
00:29:40 on ne gère plus un écosystème, on a enfin réussi à faire de la ferme une fabrique.
00:29:46 C'est très fascinant parce que dans les analyses économiques,
00:29:51 dans le langage courant, quand un agriculteur par exemple fait du maïs,
00:29:56 et fait aussi par exemple du gavage de canard,
00:30:00 on va dans le langage courant entre professionnels,
00:30:06 on va parler de deux ateliers, il a deux ateliers, il a un atelier maïs.
00:30:09 Et donc c'est tout le vocabulaire qui dit énormément de choses,
00:30:14 du monde de la fabrique, qui enfin peut se déverser,
00:30:18 enfin libérer de toutes ses contraintes, se déverse sur le monde agricole,
00:30:22 et fait mentir Adam Smith.
00:30:24 Et là tu notais quelque chose, on ne cultivait plus le sol,
00:30:27 on cultivait la plante à partir de la révolution verte.
00:30:30 Oui alors voilà, effectivement c'est ce que je mets un moment dans le livre.
00:30:33 On peut expliquer quand même qu'il y a eu des tensions assez vives
00:30:38 entre les agronomes et ces chimistes qui arrivaient.
00:30:42 Il y a quand même une tradition agronomique qui est très longue,
00:30:45 qui est avant, et c'est un peu ce chasser-croiser
00:30:48 qu'il est intéressant de voir rapidement.
00:30:50 On bascule plutôt dans l'histoire des connaissances, l'histoire des sciences,
00:30:53 mais c'est bien je crois d'une manière générale de savoir
00:30:56 comment est venu ce qu'on pense à un moment donné,
00:30:59 et ça a toujours une histoire.
00:31:00 L'agronomie en gros c'est un champ de savoirs
00:31:04 produits par les grands propriétaires terriens,
00:31:07 et essentiellement qu'on connaît dans le monde méditerranéen,
00:31:11 cartaginois, grec et romain.
00:31:14 Il y a toute une littérature de l'Antiquité.
00:31:16 Évidemment la masse des paysans,
00:31:18 comme ils n'ont pas laissé de témoignages écrits, on ne sait pas.
00:31:21 Mais ce dont on peut se douter,
00:31:23 c'est que ces grands propriétaires en fait,
00:31:25 ils n'étaient pas forcément dans des démarches expérimentales personnelles,
00:31:29 et donc ce qu'ils reflètent c'est tout un ensemble de bonnes pratiques
00:31:32 qu'ils voyaient et qui avaient été produites par les civilisations paysannes,
00:31:36 et qu'eux ont structurées.
00:31:38 C'est clair que par exemple quand on a un auteur comme Columel,
00:31:44 qui est au début du premier siècle après Jésus-Christ,
00:31:48 enfin à cheval en fait,
00:31:50 dans son préambule il cite des dizaines et des dizaines d'auteurs grecs.
00:31:56 Donc il y avait toute une littérature.
00:31:58 Il y a toute une littérature, et on est très surpris chez Columel
00:32:02 de voir le très haut niveau de pertinence de leurs observations.
00:32:07 Notamment, alors c'était très intéressant parce qu'il y avait un débat à l'époque
00:32:11 sur pourquoi un sol arrêtait de produire.
00:32:14 Il y avait toute une théorie anthropomorphique qui dit le sol vieillit.
00:32:17 Et Columel dit mais non, un sol ça vieillit pas, c'est pas comme un être humain,
00:32:22 simplement qu'il est en train de perdre, alors il perd quelque chose.
00:32:26 Et Columel dit, si vous avez pas d'animaux,
00:32:28 allez sur les chemins, ramassez les feuilles des arbres et mettez les feuilles des arbres.
00:32:32 Donc il a bien compris qu'on devait transférer de la fertilité de l'espace forestier
00:32:37 vers l'espace agricole qui en tendance détruit de la biomasse.
00:32:42 Et donc ils avaient quand même utilisé la luzerne, il y avait toute une technicité.
00:32:48 Et effectivement au 18e siècle il y a même une agromania
00:32:52 dont Voltaire se moquera beaucoup en disant voilà il y a des tas de livres qui sont écrits,
00:32:57 il y a toute une agromania.
00:33:02 Toujours est-il qu'avec la relecture des auteurs latins dès le 17e siècle,
00:33:09 Olivier de Serres qui démarre au 17e siècle également, les italiens aussi,
00:33:14 bien sûr il y a la renaissance d'une agronomie savante.
00:33:18 Et c'est important de le dire parce qu'à ce moment-là,
00:33:22 les propriétaires terriens ne s'inscrivent pas simplement dans une posture prédatrice
00:33:27 vis-à-vis de populations rurales dont ils extraient de la rente.
00:33:32 Ils commencent à se dire tiens comment on pourrait produire mieux.
00:33:35 Et toute cette démarche, il y a une sorte d'âge d'or de l'agronomie au 18e siècle avec des débats.
00:33:41 Et donc en fait au début du 19e siècle, l'agronomie arrive déjà bien forte
00:33:49 avec l'aide de noblesse et va rencontrer ses chimistes.
00:33:53 Lavoisier d'ailleurs a écrit un mémoire sur les blés,
00:33:56 donc Lavoisier en tant que chimiste s'intéressait beaucoup à ça.
00:34:00 Et puis effectivement il va y avoir une sorte d'éclipse parce que qu'est-ce que faisaient ces gens-là ?
00:34:05 En l'absence d'engrais, de fait, il s'était bien aperçu que ce qu'il fallait faire c'était un agro-système.
00:34:15 En fait en combinant des cultures, etc., il y avait un cercle vertueux.
00:34:22 Alors c'est ça qui est très important, c'est qu'en écologie il y a des cercles vertueux et des cercles vicieux.
00:34:28 Et en fait ils avaient compris qu'il fallait quand même créer des cercles vertueux,
00:34:33 qu'il pouvait y avoir des complémentarités entre cultures, des complémentarités entre animaux.
00:34:37 Surtout qu'ils n'avaient pas tellement le choix parce que quand on faisait de la monoculture de blé, ça s'effondrait.
00:34:42 Et Dieu sait qu'ils essayaient parce que le blé était la denrée qu'on exportait d'une certaine manière, qu'on vendait en ville.
00:34:50 Et donc beaucoup de grands propriétaires, simultanément, avaient des pratiques catastrophiques parce qu'ils essayaient de faire que du blé.
00:35:00 Comme les enclosures et tout ça.
00:35:02 Exactement, c'est tous ces phénomènes où la population part en ville.
00:35:06 Et d'ailleurs, une grande partie de la littérature agronomique de l'époque, justement, condamne, c'est très clair chez Young,
00:35:15 qui est donc un agronome anglais qui fait un tour de France entre 1787-1889,
00:35:22 il dénonce que c'est les grands propriétaires absentéis qui n'ont pas de démarche agronomique.
00:35:26 Et au contraire, il porte au nu des grands propriétaires qui sont sur place, qui restent sur place, qui s'intéressent à l'agronomie.
00:35:34 Il y avait ce débat dans ce monde des grands propriétaires terriens et d'où émerge cette agronomie,
00:35:39 qui essayait de cultiver non seulement le sol, mais en fait de faire un agro-système qui aurait eu les mêmes propriétés que l'écosystème.
00:35:50 Parce qu'il y a quelque chose de manière évidente qui pouvait tous voir, c'est que la vie produit sans rien.
00:35:56 Une forêt, on n'y amène rien.
00:35:59 Alors que partout ailleurs, il y a du travail, etc.
00:36:03 D'où d'ailleurs une sorte d'illusion d'une nature naturellement productrice qui amenait les physiocrates à dire
00:36:12 la seule richesse qui est produite, c'est par l'agriculture.
00:36:15 Toutes les autres richesses ne sont que transformation.
00:36:17 En fait, ils sous-estiment déjà à la fois le travail et le capital qu'il faut.
00:36:22 Ce qui est très paradoxal, parce qu'en même temps, ils disent qu'il faut mettre du capital dans l'agriculture.
00:36:26 Les physiocrates avaient des fois des petites contradictions dans leurs propos.
00:36:30 Mais en tous les cas, ils pensent qu'il n'y a que de richesse de créer que par l'agriculture.
00:36:36 Ils sous-estiment d'autres choses, peut-être aussi parce que la notion de richesse n'est pas encore très claire pour eux.
00:36:43 Mais il y a vraiment tout ce débat qui est extrêmement vif.
00:36:46 Et là, effectivement, la chimie et la machine, quelque part, va tout d'un coup créer une éclipse.
00:36:52 C'est fini, on n'a plus besoin d'agencer des cultures.
00:36:55 Ce qu'il faut, c'est, et je pense que tout le monde le comprend en regardant un paysage,
00:37:01 il faut adapter le paysage à la machine.
00:37:04 Tout est reconfiguré autour de la machine.
00:37:06 La productivité en agriculture, comme en industrie, c'est la productivité du capital, de la machine.
00:37:12 D'autant plus quand vous avez acheté votre machine et que vous êtes endetté, qu'il faut rembourser.
00:37:17 À ce moment-là, l'enjeu, c'est effectivement l'optimisation économique de la machine.
00:37:22 On a parlé des éléments techniques, les engrais, les pesticides, la motorisation.
00:37:28 On a parlé des éléments de pensée.
00:37:31 Et là, il y a peut-être les politiques qui seraient importantes aussi de mentionner.
00:37:35 Ça n'a pas apparu juste par la technique, ça n'a pas apparu juste par la pensée.
00:37:38 Il y avait quand même de la grosse politique derrière, surtout après la Seconde Guerre mondiale.
00:37:42 Alors là, il faut quand même que je fasse une très grande différence entre l'agriculture métropolitaine et l'agriculture dans les colonies.
00:37:49 L'agriculture dans les colonies, très très tôt, elle est rentrée dans une agriculture essentiellement capitalistique.
00:37:59 Et ça, c'est un des grands phénomènes de désengagement, je dirais, de la bourgeoisie, de l'agriculture au XIXe siècle.
00:38:07 C'est que, de toute évidence, investir dans l'agriculture métropolitaine, investir dans l'agriculture coloniale,
00:38:15 notamment la production de sucre, etc., rapporte beaucoup plus.
00:38:18 Donc on a d'un côté des très grandes propriétés souvent esclavagistes qui sont mises en place au XVIIIe, XIXe siècle.
00:38:25 La France était le premier producteur de sucre au XVIIIe siècle.
00:38:29 Il rééquilibrait d'ailleurs une grande partie de son problème de balance commerciale avec l'Angleterre grâce à ses exportations de sucre en Europe.
00:38:36 Donc on comprend pourquoi d'ailleurs, après la guerre de sept ans,
00:38:42 Voltaire est tout à fait d'accord pour qu'on abandonne le Canada et le Québec, parce que l'essentiel, c'est de garder les îles.
00:38:49 Là, vous avez un gros capital sous forme de cheptel humain.
00:38:53 C'est les esclaves qui sont vraiment...
00:38:56 S'il y a un moment où on considère l'homme comme un automate, un maximum, c'est là.
00:39:02 Et donc il y a quand même un très gros contraste entre ça et une agriculture métropolitaine
00:39:07 où malgré tout, il y a un certain progrès de l'émancipation des paysans, lentement.
00:39:13 On ne peut plus se permettre de les traiter comme des machines.
00:39:16 Et là, ce dont on s'aperçoit, c'est que finalement, le rendement du capital n'est pas formidable.
00:39:23 Et donc il y a un désintérêt, parce que vous avez de meilleurs temps de placer votre argent dans les chemins de fer, dans le sucre.
00:39:31 Ce qui fait que ça a préservé...
00:39:33 C'est une commodification de l'alimentation.
00:39:36 C'est une commodification à l'extérieur.
00:39:39 En fait, ça va préserver l'agriculture métropolitaine pendant près d'un siècle,
00:39:46 pendant près d'un siècle de la révolution capitaliste au sens de l'adoption de formes sociales.
00:39:52 Qu'est-ce que sont la société, la société de capitaux ?
00:39:55 Il y a des cas un peu particuliers.
00:39:57 Les premières politiques agricoles modernes, elles sont faites de manière symptomatique au Danemark.
00:40:02 C'est très intéressant.
00:40:04 Pour le Danemark, quelle est sa position à ce moment-là ?
00:40:07 Il a un régime qui à la fois veut s'émanciper des grands propriétaires nobles
00:40:14 et en même temps, marqué par un luthéranisme social assez parternel et assez antisocialiste,
00:40:22 il va être le premier à dire en fait ce qu'il faudrait, c'est qu'on ait une classe de petits propriétaires paysans
00:40:28 qu'on encadre au sein des coopératives ou qui s'auto-encadrent.
00:40:32 Et en plus, on va, et c'est ça qui est très particulier dans le Danemark, qui est très astucieux,
00:40:37 ils disent on va arrêter de se nourrir nous-mêmes dans ce qu'on appelait le food,
00:40:44 les historiens appellent ça le food regime qui caractérise l'empire anglais
00:40:48 et l'industrialisation allemande naissante.
00:40:51 Eux vont se spécialiser dans la production de viande et de lait.
00:40:56 En fait, le modèle breton actuel, c'est les Danois qui l'ont inventé.
00:41:00 Ils ont des ports, ils font, au sens du terme, PORT et PORC,
00:41:05 ils font venir des céréales de la Baltique et des États-Unis,
00:41:09 ils transforment ça en lard et en beurre et ils exportent ça à Londres et à Hambourg.
00:41:15 Caricature, mais en gros c'est ça.
00:41:18 Et ça, ça permet de faire une agriculture déjà hors sol, en réalité,
00:41:23 à petite échelle, à forte intensité de travail,
00:41:26 donc ça justifie d'avoir encore des petits propriétaires.
00:41:29 On ne sait pas encore, pour des raisons aussi sanitaires,
00:41:32 faire des immenses porcheries de 2000 ports.
00:41:35 Et donc là, on a quelque part l'âge d'or de la petite agriculture.
00:41:39 Je dis petite agriculture parce qu'il y a toute l'ambiguïté du mot paysan.
00:41:45 Les sociétés paysannes, elles disparaissent quand ces sociétés-là
00:41:51 ne fabriquent plus leurs produits manufacturés.
00:41:55 C'est-à-dire que c'est une erreur de penser que la paysannerie disparaît au cours du XXe siècle.
00:42:00 Au XIXe siècle, quand vous avez un village qui ne produit plus ses tissus,
00:42:04 qui ne produit plus ses outils, qui ne produit plus ses clous
00:42:07 parce que le maréchal Ferrand, etc. a disparu,
00:42:10 vous avez à ce moment-là déjà la fin de la société paysanne
00:42:13 au sens d'une société qui visait à l'autarcie.
00:42:16 Par contre, il restait une classe qui sont en fait les laboureurs
00:42:19 puisque cette classe-là, c'était en gros les petits moyens propriétaires.
00:42:24 Mais les tout petits propriétaires, les gens qui étaient la grande masse des petits paysans,
00:42:30 ils se louaient aux autres. Ils n'avaient même pas de quoi être en autarcie.
00:42:35 Et donc, c'est ces gens-là qui vont nourrir l'industrialisation.
00:42:39 C'est-à-dire que qu'est-ce qui permet l'industrialisation ?
00:42:43 C'est aussi le fait que les laboureurs, en ayant de plus en plus de chevaux,
00:42:47 notamment, vont se passer de la manœuvre humaine.
00:42:50 Et cette manœuvre humaine est à disposition pour l'industrialisation.
00:42:55 Donc, on voit qu'il y a quelque chose de très particulier.
00:42:58 Je dis ça parce que idéologiquement, il y a l'idée qu'il y aurait eu des petits paysans
00:43:02 qui auraient survécu jusqu'en 1950.
00:43:05 En fait, ce n'étaient pas les plus petits.
00:43:08 Les plus petits avaient déjà disparu au 19e siècle.
00:43:11 Ces gens-là, donc, ont déjà quand même, ceux qui restent, ont déjà un patrimoine.
00:43:15 D'ailleurs, leur grande qualité politique, c'est qu'ils votent conservateurs.
00:43:19 Parce qu'ils sont des propriétaires.
00:43:21 Ils ne s'assimilent pas à des ouvriers.
00:43:24 Ils ne veulent pas du tout être assignés à des ouvriers parce que c'est des travailleurs indépendants.
00:43:28 C'est un peu, aux États-Unis, la théorie de Jefferson, d'une démocratie qui repose
00:43:32 sur des petits propriétaires terriens, mais autonomes, quelque part.
00:43:37 Et c'est ces gens-là qui ont été préservés.
00:43:40 Et le fait est que ce système a pu fonctionner assez bien, mais était protégé.
00:43:46 C'est-à-dire, par exemple, la France protégeait ses petits propriétaires de blé
00:43:51 contre les importations de blé des États-Unis, de la Russie, voire de l'Algérie.
00:43:56 Tout le débat aussi sur le vin. On protégeait les producteurs de vin.
00:44:00 Avec des contrôles de prix.
00:44:01 Exactement. Et des contrôles aux frontières aussi, des taxes.
00:44:05 On voit qu'il y avait deux facteurs.
00:44:06 Un facteur endogène qui rendait quand même compliqué le passage à des formes capitalistes.
00:44:12 Et un facteur exogène qui était facteur politique, qui voulait les protéger pour des raisons politiques.
00:44:16 Parce qu'ils votaient conservateurs. Ils votaient républicains, mais conservateurs.
00:44:20 Ils étaient contre les grands propriétaires nobles dont ils voulaient les terres.
00:44:24 Mais ils étaient contre les ouvriers.
00:44:26 Et puis tout ça va exploser complètement à partir de la Deuxième Guerre mondiale.
00:44:30 D'abord parce que les puissances qu'il emporte sont des puissances qui ont commencé à industrialiser.
00:44:35 Un nouveau modèle qui se met en place d'ailleurs aux États-Unis avant la Deuxième Guerre mondiale.
00:44:43 Qui imite le système danois et qui l'applique à tout.
00:44:46 Avec un seul quand même problème économique.
00:44:49 Le Dust Bowl à Chicago.
00:44:51 Alors ça c'est l'effet écologique.
00:44:54 Mais il y avait un effet économique. C'est que le modèle danois est un modèle de niche.
00:44:58 On achetait des produits pas chers, qu'étaient les céréales.
00:45:00 Quand vous voulez attendre ça à toutes les productions agricoles, vous rentrez dans un système de soutien permanent.
00:45:07 Dont on n'est jamais sorti.
00:45:08 D'ailleurs encore aujourd'hui les États-Unis et l'Europe subventionnent massivement l'agriculture industrielle quand il s'agit des végétaux.
00:45:15 Donc on voit bien que c'est un système qui n'a jamais trouvé d'équilibre économique.
00:45:20 Si tant est que l'agriculture puisse raisonnablement en attendre.
00:45:23 Mais ça c'est un autre débat.
00:45:25 Et là le phénomène dans lequel on est rentré c'est que là il y a une augmentation permanente du capital nécessaire pour produire.
00:45:35 Et en fait quelqu'un qui travaille toute une vie ne peut pas rembourser son outil de travail.
00:45:40 Donc là vous passez à l'agriculture de firme.
00:45:42 Parce que la seule manière de transmettre en fait c'est de créer une société de capitaux.
00:45:48 Et c'est aussi tous les suicides de personnes qui travaillent dans l'agriculture qui n'arrivent jamais à rembourser leur dette au final.
00:45:55 Exactement. C'est à dire qu'en fait les agriculteurs vivent aujourd'hui depuis 50 ans ce que les artisans ont vécu dans les années 1800-1850.
00:46:08 C'est à dire qu'ils disparaissent comme classe sociale.
00:46:11 Il y a ceux qui deviennent des capitalistes et ceux qui doivent devenir des ouvriers.
00:46:16 Et puis il y a la troisième catégorie qui n'arrivant pas à devenir des capitalistes mais ne pouvant pas tolérer de devenir un ouvrier se suicident.
00:46:23 Et donc les trois voies à l'heure actuelle sont celles-là.
00:46:27 Le capitalisme, le prolétariat ou le suicide.
00:46:31 Ou l'extinction quoi.
00:46:32 Je pourrais rajouter une quatrième voie parce qu'il est quand même resté l'effet renier d'art.
00:46:35 Et de même vous avez une agriculture à très haute valeur ajoutée.
00:46:39 C'est le génie des gens qui font du comté.
00:46:43 Vous faites un produit qui est un produit de semi-luxe.
00:46:47 De même qu'il est resté d'effet renier d'art même avec usineurs sassilores.
00:46:52 Vous pouvez faire vos chaussures sur mesure par un artisan plutôt que d'acheter des...
00:46:59 Mais évidemment c'est 3% peut-être de ce que le monde consomme.
00:47:06 On va parler de néo-paysannerie également.
00:47:08 Peut-être juste pour raccrocher les wagons, la PAC dans tout ça ?
00:47:12 La politique agricole commune qui en fait est une synthèse entre les politiques que faisaient déjà les différents états de l'Union Européenne.
00:47:21 C'était pas l'Union Européenne à l'époque, c'était la communauté européenne.
00:47:24 Ils se mettent d'accord avec le modèle américain derrière.
00:47:27 Et c'est ce modèle qui est résolument industrialisant.
00:47:32 C'est un plan Marshall de l'agriculture ?
00:47:34 C'est directement lié au plan Marshall d'ailleurs, qui l'a précédé, qui commença.
00:47:38 Avec l'idée qui est très simple, qui est qu'il faut à tout prix augmenter massivement la productivité du travail en agriculture.
00:47:49 On insiste beaucoup là-dessus, la productivité du travail.
00:47:52 A la fois pour augmenter la disponibilité alimentaire, mais surtout pour libérer des bras pour aller nourrir l'industrialisation qui encore à cette époque a besoin des automates humains.
00:48:06 Il faut libérer des automates humains pour Boulogne-Biancourt.
00:48:12 Surtout qu'en France, la démographie n'avait pas été bonne entre les deux guerres.
00:48:16 Donc il fallait à tout prix que l'agriculture libère des bras.
00:48:20 Mais c'était vrai un peu partout.
00:48:23 Et donc on met en place des prix bonifiés.
00:48:26 Les prix sont garantis, donc on assure une rémunération.
00:48:30 On fait des prêts qui eux sont bonifiés, c'est-à-dire qui sont à des taux d'intérêt très faibles.
00:48:35 Et donc tout va dans le sens de dire aux gens, investissez en machines.
00:48:39 Parce qu'on vous prête l'argent bon marché pour les acheter et on vous garantit des niveaux de prix qui vous permettront de les rembourser.
00:48:50 Earl Budds, qui était secrétaire d'État d'agriculture aux États-Unis, avait dit "get big or get out".
00:48:56 C'est exactement ce qui est appliqué, mais de manière non dite.
00:48:59 C'est un des problèmes. L'avantage des États-Unis, c'est qu'en général, les Américains sont plutôt trash.
00:49:05 Les Anglais ne disent jamais ce qu'ils font.
00:49:07 C'est toujours le contraire de ce qu'ils font.
00:49:09 Les Américains disent exactement ce qu'ils font.
00:49:11 Et l'Europe a été dans du "michève michou".
00:49:14 Elle n'a jamais assumé qu'effectivement, le but était l'industrialisation de l'agriculture.
00:49:21 Il y a eu le texte de Mandras, "La fin des paysans", mais qui avait été précédé en 65, d'ailleurs par un livre de trois jeunes économistes de l'INRA de l'époque.
00:49:28 Il avait écrit "Une France sans paysans", qui décrivait tout le phénomène.
00:49:32 Est-ce que c'était encore des paysans ? C'est la question.
00:49:35 Puisque, comme je le disais, la société paysanne, c'était une société qui produisait de tout.
00:49:41 Et qu'à mon avis, la société paysanne a disparu le jour où les gens n'ont plus produit de tissu, n'ont plus produit de...
00:49:47 Mais là, il peut y avoir un débat entre historiens.
00:49:49 En tout cas, les gens se percevaient eux-mêmes comme des paysans et ils sont remplacés par l'exploitant agricole.
00:49:57 Donc la FNSEA, c'est le syndicat des exploitations agricoles.
00:50:02 Ce n'est pas le syndicat des paysans, d'où le fait que des mouvements contestataires, eux, vont revendiquer le terme de paysan.
00:50:12 Et d'ailleurs, la FNSEA, après, revendiquera à nouveau le terme de paysan, mais à un moment, c'était mis à distance de ce concept qui était attaché à une faible productivité, à la rération, enfin voilà, tout ce qui était décrit.
00:50:27 C'est du foncier, ça n'a rien à voir avec un écosystème, c'est que du foncier.
00:50:32 Alors, finalement, le moment de l'agriculture, c'est le moment où on applique un modèle d'artisanat et ensuite vous avez un modèle industriel.
00:50:40 Alors, on peut dire que de 1945 à 1985, idéologiquement, le modèle était le modèle de l'artisan.
00:50:51 D'ailleurs, si vous regardez les modèles de développement de l'Ajac, c'est un couple sur une ferme.
00:50:56 Là, à ce moment-là, le sol devient une partie du matériel de production, un petit peu comme le boucher, le couple d'artisans bouchés à sa petite boucherie.
00:51:09 Et puis après, évidemment, avec l'agriculture industrielle, ça devient une partie de facteurs de production qui sont l'actif d'une société de capitaux.
00:51:19 Et donc, vous avez complètement un changement de cette perception, effectivement, du sol.
00:51:24 Et finalement, dans la dernière forme, la question est celle de la substituabilité.
00:51:30 Finalement, le sol étant assimilé à sa valeur vénale, il est substituable, je ne sais pas, à plus de technologies.
00:51:40 C'est une question de durabilité forte et de durabilité faible.
00:51:43 Et là, on est vraiment dans un modèle de durabilité faible où on pense que les capitaux se substituent les uns aux autres.
00:51:49 Alors qu'évidemment, dans les sociétés vraiment paysannes, dont les nobles étaient l'expression, on allait jusqu'à porter le nom de sa terre,
00:51:56 puisqu'on est les nobles portaient le nom du territoire dont ils étaient propriétaires.
00:52:02 Donc là, il y avait une assimilation de la lignée avec ses biens qui était totale, au moins idéologiquement, dans la pratique.
00:52:10 On peut passer au chapitre de l'agroécologie maintenant.
00:52:20 Petite pause avant la prochaine partie. Si vous appréciez ce podcast indépendant, vous pouvez me soutenir sur Tipeee, le lien est en description ci-dessous.
00:52:27 N'hésitez pas également à vous abonner et laisser un commentaire, cela nous aide énormément à toucher de nouvelles personnes.
00:52:33 Merci encore et place à la suite.
00:52:35 Donc, on a une idée des savoirs agronomiques passés, on a une idée de l'industrialisation,
00:52:41 on a compris comment l'industrialisation se sépare de son substrat qui est le sol et de la matière organique.
00:52:49 On court-circuit de manière intellectuelle mais de manière pratique aussi la connexion entre plantes et écosystèmes.
00:52:56 Et dans l'idée, l'agroécologie essaye de renouer ceci. Est-ce que c'est l'agriculture bio, l'agroécologie ?
00:53:02 Ah voilà la grande question ! L'agroécologie ne donne pas le lieu actuellement à une définition juridique précise.
00:53:11 N'importe qui peut l'utiliser, c'est-à-dire que demain Bayer, CropScience, Pioneer, Dutz,
00:53:19 tous les tenants du modèle agro-industriel peuvent très bien utiliser le terme.
00:53:23 L'agriculture biologique a un cahier des charges qui peut-être est imparfait mais offre une certaine garantie en tout cas sur certains points.
00:53:30 Il n'en reste pas moins que, on va voir pourquoi, le terme d'agroécologie, ne serait-ce parce qu'il porte le terme d'écologie en lui,
00:53:39 mérite d'être conservé, d'être porté, voire d'être défendu, voire d'être bien défini,
00:53:45 parce que par certains aspects il répond aussi à quelques-unes des petites faiblesses du cahier des charges agro-biologiques.
00:53:53 Il n'en reste pas moins que s'il fallait évoquer un milieu, un mouvement qui très précocement a condamné les excès de l'agriculture industrielle
00:54:05 et a réussi à mettre en place des outils sociaux, économiques, c'est l'agriculture biologique.
00:54:11 Mais l'agroécologie elle-même, le terme naît dans le monde de la recherche, à ma connaissance.
00:54:18 Voilà, Basile Benzin, merci, c'est un chercheur américain d'origine russe, ce qui n'est pas neutre.
00:54:25 Je rappelle que les Russes étaient très avancés en pédologie à la fin du 19e siècle,
00:54:29 c'est pour ça qu'on utilise beaucoup de termes russes pour désigner les sols,
00:54:32 quand on parle de pozzole, de renzin, de chernosium, c'est des mots russes.
00:54:36 Donc ce n'est pas du tout un hasard si c'est un russe.
00:54:38 C'est aussi le moment où, à peu près à cette époque-là,
00:54:42 Steiner, qui est donc à l'origine de la biodynamie, fait ses conférences.
00:54:48 Donc on voit que dès les années 1920, il y a une critique,
00:54:51 ce qui n'est pas surprenant d'ailleurs parce que dès cette époque,
00:54:54 il y a une critique de la société industrielle en tant que telle.
00:54:57 D'ailleurs souvent très conservatrice et très réactionnaire, il ne faut pas s'y tromper,
00:55:01 ce n'est pas toujours une critique progressiste, féministe, écologiste, etc.
00:55:06 On va retrouver des thématiques communes,
00:55:08 ce qui ne veut pas dire que les réponses soient les mêmes,
00:55:10 mais les préoccupations sont des fois partagées sur les effets de l'industrialisation.
00:55:14 Donc il y a ce terme. Ce terme, il va vivoter,
00:55:18 il va rester surtout dans le monde scientifique
00:55:21 et puis il va connaître beaucoup de regains à partir des années 1980,
00:55:27 puis 1990 et avec des utilisations plus ou moins larges.
00:55:33 Et moi je retiens, je dirais, une exception plutôt plus large du terme
00:55:39 qui inclut les systèmes alimentaires dans leur ensemble.
00:55:43 Et on pourrait dire vestimentaire avec ce que j'ai dit tout à l'heure sur le coton,
00:55:47 mais qui dit en fait, l'agroécologie c'est quoi ?
00:55:50 Ce sera de même qu'il y a une agriculture industrielle,
00:55:52 qui est l'agriculture du monde industriel,
00:55:54 comme on doit aller vers un monde écologique pour survivre,
00:55:57 il y aura une agriculture de ce monde écologique et c'est l'agroécologie,
00:56:01 mais qui implique forcément de repenser les politiques publiques,
00:56:05 les liens entre consommateurs, la détention des capitaux.
00:56:10 Et on en a des illustrations de ça,
00:56:13 le fait d'utiliser ce terme de manière assez large me permet de dire par exemple
00:56:17 que Terre de Liens, dans lequel des particuliers investissent une partie de leur épargne
00:56:23 pour racheter des terres, pour installer des agriculteurs en général en bio,
00:56:27 fait partie pour moi de l'agroécologie.
00:56:29 C'est-à-dire que ce n'est pas juste l'analyse du bilan de la biomasse,
00:56:32 même si la loi de l'airain de la biomasse reste quand même le socle commun
00:56:37 et ce qui nous contraint tous à aller dans cette direction.
00:56:39 D'une manière ou d'une autre, le monde ne va pas disparaître,
00:56:43 donc la question est sous quelle forme l'homme y restera.
00:56:48 La loi d'airain de la biomasse est vraie pour toutes les espèces d'animaux.
00:56:53 Et puis nous, ce qu'on voit en agroécologie, c'est que les tendances actuelles,
00:56:59 c'est là qu'on peut réaborder la notion de néo-paysan,
00:57:02 essayent de repenser le statut de l'agriculteur dans une conception
00:57:07 qui est celle d'un bien commun dans lequel la charge est partagée,
00:57:11 l'alimentation comme un bien commun, ce qui implique tout le monde.
00:57:15 C'est important de le dire parce qu'effectivement,
00:57:17 le monde industriel est un peu un monde qui est un monde du circuler,
00:57:21 il n'y a rien à voir.
00:57:22 C'est-à-dire que la production est organisée en silos.
00:57:26 Quand vous achetez votre voiture, on vous dit "vous êtes content qu'elle roule".
00:57:30 Vous n'avez pas à vous poser les questions de comment est produit votre voiture.
00:57:34 Exactement la même chose pour votre portable, etc.
00:57:38 Le monde industriel est vraiment un monde dans lequel on a sorti le travail
00:57:44 du reste de la sphère sociale, on a en plus atomisé le travail,
00:57:47 ce qui fait qu'on est un peu démuni à avoir un propos pourtant sur ce qui nous fait vivre.
00:57:54 L'agroécologie, l'écologie en général, c'est une re-socialisation,
00:57:59 une re-politisation d'un certain nombre de choix techniques et sociaux.
00:58:03 Et donc c'est le contraire du circuler, il n'y a rien à voir.
00:58:06 Et même on dit à la personne "tu es responsable de ce que tu fais,
00:58:10 tu es responsable de la manière dont tu consommes".
00:58:12 Parce que le circuler, il y en a à voir, il faut bien dire, c'est aussi confortable,
00:58:14 ça vous déresponsabilise.
00:58:16 C'est une réappropriation.
00:58:17 C'est une réappropriation avec les responsabilités qui vont avec,
00:58:20 la notion de consommateur.
00:58:21 On ne peut pas avoir le monopole du terme agroécologie,
00:58:24 mais je propose de concevoir plusieurs types d'agroécologie.
00:58:29 Ce que je propose c'est de parler d'une agroécologie faible,
00:58:32 une agroécologie forte et d'une agroécologie spirituelle.
00:58:36 L'agroécologie spirituelle, c'est la plus holistique si je puis dire,
00:58:41 et c'est celle qui va être revendiquée par une personne décédée maintenant
00:58:46 qui était Pierre Rabhi et ceux qui se réclament de lui.
00:58:49 Il faudra rajouter une quatrième qui est surtout portée maintenant
00:58:52 par les mouvements en faveur de l'agriculture paysanne,
00:58:55 qui parlent d'agroécologie paysanne.
00:58:57 Moi à l'époque, le terme n'était pas encore un peu imposé.
00:59:00 Et pour un peu expliquer les différences, je dirais, entre les trois notions,
00:59:04 dans la première, qui est celle qu'on va retrouver plus couramment
00:59:08 chez les chercheurs agronomes, c'est qui s'intéressent à l'exploitation agricole,
00:59:14 comment elle fonctionne, comment on peut remettre du fonctionnement écosystémique.
00:59:20 Et là-dessus, de ce point de vue-là, on retrouve beaucoup
00:59:24 de tous les travaux du 19e siècle qui ont été enrichis par l'agriculture biologique.
00:59:29 En fait, le métabolisme de ce nouvel système va être très similaire au 19e.
00:59:35 Moins d'entrants, moins de sortants, plus de synergies.
00:59:37 En fait, on essaye de faire un écosystème complètement à notre profit.
00:59:43 L'idéal, c'était d'avoir les mêmes fonctionnalités et la même efficacité qu'au système,
00:59:47 sauf qu'on peut tout bouffer.
00:59:49 Alors qu'il y a des mouvements assez intéressants
00:59:53 qui nous font redécouvrir que tout ce qu'on peut manger dans une forêt naturelle,
00:59:57 mais enfin, c'est vrai que pour l'instant, on préfère la châtiagne aux glands.
01:00:02 C'est beaucoup de questions très intéressantes qui sont sur,
01:00:06 on sous-exploite, on aurait pu utiliser mieux les potentiels des écosystèmes naturels dans la forêt.
01:00:11 Mais là, je rentre dans un autre débat.
01:00:13 Pour l'instant, c'est vraiment les marges des marges qui commencent à réfléchir là-dessus.
01:00:18 Donc, mais en gros, il y a cette agroécologie au sens plus restrictif
01:00:26 qui ne va pas s'intéresser à l'amont ni à l'aval de l'exploitation agricole.
01:00:31 Je propose d'appeler agroécologie forte.
01:00:33 En fait, une agroécologie qui dit, non, mais si on veut effectivement que ça se réalise,
01:00:39 que les producteurs produisent mieux, il faut d'autres conditions socio-économiques
01:00:44 qui portent sur la propriété de la terre, sur la forme juridique de l'exploitation,
01:00:48 sur comment la recherche est faite en amont, etc.
01:00:52 - Les politiques publiques de A à Z.
01:00:55 - Le rôle des collectivités locales, probablement.
01:00:57 Enfin, des tas de choses qu'on donne d'ailleurs, dont on peut montrer qu'il y a des tas d'émergences à l'heure actuelle.
01:01:03 On pourra les passer en revue si on veut, mais c'est intéressant.
01:01:07 Donc, ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas une vue théorique de ma part.
01:01:10 C'est simplement, je vois un certain nombre de nouvelles pratiques
01:01:13 et j'énonce le fait qu'elles peuvent se généraliser et devenir dominantes.
01:01:17 C'est ça l'idée.
01:01:18 On évoquait les consommateurs, Terre de Liens, le réseau semences paysannes,
01:01:23 les mairies qui commencent à essayer de refaire de la production agricole sur place
01:01:29 en s'inspirant de Terre de Liens, en se disant, après tout,
01:01:32 pourquoi on n'installerait pas des agriculteurs ?
01:01:34 Enfin, voilà, donc, une montée en puissance des collectivités locales,
01:01:37 voire certaines qui demain se diront finalement, une agglomération s'est coincée,
01:01:42 une grande porcherie, il en sort du lisier, on est un petit peu con de envoyer au tout à l'égout
01:01:47 l'azote et le phosphore, voilà.
01:01:50 Ce qui pose ensuite des questions sur comment on assaisit pour ne pas avoir des métaux lourds,
01:01:55 enfin bref, mais qui effectivement replacent l'activité agricole dans l'écologie d'un territoire.
01:02:01 Et ça, c'est un mouvement qui est tout à fait passionnant et qui,
01:02:05 parce qu'il résonne aussi, il fait écho à toutes les problématiques écologiques
01:02:10 bien au-delà de l'agriculture.
01:02:12 C'est pour ça d'ailleurs que l'hypothèse que je fais, c'est qu'il y a un peu un rêve
01:02:17 qu'on allait écologiser l'agriculture dans des sociétés industrielles,
01:02:20 et je pense que ce n'est pas vrai, c'est qu'on aura une agriculture écologique
01:02:23 dans des sociétés écologiques.
01:02:25 Pour clôturer ce chapitre de l'agroécologie, tu as parlé un peu des arbres,
01:02:29 peut-être qu'on peut juste faire une mini-parenthèse des arbres,
01:02:32 comment tu parles non seulement de l'alimentation végétarienne,
01:02:36 mais aussi fructivore, et aussi comment les arbres pourraient jouer un rôle
01:02:41 beaucoup plus structurant dans cette agroécologie.
01:02:43 Après, c'est un peu comme la permaculture au final,
01:02:45 c'est comment passer de la culture annuelle à de la culture pluriannuelle,
01:02:52 c'est cette question du renouvelable encore une fois.
01:02:54 Oui, tout à fait, parce qu'en fait, toute la question, c'est d'assurer
01:02:57 la fertilité à long terme des écosystèmes.
01:03:00 Alors, il y a un débat, qu'est-ce que la fertilité ?
01:03:02 On va juste admettre qu'on ne veut pas que ce soit du hors-sol.
01:03:07 Ce qu'il y a derrière ça d'ailleurs, c'est vraiment d'arriver à avoir
01:03:12 une très bonne productivité de l'agriculture sans apporter d'azote externe,
01:03:20 ou en apportant très peu, mais on peut débattre.
01:03:23 Alors là, il faut combattre un certain nombre d'idées reçues,
01:03:27 parce que notamment face au problème massif du bouleversement climatique,
01:03:33 c'est vrai que la forme qui s'est imposée un peu sous nos climats
01:03:37 au 19e siècle, c'est celui de la polyculture élevage.
01:03:40 En gros, on se dit, ok, les cultures, ça détruit la fertilité du sol,
01:03:45 on n'y peut rien, donc de temps en temps, il faut laisser reposer le sol,
01:03:49 on va mettre par exemple des légumineuses, de la luzerne pendant 3 ans typiquement,
01:03:54 des choses comme ça.
01:03:55 Tout ça sous temps qu'on a de l'élevage derrière.
01:03:58 Et puis vient le problème du fait qu'il faut manger de moins en moins de viande
01:04:03 et de moins en moins de produits laitiers, mais si on n'a plus ces prairies
01:04:08 qui ne sont valorisées que par l'élevage, parce que pour l'instant,
01:04:11 on n'a pas appris nous à brouter de la luzerne,
01:04:14 qu'est-ce qu'on pourrait mettre à la place de l'élevage ?
01:04:18 C'est là que l'arbre revient en force.
01:04:21 Les latins avaient une représentation du territoire idéal qui est très intéressante.
01:04:26 Au centre, il y a la willa, qui est l'espace habité,
01:04:29 qui est un peu notre ville d'ailleurs, ça donnait le mot ville.
01:04:32 Autour, on a l'orthus, qui est le jardin, qui était souvent un endroit
01:04:37 où on faisait les légumes, etc.
01:04:39 Autour, il y a la guerre, où on fait les céréales.
01:04:42 Autour, il y a le saltus, c'est les pâturages, en gros,
01:04:45 où on va divaguer un peu les animaux.
01:04:47 Et puis, il y a la sylva, qui est la forêt, mais la forêt pâturée, exploitée.
01:04:52 Et puis après, il y a la forestus, qui est la forêt sauvage,
01:04:55 dans laquelle il y a les brigands, les femmes,
01:04:57 enfin tous ces trucs qui déstabilisent la société patriarcale,
01:05:01 parce que c'est là-bas qu'elles vont faire les sabats ou les trucs comme ça.
01:05:05 Et si on regarde bien, on s'aperçoit qu'en fait,
01:05:08 c'est un gigantesque transfert de fertilité.
01:05:10 C'est qu'on envoyait les cochons en forêt, ils revenaient le soir,
01:05:14 à part leurs excréments, de même les animaux qu'on rentrait.
01:05:17 Donc en permanence, on faisait un drain de biomasse vers le centre.
01:05:23 Ce qui veut dire que le maintien de la fertilité au centre
01:05:27 est essentiellement dépendant du fait qu'en dehors de la guerre,
01:05:31 de ce qui nous paraît être cultivé, il y a toutes ces zones semi-naturelles
01:05:34 dans lesquelles on va prélever de la biomasse.
01:05:36 Et l'idée finalement de l'agroforesterie, qui n'est pas une idée neuve,
01:05:41 c'est de se dire que l'optimum agronomique, c'est probablement l'arbre alimentaire.
01:05:47 Essayons un seul instant d'imaginer l'espace méditerranéen
01:05:52 sans le Châtaigniers, l'Olivier et la Mandier,
01:05:55 je crois que tout le monde comprend qu'en fait,
01:05:57 on parle d'une sorte de désert lunaire qui finit très mal.
01:06:00 L'arbre alimentaire a probablement sauvé le bassin méditerranéen
01:06:04 d'une débâcle totale si on n'avait eu que des moutons et du blé.
01:06:09 Et même si on avait par ailleurs des pois chiches, des choses comme ça,
01:06:13 mais l'ensemble est quand même très dégradant pour l'environnement,
01:06:16 laisse les sols nus l'hiver, les expose aux pires turpitudes climatiques.
01:06:22 Et comme on va avoir un climat qui va changer,
01:06:25 qu'on doit réduire notre consommation de viande,
01:06:28 on se dit, effectivement, est-ce que par exemple,
01:06:31 il vaut mieux boire du cidre que de la bière ?
01:06:33 Parce que la bière est issue d'une céréale, le cidre est issu d'un arbre.
01:06:38 Il y a arbre et arbre, vous pouvez faire de la manuculture d'arbre
01:06:41 comme la manuculture par exemple d'amandiers aux États-Unis
01:06:45 pour faire du lait d'amandiers irrigués, enfin avec des tas de défauts.
01:06:50 Mais globalement, on comprend bien que le bilan alimentaire,
01:06:54 écosystème de l'arbre est supérieur probablement à la plupart des formes.
01:06:59 Et même si on avait une polyculture de céréales,
01:07:02 et même que la polyculture est élevage.
01:07:04 Alors ça peut se combiner avec un peu d'élevage.
01:07:07 Typiquement, j'évoquais le cidre,
01:07:09 c'est vrai que l'un des piliers à un moment de l'agriculture normande,
01:07:14 c'était l'association de l'élevage et du pommier.
01:07:17 À chaque fois qu'on nous vend un camembert,
01:07:19 on nous montre une belle normande sous un pommier,
01:07:22 moyennant quoi, vraisemblablement,
01:07:23 l'endroit où s'est produit la belle normande n'est plus sous son pommier,
01:07:26 et les pommiers ont disparu,
01:07:27 mais c'est quand même encore ce qu'on nous vend en termes d'images.
01:07:30 Il y a effectivement le mélange maïs noyé dans le dauphinois,
01:07:35 il y a le modèle canonique des cévennes,
01:07:39 qui sont maintenant, si vous amenez un agronome comme moi dans les cévennes,
01:07:42 je dis bon, on va faire du mouton,
01:07:43 et en fait, jusque dans les années 1840, 1850, et même bien au-delà,
01:07:49 c'était une très forte densité de population grâce aux châtaigniers,
01:07:52 qui vous permet effectivement d'utiliser des zones de collines et de montagnes,
01:07:58 en protégeant les sols,
01:08:00 et en produisant une très forte densité de la nourriture,
01:08:04 avec un défaut, il n'y a pas de moissonneuse batteuse pour la châtaigne.
01:08:08 On va clôturer avec ton expérience personnelle de reconversion.
01:08:13 Voilà, on a parlé beaucoup de théorie, pratiquement...
01:08:16 Pratiquement, c'est parce que je ne suis pas allé jusqu'au bout,
01:08:22 et que j'ai découvert ces jours-là que j'en parle aussi bien.
01:08:25 Je suis resté effectivement dix ans sur un domaine agricole
01:08:27 qui appartient à la fondation pour laquelle je travaille.
01:08:30 Elle était en polyculture,
01:08:34 tendant à avoir le maximum de la solle en blé,
01:08:38 c'était jusqu'à 60% de la solle,
01:08:41 avec un petit troupeau, relique de moutons.
01:08:46 On a passé ça en agriculture biologique, en polyculture élevage, en remettant des haies.
01:08:51 Mais à l'époque, je n'étais pas aussi avancé.
01:08:53 Je pense qu'aujourd'hui, et c'est ce qu'il va falloir faire dans l'avenir,
01:08:57 il va falloir probablement réintroduire beaucoup plus d'arbres,
01:09:01 intra-parcellaires ou en surface.
01:09:04 Réfléchir aussi au fait qu'il y a 250 hectares de forêt.
01:09:08 Notamment, on sait très bien qu'en période de sécheresse,
01:09:13 souvent, on mettait les animaux en forêt,
01:09:16 parce qu'il restait un peu d'ombre, on pouvait toujours manger un peu quelque chose.
01:09:20 Avec les sécheresses qui viennent, la question se posera.
01:09:23 Il est évident que la loi en France et dans beaucoup de pays,
01:09:27 les lois forestières prohibent absolument les animaux en forêt.
01:09:31 Pour des bonnes raisons, si vous les mettez en permanence,
01:09:35 vous n'avez finalement plus de régénération.
01:09:37 Mais on peut tout à fait imaginer de mettre des zones dans lesquelles il y a les animaux,
01:09:44 puis on les isole pendant 10-15 ans, le temps qu'il y a une certaine régénération.
01:09:49 Il va falloir réintégrer de toute façon l'arbre et la forêt dedans, la production agricole.
01:09:56 Et puis, ce que je disais tout à l'heure, probablement aussi réintégrer l'habitant, les habitats.
01:10:01 On est des animaux, après tout.
01:10:03 D'abord, essentiellement, des fois ça nous vexe un petit peu, mais c'est vrai,
01:10:08 on est essentiellement des animaux.
01:10:10 Et donc, notre propre fonctionnement physiologique doit être réintégré dans ces systèmes.
01:10:15 À l'époque, ce qu'on a mis en place, c'est un système de toilettes par lagunage.
01:10:21 Effectivement, la question aurait été d'être plutôt dans un système de toilettes sèches.
01:10:26 Il est évident que pour l'instant, le nombre d'habitants par rapport au cheptel,
01:10:31 parce qu'il y a quand même encore des vaches, la grande quantité de l'urine est récupérée,
01:10:35 via le fait que les vaches sont intégrées,
01:10:38 mais il y a quand même des pertes du côté des habitants, des animaux humains.
01:10:42 On voit bien que l'industrialisation a tout transformé en automates, nous et les animaux,
01:10:49 et on redécouvre notre condition animale, à plus grande joie, j'espère,
01:10:53 à moins qu'on apprécie beaucoup être un automate, mais ça c'est le projet des post-humanistes.
01:10:58 Je leur laisse l'antiresponsabilité de leur choix.
01:11:01 Pour clôturer notre discussion, souvent je demande une recommandation,
01:11:05 que ce soit de lecture, de film.
01:11:07 Est-ce qu'il y a un livre inspirant, ou un film, ou une musique que tu aimerais proposer pour continuer ?
01:11:13 Sans surprise, évidemment, mais je pense que la plupart des gens qui écoutent ont un peu une vague idée,
01:11:19 mais le livre de Karl Polanyi, "La grande transformation", m'a beaucoup marqué,
01:11:25 parce que je crois que justement il s'agit de ce grand désenclavement,
01:11:32 on a tout séparé, on a fait sortir l'économique du social,
01:11:37 et que la question de l'écologie c'est le grand réenclavement.
01:11:43 Et sinon, en faisant mes travaux, en réfléchissant à ce qu'était la société industrielle,
01:11:48 Dominique Bourg m'a fait lire un livre qui m'a bouleversé,
01:11:53 qui est "Exterminer toutes ces brutes" de Lindquist,
01:11:58 et qui montre en quoi la solution finale, qui est une manière industrielle de détruire une population,
01:12:06 était déjà théorisée au 19e siècle par les puissances coloniales,
01:12:11 et il montre à quel point les crimes de l'Allemagne trouvent leur racine dans toute une évolution idéologique,
01:12:18 qu'on trouve malheureusement largement en Angleterre et en France,
01:12:23 et ça fait réfléchir sur cette déshumanisation, cette violence.
01:12:28 Donc notre monde moderne est un peu paradoxal, parce qu'à la fois on a produit les droits de l'homme,
01:12:33 et on a quand même reproduit des exterminations génocidaires, il y en avait eu avant,
01:12:39 mais on a mis l'outil industriel au service de la pulsion génocidaire,
01:12:44 et ça fait réfléchir d'autant plus que la grande idée derrière, c'est le malthusianisme,
01:12:51 c'est-à-dire la terre n'est pas assez grande pour tous, et je crois que c'est à réfléchir,
01:12:55 parce que pour moi l'écologie c'est une écologie humaniste,
01:12:59 qui doit lutter contre le retour d'un malthusianisme qui peut prendre des formes barbares.
01:13:07 - Oui, que ça tape à la porte tous les jours.
01:13:10 - L'écologie c'est la convivialité, c'est le fait d'arriver, au sens d'arriver à trouver une place pour tout le monde,
01:13:17 un maximum de gens, d'être vivant en général.
01:13:21 Et c'est ce qu'ont réussi les écosystèmes, puisqu'entre un désert,
01:13:24 on dit toujours dans un écosystème il y a plein de compétitions, oui, mais il y a beaucoup de collaborations,
01:13:29 et quand on regarde un sol nu, et c'est peut-être ça mon mot de conclusion,
01:13:34 il faut rappeler que le vivant n'a réussi à coloniser la surface continentale qui a 500 millions d'années.
01:13:40 Pendant 3 milliards d'années on est resté confiné dans l'océan,
01:13:44 et on a réussi à le faire grâce à un fonctionnement en écosystème
01:13:49 dans lequel, bien sûr, on se bouffe tous les uns peu les autres,
01:13:52 mais dans une sorte de jeu qui est à somme positive.
01:13:56 Quelque part, je suspecte que la gripto-industrielle d'avoir été un jeu à somme négative.
01:14:02 - Voilà, je pense que c'est enthousiasmant aussi, l'offre future,
01:14:05 je pense que c'est important toujours de finir par ça,
01:14:07 parce qu'une fois qu'on a fait le diagnostic, il faut sortir, il faut trouver une porte de sortie,
01:14:12 et pour creuser un peu plus sur ces questions entre les liens d'agriculture et écologie,
01:14:18 ou les liens à l'azote phosphore, il y avait notamment des épisodes avec Fabien Esculier,
01:14:23 il y a Gilles Bilen, il y a le co-fondateur de la paire "Main culture" David Hohengren,
01:14:28 donc n'hésitez pas à vous balader dans le podcast.
01:14:31 Merci beaucoup Mathieu pour cette discussion.
01:14:33 - Merci à toi, et puis bonne continuation.
01:14:36 [Musique]

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