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00:00 Le Mexique change de visage mais pas forcément de politique, y compris donc avec son voisin américain,
00:05 les Etats-Unis, premier partenaire commercial du pays. Bonjour Mathieu Mabin.
00:09 Comme partout ailleurs, l'élection de Claudia Shainbaum était attendue à Washington.
00:13 Alors on n'attend pas de révolution là-bas mais une forme de continuité, c'est ça ?
00:17 Oui, Julien, au gré de nos échanges quotidiens, on commence à le comprendre.
00:24 Quelle que soit la couleur politique du président américain,
00:27 ce qui compte pour celui qui occupe le bureau ovale quand il observe ce qui se passe chez ses voisins et ses partenaires,
00:33 ce qui compte dans le fond, c'est que les changements de gouvernance ne viennent pas trop chambouler la vision américaine, évidemment.
00:40 Et vous ne m'en voudrez pas de rappeler qu'au cours du siècle écoulé,
00:44 les grands principes démocratiques n'ont pas toujours été la priorité de Washington dans cette réalité.
00:50 Mais dans le cas qui nous concerne aujourd'hui, la conscience de Joe Biden dans ce domaine
00:55 n'est pas trop mise à l'épreuve cette fois, pas plus que la compatibilité de valeur
01:00 entre la nouvelle présidente mexicaine et le président des Etats-Unis.
01:05 Cela méritait d'être souligné puisque, on en a parlé ces derniers jours,
01:08 la question s'est bien souvent posée avec le Brésil de Bolsonaro par exemple,
01:13 et encore plus récemment avec l'Argentine.
01:15 Mais pour ce qui est de la relation avec le Mexique,
01:18 la Maison-Blanche et le département d'État se focalisent sur trois grands dossiers.
01:22 D'abord, une réussite, l'ALENA, cet accord de libre-échange qui a déjà 30 ans
01:27 et qui ouvre un espace commercial en Amérique du Nord avec une zone de libre-échange
01:32 qui coiffe le Canada, les Etats-Unis et évidemment le Mexique.
01:35 En un temps record, le Mexique est devenu le deuxième partenaire économique des Etats-Unis
01:41 et les Etats-Unis sont devenus de facto le premier partenaire économique du Mexique évidemment.
01:46 Alors il y a bien eu des tensions.
01:48 On se souvient qu'Obrador avait un peu mené la vie dure à Washington
01:53 en boudant notamment le sommet des Amériques en 2022,
01:56 ce qui avait justifié un déplacement en urgence du pompier Anthony Blinken,
02:00 le chef de la diplomatie américaine.
02:03 Mais pour ce qui est du deuxième et du troisième dossier,
02:07 qui sont également fondamentaux, ce sont évidemment l'immigration et le narcotrafic.
02:12 Deux sujets qui vont notamment peser extrêmement lourd cette fois,
02:15 non pas dans la politique mexicaine mais bel et bien dans la campagne présidentielle américaine.
02:20 Vous l'avez dit, on s'attend à une forme de continuité
02:23 entre la politique menée par le président mexicain sortant et Claudia Schoenbaum,
02:27 qui prendra ses fonctions en octobre,
02:29 même si le département d'État s'attend quand même à ce que la nouvelle présidente
02:33 profite du contexte électoral justement aux Etats-Unis
02:37 pour imposer une vision mexicaine sur la crise migratoire à la frontière commune notamment.
02:42 Près d'un million de candidats au franchissement sont actuellement bloqués entre les deux pays
02:48 et la pression exercée par Washington, pas toujours très juste, pour endiguer le flux,
02:52 ne l'a globalement pas beaucoup fait fléchir ces dernières années.
02:55 Même si on est désormais loin des déclarations de Donald Trump qui,
03:00 vous vous en souvenez, jurait au Mexique de lui faire payer le mur magique
03:04 pour résoudre en un coup de baguette ce problème de la crise migratoire,
03:08 le président mexicain sortant qui quitte le pouvoir avec une cote de popularité historiquement élevée
03:13 qu'il a partiellement transmise à sa successeur,
03:16 saura transmettre sa fermeté à la présidente.
03:19 En clair, pour la future présidente, le Mexique n'est pas comptable de la crise migratoire,
03:25 il n'en est qu'une victime collatérale en quelque sorte, et puis on l'a dit,
03:29 bien sûr il y a le narcotrafic et les chiffres faramineux rapportés par la DEA,
03:34 l'agence chargée aux Etats-Unis de la lutte contre les réseaux de narcotrafiquants.
03:39 Ces dernières années, le fentanyl a littéralement envahi les Etats-Unis
03:43 jusqu'à faire des eaux piacées la première cause de mortalité dans le pays chez les 18-45 ans.
03:49 C'est très préoccupant.
03:51 Revenons, Mathieu, sur l'immigration qui reste centrale dans la campagne américaine.
03:55 On le rappelle, on est à cinq mois maintenant de la présidentielle.
03:59 Le nombre d'entrées illégales est au plus haut.
04:01 Bon, Biden n'a pas réussi à juguler ce problème que Trump instrumentalise.
04:06 Non.
04:07 Oui, c'est véritablement le boulet de la campagne pour Joe Biden, il n'y a pas d'autre mot,
04:12 mais je dirais que ce n'est pas une surprise.
04:15 Le problème a pris une telle ampleur au cours de la décennie écoulée
04:18 que Joe Biden savait avant même de rentrer à la Maison-Blanche en tant que président
04:23 qu'il ne pourrait pas le résoudre.
04:24 Et pour cause, il a été vice-président des Etats-Unis à deux reprises, il connaît bien le dossier.
04:29 Alors certes, c'était le dossier de Kamala Harris cette fois, le dossier de la vice-présidente,
04:33 mais si la vice-présidente en a hérité, c'est avant tout pour limiter son impact
04:39 sur la popularité de Joe Biden.
04:41 Il est à peu près admis partout ici que ce dossier est un échec, y compris dans le camp démocrate,
04:46 mais vous l'avez dit, c'est surtout le moteur de la campagne de Donald Trump.
04:51 Dans l'imaginaire trumpiste, le mur reste la solution.
04:55 Un mur magique, on l'a dit à l'instant, qui devait être payé par le Mexique,
04:59 selon les promesses de l'ancien président, lequel Mexique n'a évidemment pas déboursé un dollar.
05:04 Mais peu importe, pour Donald Trump, l'important n'est pas la réalité des chiffres
05:08 et encore moins la nuance, mais la force des punchlines dans ses meetings, évidemment.
05:13 Et peu importe que l'immigration légale ou illégale soit d'ailleurs, dans le fond,
05:18 totalement indispensable à l'équilibre de l'économie américaine.
05:21 C'est d'ailleurs le paradoxe qui participe à faire du problème migratoire aux États-Unis
05:26 un casse-tête absolument impossible à résoudre.