• il y a 6 mois
Alors que l'intelligence artificielle permet de créer de nouvelles chansons à partir d'œuvres existantes, Cécile Rap-Veber, la directrice générale de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, partage son inquiétude ce mardi.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir à toutes et à tous, ce soir je reçois la directrice générale de la SACEM, la Société des Auteurs Compositeurs et Éditeurs de Musique.
00:12 Bonsoir Cécile Rabébert.
00:13 Bonsoir Isabelle.
00:14 La SACEM publie ses résultats annuels, cela permet de prendre le pouls de l'industrie musicale, de jauger sa santé financière.
00:20 On va évidemment largement en parler, mais avant cela, une question d'actualité si vous le voulez bien.
00:25 Le chanteur Calogero s'est dit scandalisé après l'utilisation par le RN de sa chanson 1987 lors de son meeting dimanche pour les élections européennes.
00:36 Est-ce que vous comprenez sa colère ?
00:38 Alors déjà, ce qui est très important de savoir, c'est qu'un compositeur, un créateur, un interprète, conserve l'intégralité de son droit moral.
00:46 Ce n'est pas quelque chose qu'il cède par exemple à la SACEM.
00:49 Donc bien heureusement, Calogero est complètement libre de décider s'il estime qu'une utilisation de son œuvre porte atteinte à son droit moral.
00:57 C'est ce qu'il a exprimé, c'est ce qu'il pense.
00:59 Et donc dans ce cadre-là, il a des actions qu'il peut mener en démontrant évidemment l'étendue de son préjudice.
01:06 Il se réserve le droit de donner une suite judiciaire à cette affaire, donc vous pensez qu'il a raison de le faire ?
01:10 S'il pense que l'utilisation de sa chanson porte préjudice à son image ?
01:15 Ce que je dis c'est que Calogero est complètement libre de décider de ce qu'il fait de son droit moral.
01:20 C'est le seul à pouvoir le décider.
01:21 Alors ça pose évidemment la question de l'utilisation des chansons sans l'autorisation de leurs auteurs.
01:26 Question d'autant plus cruciale à l'heure de l'intelligence artificielle et notamment l'IA générative.
01:32 On a vu l'apparition de Deepfake comme on dit, plus vrai que nature, le plus connu étant une fausse chanson de Drake et de Weeknd.
01:39 Est-ce que ce phénomène vous inquiète ?
01:42 Ce phénomène nous inquiète, mais j'ai presque envie de vous dire que tant qu'on arrive encore à identifier de quelles sources se sont inspirées les intelligences artificielles,
01:50 finalement vous pouvez traquer, vous pouvez poursuivre, vous pouvez attaquer pour parasitisme ou pour contrefaçon.
01:55 Ce qui va être beaucoup plus challengeur pour nous dans le futur, très proche d'ailleurs, parce qu'on voit déjà les résultats,
02:02 c'est que comme vous le savez, les intelligences artificielles ont besoin de se nourrir d'œuvres préexistantes,
02:07 notamment de toutes les œuvres de l'Assassin, elles les aspirent et finalement elles arrivent à faire en sortie de process des nouvelles œuvres.
02:16 Et c'est exactement ce qui s'est passé avec ce nouveau titre, puisque Ghostwriter 977, avec cette chanson, il a généré des millions de vues.
02:24 Ça pose la question du droit d'auteur, lui-même un nouveau droit d'auteur.
02:28 Oui, alors comme il est quand même fortement inspiré d'œuvres préexistantes, c'est là qu'il va devoir sûrement partager.
02:33 La question qui se pose, c'est à partir du moment où vous auriez des intelligences artificielles qui retravaillent, qui retravaillent,
02:39 elles diluent tellement les œuvres originales qu'elles ont utilisées à la base, qu'on n'arrive plus à retrouver exactement
02:45 quelles sont les œuvres sur lesquelles on devrait rémunérer les créateurs originaires.
02:50 Alors qu'est-ce qu'on est en train de faire, nous ? L'Assassin a été la première société au monde à exercer son droit d'opposition, dit "opt-out",
02:57 c'est-à-dire que nous avons notifié à toutes les sociétés d'intelligence artificielle que si elles devaient s'entraîner sur nos répertoires,
03:05 sur notre répertoire de l'Assassin, elles en étaient aujourd'hui interdites à défaut d'avoir une licence avec nous.
03:11 Et alors, est-ce que c'est le cas ? Est-ce qu'elles demandent des licences ?
03:13 Alors, évidemment, elles ne demandent jamais rien, puisque vous imaginez bien qu'il n'y a aucun diffuseur qui se manifeste directement auprès de l'Assassin,
03:20 mais en revanche, on a commencé évidemment à entrer en discussion avec certaines d'entre elles.
03:25 J'ai presque envie de dire, ça peut être une crainte, mais c'est aussi un avantage.
03:28 Est-ce que vous avez commencé à avoir justement des heures ?
03:31 Ce que j'allais vous dire, c'est que l'Assassin, en fait, elle a cet avantage que depuis maintenant dix ans, elle est devenue leader mondial du digital.
03:39 Or, il ne vous aura pas échappé que les intelligences artificielles sont principalement aujourd'hui développées par Google, Amazon, Microsoft, Apple, Meta,
03:51 qui sont déjà des interlocuteurs que nous avons au quotidien.
03:54 Donc, bien évidemment, nous avons commencé à parler avec l'ensemble de ces sociétés.
03:57 Avec la demande de licences. Mais en attendant, est-ce que vous voyez la multiplication d'œuvres qui sont, comme ça, réalisées sans autorisation, à partir d'œuvres ?
04:05 On ne les voit pas encore. Néanmoins, on a mené une étude avec notre société sœur qui s'appelle la GEMA, en Allemagne,
04:12 pour commencer à faire finalement des calculs sur les risques de perte, de remplacement, en fait, des œuvres d'intelligence artificielle sur des œuvres créées par des humains.
04:22 Et on arrive malheureusement à un chiffre qui est terrible, puisque ce serait 27% des créateurs qui viendraient à disparaître,
04:29 ce qui représente à peu près 2,7 milliards d'euros encumulés d'ici à cinq ans pour uniquement les Français et les Allemands.
04:37 Donc vous imaginez au niveau mondial. Ce que je ne peux pas aujourd'hui arriver à cerner totalement,
04:42 c'est quelles sont ces œuvres qui ont été créées uniquement par l'intelligence artificielle, puisque pour le moment, elles sont encore déposées par des êtres humains ?
04:48 Alors, autre question d'actualité, la taxe streaming qui a été mise en place pour financer la création musicale.
04:54 La plateforme Spotify annonce déjà une hausse de ses abonnements de 13 centimes par mois dès le mois prochain. Est-ce que c'était une bonne idée cette taxe ?
05:02 Alors, c'est le futur qui le dira, parce que c'est surtout la façon dont elle va être redistribuée et comment est-ce qu'elle va participer finalement à l'essor de notre écosystème,
05:11 puisque même si aujourd'hui on peut se satisfaire du fait qu'il y ait le streaming, il y a un taux de pénétration encore en France qui est très faible.
05:17 On parle de 17%, ce qui est très très en deçà de ce qui se passe en Angleterre ou aux Etats-Unis.
05:22 Sauf qu'en attendant, Spotify augmente ses abonnements.
05:25 Oui, alors je vais vous dire, c'est une très bonne nouvelle, parce que ça fait des années qu'on demande à Spotify d'augmenter ses abonnements.
05:29 Ils étaient encore en dessous du marché par rapport à des acteurs comme Apple et comme Deezer.
05:34 Aux Etats-Unis, il faut quand même que vous sachiez qu'ils viennent de réaugmenter pour la deuxième année en portant leur abonnement à 11,99$.
05:41 Et il n'y a aucune taxe streaming aux Etats-Unis.
05:44 Mais on voit aussi des mesures de rétorsion, on voit Spotify qui est absent des festivals cet été.
05:48 Oui, ça j'ai trouvé ça très triste. Et puis en même temps, j'ai trouvé qu'il y avait une très bonne nouvelle.
05:52 Spotify vient de publier ses résultats mondiaux avec un milliard de bénéfices, donc je suis persuadée qu'il va pouvoir à nouveau faire des nouveaux partenariats.
05:58 Et donc c'est une bonne nouvelle, vous pensez, vous Cécile Raveber, vous publiez vous-même vos résultats financiers.
06:05 Ils sont bons, 1,5 milliard pour 2023, en hausse de 5%, un tiers pour le numérique, mais en même temps une paupiérisation de la profession.
06:14 Alors pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui les modes de création ont énormément évolué.
06:18 Vous avez des créateurs qui continuent à gagner leur vie à peu près de la même façon depuis 10 ans sur ce qu'on appelle la musique à l'image, tout ce qui est audiovisuel.
06:25 C'est assez pérenne. Les lives se portent plutôt bien. Néanmoins, avant, quand vous étiez sur un CD, vous aviez la chance d'avoir 9 ou 10 titres et il y avait un marché de l'album.
06:36 Aujourd'hui c'est fini. Vous avez non seulement un marché du single sur le streaming, mais par ailleurs, là où d'habitude vous étiez 1 ou 2 à créer une oeuvre,
06:42 dorénavant, très souvent, vous pouvez être 10 ou 12 à partager les revenus qui sont générés.
06:47 Donc évidemment, pour certains qui ne sont pas interprètes et qui n'arrivent pas à composer tout seuls, c'est plus difficile qu'avant.
06:53 Et donc la taxe de streaming c'est une bonne idée ? Ce sera ma dernière question.
06:56 La taxe de streaming c'est une bonne idée pour favoriser deux choses, l'émergence et l'export de nos champions français qui, grâce à la globalisation des plateformes, ont enfin une opportunité de toucher un public à travers le monde.
07:06 Merci beaucoup Cécile Raveber, directrice générale de la SACEM. Vous étiez l'invité Echo de France Info ce soir.
07:13 Merci.

Recommandations