Histoire du débarquement : «Le soir du 6 juin, il reste encore beaucoup à faire», raconte Nicolas Aubin

  • il y a 3 mois
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Nicolas Aubin, agrégé d'histoire et spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et auteur de "Le Débarquement. Vérités et légendes", répond aux questions de Dimitri Pavlenko à l'occasion des commémorations du débarquement du 6 juin 1944.

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Transcript
00:00 - Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'historien spécialiste de la Seconde Guerre Mondiale, Nicolas Aubin.
00:05 - Les 80 ans du débarquement...
00:07 - Vive la France ! Vive les alliés !
00:09 - Semaine spéciale sur Europe 1.
00:11 - Bonjour Nicolas Aubin.
00:13 - Bonjour.
00:14 - Bienvenue sur Europe 1. Emmanuel Macron va entamer ce matin sa pérégrination mémorielle
00:20 à l'occasion des commémorations des 80 ans du débarquement.
00:23 Alors d'abord en Bretagne, à Plumélec dans le Morbihan, puis il ira à Saint-Lô, puis à Caen.
00:28 Il y a d'innombrables choses à faire à voir en ce moment dans le Calvados et dans la Manche,
00:31 notamment autour de ces commémorations.
00:33 Nicolas Aubin veut publier ces jours-ci un livre passionnant,
00:36 "Le débarquement, vérités et légendes".
00:39 C'est paru chez Perrin.
00:40 Alors "Vérités et légendes", c'est une collection,
00:42 mais je dirais que c'est une lecture salutaire car on croit bien connaître l'histoire du débarquement.
00:46 On a vu pas mal de films sur le sujet notamment.
00:48 Mais je dois bien dire qu'après vous avoir lu, je me suis rendu compte que j'avais beaucoup d'idées reçues sur le 6 juin 44.
00:54 Alors peut-être pour commencer Nicolas Aubin, là nous sommes le 5 juin.
00:57 Il est 7h10.
00:59 Qu'est-ce qui se passait exactement il y a 80 ans, là sur les côtes anglaises et normandes ?
01:03 - Eh bien, en Angleterre, à cette heure-là, on se questionne beaucoup.
01:08 On se questionne beaucoup parce que la météo est absolument affreuse.
01:11 Pas adaptée pour le débarquement.
01:13 Eisenhower a déjà décidé de le reporter de 24h.
01:16 Il devait avoir lieu le 5 juin au matin.
01:18 Il l'a reporté au 6.
01:20 Et là on attend avec une grande impatience les derniers rapports météorologiques
01:24 pour savoir si on va pouvoir le lancer.
01:26 Et du côté de l'Allemagne, en face, c'est également cela.
01:32 C'est la météo qui est au centre des attentions.
01:35 Avec cette fois-ci, beaucoup d'espoir que le mauvais temps se maintienne.
01:39 Et beaucoup d'officiers sont repartis en famille ou faire des simulations arène
01:45 en prévision d'un débarquement qu'ils n'avaient pas pu faire en mois de mai
01:49 parce qu'on était en pleine phase d'alerte.
01:51 On croyait vraiment que le débarquement allait arriver au courant mai.
01:53 Et là, il y a un relâchement qui se fait parce qu'on estime que le temps n'est vraiment pas propice.
01:59 Certains Allemands iront même aller voir leur maîtresse à Paris juste avant le jour J.
02:03 Les principaux maréchaux allemands sont à Paris avec leur maître Erwin Rommel.
02:07 Le grand chef allemand sur ce mur de l'Atlantique n'est pas en Normandie.
02:12 Il est en Allemagne le 5 juin.
02:14 Exactement. Il est parti fêter l'anniversaire de sa femme.
02:18 Il est également parti rencontrer Hitler.
02:20 C'est une armée allemande amputée de plusieurs de ses officiers généraux
02:24 qui va être frappée le 6 juin en matin.
02:27 Parmi les légendes du débarquement que vous battez en brèche dans votre livre, Nicolas Aubin,
02:32 il y a cette croyance bien installée que le débarquement, c'est la bataille décisive
02:37 qui fait basculer le sort de la guerre.
02:39 Autrement dit, le 6 juin 1944 au soir, on a déjà gagné.
02:42 Ce n'est pas vrai ?
02:43 Ce n'est pas vrai.
02:45 Ce n'est pas vrai déjà parce que la guerre va se poursuivre 9 mois, dont 3 mois en Normandie
02:52 dans une bataille très rude.
02:54 La guerre n'est pas gagnée.
02:56 La guerre allait être gagnée, c'est certain.
03:03 Depuis 1941, l'Allemagne est sur la pente descendante.
03:05 En 1944, elle n'a aucun moyen de renverser la situation, même si Hitler s'accroche à un espoir.
03:11 Le débarquement ne décide pas de la victoire ou de la défaite, mais le soir du 6 juin,
03:16 il reste beaucoup à faire avant de pouvoir planter les drapeaux des puissances alliées au sommet du Reichstag.
03:23 Il y a un autre aspect de la légende du débarquement, c'est l'idée selon laquelle l'armée allemande
03:28 qui était postée sur ce mur de la Tentique et qui fait face le 6 juin à ce déferlement allié,
03:33 aurait été un très bel outil, simplement elle aurait été mal commandée.
03:37 Le problème, ça aurait été les chefs.
03:38 Vous avez dit, beaucoup n'étaient pas d'ailleurs présents, ils étaient à Paris ou en Allemagne.
03:42 Et la faute reviendrait même au premier d'entre eux, à Hitler.
03:45 L'armée allemande était très performante, mais mal dirigée.
03:48 Ça, ça n'est pas vrai non plus, Nicolas Aubin.
03:50 Oui, on a, après guerre, les maréchaux allemands, les généraux allemands,
03:56 ont largement rejeté la responsabilité de la défaite en Normandie,
03:59 à la fois sur la supériorité matérielle des alliés, ce qui est très vrai,
04:03 mais surtout sur Hitler, qui aurait tergiversé, donné des ordres à contre-temps
04:10 et empêché une contre-attaque peut-être décisive pour repousser les alliés à la mer.
04:14 Aujourd'hui, les historiens qui explorent les archives découvrent qu'en fait,
04:20 le 6 juin, le commandement sur place, les généraux ont pris de mauvaises décisions.
04:26 Eux-mêmes ont beaucoup tergiversé, notamment parce qu'ils espèrent avoir une vision très très claire
04:30 du débarquement et ainsi prendre les meilleures mesures en un temps record.
04:35 Et en fait, le 6 juin, ils reçoivent énormément d'informations erronées
04:39 ou d'informations qui ne viennent pas.
04:41 Donc, ils ont une mauvaise photographie du débarquement.
04:43 Ils l'imaginent à Deauville, ils l'imaginent même parfois en Bretagne.
04:46 Et finalement, ils sont dans la plus grande confusion, comme certains d'entre eux ne sont pas là.
04:51 Les ordres tardent ou les ordres ordonnent d'aller dans la mauvaise direction.
04:56 Je pense notamment à une division de Panzer qui est partie vers Lisieux.
04:59 Et plus tard, on a dit que c'était la faute d'Hitler, mais en fait, là, pas du tout.
05:03 C'était la confusion de la guerre.
05:06 Ils ont été confrontés à ce chaos qui leur avait tant réussi dans les années précédentes
05:09 et là dont ils ont été victimes.
05:11 - Le fameux brouillard de la guerre.
05:13 Alors ça, c'est peut-être aussi la faute au cinéma, je dirais, Nicolas Aubin.
05:16 Il y a cette croyance que nous avons.
05:18 Je pensais notamment, en voyant le film "Soldat Ryan",
05:21 que le débarquement, c'était une opération, surtout, pour ne pas dire exclusivement américaine.
05:27 Ça aussi, il faut remettre un petit peu, comment dire,
05:30 chacun à sa place dans cette histoire-là, Nicolas Aubin.
05:33 - Oui, vous avez tout à fait raison.
05:35 Le cinéma a contribué à occulter les Anglais et les Canadiens
05:40 qui étaient en fait majoritaires le 6 juin.
05:42 - Et qu'on voit beaucoup, d'ailleurs, dans le film "Le jour le plus long"
05:44 qui sort dans les années 60, on a l'impression du même d'une opération presque paritaire
05:48 entre Canadiens, Britanniques et Américains lorsqu'on voit "Le jour le plus long".
05:51 Ça n'est plus du tout vrai quand on voit "Band of Brothers", par exemple,
05:54 ou "Le soldat Ryan" que je citais à l'instant.
05:56 - Oui, complètement.
05:58 Même si déjà, dans "Le jour le plus long", même si on les voit beaucoup,
06:01 ils se sont quand même cantonnés à des actions plutôt folkloriques.
06:04 On a en tête Bill Mee-Lin et sa corne muse,
06:07 on a l'homme sur la plage qui oriente les troupes et qui est avec son chien.
06:13 Tandis que la grosse affaire, elle se passe quand même déjà du côté américain avec Omaha Beach.
06:18 Mais c'est vrai que ça disparaît complètement après dans les films suivants,
06:21 dans les années 90-2000.
06:23 Là, le débarquement ne devient qu'une opération américaine.
06:25 Ça correspond à nos images d'aujourd'hui.
06:27 On regarde toujours le passé avec les yeux d'aujourd'hui.
06:30 Et aujourd'hui, c'est bien l'armée américaine qui, lors des opérations en Irak, en Afghanistan, etc.,
06:35 était ultra-dominante.
06:37 Et déjà à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ça devient le cas.
06:40 Mais le 6 juin, c'est la dernière fois,
06:42 et les Britanniques ont fait un énorme effort pour avoir plus de troupes qui débarquent le 6 juin
06:47 que de troupes américaines, plus de navires qui sont présents.
06:50 Et d'ailleurs, le 6 juin, les Britanniques, finalement, s'en sortent mieux que les Américains.
06:54 Ils progressent davantage avec moins de pertes.
06:57 Mais ensuite, le rapport de force matériel et numérique finira par basculer en profit de l'US Army.
07:02 - Voilà, ne pas confondre la mémoire et l'histoire, ça n'est pas la même chose.
07:05 Et on vous lira donc, Nicolas Aubin,
07:07 "Le débarquement, vérités et légendes", votre dernier ouvrage par Uché Perrin.
07:10 Merci d'avoir été avec nous ce matin sur Europe.
07:12 Bonne journée à vous.

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