• il y a 6 mois
À 4 jours des élections européennes et alors que 1 Français sur 2 risque de s'abstenir, on se pose la question avec Nathalie Schuck : qui a tué la politique dans ce pays ? Grand reporter au "Point", elle publie "Les naufrageurs. Comment ils ont tué la politique", et cite des coupables, de Emmanuel Macron aux anciens Présidents en passant par l'administration et nos députés... Écoutez aussi le débat avec Bruno Jeudy, directeur délégué de "La Tribune Dimanche", Rokhaya Diallo, éditorialiste au "Guardian" et au "Washington Post", et Etienne Gernelle, directeur du "Point".
Regardez L'invité de RTL Soir avec Julien Sellier du 05 juin 2024

Category

🗞
News
Transcription
00:00RTL, bonsoir, Julien Célier et Cyprien Signe
00:04Allez RTL, bonsoir, les grands débats qui se prolongent pendant la publicité
00:07qui sont même plus agités qu'à l'antenne, visiblement.
00:10Etienne Janel, Bruno Jeudy, Roca et Diallo, toujours autour de la table.
00:13Qui a tué la politique dans ce pays ?
00:16Quatre jours des Européennes alors qu'un Français sur deux risque de s'abstenir.
00:19On va se poser la question avec notre nouvelle invitée.
00:22Bonsoir Nathalie Chuc, grand reporter au point, assise à côté de son directeur.
00:26Votre livre « Les naufrageurs, comment ils ont tué la politique » est en librairie.
00:31Pourquoi ce pays qui s'est tant passionné pour les joutes électorales est désormais à ce point désenchanté ?
00:37Vous vous êtes interrogé et vous citez des coupables d'Emmanuel Macron aux anciens présidents
00:41en passant par l'administration et nos députés.
00:43Et c'est vrai que pour vous Emmanuel Macron a une part de responsabilité dans la faiblesse notamment du débat aujourd'hui.
00:48Je vous cite « En anesthésiant le clivage gauche-droite, il installe les extrêmes comme seule alternative.
00:54Si le débat est devenu en quelque sorte hystérique et inaudible aujourd'hui, il y est pour quelque chose le président ? »
00:59Il n'y est pas pour rien. Alors ce n'est pas le seul responsable.
01:01C'est les naufrageurs, pas le naufrageur.
01:04Mais il a une part de responsabilité en ce sens qu'il a accéléré une pente qui est déjà là depuis 20 ans, 30 ans.
01:10Quand je parle de naufrageurs c'est tous les hommes politiques et journalistes aussi.
01:14Il faut se regarder en face.
01:15Ceux qui ont contribué à faire des trous dans la coque et qui font qu'aujourd'hui on a une désertion massive des urnes d'une part.
01:21Et puis surtout une espèce de désaffection absolue de la politique.
01:24Aujourd'hui c'est dingue. Je ne sais pas si vous le constatez aussi autour de vous.
01:28Avant, autour de l'Aden de Noël, on parlait de quoi ? On parlait de politique.
01:32Maintenant c'est « Oh, surtout pas de politique ! »
01:34Ah non, pas eux. Ah non, pas eux. Ah non, ras-le-bol.
01:36Ou alors c'est tellement hystérisé qu'on préfère éviter le sujet aussi.
01:38Exactement. C'est-à-dire que soit on se fout sur la tronche, pardon de dire comme ça, soit on n'en parle plus du tout.
01:42Et pour revenir à votre question, Macron accélère la crise parce qu'il dit, vous vous souvenez de cette petite phrase,
01:47il avait dit ça dans un off en 2016, « Les deux grands partis, c'est l'amicale des boulistes, mais sans l'amitié et sans les boules. »
01:54Il dit « Donc moi, je vais tout détruire, je vais tout mettre par terre et on va recomposer tout ça. »
01:58Sauf qu'il ne recompose pas. Il détruit, il ne recompose pas.
02:00Je cite Bernard Cazeneuve dans le livre qui lui dit à cette époque-là « Emmanuel, tu seras enseveli sous les décomptes de ce que tu as contribué à détruire. »
02:08Et aujourd'hui il n'a pas reconstruit.
02:10C'est-à-dire que vous savez, c'était la grande théorie, mais en même temps ça aurait dû être « On va chercher les meilleurs. »
02:14On va chercher les meilleurs dans les deux camps et puis on se met ensemble autour d'une table, on négocie.
02:18Là, ce n'est pas ça. Là, c'est, comme on dit à Macron, du « cherry picking ».
02:21On va piquer une personnalité juste parce qu'on sent que ça va déstabiliser l'adversaire.
02:27En instaurant l'horreur en même temps, Bruno Jeudy, votre réaction ?
02:31Il a en quelque sorte tué la politique, Emmanuel Macron, en tuant ce clivage, en tuant les partis ?
02:35Je ne suis pas sûr qu'il ait tué la politique. Je pense que la politique s'était tuée déjà bien avant qu'il arrive.
02:39Puisqu'au fond, Macron arrive aussi parce que la succession de la droite et de la gauche ont produit beaucoup d'impuissances politiques.
02:46Et Macron était porteur d'un retour de l'efficacité en politique.
02:52Elle a mis mandat, même pas de son deuxième mandat. On voit bien que l'efficacité n'est pas au rendez-vous.
02:59Mais ça, c'est l'affaire Macron.
03:01Le petit bémol que j'ai par rapport à ce que dit Nathalie, dont le livre est très bien, je l'ai lu,
03:08c'est que ce n'est pas la première fois qu'on connaît ces histoires de fin de règles et de difficultés.
03:14La fin des années Chirac a été une catastrophe. La fin des années Mitterrand a été une catastrophe.
03:19Et à chaque fois, on est dans un moment où les Français en ont marre de la politique.
03:22En fait, les Français aiment bien la politique, mais souvent, ils sont déçus par leurs présidents qui s'éternisent au pouvoir et qui ne produisent pas d'efficacité.
03:29Et donc, la fin de Chirac a été une catastrophe. On voit bien que la fin de Macron, ça risque de mal se passer.
03:35La fin de Mitterrand a été une catastrophe. Et au monde, il n'a même pas pu se représenter.
03:39Oui, alors là, c'est l'autre bémol.
03:42Vous citez un des conseillers d'Emmanuel Macron qui lui a dit « Tu risques d'être celui qui aura cédé les clés du pays à Marine Le Pen ».
03:49Mais Emmanuel Macron, visiblement, il refuse, Nathalie Chouk, d'endosser la potentielle responsabilité.
03:53Dans une remise de décoration, effectivement, un proche d'Emmanuel Macron l'interpelle, lui dit « Emmanuel, tu vas rester comme le président qui aura filé les clés du pays à Marine Le Pen ».
04:01Et il fait cette réponse, il dit « Mais attendez, moi, je l'ai battu deux fois. Ce n'est pas mon problème à moi, ce sera le problème de celui ou celle qui sera en face ».
04:08Et l'argumentation des conseillers d'Emmanuel Macron, aujourd'hui, c'est de dire « Mais prenez aux États-Unis, Donald Trump, il a été élu face à qui ?
04:16Il n'a pas été élu face à Barack Obama. Ce n'est pas Barack Obama qui a perdu, c'est Hillary Clinton ».
04:20Donc, il y a une espèce de défausse pour dire « C'est le combat des prochains. Moi, j'ai fait tout ce que je pouvais ».
04:25J'aime beaucoup cette citation. François Léotard, dans votre livre, disait « Le pouvoir rend con ».
04:30Vous expliquez que la Ve République, elle produit, en fait, des dirigeants un peu « supermans », c'est ça ?
04:35Alors, c'est l'effet de la Ve telle qu'elle a été dévoyée petit à petit.
04:39Quand je parle de naufrageurs, des trous dans la coque, c'est parce que ça fait 40 ans qu'on fait des trous dans la coque, et notamment dans nos institutions.
04:45On s'est retrouvé, aujourd'hui, avec un président superman qui fait des promesses qu'il sait très bien ne pas pouvoir tenir.
04:51Emmanuel Mignon, ancienne conseillère de Nicolas Sarkozy, me dit dans le livre « Un président, il faut arrêter de penser que ça peut tout faire.
04:58Ça peut faire des choses, mais ça ne peut pas tout faire ». Alors, à chaque fois, tous les cinq ans, on vit quoi ?
05:03Une espèce d'épopée où on va élire un héros, un roi Thomas Turge qui va guérir tous les écrouels.
05:08On est dans une espèce d'illusion collective, mais tous, on s'est laissé embringuer là-dedans.
05:12Les électeurs ont aussi leur part de responsabilité.
05:15On est que l'antiduo à la connerie qui produit qu'un président ne puisse pas se représenter.
05:19C'est quand même le truc ultime du gros trou dans la coque.
05:23Du cumul des mandats à l'impossibilité de se représenter.
05:26Le quinquennat, c'est très bien en soi.
05:28En fait, je ne critique pas les réformes qui ont été faites, parce qu'elles ont eu des effets positifs.
05:33Ce qui est intéressant, et c'est là-dessus que j'ai interrogé une soixantaine de personnalités politiques,
05:37c'est qu'il faut regarder les effets pervers que ça a produit.
05:41Je prends un exemple, la transparence sur le patrimoine des ministres.
05:45C'est super, c'est vachement important qu'on puisse regarder si un élu s'est enrichi pendant la durée de son mandat,
05:50qu'on faire l'affaire Cahuzac.
05:52Après, est-ce que c'était indispensable de faire la publicité intégrale sur le patrimoine de Gabriel Attal,
05:57de tous les membres du gouvernement, au risque du voyeurisme ? Je ne suis pas sûre.
06:01Sur la classe politique au sens très large, il y a une autre citation qui m'a étonné dans ce livre,
06:07c'est « soyez fiers d'être des amateurs ».
06:09C'est ce que disait Emmanuel Macron à ses députés en 2020.
06:12Et c'est vrai que depuis 2017, on a vu une flopée de députés macronismes totalement inexpérimentés.
06:18Même chose dernièrement au Rassemblement National et chez les Insoumis.
06:22Les Rassemblements Nationals avaient même du mal à trouver des candidats pour les législatives.
06:25Là on a une génération en 2024, vous qui les côtoyez tous au quotidien dans vos fonctions respectives,
06:30des personnalités politiques inexpérimentées,
06:33puisqu'en fait la génération des années 90 a presque disparu du paysage.
06:37Le niveau global de nos élus s'est affaibli Etienne Gernel ?
06:40Moi je pense que oui.
06:41D'ailleurs dans le livre de Nathalie, il y a une phrase absolument terrifiante.
06:44Je ne sais plus qui dit ça.
06:46Je trouve que mon patron allume mon journal.
06:48Mon livre, ça me rassure.
06:50Qui dit qu'aujourd'hui Pompidou ne quitterait pas Rothschild.
06:54Et c'est vrai qu'ils sont mal payés.
06:57Tu viens de parler du cumul des mandats, l'interdiction du cumul des mandats était une énorme bêtise.
07:01Le rapport Verde d'ailleurs très récemment préconise le retour du cumul des mandats.
07:05En général, ce n'est pas normal qu'un maire d'une ville de plus de 100 000 habitants
07:08ne gagne pas 5 000 euros par mois.
07:10Je suis désolé, c'est des jobs où on gère des sommes absolument considérables.
07:13Les patrons et patronnes de région gagnent aussi ce genre de salaire.
07:16Ça n'a aucun sens et du coup on n'attire pas les bons.
07:19C'est un vrai sujet.
07:21On en parlait des profs tout à l'heure.
07:23C'est le même sujet.
07:24Et cette phrase m'a glacé le sang.
07:26Je me suis dit que c'est terrible.
07:27Ça veut dire qu'aujourd'hui, les gens qui sont bons, qui sont brillants, qui sont dynamiques,
07:29ils ne vont pas avoir envie de venir.
07:32Est-ce que le niveau s'est affaibli ?
07:34Je ne sais pas si on peut dire les choses comme ça,
07:37mais j'ai l'impression aussi que les Français, avant,
07:41vibraient aussi derrière des politiques qui incarnaient des idéologies fortes,
07:44qui faisaient vraiment des propositions de société extrêmement claires,
07:48avec des lignes qui leur permettaient de s'identifier à un projet de société
07:51qui proposait un dessin assez clair d'un destin commun, etc.
07:58Et aujourd'hui, on sent que dans le discours, il y a beaucoup moins ce type de propositions.
08:05Et que finalement, quand je pense à Emmanuel Macron,
08:07avec sa première élection, son livre qui s'appelait Révolution,
08:10une proposition finalement qui n'était pas si claire que ça,
08:12énormément de Français se sont projetés dans ce qu'ils semblaient proposer,
08:15avant de voir que concrètement, ça ne leur correspondait pas tant que ça.
08:18Et je crois qu'il y a peut-être un manque vraiment de transformation,
08:21mais vraiment incarnée par des propositions qui sont claires et qui ont un sens.
08:26Et en même temps, j'ai l'impression que les Français sont malgré tout assez politisés,
08:29mais que leurs options politiques, leur volonté de s'engager ne se traduit pas
08:32dans le soutien à des personnalités politiques.
08:34Il y a plein de Français qui sont engagés dans des associations,
08:37qui sont engagés pour la préservation de l'environnement,
08:40qui sont engagés dans les mouvements féministes,
08:42qui sont vraiment politisés et qui au quotidien s'engagent.
08:45Simplement, ils ne croient plus que les politiques vont proposer
08:48les transformations sociales qui sont derrière ces causes.
08:50Nathalie, je suis sûr que vous racontez dans votre livre que Jaurès
08:53conjuguait tous les verbes de ses discours au futur.
08:56Et c'est vrai qu'aujourd'hui, à gauche, au centre, à droite,
08:58l'espoir a plus ou moins disparu de la parole politique, non ?
09:01C'est devenu très sombre la politique.
09:03Avant la politique, c'était l'espoir.
09:05Vous vous souvenez de ce slogan, changer la vie ?
09:07C'était ça aujourd'hui, c'est exactement ce que vous disiez
09:09sur véhiculer un message positif, vous emmener vers un monde meilleur.
09:12C'est ça qu'aujourd'hui, c'est difficile.
09:14Quand vous êtes engagé en politique, vous vous rendez quand même
09:16à une situation économique compliquée, une planète qui est en train de s'écroler.
09:19Tout est très sombre, tout est très noir.
09:21Ce n'est pas un vecteur de vote, ça ne donne pas envie.
09:23Il ne faut pas s'étonner si sur l'année 2022,
09:25on a eu 8 millions, c'est énorme,
09:288 millions d'électeurs inscrits qui ne sont pas allés voter
09:30ni au premier, ni au deuxième tour,
09:32ni des présidentielles, ni des législatives.
09:34C'est vraiment une désaffection de la vie de la cité
09:36parce qu'il n'y a rien qui vous embarque aujourd'hui.
09:38On voit bien, c'est marrant,
09:40je discutais pour le livre avec François Ruffin.
09:43Et François Ruffin, il dit...
09:45Le député insoumis.
09:47Et à mon avis, il va essayer de postuler la prochaine présidentielle.
09:51Il dit qu'en fait, il ne faut pas changer la vie,
09:53il faut dire changer la vie un peu en mieux.
09:55Voilà, c'est ça maintenant le discours politique.
09:57Bruno, vous voulez réagir ?
09:59Ça manque d'espoir aujourd'hui la politique ?
10:01Oui, il y a toujours un petit peu...
10:03Encore une fois, je pense que
10:05les fins de règne de président,
10:08on est dans un deuxième mandat,
10:10donc on est vraiment dans un moment compliqué.
10:15Les gens en ont marre de la politique.
10:17Il y a le sentiment qu'il n'y a personne,
10:19que c'était mieux avant, et ceci et cela.
10:21Bon...
10:23Moi, je reste quand même prudent.
10:25Je pense que 2027 sera un scrutin très important.
10:29C'est un scrutin avec des nouveaux...
10:31J'allais dire, il n'y aura pas de président sortant.
10:33Donc on sera quand même dans un autre moment d'offre politique.
10:36Alors sans doute avec des débats qui vont être très importants
10:39autour du RN et les filles et compagnie.
10:41Mais on sera dans un moment de renouvellement, quelque part.
10:44Puisqu'on élira un nouveau président.
10:47Bruno Jeudy, Etienne Jarnel, Rocaille à Dialo,
10:49vous restez autour de la table.
10:50Nathalie Chuc, également votre livre
10:52« Les Naufrageurs » est en librairie.
10:54Je vous propose de faire équipe, maintenant, et tous ensemble.
10:56On va, c'est la tradition en fin d'émission,
10:58aider un auditeur ou une auditrice à gagner une nuit dans un château, s'il vous plaît.
11:02C'est le grand quiz de RTL Bonsoir, et c'est juste après ça.
11:04C'est le moment préféré de Bruno Jeudy.

Recommandations