Pacte vert, guerre en Ukraine, poussée de la droite nationaliste au Parlement européen… A la veille des élections européennes, Pascal Lamy, ancien commissaire européen au commerce, ancien directeur général de l’OMC, livre son expertise sur les enjeux de ce scrutin. Le président émérite des Instituts Jacques Delors, l’un des plus importants laboratoires d’idée sur l’Europe, considère que la guerre en Ukraine est avant tout une guerre économique contre la Russie. La perdre signifierait que l’Union ne fait plus la force. La crise de légitimité serait alors grave en Europe.
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NewsTranscription
00:00 Bonjour à tous, cher Pascal Lamy, bonjour, merci de nous avoir rejoints en cette veille d'élection européenne.
00:07 Vous êtes le président émérite de l'Institut Jacques Delors,
00:10 l'un des plus prestigieux laboratoires sur les questions européennes,
00:14 avec vos trois instituts, l'un à Paris, l'un à Bruxelles et le troisième à Berlin.
00:18 Vous êtes parmi ceux qui ont façonné la grande commission de Jacques Delors entre 1985 et 1994,
00:25 mais vous avez aussi été commissaire européen au commerce de 1999 à 2004
00:31 et ensuite directeur général de l'OMC durant deux mandats de 2005 à 2013.
00:37 C'est dire si votre expertise est large et vous analyse profonde quand il s'agit d'Europe.
00:43 À mes côtés, j'accueille Emmanuel Beretta, notre expert spécialiste des questions européennes,
00:48 et nous allons mener ensemble cet entretien.
00:51 J'ajoute que nous avons sélectionné des questions parmi celles nombreuses que nous ont adressées nos abonnés lecteurs du Point.
00:57 Mais avant de venir à leurs questions, la première question est pour toi Emmanuel.
01:02 Alors, dans le dernier euro baromètre du printemps 2024,
01:06 la France apparaît comme le pays qui a le moins confiance en l'Union européenne.
01:10 Seulement 34% de taux de confiance, on est loin du Danemark ou du Portugal qui sont à 69-68%.
01:18 Comment vous expliquez ce niveau de défiance des Français ?
01:22 Quand on regarde les chiffres, les vôtres sont bons.
01:28 La France est à 15% au-dessous de la moyenne européenne dans la confiance dans les institutions européennes.
01:38 Et si vous regardez la question suivante, qui est la confiance dans le gouvernement,
01:44 la réponse des Français c'est 13%.
01:49 Les Français sont à 15% de la moyenne dans leur confiance dans les institutions européennes.
01:55 Ils sont à 15% de la moyenne dans leur confiance en gouvernement.
02:00 Et ils ont presque trois fois plus confiance dans les institutions européennes que dans leur gouvernement.
02:05 Donc tout ça, ça dit quoi ?
02:07 Ça dit que les Français sont de très mauvaise humeur, au cas où on ne leur est pas encore compris.
02:13 Vous y voyez une raison particulière au fil du temps ?
02:19 Est-ce que ça nous prépare un Frexit ? Parce que les Anglais n'étaient pas loin d'être ça.
02:25 Non, grâce aux Anglais, il n'y a plus d'exit nulle part.
02:31 Même dans des pays où l'opinion est plus eurosceptique que l'opinion française,
02:37 qui demeure pour le coup quand il s'agit de savoir si l'Union Européenne est un processus qu'ils souhaitent,
02:45 qu'ils veulent continuer, les Français sont dans la moyenne de ce point de vue.
02:50 Simplement, ils ont un problème avec les autorités publiques, les institutions.
02:55 La démocratie française est malade. Elle n'est pas la seule dans le monde,
02:59 mais elle est en tout cas en Europe plus malade que les autres.
03:03 Alors justement, la poussée des partis nationalistes et souverainistes,
03:08 si leur score se confirme au cours de cette élection, peut-elle empêcher la machine européenne de fonctionner ?
03:14 Je ne crois pas. Mais en tout cas, c'est le résultat des analyses et des études qu'on a faits
03:21 dans les trois instituts Jacques Delors que nous avions, c'était Paris, Bernard, Bruxelles.
03:26 Nos prévisions, qui correspondent au sondage actuel, sont qu'il y aura effectivement une poussée à droite,
03:38 que cette poussée profitera essentiellement des groupes politiques,
03:45 ce sont les plus extrêmes à droite, au cas où l'Union Européenne, ECR est idéale,
03:51 mais que cette poussée sera suffisamment contenue pour ne pas remettre en cause l'essentiel
04:01 dans ce régime politique européen qui est un régime parlementaire.
04:07 L'origine européenne est un régime parlementaire.
04:10 Vous avez deux chambres, la Chambre des Etats et le Sénat,
04:14 et la chambre qui s'appelle le Conseil des Miliers, en réalité c'est un Sénat,
04:18 même si les diplomates n'aiment pas beaucoup que je dise ça,
04:22 et de l'autre côté, la Chambre des Peuples.
04:25 Ce qui compte dans la partie politique de la Guerre de l'Agence Européenne,
04:32 c'est d'avoir une majorité.
04:36 Il faut que la Commission Européenne ait une majorité parlementaire
04:41 pour faire passer ses initiatives, ses textes,
04:44 et cette majorité a très longtemps été constituée d'un duopole
04:49 entre les chrétiens démocrates et les sociaux démocrates.
04:52 Depuis les dernières élections, ce duopole est terminé.
04:56 Il faut l'appui des centristes pour avoir une majorité de la Commission.
05:01 Nos calculs, nos analyses sont que cette majorité devrait persister,
05:08 la majorité, disons, pro-européenne, par rapport à 20% d'extrême d'un côté
05:15 et 20% d'extrême de l'autre, cette majorité d'à peu près 60%
05:20 devrait persister, même si dans certains cas,
05:25 l'augmentation de l'extrême droite fera peser,
05:31 pèsera sur une partie des attitudes des chrétiens démocrates
05:36 dans les partis européens.
05:39 On met les mêmes étiquettes aux chrétiens démocrates au nord, au sud, à l'est, à l'ouest,
05:44 même chose pour les sociaux démocrates.
05:46 Quand on regarde de près, les spectres de positions politiques
05:50 sont quand même un peu plus éternels que le flanc national.
05:53 Donc il n'est pas impossible que, dans certains cas,
05:56 une partie du Parti Populaire Européen soit assez sensible
06:01 à des appels du pied de l'extrême droite.
06:04 Cela devrait, selon nos prévisions, rester relativement exceptionnel.
06:09 Cette campagne européenne qui s'achève,
06:14 était-elle une campagne avec des thèmes européens
06:18 ou la simple répétition de la prochaine présidentielle 2027 ?
06:23 Or, les élections européennes sont toujours des élections pour parti national.
06:32 Ce sont des élections hybrides.
06:35 Deux, dans le cas français, c'est un scrutin à la proportionnelle.
06:43 Il se déroule à peu près à mi-mandat.
06:47 Donc c'est l'occasion arrivée pour coller une claque au président de la République.
06:53 Et donc, quand vous regardez les élections européennes dans les 27 États membres,
06:59 il y a partout ce mix entre national et européen.
07:04 Mais il y a quelques pays, la Bulgarie, les Pays-Bas, la France,
07:12 compte tenu du cycle politique, ça donne une porte très ouverte aux oppositions.
07:20 Et donc, là encore, les circonstances françaises le sont un peu particulières.
07:27 C'est pas que la campagne n'est pas éthique du tout sur les élections européennes,
07:32 mais quand on lit ce qu'écrivent vos collègues,
07:36 ce qu'ils disent à la télé ou à la radio,
07:39 reconnaissons que c'est quand même la partie nationale qui les intéresse le plus.
07:43 C'est ça qui a le plus l'excitant, finalement.
07:46 Et ça, ça dit quelque chose qu'on a constaté depuis longtemps,
07:50 même si c'est moins vrai qu'il n'y a pas 30 ou 40 ans.
07:53 C'est que, disons, la colle nationale d'un espace politique
07:59 est encore beaucoup plus solide, beaucoup plus constituée,
08:03 qu'au niveau européen, il y a eu de gros progrès.
08:07 Si je mesure ce qui a été écrit et dit sur les élections européennes
08:13 dans un pays comme la France aujourd'hui,
08:15 et que je compare à ce qui a été écrit et dit il y a 20 ans,
08:19 c'est 4 ou 5 fois plus.
08:21 Petit à petit, l'espace politique européen se constitue.
08:26 En général d'ailleurs, et on l'a vu récemment,
08:29 plus à l'occasion de crises extérieures que d'une énergie intérieure.
08:33 Mais c'est très lent et il faut bien reconnaître
08:36 que, aujourd'hui, l'espace politique le plus pertinent,
08:40 en France, est mort l'espace national.
08:43 C'est un peu moins vrai dans les pays fédéraux comme l'Allemagne.
08:47 C'est un peu moins vrai dans les pays centralisés comme l'Espagne.
08:51 Mais en France, ça reste vrai.
08:53 Alors justement, Jordan Bardella a été annoncé avec un score supérieur à 30%,
08:57 même jusqu'à 32% dans des récents sondages.
09:00 Et la candidate Van Eyrie et Ayé, qui représentent le camp macroniste,
09:04 recueillent deux fois moins d'intentions de vote dans ces mêmes sondages.
09:08 Et les attaques sur la russophilie du RN n'ont pas porté.
09:13 Ça, c'était pourtant un point assez intéressant, en tout cas assez dramatique,
09:18 qui aurait pu intéresser les médias et les électeurs.
09:23 Comment vous analysez que ça n'ait pas porté ?
09:26 C'est assez curieux, effectivement, parce que ça avait porté pendant l'élection présidentielle,
09:36 sous l'égide du débat sous ma copine Madame Le Pen,
09:42 il y a un coup avait parté.
09:45 Depuis, c'est grandement passé quelque chose d'absolument inrassemblable,
09:49 qui est que la Russie a enrayé l'Ukraine, qui est considérée comme un pays européen.
09:55 Et pourtant, le format social continue à monter.
10:01 Ça veut dire quoi ?
10:03 C'est assez simple. Ils ont été extrêmement habiles.
10:07 Ils ont effacé ces tâches.
10:11 Et d'ailleurs, ils l'ont effacé en ramassant ce période d'arrestation,
10:17 enfin, ils l'ont encore ici, je ne sais pas.
10:20 Quand ils ont arrêté le gouvernement, ils ont remboursé.
10:24 Ils ont remboursé pourquoi ? Parce qu'ils ont beaucoup d'argent, parce qu'ils ont 89 députés.
10:28 Et donc, voilà pourquoi votre fille est mère, en quelque sorte.
10:33 Il y a de l'argent maintenant, parce que le textuel financier et politique est parti en France.
10:39 Ils ont pu renoncer, et donc, la tâche a été enlevée.
10:45 Alors, Marine Le Pen a fait des appels à Giorgia Meloni
10:50 pour former un seul grand groupe au Parlement européen de nationalistes et de souverainistes.
10:55 La chef du gouvernement italien a-t-elle intérêt à cette démarche de son côté ?
11:02 C'est à elle qu'il faut poser la question, mais de mon point de vue,
11:08 je reviens à l'échancelle qui est que le gouvernement européen est parlementaire.
11:18 Donc, ce qui compte, c'est d'être dans ce qui décide.
11:24 Ce qui décide, c'est la majorité.
11:27 Et Mme Meloni a l'intention d'être dans ce qui décide.
11:32 Toute son attitude depuis qu'elle a été élue, le vote,
11:37 elle a connu qu'elle fait une performance européenne,
11:43 et même une qualité surprenante par rapport à ses origines.
11:49 Et donc, je ne pense plus qu'elle, que Mme Meloni, va essayer de se rapprocher du Parti populaire européen,
11:56 quitte à faire témouter l'accord sur l'automne,
12:00 et qu'elle aura tendance à garder à distance Mme Le Pen,
12:05 qui, au plan européen, ne sait pas encore de la Chine comme elle sait bien de la Chine au niveau national.
12:14 Quand vous regardez les votes des membres du Front National au Parlement européen,
12:20 ils sont sur des positions beaucoup plus à droite que la pression que donnent Mme Le Pen et M. Bardella.
12:27 Et donc, ils ont en quelque sorte assez bien divisé leur combat.
12:32 Ils restent très très à droite, et même très très à l'extrême droite au Parlement européen,
12:38 beaucoup moins, en tout cas, dans les améliorations au niveau national.
12:41 C'est les clés qui leur permettent de faire ça, et ça c'est la démocratie qui l'a dit.
12:47 Et donc, pour ces raisons, je pense que Mme Meloni aura plutôt tendance à regarder du côté des chrétiens démocrates
12:55 qu'à regarder du côté de Mme Le Pen.
12:58 Et d'ailleurs, quand on regarde comment Mme von der Leyen a, si je puis dire, géré Mme Meloni,
13:08 depuis qu'elle est au pouvoir, ça sent plutôt une forme de collaboration qu'une forme de distance.
13:17 Alors, le Green Deal a été décrié comme générant trop de normes, trop de contraintes pour les paysans, les PME.
13:25 Mais est-ce que les institutions européennes peuvent vraiment revenir en arrière ?
13:30 D'abord, le Green Deal, enfin le pacte vert, c'est-à-dire cet itinéraire de décarbonation de l'UE ambitieux,
13:40 plus que dans d'autres pays, et il est effectivement soumis à la critique que si on fait ça tout seul, ça n'a aucun sens,
13:49 parce qu'après tout, on est déjà avec 7% du CO2 qu'on envoie dans l'atmosphère,
13:56 est un axe de transformation de l'économie européenne qui, je crois, ne changera pas.
14:07 Et l'essentiel des décisions a d'ailleurs été pris pendant la dernière législative.
14:13 Tout ce qui est de l'ordre des décisions politiques, l'objectif 0,50, le "fit for 55", les échecs en 2030, tout ça s'est calé.
14:23 Et donc maintenant, on est plutôt dans une phase de mise en œuvre.
14:26 Je ne dis pas que les élections ne vont pas éventuellement changer le rythme de mise en œuvre, on ne trouvera rien à revenir,
14:33 mais disons, ça s'est calé.
14:36 Alors, ça se traduit effectivement par un certain nombre de normes,
14:40 mais les normes, elles sont soit européennes, soit nationales, soit les deux.
14:47 Après tout, une norme européenne, ça ne veut peut-être dire que 27 normes nationales.
14:54 Et ceci serait vrai si les États membres, dans un certain nombre de cas, n'en rajoutaient pas sur les normes européennes.
15:03 Et si vous regardez le cas de l'agriculture, par exemple, puisque c'est là que, disons,
15:08 cette protestation contre une dégradation qui devienne trop pesante pour certains agriculteurs,
15:15 il faudra bien quand même que l'agriculture rentre à un moment dans le pacte vert.
15:19 Elle en est pour l'instant assez éloignée, mais enfin, les sources de débats te le feront.
15:23 Quand on regarde contre quoi protestent les agriculteurs français, dans bien des cas,
15:29 ils protestent contre des normes qui sont à 130% du niveau européen, qui est à 100%.
15:36 Parce que dans beaucoup de cas, ces normes laissent un pouvoir de transposition aux États membres,
15:42 et que la conception qu'ils ont de la précaution, ils pensent, dans un certain nombre de cas,
15:46 que Bruxelles ne fait pas assez de précautions.
15:49 Et donc, il ne faut pas mettre sur le dos de Bruxelles la partie de normalisation,
15:54 enfin disons, de contraintes réglementaires excessives, qui est rajoutée par les gouvernements,
15:58 qui, évidemment, dans ces cas-là, disent "ben, c'est une norme européenne".
16:03 Mais vous qui avez été commissaire, qui connaissez la machine de l'intérieur,
16:07 est-ce que la promesse, par exemple, d'un candidat comme François-Xavier Bélan,
16:10 de retirer deux normes lorsqu'on en crée une, est crédible au niveau européen ?
16:16 Mais disons, elle est crédible, si elle est crédible au niveau national.
16:20 Ah ben, d'accord.
16:21 Et ce que Chilcotin peut faire, c'est de faire moins de normes dès lors qu'elles sont européennes,
16:28 par rapport à des normes nationales qui, lorsqu'elles ne sont pas les mêmes,
16:32 posent des problèmes, par exemple, aux agriculteurs. C'est vrai.
16:35 Je vais vous raconter une anecdote.
16:39 Quand j'étais directeur de cabinet de l'Or, un jour, il est rentré dans mon bureau, pur accident de balle.
16:44 C'était François, à l'époque.
16:46 J'ai dit "Bonsoir" sur mon bureau.
16:48 "Qu'est-ce que t'en as à foutre à réglementer le fromage au lait cru ?"
16:54 Il claque la porte, pas content.
16:57 Il a fallu que je le trouve un peu, parce que là, c'était occupé de réglementer le fromage au lait cru.
17:02 Et au bout de 10 jours d'enquête, j'ai réalisé que c'était les producteurs français,
17:07 les fromages au lait cru, qui n'arrivaient pas à vendre leur fromage au lait cru ailleurs en Europe,
17:12 parce que le lait crud était considéré par les autorités sanitaires comme pas bon.
17:16 Et donc, ils ont demandé une norme européenne pour le fromage au lait cru.
17:21 Ils l'ont eue, et ils ont été très contents d'avoir une norme européenne,
17:24 parce que du coup, ils ont vendu leur fromage au lait cru partout.
17:26 Et donc, de temps en temps, la norme, elle a du bon.
17:30 Il faut le voir. Pour l'occurrence, j'étais content.
17:33 Alors, il y a un cas précis qui intéresse beaucoup de monde.
17:36 Je vous pose la question. Est-ce qu'on peut, par exemple,
17:38 abandonner la fin de la commercialisation des véhicules thermiques neufs en 2035,
17:43 comme c'est actuellement prévu ?
17:47 Alors, la décision politique a été prise d'éliminer les véhicules thermiques en 2035.
17:55 C'est un des sujets de la campagne européenne.
17:58 Oui, un des sujets.
18:00 Il y en a quelques-uns, 100 d'Etats, incompréhensiblement.
18:04 Et donc, si à l'occasion des élections européennes,
18:08 on ne s'aperçoit qu'une partie importante de la population représentée au Parlement européen,
18:16 il n'y aura pas la majorité au Parlement européen pour aller jusqu'au bout dans ce domaine.
18:21 Il faudra peut-être donner une flexibilité pour certains cylindriers.
18:26 Et puis, si c'est 5 ans de plus ou 5 ans de moins, ça ne fait pas forcément la différence.
18:32 Voilà un cas. Je crois que je peux répondre à votre question.
18:36 Si les élections européennes montrent qu'une majorité de la population n'est pas d'accord avec ça, ça changera.
18:44 Est-ce que ça veut dire que c'est le pacte vert qui est à repos ? Je ne crois pas.
18:51 Je crois que ça correspond vraiment, et les études de la Cité de Jacques Delors à Berlin l'ont montré,
18:56 ça correspond vraiment à une préférence européenne.
18:59 Et d'ailleurs, on a eu l'expérience de 2019, plus il y a de jeunes qui votent, plus le pacte vert est soutenu.
19:08 Et qu'on va voir cette fois-ci si c'est le cas, il est probable que les écolos vont perdre des sièges, et même pas mal,
19:17 parce que cette idée de l'écologie punitive, à pénétrer les esprits, de temps en temps, ce qui a été fait peut donner prise à ça.
19:31 Mais si vous voulez, je pense, pour me résumer, la population européenne,
19:36 et je continue à circuler sur cette planète, au nord-est, sud-est, à l'est, à l'ouest,
19:40 le drapeau européen dans le monde, il n'est pas bleu avec des étoiles jaunes, il est vert.
19:45 On sait que l'Europe a une préférence pour accélérer la transformation écologique.
19:49 Ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas des ajustements de ci de là.
19:52 Et les majorités au Parlement européen, vous décideront, si vous êtes pour la fin des moteurs techniques en 35,
20:01 il y a des parties pour lesquelles il faut voter, et d'autres pour lesquelles il ne faut pas voter.
20:04 Mais justement, quand on a décidé de cet arrêt, on a aussi décidé d'une clause de revoyure en 2026,
20:12 pour voir, examiner si ça vaut le coup de...
20:15 On n'en a jamais entendu parler pendant cette campagne, de cette clause de revoyure, qui pourtant existe.
20:20 Donc il y a un rendez-vous prévu, institutionnel.
20:23 Je crois que ma réponse montre qu'il y a des souplesses politiques,
20:29 si la majorité des citoyens européens représentés au Parlement européen le considère.
20:36 On est dans une démocratie. Cette idée que les clowns tombent de Bruxelles,
20:42 ou la cuisse de je ne sais pourquoi le Jupiter aura plein, ça n'a aucun sens.
20:47 Les candidats eurosceptiques attaquent souvent la Commission européenne,
20:50 qui est soupçonnée de vouloir accaparer toujours plus de pouvoir par rapport aux Etats-nations.
20:55 C'est la hantise d'un super-État européen, que m'a mis très bien Marine Le Pen.
20:59 La Commission a autant de pouvoir que les eurosceptiques lui en prêtent.
21:05 D'une manière générale, la Commission a le pouvoir de proposition,
21:12 donc elle a le pouvoir d'initiative, et elle a le pouvoir de mettre en œuvre ce qui est décidé
21:20 par les deux chambres, le Sénat qui est le Conseil des ministres, qui est demeuré la chambre haute,
21:27 et le Parlement européen, qui est le Parlement des peuples, qui pour l'instant est demeuré la chambre basse.
21:33 Dans tous nos systèmes politiques parlementaires depuis le Moyen-Âge,
21:37 la chambre basse a fini par prendre les pas sur la chambre haute.
21:40 On n'en est pas encore là, ce qui d'ailleurs dit quelque chose historiquement de l'évolution de l'Union européenne.
21:46 On n'en est pas encore au moment où la chambre basse va devenir plus importante que la chambre haute.
21:51 Donc la Commission ne décide pas, c'est le système parlementaire européen,
21:58 états membres et parlements européens qui décident, sauf dans certains domaines
22:03 où elle a des pouvoirs propres, comme en matière de concurrence par exemple.
22:06 Donc la Commission propose, le Parlement et le Conseil des ministres, c'est-à-dire les états membres, décident,
22:13 et après la Commission applique.
22:15 Est-ce que ça a du sens de donner le pouvoir d'initiative au Parlement comme il le revendique ?
22:21 Alors ça c'est une affaire constitutionnelle très compliquée.
22:25 La raison pour laquelle les pères fondateurs ont donné seulement à la Commission européenne le pouvoir d'initiative,
22:34 qui se traduit par le fait que vous ne pouvez modifier une proposition de la Commission qu'avec une majorité substantielle,
22:43 tient au fait que le rôle de la Commission c'est de représenter l'intérêt européen.
22:50 Si les états membres ou les partis politiques se voient donner le pouvoir d'initiative,
22:57 ils vont exercer cette initiative au nom d'un intérêt national ou au nom d'un intérêt politique particulier au Parlement européen.
23:06 Il faudra donc, si c'est le cas, laver ces initiatives de ce qu'elles comportent de proprio motu
23:18 pour mes électeurs, pour ma constituency, pour en faire des propositions qui correspondent à l'intérêt général européen.
23:27 Et donc le fait que la Commission est aujourd'hui une ménopole initiative,
23:32 ça veut dire qu'on lui fait confiance pour représenter l'intérêt général européen,
23:36 et je crois que c'est vraiment l'esprit des institutions.
23:39 Alors il y a une question qui est beaucoup revenue chez nos abonnés et nos électeurs,
23:45 c'est celle de la guerre. C'est-à-dire qu'aujourd'hui on vote au bruit des canons, si je puis dire.
23:50 La guerre est à nos frontières, elle est en Europe.
23:54 Comment vous voyez ce qui va se passer dans les semaines et les mois qui viennent ?
24:01 La position de l'Europe, est-ce qu'elle va continuer à être unie ? Elle l'est déjà plus ou moins.
24:08 Est-ce que ça risque de percuter violemment la cohérence de l'ensemble ?
24:13 Comment vous voyez cet impact de la guerre ?
24:16 Sachant que Poutine a une offensive très claire contre les démocraties libérales,
24:21 contre l'Europe, d'ingérence, de déstabilisation, plus la guerre.
24:25 Est-ce que ce danger est suffisamment pris en compte ?
24:28 C'est évidemment la question principale.
24:34 Et je suis d'accord, et je l'ai dit assez vite, après la voyoue de l'Ukraine par la Russie,
24:41 qui considère que l'épreuve ukrainienne est une épreuve existentielle pour l'Europe.
24:48 Pourquoi ? Tout simplement parce que le fond de la connotation libérataire, c'est que Guillaume fait la force.
24:59 Si nous devions subir une défaite en Ukraine, ce serait la démonstration que Guillaume ne fait pas la force.
25:09 Et d'aucuns, on saisit en l'air de ça, pour dire que ce qu'il faut peigner pour être unis, ne donne pas le résultat escompté.
25:20 Donc je pense vraiment que c'est une affaire, pas seulement dramatique pour les Ukrainiens,
25:28 parce que c'est quand même eux qui se sont retrouvés à peau pour l'instant, et pas nous.
25:32 Et donc quand on dit "l'épreuve existentielle pour l'Europe", il ne faut pas trop intellectualiser non plus.
25:38 La vérité, c'est que l'horreur de cette guerre, elle est sur le terrain, entre les armes qui se battent.
25:44 Je crois que c'est vraiment l'essentiel, les années qui viennent, il faut tenir davantage que les Russes.
25:57 C'est une courte ou une longue terme. C'est à mon avis une affaire largement économique.
26:04 Poutine est en train d'épuiser l'économie de son pays, en lui faisant réparer les chars et fabriquer des bombes.
26:15 Ça ne durera pas cinq ans.
26:18 Malgré le soutien des Chinois ?
26:20 Ils ont tenu pour un certain nombre de raisons, leurs taux d'intérêt sont actuellement à 16%,
26:27 et ils vont devoir continuer à monter pour protéger un peu la valeur du rouble.
26:34 De mon point de vue, c'est une affaire de guerre économique d'abord, et évidemment militaire sur le terrain,
26:42 parce que c'est très bien que les Ukrainiens ne tiendraient pas sans les fournitures d'armes occidentales.
26:47 Quand on regarde l'état des opinions, et d'ailleurs l'Institut Jacques Delors de Paris va publier prochainement
26:54 une étude sur l'évolution des opinions européennes sur l'Ukraine, c'est stable.
27:00 C'est un petit peu moins que l'année que ça ne l'était en avril 2022, mais depuis ça a baissé un petit peu,
27:09 mais depuis c'est stable.
27:11 Et donc, de ce point de vue là, les populations européennes sont derrière un appui croissant de l'Europe à l'Ukraine.
27:22 Il va falloir simplement l'organiser mieux, le payer, parce que d'abord il faut acheter des armes chez nous quand on en produit,
27:33 et ensuite comme on n'en produit pas beaucoup, il faut les acheter à l'heure.
27:36 Donc c'est la grosse affaire, j'espère que ça tiendra, j'espère qu'on va s'organiser comme on le fait avec des paquets de sanctions économiques
27:48 pour essayer d'affaiblir autant que possible.
27:50 Mais on a l'impression que ça ne marche pas les sanctions.
27:52 C'est pas que ça ne marche pas, c'est qu'il y a des fuites dans le système, parce que l'Iran, la Corée du Nord et la Chine,
28:00 l'Iran et la Corée du Nord directement, la Chine, d'Ito, de manière un peu plus indirecte,
28:07 enfin les Chinois sont aussi sous surveillance assez étroite, mais les Américains et les Européens.
28:11 Donc ça prendra du temps, évidemment, la grande question, en plus de la position européenne,
28:20 dont je considère qu'elle est stablement en appui de la défense des Ukrainiens,
28:26 la grande question c'est ce qui va décéder aux Etats-Unis en novembre prochain,
28:31 et là évidemment les scénarios sont très différents, parce que si les Américains devaient lâcher les Ukrainiens vite,
28:40 on aurait un sérieux problème.
28:43 Si les Américains devaient lâcher les Ukrainiens lentement,
28:47 alors on peut retomber dans un schéma dans lequel les Européens, si ils ont le temps, prendront leur place.
28:57 Ça fait beaucoup de scie quand même pour...
28:59 Oui, ça fait beaucoup de scie, mais dans les choses essentielles, il y a souvent beaucoup de scie.
29:07 Absolument.
29:08 Ursula von der Leyen a-t-elle selon vous des chances d'être de nouveau présidente de la Commission pour 5 ans,
29:15 et quels obstacles doit-elle franchir au lendemain de cette élection ?
29:20 Alors ça va dépendre des élections.
29:23 Le CTE, son parti, va arriver en tête.
29:26 Oui, son parti va arriver en tête, mais revenons à l'époque que nous avons évoquée précédemment,
29:34 elle a besoin d'une coalition parlementaire pour être énue.
29:40 Elle a besoin d'une majorité au Parlement.
29:44 Cette majorité devrait être constituée du parti PPR/PR, des social-démocrates et des centristes.
29:53 La dernière fois, elle avait une majorité de 70 sièges.
29:58 Elle a été élue qu'à 9 sièges de majorité pour une raison assez circonstancielle,
30:04 qui était qu'elle n'était pas le candidat du PPE à l'époque,
30:06 et qu'un certain nombre de membres du Parti PPP n'ont pas voulu voter pour elle,
30:11 parce que ça rompait le serment que M. Weber, qui était à l'époque le candidat du PPP,
30:18 deviendrait président de la Commission.
30:20 Cette majorité va être réduite à mon avis d'une vingtaine ou de trentaine de sièges.
30:27 On sait dans un régime parlementaire que les majorités faibles sont parfois plus solides que les majorités larges.
30:36 Donc, je pense qu'elle a des chances raisonnables d'avoir cette majorité.
30:42 Elle a éventuellement un plan B qui consiste, et on a évoqué cette question tout à l'heure,
30:49 à aller chercher des voix chez Mme Mélanie, c'est-à-dire à droite du Parlement européen,
30:56 simplement, il y a un risque dans ce scénario, c'est qu'elle va le perdre de notre côté,
31:04 et notamment chez les sociodémocrates et chez les réunions,
31:07 qui eux sont restées sur l'idée qu'il ne fallait quand même pas transiger avec le diable de CR,
31:14 même si Mme Mélanie est une face plutôt adorante de ce diable, en tout cas pour ce qu'on peut parfois voir.
31:21 Donc, elle va avoir un jeu parlementaire à jouer, soit elle joue la majorité actuelle,
31:29 soit elle essaie de la diversifier, là ça devient plurale et dérapage possible.
31:37 Et donc, en gros, elle a quand même, à mon avis, un peu plus 60 chances sur 100
31:41 de devenir présidente de la Commission européenne,
31:44 ne serait-ce que parce que pour l'instant, il n'y a pas d'alternative qui se soit présentée sur la scène politique.
31:52 On est rarement réunis sur la scène politique, sauf aux régimes présidentielles,
31:58 quand on n'a pas fait partie du casting depuis un certain temps.
32:02 Alors, une dernière question de nos abonnés,
32:04 cette défaite annoncée par les sondages de la majorité présidentielle,
32:08 est-ce qu'elle peut avoir un impact sur l'influence de la France en Europe ?
32:13 Oui et non.
32:16 Non, parce que nous avons, nous, un régime présidentiel,
32:22 en tout cas, beaucoup plus présidentiel que parlementaire,
32:25 je le fais particulièrement, qui considère que c'est hélas,
32:29 mais on reconnaît que ça se discute,
32:32 et donc non, parce que le président de la République française,
32:35 qui représente l'administration de la France au marché européen,
32:39 sera là jusqu'en 2017.
32:42 Donc, c'est lui qui parle pour la France,
32:45 et donc, la position restera celle que Emmanuel Macron a prise,
32:51 de manière assez constante, d'ailleurs, sur les questions européennes,
32:54 on peut lui reprocher un certain nombre de choses,
32:57 mais pour le moment pas, d'avoir manqué de constance sur les affaires européennes,
33:02 et on doit le créditer, d'avoir changé une habitude française,
33:08 qui consistait à mettre sur le dos Bruxelles, ce qui n'allait pas,
33:12 et c'est un jeu politique qui a été pratiqué pendant très longtemps,
33:16 et qui n'a pas pratiqué.
33:18 Sans aller tracer des noms aux jeux partout,
33:21 il faut reconnaître que l'attitude européenne,
33:24 c'est pas juste des paroles, c'est aussi des comportements,
33:27 et ce comportement là, je crois, est assez différent de ce qui est passé avant.
33:31 C'est le plus européen de nos présidents, pour vous ?
33:35 De la cinquième.
33:38 Attendons 2027, mais disons, jusqu'à présent,
33:41 c'est celui qui est arrivé au pouvoir avec un positionnement européen,
33:49 construit, réfléchi, convaincu.
33:53 Il y avait, comme chacun sait, un intellectuel et un technocrate brillant,
33:59 peut-être pas tout à fait les qualités politiques qu'on pouvait attendre à ce niveau,
34:04 mais disons, si c'est sa conception de l'Europe qui est en cause,
34:09 il est indéniablement beaucoup plus articulé que la plupart de ses prédécesseurs.
34:14 Reste à savoir s'il y aurait ou non gagné un référendum sur l'Europe,
34:18 certains l'ont gagné, d'autres l'ont perdu.
34:20 Je nuance, cependant, à ma République,
34:23 oui parce que, à cause de mon entraînement dans ma République,
34:26 parce que un président affaibli, chez lui,
34:29 ça pèse un peu moins qu'un président en pouvoir chez lui, un peu.
34:33 C'est le cas du chancelier Schatz ou du premier ministre espagnol.
34:38 Donc, les États, au Conseil européen et au Sénat,
34:44 pèsent leur poids démographique et économique,
34:48 et d'ailleurs le nombre de voix dont ils disposent et fonctionnent de leur taille,
34:52 évidemment, quelqu'un qui a beaucoup d'appui chez lui
34:58 est plus égouté que quelqu'un qui est en amont.
35:02 Emmanuel, une dernière question ?
35:04 Non, c'est bon pour moi.
35:06 Merci beaucoup, cher Pascal Hamid, merci beaucoup.
35:09 J'ai été ravie de vous accueillir.
35:11 Merci à tous nos lecteurs abonnés qui ont contribué,
35:14 par leurs questions, à ce rendez-vous.
35:17 Et à très bientôt, merci.
35:19 [Musique]