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Transcription
00:00 -Cher Franck-Walter Steinmeier,
00:03 merci pour vos mots,
00:04 leur profondeur et leur sincérité.
00:10 Et merci ici de les avoir dits en français.
00:14 Vous l'avez aussi exprimé.
00:20 Dans le silence d'Auradour,
00:24 toute parole semble inutile,
00:28 parce que la mémoire est visible
00:30 et que le lieu est discours.
00:33 Et ce village couleur de suie et de cendres,
00:39 ces maisons aux embrasures dévorées
00:41 comme sans paupières,
00:44 tout porte le rappel des flammes,
00:48 des détonations,
00:50 des hurlements,
00:52 de l'horreur brute.
00:54 Derrière la vision de cauchemar,
00:58 on peut encore deviner
01:00 le village français de jadis,
01:03 celui que vous avez demandé d'imaginer aux enfants,
01:10 avec son mère, son instituteur, son coiffeur,
01:16 son charron et ses commerçants,
01:18 son fourmillement quotidien,
01:20 l'odeur du pain frais, de la boulangerie
01:22 et les enfants qui jouaient
01:25 et les cloches qui marquaient le temps.
01:28 Mais les cloches se sont tues
01:30 et le temps s'est arrêté pour jamais
01:34 à 14h, un 10 juin.
01:37 Il y a 80 ans,
01:40 jour pour jour,
01:43 l'heure où un détachement de la division d'Azraïch
01:47 a encerclé soudainement le village,
01:49 cette même unité SS qui, la veille,
01:52 avait pendu 99 hommes
01:56 au balcon de Tulle
01:58 avant de déporter 149 autres.
02:00 Elle forme un étau qui se resserre méthodiquement
02:05 depuis la lisière du village.
02:06 Rabats hommes, femmes, enfants et vieillards
02:09 sur la place du champ de foire.
02:12 Ceux qui ne peuvent pas marcher sont abattus.
02:15 Les hommes sont séparés des femmes et des enfants,
02:20 poussés dans des granges
02:22 dans lesquelles les SS installent des mitrailleuses.
02:25 Pour les fusiller.
02:27 Les femmes et les enfants sont regroupés dans l'église.
02:32 Bientôt, mitraillées, dynamités, incendiées.
02:39 Le sacré bafoué doublement,
02:43 outrageant la foi de ceux qui croient en Dieu
02:46 comme la foi de ceux qui croient en l'homme.
02:49 Les corps éliminés par le feu, jetés dans des charniers
02:53 pour rendre leur identification impossible,
02:56 pour prolonger la terreur par l'interdiction du deuil.
03:00 643 suppliciés,
03:05 dont 207 enfants
03:08 et 246 femmes.
03:10 Non pas simplement victimes, mais bien martyrs,
03:16 parce qu'ils ont été pris pour boucs émissaires de la liberté.
03:20 Martyrs.
03:23 Parce qu'Oradour avait accueilli par centaines les exilés,
03:27 les réfugiés et les révoltés,
03:29 républicains espagnols chassés par le franquisme,
03:33 évacués alsaciens, expulsés mausolens,
03:37 réfugiés du Nord et du Pas-de-Calais,
03:39 de Montpellier et d'Avignon,
03:42 juifs de la région parisienne,
03:44 de Morte-et-Moselle ou de Bayonne ou de l'étranger,
03:48 fuyant les persécutions.
03:51 Oradour était devenue une petite France,
03:56 avec ses racines et ses ramures,
04:00 son ancrage et sa vocation à l'universalité.
04:05 Les massacres d'Oradour
04:12 sont de l'ordre de l'impensable,
04:16 l'indicible, l'imprescriptible.
04:21 Et les vers du poète Jean Tardieu raisonnent.
04:24 "Oradour n'est plus qu'un cri,
04:28 "non de la haine des hommes,
04:31 "non de la honte des hommes."
04:34 Il a fallu 10, 20, 50, 80 ans
04:40 pour qu'Oradour, non de la honte,
04:43 devienne aussi, non de la mémoire
04:47 et non de la haine.
04:50 Et non de la réconciliation.
04:53 Que ce nom de la haine des hommes,
04:58 non de leur deuil, soit à nouveau prononcé
05:00 avec des accents de paix.
05:02 Et c'est bien avec ces accents
05:04 que nous prononçons aujourd'hui ce nom d'Oradour.
05:09 Et votre présence aujourd'hui à nos côtés,
05:13 M. le Président,
05:15 votre présence fraternelle,
05:18 nous parle de ce dialogue que nous avons renoué
05:20 par-dessus les tempêtes,
05:22 que nous ne cessons de faire vivre
05:24 et que nous avons encore approfondi
05:27 il y a 2 semaines ensemble en Allemagne.
05:30 Nos 2 peuples
05:34 regardent en face d'Oradour, main dans la main,
05:37 côte à côte,
05:39 comme son côte à côte aujourd'hui,
05:42 la petite fille allemande d'Adolf Heinrich,
05:45 l'un des Waffen-SS
05:47 qui a participé au massacre,
05:49 et la petite fille française
05:53 du dernier témoin,
05:55 celui à qui nous pensons tant aujourd'hui,
05:59 Robert Ebrard.
06:01 Elles n'ont pas peur.
06:05 Elles n'ont pas peur aujourd'hui de regarder l'histoire en face.
06:10 Elles n'ont pas peur.
06:13 Pas peur de se connaître, de s'estimer,
06:17 de dialoguer, de témoigner,
06:19 de raconter ensemble inlassablement.
06:22 Et ce sont elles, aujourd'hui,
06:26 qui nous tendent ce flambeau de la mémoire qu'elles ont repris.
06:31 Et à leur suite,
06:34 nous n'aurons pas peur d'aller de l'avant
06:38 et de construire.
06:40 Vous en avez parlé plus tôt ce matin, je le sais.
06:47 Il y a dans ce village
06:49 des murs qui ont tenu,
06:51 quelques-uns qui ont survécu,
06:53 et ce chêne de 1848
06:57 qui jamais ne s'est abattu.
07:00 Mais au-delà
07:06 de cette vie qui a survécu
07:08 avec l'innocence qui l'accompagne,
07:10 il y a le chemin qui n'est pas moins glorieux
07:15 et si difficultueux de la mémoire et de la réconciliation.
07:19 Il y a le chemin que Robert Hébras
07:22 et plusieurs autres à ses côtés,
07:25 que vos associations,
07:27 que vous, M. Le Maire,
07:29 et nombre de vos prédécesseurs,
07:31 et que tant d'entre vous, habitants d'aujourd'hui,
07:34 avez mené.
07:37 Celui de connaître et de ne pas oublier.
07:40 Et celui
07:45 de nous réconcilier.
07:47 Parce que dans cette réconciliation se tient l'amitié
07:50 entre l'Allemagne et la France
07:52 et se tient notre Europe.
07:55 Projet si singulier,
07:58 fou
08:00 de paix.
08:02 Le pardon est la promesse,
08:05 disait Hannah Arendt.
08:07 Mais il n'y a dans ce projet
08:09 rien d'évident, rien de spontané,
08:12 rien de naturel.
08:14 Il y a le courage
08:16 des générations qui l'ont vécu.
08:18 Et il doit y avoir le même courage
08:20 et la même détermination
08:23 de leurs petits-enfants,
08:25 comme celui que vous nous avez montré,
08:27 mesdames, à l'instant.
08:29 C'est ce chemin qu'il nous faut emprunter.
08:33 Alors oui, nous nous rappellerons d'Oradour.
08:37 Toujours.
08:40 Parce que l'histoire jamais ne recommence
08:44 qu'elle soit
08:46 choisie,
08:48 qu'elle soit parfois subie.
08:50 Et c'est dans ce souvenir,
08:55 dans les cendres d'Oradour,
08:58 que nous devons faire renaître
09:00 la force de cette réconciliation,
09:02 la sève de notre projet européen
09:04 et notre volonté,
09:10 encore bien présente.
09:12 De liberté,
09:14 d'égalité
09:16 et de fraternité.
09:19 Merci, M. le Président,
09:21 d'être à nos côtés en ce jour,
09:23 d'avoir tenu ces mots.
09:25 Et merci, mes chers compatriotes,
09:27 d'être là,
09:30 dans le silence de ce village
09:32 où nous n'oublions rien,
09:34 mais où nous voulons
09:36 fraternels,
09:38 français,
09:41 bâtir notre avenir.
09:43 Vive la République,
09:45 vive la France.
09:47 (Applaudissements)
09:49 (Applaudissements)

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