• il y a 5 mois

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00:00Atlantique Midi
00:03Avec Rachid Mbake
00:05Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans Atlantique Midi. Bienvenue sur Atlantique Radio si vous nous rejoignez. Nous allons consacrer aujourd'hui
00:12Atlantique Midi à la
00:13contrefaçon. Parce que la contrefaçon il y en a beaucoup au Maroc, il y en a beaucoup d'ailleurs dans le monde entier. C'est un phénomène
00:20qui est mondial et c'est aussi un phénomène marocain. Pour en parler je reçois Maître Zalhouni. Bonjour.
00:26Bonjour Rachid. Vous êtes avocat au Barreau de Paris, vous êtes aussi conseiller en propriété intellectuelle ici au Maroc, à Casablanca.
00:33Précisément vous travaillez notamment avec l'OMPIC. L'OMPIC c'est l'Office National de la Propriété Intellectuelle
00:39qui a décidé d'ailleurs tout récemment d'évaluer les incidences de la contrefaçon sur l'économie nationale.
00:46Donc on verra l'étude parce qu'elle n'est pas encore réalisée, elle est en cours de réalisation.
00:50Et c'est vrai que la contrefaçon, on en trouve un petit peu partout et
00:54particulièrement dans des produits qui peuvent être dangereux, dangereux pour les consommateurs.
01:02Je pense particulièrement aux médicaments, je pense aux pièces détachées pour les voitures et j'en passe.
01:09Est-ce que la contrefaçon au Maroc est un fléau ?
01:13Alors c'est complètement un fléau, vous faites bien de le rappeler et puis de rappeler également que ce n'est pas propre au Maroc.
01:20En 2021, une étude de l'OCDE
01:23évaluait la contrefaçon à 2,5% du commerce mondial, ce qui est vertigineux.
01:29C'est considérable.
01:30Au Maroc, vous avez parlé de cette étude que l'UMPIC est en train de réaliser,
01:34enfin plus précisément, je crois, le Comité National pour la Propriété Intellectuelle et Anti-Contrefaçon.
01:41Et le dernier rapport date de 2013, les chiffres étaient déjà très alarmants puisque
01:46ils évaluaient à entre 6 et 12 milliards de dirhams l'impact de la contrefaçon,
01:52ce qui représentait jusqu'à 1,3% du PIB, avec une perte fiscale de 1 milliard de dirhams.
01:5930 000 emplois détruits et ces chiffres-là de 2013, donc qui remontent déjà il y a un peu plus de dix ans,
02:05me semblent évidemment en deçà de la réalité d'aujourd'hui, mais déjà en deçà de la réalité de 2013.
02:10Puisque comment quantifier précisément la contrefaçon ?
02:13Puisque par définition, une grande majorité relève de l'informel.
02:18C'est beaucoup plus important que ça.
02:20Donc j'ai hâte, moi je suis impatient d'avoir les chiffres qu'on aura en 2024, j'espère, pour savoir à combien ça a évolué.
02:29Mais effectivement, comme vous le disiez, il y a un impact, on pense le plus souvent aux médicaments, effectivement.
02:36Mais il faut savoir que, par exemple, en 2022, les douanes marocaines qui procèdent à des saisies d'articles de contrefaçon,
02:43évidemment c'est aléatoire et ça ne représente pas toutes les contrefaçons qui entrent au Maroc,
02:47mais en 2022, ils ont quand même saisi près de 2 millions d'articles de contrefaçon,
02:52ce qui représentait un peu plus de 21 millions de dirhams.
02:55Et ce qui est intéressant de voir, c'est que les produits les plus contrefaits qui ont été saisis sont le textile,
03:00les produits cosmétiques, donc là, un danger évident pour la santé,
03:04les smartphones, que l'on pense, qu'on a tous vu dans la presse, ces batteries de smartphones qui prennent feu.
03:11Vous êtes en train de dormir, sur votre table de nuit, vous avez le smartphone qui explose,
03:14enfin vous imaginez les conséquences dramatiques.
03:17Et tout aussi dangereux, les pièces détachées automobiles.
03:21Les gens ne veulent pas toujours payer l'article de marque qui coûte plus cher,
03:24mais qui remplit toutes les conditions de sécurité,
03:28et vont se tourner donc vers des pièces détachées de contrefaçon,
03:32avec des accidents sur nos routes, des morts, potentiellement.
03:36Problème de jouets, des jouets pour les enfants.
03:39Oui, on met entre les mains d'enfants des matières dangereuses pour les enfants.
03:45Déjà la matière.
03:46Déjà la matière, et puis quand il y a de l'électrique, de l'électronique,
03:48ce qui est de plus en plus le cas des jouets,
03:51avec la même problématique que pour les smartphones, des jouets qui peuvent prendre feu.
03:54Oui, ou alors avec des pièces qui se retirent un peu trop facilement,
03:59et que les enfants peuvent ingérer et risquer d'avoir un accident, évidemment.
04:04Donc, il y a ces multiples, mais alors,
04:08ce qui est aussi assez saisissant, c'est que finalement ces produits,
04:13ils ne se vendent pas que sous le manteau,
04:15dans le sens où ils pourraient se retrouver dans un circuit dit classique,
04:20sans que celui qui les vend sache que c'est un produit contrefait.
04:24Oui, alors il y a cette problématique-là.
04:27Ou alors en le sachant.
04:29Je crois assez peu à cette théorie-là,
04:31je pense que les personnes qui revendent des produits de contrefaçon,
04:35la plupart du temps sont au courant,
04:37ne serait-ce que pour une raison très simple, c'est le prix.
04:40Oui.
04:40Tout simplement, si vous vous doutez bien qu'il n'y a pas de très bonnes affaires,
04:45ou l'affaire du siècle, c'est qu'il y a un loup, forcément.
04:47Donc c'est un article de contrefaçon.
04:49Et surtout que les contrefacteurs n'ont aucun scrupule, comme on l'a dit.
04:53Pourquoi je vous dis ça ?
04:54On se rend compte de plus en plus que la contrefaçon
04:58relève de la grande criminalité organisée.
05:01Pourquoi ? Pour une raison très simple,
05:03c'est que leur domaine de prédilection, si j'ose dire habituellement,
05:06le trafic de stupéfiants,
05:09la traite d'êtres humains,
05:11sont des crimes qui sont très sévèrement punis au Maroc,
05:15comme dans tous les autres pays.
05:17La contrefaçon, elle, en revanche, bizarrement,
05:20est assez peu sanctionnée.
05:22Selon les taxes législatives que nous avons.
05:24C'est entre 6 mois et 1 an, en fonction des droits de propriété,
05:26enfin entre 3 mois et 1 an,
05:28en fonction des droits de propriété intellectuels qui sont en cause.
05:34Ce qui est très peu.
05:35Donc c'est une industrie qui est extrêmement lucrative
05:38pour cette criminalité organisée-là.
05:40Et ils risquent finalement assez peu,
05:43en sachant qu'il y a des peines d'emprisonnement fermes qui sont prononcées,
05:46mais ce n'est quand même pas la règle.
05:48Donc voilà, on se rend compte que finalement,
05:53les gens pensent faire des bonnes affaires,
05:55d'être un peu filous, entre guillemets,
05:57et en fait non, ils participent au financement de la criminalité organisée,
06:01parfois de terrorisme, qu'on se souvienne,
06:03on sort du Maroc, mais en France,
06:05les fameux attentats du Bataclan,
06:07il faut quand même se souvenir que les terroristes avaient réussi à acheter leurs armes,
06:11en vendant des contrefaçons sur un marché,
06:13et qu'au bout de 2-3 jours,
06:15ils avaient déjà suffisamment d'argent en poche pour pouvoir réaliser leur dessin funeste et macabre.
06:21Donc on voit que ce n'est pas simplement juste la bonne affaire, la contrefaçon.
06:25La contrefaçon, potentiellement, on finance la criminalité organisée,
06:29et deuxième chose, ça peut être extrêmement dangereux pour les consommateurs,
06:33pour les enfants,
06:35les médicaments évidemment, c'est un vrai problème.
06:37Est-ce que le Maroc protège suffisamment la propriété intellectuelle
06:45pour éviter la contrefaçon,
06:47pour éviter aux industriels marocains d'être copiés ?
06:53Il faut quand même savoir qu'on a une législation qui est tout à fait adaptée, de manière générale.
07:01On est clairement sur les standards internationaux.
07:05Après, il y aurait des petites choses à revoir,
07:07comme je le mentionnais à l'instant,
07:09notamment sur les sanctions pénales de la contrefaçon.
07:11Mais sur la protection des droits, les conditions de validité d'un droit de propriété intellectuelle,
07:15sa mise en œuvre et sa protection,
07:17là nous avons des choses qui sont quand même bien cadrées,
07:21au meilleur niveau, quasiment au meilleur niveau en tout cas.
07:23Et de toute façon, je crois que le Maroc et l'OMPIC,
07:27avec son ministère de tutelle, le ministère de l'industrie,
07:30sont en train, je crois, de réfléchir à une réforme de la loi 1797 sur la propriété industrielle
07:36pour pouvoir encore augmenter, si vous voulez, la qualité de cette loi.
07:41Mais on a une loi qui est assez satisfaisante, avec laquelle on arrive à bien travailler.
07:45Le problème, ce n'est pas tellement la loi, c'est son application.
07:49Pourquoi je vous dis ça ?
07:51Vous pouvez avoir la meilleure loi du monde
07:53si vous n'avez pas les acteurs dans le système
07:59entourant un domaine particulier, celui de la propriété intellectuelle,
08:03qui ne sont pas formés.
08:05Mais alors comment ça se passe ?
08:07Est-ce qu'il faut davantage de personnel sur le terrain pour aller vérifier les produits ?
08:13Est-ce qu'il faut davantage prendre en compte les plaintes quand elles sont déposées ?
08:19Comment il faudrait agir davantage ?
08:22Alors, à mon avis, tout vient...
08:24Pour moi, c'est vraiment la pierre angulaire du système de protection de la propriété intellectuelle,
08:29c'est la formation.
08:31On a un vrai problème au Maroc de formation en droit de la propriété intellectuelle,
08:35et avec des situations assez aberrantes.
08:38Il y a un master qui est en train d'être lancé à l'UM6P,
08:42mais ce sera, je crois, un master d'une qualité scientifique extrêmement importante,
08:50mais très dirigé et très spécialisé dans l'innovation.
08:54Ça ne concerne pas tous les domaines.
08:57C'est un master.
08:59Il y a quelque chose à bénémer là, mais plus sur la gestion de la propriété intellectuelle.
09:03Mais nous n'avons pas de vraie formation publique, gratuite, de qualité au Maroc,
09:07en droit de la propriété intellectuelle,
09:09pour former les agents de l'UMPIC,
09:12les agents du BMDA, le Bureau marocain des droits d'auteur,
09:15pour former les magistrats.
09:17Les magistrats, avec toute la bonne volonté du monde,
09:20c'est une matière qui est extrêmement complexe.
09:22Il faut la pratiquer beaucoup, avoir des bases.
09:26Ils n'ont pas forcément tous les outils pour statuer comme ils le voudraient eux, en tout cas.
09:32Vous avez un autre problème, c'est les avocats.
09:34Il nous faut des avocats spécialisés en propriété intellectuelle.
09:36À ma connaissance, il y a très peu ou pas d'avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Maroc
09:41qui fait ça du matin au soir et du soir au matin.
09:43Les conseils en propriété industrielle,
09:45je trouve que c'est une profession archi spécialisée en propriété intellectuelle.
09:48Quand on commence à regarder les conditions d'accès à la profession,
09:52on se rend compte qu'on peut être conseiller en propriété industrielle auprès de l'UMPIC,
09:55inscrit sur la liste de l'UMPIC,
09:57sans avoir étudié le droit de la propriété intellectuelle.
09:59Ce qui est aberrant, avec un stage de trois ans.
10:02Pour moi, c'est vraiment la formation.
10:04Une fois qu'on aura cette formation-là,
10:06on aura des acteurs sur le terrain qui seront formés, compétents,
10:09et là on pourra lutter efficacement contre la contrefaçon.
10:12La deuxième chose, vous avez raison de le souligner, c'est les moyens.
10:15L'UMPIC a des moyens qui sont, je crois, relativement satisfaisants,
10:20mais qui mériteraient d'être augmentés.
10:22Ne serait-ce qu'en matière d'opposition.
10:24Vous savez, l'opposition, c'est lorsque quelqu'un dépose une marque à l'UMPIC,
10:28une autre personne qui a un droit antérieur,
10:31de marque le plus souvent,
10:33il y a encore les indications géographiques, mais ça c'est encore un peu à part,
10:36peut venir s'opposer à l'enregistrement de cette marque.
10:38Et vous avez des contrefacteurs qui n'hésitent pas à déposer des marques
10:41qui portent atteinte à des marques bien connues.
10:44L'UMPIC fait ce qu'il peut, on a des examinateurs, je crois, dévoués,
10:48mais il leur faut des moyens pour traiter tout cet afflux de demandes.
10:53Une autre chose, c'est peut-être aussi la sensibilisation des consommateurs
10:58et de l'opinion publique.
11:00On a assez peu de grandes campagnes nationales publicitaires
11:04de sensibilisation à la contrefaçon,
11:06sur les dangers de la contrefaçon qu'on évoquait tout à l'heure,
11:08notamment pour la santé.
11:10Je fais un parallèle, évidemment ayant été formé en France
11:14et ayant pratiqué pendant 10 ans, et ayant une législation assez proche,
11:18je regarde aussi un peu ce qui se passe de côté de la Méditerranée,
11:21ça ne veut pas dire qu'on doit faire un copier-coller au Maroc,
11:23mais on peut aussi s'inspirer des choses qui marchent là-bas.
11:25En France, vous avez une association extrêmement puissante
11:28qui s'appelle l'UNIFAB, l'Union des Fabricants,
11:31et qui regroupe les plus grandes industries françaises notamment.
11:36Et c'est un vrai pouvoir de lobby pour lutter contre la contrefaçon.
11:40Ils font des actions, des opérations auprès des douanes,
11:43auprès des pouvoirs publics, auprès des consommateurs,
11:46ils organisent des journées entières sur la contrefaçon,
11:50des séminaires de très haute tenue.
11:52On n'a pas ça au Maroc. C'est dommage.
11:54On a des grandes sociétés marocaines
11:56qui ont une propriété intellectuelle importante,
11:58qu'ils veulent défendre.
12:00Peut-être qu'ils pourraient se regrouper
12:02pour faire porter leur voix
12:04et sensibiliser les pouvoirs publics, les consommateurs.
12:06Et je pense que c'est un des axes qui pourrait être intéressant.
12:09Le problème du consommateur, vous l'avez dit tout à l'heure,
12:11vous l'avez esquissé, c'est l'idée de la bonne affaire.
12:15C'est très ancré, ça, dans l'esprit des Marocains.
12:22Toujours vouloir faire une bonne affaire.
12:25Comment, d'après vous, sortir de ce schéma,
12:28sortir de ce paradigme,
12:30s'échanger des mentalités ?
12:32C'est très compliqué.
12:33Alors, oui, le phénomène de la bonne affaire,
12:37effectivement, on l'a au Maroc, mais pas seulement.
12:39Non, mais pas seulement. On prend le Maroc parce qu'on y est.
12:41Tout à fait.
12:42On pourrait prendre d'autres exemples d'autres pays.
12:44C'est par l'éducation.
12:46Moi, je sais que dans certains pays européens,
12:48les enfants, dès l'école maternelle ou dès le collège,
12:52sont sensibilisés à la contrefaçon.
12:55En leur disant, vous croyez faire une bonne affaire,
12:57mais ce n'est pas une bonne affaire, ils rentrent à la maison.
12:59Alors, ça peut être des interventions qui sont faites
13:01par des avocats ou des CPI, des conseillers en propriété industrielle,
13:04des gens de l'office de la propriété intellectuelle
13:07ou même des douaniers.
13:08Parce que les douaniers, en plus, il y a ce côté uniforme
13:11qui peut être assez marquant pour les enfants.
13:13Et quand les enfants rentrent à la maison,
13:15ils font la leçon aux parents.
13:17Non, t'as acheté ça, mais c'est de la contrefaçon.
13:19Tu te rends compte, peut-être que tu es en train de financer un méchant.
13:22Peut-être que c'est dangereux pour moi.
13:24Papa, tu as acheté une cigarette électronique de contrefaçon.
13:27Oui, parce qu'on en a parlé tout à l'heure.
13:29Parce que c'est vraiment tous les domaines qui sont concernés.
13:32Donc voilà, c'est les citoyens de demain.
13:35Donc si on les sensibilise très tôt,
13:37je pense que c'est effectivement
13:40une des voies qu'on peut creuser.
13:44Il y a beaucoup de contrefaçons qu'on voit sur les marchés au Maroc.
13:48Je pense aux textiles particulièrement.
13:51On a l'impression que personne ne fait rien,
13:53qu'ils ont presque pignon sur rue.
13:56Vous avez raison de le dire,
13:58c'est comme si vous vouliez vider la mer avec une petite cuillère.
14:02C'est un peu ça.
14:04Le problème des marchés, il y a un autre problème,
14:06c'est qu'il y a des systèmes juridiques et légaux,
14:09des instruments qui existent,
14:12et notamment les saisies contrefaçons
14:14où vous demandez au président du tribunal de commerce
14:17de vous autoriser, vous venez avec un huissier de justice,
14:19vous venez faire des saisies descriptives, vous assignez au fond.
14:21Le problème dans les marchés, c'est que c'est de l'informel.
14:24Vous les avez repérés le vendredi,
14:26le lundi vous revenez avec l'huissier de justice,
14:28ils ne sont plus là.
14:30Après, il y a les policiers qui travaillent là-dessus,
14:33puis c'est un délit douanier,
14:34donc les douanes ont aussi leur rôle à jouer.
14:36Mais effectivement, c'est des opérations de grande ampleur.
14:39Après, ceci étant dit, il ne faut pas non plus sous-estimer
14:42l'impact d'opérations coup de poing
14:45qui vont venir ensuite dissuader les autres.
14:48On va en reparler dans quelques instants,
14:50juste après les infos.
14:52On va parler aussi, et surtout, du point de vue juridique.
14:56Qu'est-ce qu'il convient de faire,
14:58comment il faut agir, à la fois pour déposer un nom
15:02et puis le protéger, bien entendu.
15:04A tout de suite.
15:05C'est Maître Zelloni qui est l'invité d'Atlantique Midi aujourd'hui,
15:08avocat au Barreau de Paris, conseiller en propriété intellectuelle,
15:10parce qu'on parle de contrefaçon.
15:12Et on va s'intéresser, si vous le voulez bien,
15:15après avoir dressé quelque part, j'ai envie de dire,
15:18le tableau de la contrefaçon au Maroc
15:21et même au-delà,
15:23on va s'intéresser à la protection.
15:25Comment se protéger ?
15:26Alors il y a effectivement, on l'a entendu tout à l'heure,
15:29et on en a parlé tout à l'heure, l'OMPIC,
15:31qui est l'office national de la propriété intellectuelle,
15:35l'office marocain de la propriété intellectuelle.
15:39À quel moment, Maître Zelloni,
15:43il faut s'adresser à l'OMPIC ?
15:46À quel moment il faut déposer quelque chose ?
15:49Est-ce que c'est un nom ? Est-ce que c'est une marque ?
15:51Est-ce que c'est une façon de fabriquer un objet ?
15:54À quel moment il faut aller voir l'OMPIC pour dire
15:57j'ai une idée et je veux qu'elle soit protégée ?
16:00Alors, tout le temps, j'ai envie de vous répondre,
16:04et dès le début.
16:05En fait, ça commence déjà avec la création de votre société.
16:09Quand vous allez choisir la dénomination sociale,
16:12vous demandez à l'OMPIC ce qu'on appelle un certificat négatif,
16:16et sur cette dénomination-là,
16:18l'OMPIC va vérifier avant de vous délivrer ce certificat négatif
16:23qui va vous permettre d'y matriculer votre société,
16:25va vous dire si cette dénomination sociale
16:27porte atteint ou non à une dénomination sociale antérieure
16:31ou à une marque antérieure.
16:33Donc, ils vont rechercher ça,
16:36faire un croisement avec leur base de données,
16:39et ils vont vous délivrer ce fameux certificat négatif.
16:42En fonction de l'activité que vous envisagez pour votre société
16:46et des activités pour lesquelles les dénominations sociales ont déjà été enregistrées,
16:50ou les produits et services des marques antérieures,
16:53et voir s'il y a un risque de confusion
16:55entre votre dénomination sociale que vous souhaitez utiliser
16:59pour votre société et celle qui existe.
17:01Ça, c'est la première chose, de manière très basique.
17:05Ensuite, très naturellement,
17:07vous allez vouloir exploiter un produit ou un service,
17:10et vous allez le faire sous une marque.
17:12Donc là, il faut déposer sa marque.
17:14C'est effectivement auprès de l'OMPIC,
17:16l'Office marocain de la propriété industrielle et commerciale qu'on le fait.
17:19On fait un dépôt de marque.
17:22Alors là, cette fois-ci, l'OMPIC ne va pas vérifier lui-même
17:25si vous portez atteinte à des droits antérieurs.
17:28Il va prendre votre demande de dépôt de marque
17:32et va simplement vérifier
17:34est-ce que votre dénomination ne porte pas atteinte à l'ordre public et open-merce.
17:37Et est-ce qu'elle remplit les conditions de validité des marques,
17:40c'est-à-dire est-ce qu'elle est distinctive.
17:42La distinctivité de la marque, c'est le caractère arbitraire
17:45pour les produits et services que vous allez couvrir par votre marque.
17:49Un exemple tout bête, tout le monde connaît Apple.
17:52C'est la première marque pour des smartphones, des ordinateurs.
17:55C'est évidemment arbitraire et donc distinctif.
17:57En revanche, ça ne le serait pas pour des pommes.
17:59Ça serait complètement descriptif.
18:01Donc l'OMPIC vérifie ça avec plus ou moins de bonheur.
18:04Il faut le dire, j'ai un exemple pas si ancien
18:08où parfois il y a quand même des maladresses qui sont commises
18:11et qui ont des conséquences très importantes pour les sociétés.
18:13Là, c'était une marque on-air.
18:16Donc on est bien placé là pour savoir ce que veut dire on-air.
18:18On est dans un studio, ça veut dire sur les ondes, en direct, en live.
18:22Et l'OMPIC a refusé la marque en considérant que non,
18:24on-air ne voulait pas dire sur les ondes en direct,
18:26mais voulait dire en plein air.
18:28Ce qui ne veut absolument pas dire ça.
18:30Donc voilà, tout n'est pas parfait.
18:32Donc il faut ensuite contester la décision.
18:35Il y a plusieurs procédures qui sont en cours pour cette affaire-là,
18:38mais ça peut être compliqué juste sur une erreur d'interprétation.
18:41Une fois, si l'OMPIC ne trouve pas de ce qu'on appelle de motif absolu,
18:45c'est-à-dire que considère que la marque est valable,
18:47l'OMPIC va la publier à la gazette de l'OMPIC,
18:50qui est publique, tout le monde y a accès sur le site de l'OMPIC.
18:54Et cette publication va faire courir un délai de deux mois
18:57pour former opposition.
18:59C'est-à-dire permettre à ceux, essentiellement ceux qui ont une marque antérieure,
19:03de venir dire à l'OMPIC,
19:05je ne suis pas d'accord pour que cette marque soit enregistrée,
19:08parce qu'elle porte atteinte à ma marque qui est antérieure.
19:11Et là, vous avez une sorte de mini-procès,
19:13avec des gros guillemets administratifs devant l'OMPIC,
19:16où il y a des échanges d'écriture,
19:18et à la fin, l'OMPIC va dire est-ce que oui ou non,
19:21la demande de marque porte atteinte ou pas ?
19:23Est-ce qu'on l'enregistre ? Est-ce qu'on ne l'enregistre pas ?
19:26En sachant que la décision de l'OMPIC peut ensuite faire l'objet d'un recours
19:30devant la cour d'appel de commerce de Casablanca.
19:32Tout ça, j'imagine que c'est des délais qui sont relativement longs.
19:35Est-ce que, dans l'intervalle, la société qui a été créée avec un nom, etc.,
19:39qui est en cours d'évaluation, peut exercer ?
19:42Alors, elle peut exercer, mais ça, c'est risque et péril.
19:45Parce qu'elle peut être obligée de changer de nom ?
19:47Non seulement ça, mais en plus, elle peut se rendre coupable de contrefaçon.
19:51Au Maroc, on a cette particularité, là encore pour l'instant,
19:54la jurisprudence est en ce sens en tout cas,
19:56c'est que le simple dépôt d'une marque qui porte atteinte à une marque antérieure
20:00est considéré comme un acte de contrefaçon.
20:02Et l'année dernière, de mémoire, c'est le tribunal de commerce...
20:07Parce qu'il peut y avoir la bonne foi aussi ?
20:09Ah oui, mais en matière civile, la bonne foi est indifférente, en matière de contrefaçon.
20:15En matière pénale, il y a évidemment l'élément intentionnel, comme chaque délit,
20:20mais il est souvent induit de l'élément matériel.
20:23La bonne foi marche assez peu, mais par exemple,
20:27une personne qui de manière peut-être un peu légère a déposé une marque,
20:32surtout que maintenant c'est facile, vous le faites sur votre smartphone,
20:35sur votre canapé devant la télé, vous déposez une marque,
20:37mais il faut se rendre compte des conséquences qu'il y a derrière.
20:39Et cette personne-là, sa marque a été annulée,
20:42et en plus, il s'est retrouvé à devoir payer 50 000 dirhams de dommages à intérêts,
20:46alors qu'il ne l'a jamais exploité.
20:48D'où l'importance de sensibiliser les entreprises marocaines,
20:51les entreprises étrangères le font très bien,
20:53de procéder à des recherches d'antériorité,
20:55c'est-à-dire avant de choisir sa marque, avant de la déposer,
20:58faire ses propres recherches avec des spécialistes,
21:01vérifier que vous ne portez pas atteinte à une marque antérieure,
21:04et pas seulement les marques maroco-marocaines,
21:06mais aussi les marques internationales qui désignent le Maroc,
21:09les dénominations sociales évidemment,
21:11les noms de domaine, qui sont aussi des droits antérieurs.
21:14Donc il faut vraiment faire attention à tout ça,
21:16parce que vous pouvez avoir de sérieux déconvenus par la suite.
21:21Donc ça, c'est pour les marques.
21:23Après, vous avez un autre type de droit de propriété industriel
21:27pour lequel on sollicite l'UMPIC,
21:29ce sont les dessins et modèles industriels.
21:31Vous êtes un designer, par exemple,
21:34et vous voulez protéger une forme de bouteille,
21:39de vase, de carafe, un ange oliver peut-être,
21:42et vous déposez ça à l'UMPIC,
21:44le dessin et modèle industriel.
21:46Donc l'UMPIC ne vérifie que la contrariété à l'ordre public au bonheur,
21:50il n'y a pas vraiment de validité qui est examinée,
21:54ni de recherche de droits antérieurs,
21:56mais la condition c'est que votre dessin et modèle soit nouveau.
21:59Donc vous pouvez déposer, très bien,
22:01vous allez avoir votre certificat d'enregistrement,
22:03mais si ensuite vous voulez l'invoquer en justice
22:05et que l'adversaire vous dit,
22:06mais attendez, votre dessin et modèle n'est pas nouveau,
22:08je demande l'annulité, vous l'avez déposé pour rien.
22:10Donc aussi ici, faire très attention par des recherches avant de déposer,
22:13et ça vous donne, les dessins et modèles industriels,
22:15une protection de 5 ans,
22:17qui est renouvelable jusqu'à 25 ans.
22:19Pour les marques, j'ai oublié de le dire,
22:21c'est 10 ans indéfiniment renouvelable.
22:23Et puis vous avez aussi les brevets d'invention,
22:27qui sont extrêmement importants,
22:29où là l'Office marocain de la propriété industrielle et commerciale
22:32procède à un examen très minutieux des conditions de validité,
22:35par des examinateurs qui sont des vrais ingénieurs brevets,
22:39vraiment spécialisés du domaine,
22:40et ils vérifient trois conditions.
22:42Est-ce que l'invention est nouvelle ?
22:43Est-ce qu'il y a une activité inventive ?
22:45Est-ce qu'il y a une application industrielle ?
22:47Et pourquoi ils font cet examen très minutieux ?
22:49C'est parce qu'on vous donne un monopole de 20 ans,
22:51ce qui est quand même pas rien.
22:53C'est ce qui est très important.
22:54Et donc du coup, si vous voulez, c'est une sorte de contrat social
22:56entre la société et l'inventeur,
22:58où on récompense l'inventeur pour son invention,
23:01et de la divulguer, parce qu'il pourrait la garder secrète,
23:03l'exploiter sans jamais la divulguer,
23:05mais il va en faire profiter la société au bout de 20 ans,
23:08puisque tout le monde pourra la reproduire,
23:10en échange de quoi on lui donne un monopole de 20 ans.
23:13Ce sont les trois principaux droits de propriété industrielle
23:16pour lesquels on sollicite l'UMPIC.
23:18Pour le Maroc particulièrement,
23:20quel est le domaine dans lequel l'UMPIC est le plus sollicité ?
23:25C'est indiscutablement les marques.
23:27Les marques, et puis aussi les dénominations sociales,
23:29les fameux certificats négatifs.
23:31C'est vraiment là-dedans où il y a le plus de dépôts.
23:35Ensuite, les dessins et modèles industriels.
23:37Les brevets, un peu moins.
23:39Les brevets, en plus, on a une particularité.
23:41J'espère qu'un jour ça va quand même changer.
23:44C'est que l'immense majorité des demandes de brevets d'invention au Maroc
23:49sont d'origine étrangère.
23:51Je lisais il y a quelques temps les chiffres pour janvier et février 2024.
23:57Il y a à peu près, de mémoire, environ 400 demandes de brevets
24:00qui ont été déposées au Maroc.
24:02Il y en a seulement une trentaine qui sont d'origine marocaine.
24:05Le reste, ce sont des sociétés étrangères
24:07qui déposent leurs brevets d'invention au Maroc.
24:09Donc on voit que, et encore, il faut savoir que
24:12parmi cette petite minorité marocaine,
24:14l'essentiel de l'innovation vient des universités.
24:18Les entreprises privées marocaines déposent assez peu de brevets encore pour l'instant.
24:22Mais par ignorance, par volonté de ne pas le faire,
24:25ou par manque, justement, d'innovation ?
24:30Il y a un peu tout ça dedans.
24:32L'innovation, on en a.
24:33Après, les gens ne se rendent pas forcément compte
24:35de l'importance de protéger l'innovation.
24:39Vous avez des laboratoires pharmaceutiques marocains
24:41qui sont en pointe, qui le font,
24:43qui ont des vrais services de R&D
24:45et qui déposent des brevets, évidemment.
24:47Après, il y en a...
24:49Et puis c'est un coût, le brevet.
24:50Il y a des taxes à payer.
24:51Il faut rédiger la demande de brevet
24:53qui est extrêmement complexe
24:54parce que vous devez à la fois
24:56avoir des compétences juridiques extrêmement pointues en droit des brevets,
25:00mais aussi des connaissances scientifiques
25:03très importantes dans le domaine bien particulier
25:06de l'innovation en question.
25:08Tout ça a un coût,
25:09mais je crois qu'il y a beaucoup de choses
25:10qui sont faites en ce sens au Maroc
25:12pour financer, subventionner un petit peu tout ça.
25:15Ça, ça a son importance.
25:17Revenons à ce qui est un petit peu plus,
25:21si j'ose dire, terre à terre,
25:23c'est-à-dire le consommateur lui-même
25:25qui est confronté à des contrefaçons.
25:27Comment faire véritablement la différence
25:30quand on a un produit
25:32et on se dit, bon ben voilà,
25:34j'ai envie d'acheter une paire de baskets, par exemple.
25:37J'ai tout un tas de produits devant moi.
25:40C'est très compliqué de faire parfois la différence
25:43et les contrefaçons sont extrêmement bien faites parfois.
25:45Ah oui ?
25:46Vous avez d'autant plus raison qu'il y a des...
25:49Pas un oxymore, mais il y a des contrefaçons qui sont authentiques.
25:52C'est ça, c'est ce que j'avais à l'esprit.
25:55Vous avez, par exemple, des sous-traitants.
25:57On en a parlé il n'y a pas si longtemps que ça.
26:00Une grande entreprise textile européenne
26:03qui a cette difficulté-là, et on en a discuté.
26:05Ils ont des sous-traitants au Maroc.
26:09Le sous-traitant lui-même fait de la contrefaçon.
26:12Voilà, c'est ça. C'est-à-dire qu'il y a un surplus
26:14ou alors il produit plus que ce qu'on lui demande.
26:16Et le reste, il le vend.
26:18Voilà, parce qu'on a la chance d'avoir au Maroc
26:20des industries et des usines
26:22qui fonctionnent très bien, qui travaillent très bien.
26:24Donc, typiquement, quand vous avez une marque qui sous-traite,
26:26ils vont vous dire, voilà, tu me fabriques 100,
26:28je te donne 110, parce qu'il y a les chutes,
26:30il y a les erreurs, il y a tout ça.
26:32Non, lui, il travaille très bien.
26:33Il travaille très bien et il produit 110.
26:35Et il produit 110 sans qu'il soit déclaré à la marque.
26:38Alors, il y a deux choses, en fait,
26:40pour voir, pour aller très vite.
26:43Le prix, quand même, évidemment.
26:45Et la deuxième chose, le circuit de distribution.
26:47Si vous le trouvez dans la rue, sur un trottoir,
26:50il y a quand même une bonne chance que ce soit un produit authentique.
26:53La contrefaçon est au menu aujourd'hui d'Atlantique Midi.
26:55On parle de contrefaçon avec Maître Zellouni.
26:58Merci encore, Maître, d'être dans ce studio.
27:02Je rappelle que vous êtes avocat au Barreau de Paris
27:04et conseiller en propriété intellectuelle.
27:06Vous travaillez aussi avec l'UMPIC,
27:08l'office marocain de la propriété intellectuelle.
27:11Et depuis tout à l'heure, c'est vrai qu'on brosse un petit peu
27:13l'éventail de la contrefaçon au Maroc.
27:15Et ce qu'on disait il y a quelques instants,
27:17c'est qu'il y a les vrais faux produits.
27:20C'est-à-dire des produits qui sont réellement fabriqués
27:23avec une vraie marque,
27:25et qui sont fabriqués par un industriel ici au Maroc.
27:29Et puis, le surplus est vendu quelque part sous le manteau.
27:33Donc ça, c'est une vraie difficulté.
27:35Est-ce que, là aussi, on est capable de lutter contre ça ?
27:38Parce que vous avez largement expliqué
27:43la façon dont on dépose une marque,
27:46un produit, un savoir-faire, etc. auprès de l'UMPIC.
27:49Mais qu'est-ce que peut faire une marque qui produit au Maroc,
27:54qui a tous les brevets,
27:56qui a fait auprès de l'UMPIC toutes les démarches nécessaires,
28:00mais qui retrouve ses produits sur le marché ?
28:03Qu'est-ce qu'il est possible de faire,
28:05sachant que ses produits ne sont pas des faux ?
28:07Ah si, ce sont des faux.
28:09Pourquoi ces défauts ?
28:11En fait, le droit de marque est un droit de propriété exclusif.
28:15La marque étrangère donne une licence
28:19pour fabriquer et peut-être commercialiser, dans certains cas, 100.
28:23Une fois que vous dépassez les 100, c'est de la contrefaçon.
28:26Vous n'avez pas le droit d'aller au-delà de l'autorisation.
28:30Ça, c'est une chose.
28:32On a les instruments pour ça.
28:35Il y a les juridictions marocaines.
28:37Tout ce qui relève de la loi 1797 sur la propriété industrielle
28:42et de la compétence des juridictions commerciales au Maroc.
28:45On a quand même des juges qui sont aguerris à ces questions-là,
28:49surtout en matière de marque,
28:51et particulièrement à Casablanca,
28:53qui regroupe l'essentiel du contentieux.
28:55Et vous pouvez très bien demander au président du tribunal de commerce
28:59à vous faire autoriser à procéder à des saisies.
29:02Avec un huissier de justice,
29:04vous saisissez ses marchandises,
29:06ou une saisie descriptive,
29:08c'est-à-dire que vous prenez des échantillons
29:10et le huissier de justice constate qu'il y a la marque qui a posé,
29:12qu'il n'y a pas l'autorisation, qu'il n'y a pas tout ça.
29:14Ensuite, vous avez un délai de 30 jours pour agir au fond,
29:17mais vous pouvez le faire avant, bien évidemment.
29:19Et là, vous faites une action au fond, en contrefaçon.
29:21Et donc là, on est assez bien servi comme au Maroc.
29:24On a tendance à dire, la justice au Maroc,
29:26oui, enfin non, on a quand même des décisions.
29:28En moins de 18 mois,
29:30tous les pays européens n'ont pas des décisions rendues aussi rapidement.
29:33Donc ça, il faut quand même qu'on s'en félicite.
29:35Il y aura un jugement de condamnation,
29:38donc avec des dommages à intérêts,
29:40avec des mesures d'interdiction,
29:42des mesures de publication judiciaire qui font souvent assez mal,
29:44puisque vous allez dans la presse,
29:46ordonné par le jugement,
29:48dire que cette personne est contrefacteur
29:50et que ce sont des produits contrefaisants.
29:52Et vous avez une autre chose, un autre outil qui est assez efficace
29:54lorsqu'il est accepté par le président du tribunal de commerce,
29:59c'est ce qu'on appelle les référés à interdiction.
30:01C'est-à-dire que, en parallèle de votre action au fond, en contrefaçon,
30:04vous demandez au tribunal de commerce
30:07d'interdire, dès à présent, à titre conservatoire,
30:09la poursuite des actes de contrefaçon,
30:11et cela jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue.
30:15Donc même en cas d'appel ou en cas de provenance en cassation.
30:17On fige les choses.
30:19En fait, ce qu'on veut, c'est arrêter l'hémorragie.
30:21Et donc là, on interdit à cette personne-là.
30:23Bon, il faut être sûr de son coût, quand même.
30:25Mais voilà, ça, ce sont des outils qui sont assez efficaces.
30:27Et puis, vous avez la voie pénale qu'on a évoquée tout à l'heure,
30:31qui n'est pas franchement la plus utilisée,
30:33mais ce n'est pas propre au Maroc, dans d'autres pays aussi.
30:35Donc vous avez quand même des moyens de pression
30:37pour arrêter cette hémorragie.
30:41Alors, je vous pose une autre question,
30:43peut-être un peu naïve,
30:45mais qu'en est-il des produits non conformes ?
30:47Parce que quand une société étrangère
30:49demande à une société marocaine
30:51de produire, pour elle,
30:53tel type ou tel type de
30:55vêtements, par exemple,
30:57enfin, bref, de produits en général,
30:59et que la société en question,
31:01de nord d'Andre,
31:03estime que les produits ne sont pas conformes,
31:05qu'est-ce qu'on en fait ?
31:07Est-ce que oui ou non, ça entre dans le cadre
31:09de la contrefaçon, si c'est vendu ?
31:11Évidemment, puisque vous avez la marque
31:13qui sera posée.
31:15Mais si la marque est retirée ?
31:17Alors, si vous avez la marque qui est retirée,
31:19effectivement, il n'y a pas de contrefaçon de marque
31:21au sens propre. Après,
31:23vous avez aussi,
31:25enfin, là, on rentre dans la protection
31:27de la propriété intellectuelle des produits
31:29de l'industrie de la mode.
31:31Vous avez plusieurs produits, je pense
31:33à des chaussures, à certaines robes, à certaines chemises,
31:35qui sont protégés par les dessins
31:37et modèles dont on parlait tout à l'heure.
31:39Et puis, vous avez autre chose.
31:41Parfois, il faut revenir à des choses très simples.
31:43C'est de la concurrence déloyale,
31:45tout simplement. Vous vendez des produits...
31:47Alors, ce qu'il faut savoir aussi, c'est que
31:49les donneurs d'ordre étrangers,
31:51quand les produits sont non conformes, ils exigent
31:53quand même la destruction de ces marchandises-là.
31:55Ce qui peut poser une autre question,
31:57alors là, on s'éloigne un peu de la propriété intellectuelle
31:59et du droit, mais de se dire...
32:01Et ça revient aussi, lorsque vous avez
32:03des articles vraiment de contrefaçon
32:05et qui font l'objet d'un jugement
32:07et où on ordonne
32:09la destruction, on pourrait se demander
32:11si ces produits-là,
32:13si on retire la marque,
32:15est-ce qu'on ne pourrait pas les donner
32:17pour qu'ils servent à des orphelinats,
32:19aux bonnes œuvres, voilà.
32:21Ce genre de choses-là, avec l'accord, évidemment, du titulaire de la marque,
32:23au lieu de, j'allais dire bêtement,
32:25les détruire.
32:27Ils peuvent servir à des personnes.
32:29La marque a obtenu ce qu'elle voulait, l'arrêt de la contrefaçon,
32:31on retire les marques des produits.
32:33Ça, c'est tout un débat qu'il y a de plus en plus
32:35en Europe, avec toutes les questions environnementales
32:37et sociales.
32:39Donc c'est vrai qu'au Maroc, on n'en est pas là.
32:41On n'en est pas encore là, mais c'est des questions
32:43qui se posent, effectivement.
32:45Dans le travail d'Olympique, il y a
32:47évidemment tous ces domaines-là
32:49qui sont examinés.
32:51Et je le disais tout à l'heure, Olympique a décidé
32:53d'évaluer les incidences
32:55de la contrefaçon sur l'économie
32:57nationale. Ça augure
32:59d'un durcissement,
33:01selon vous, de la
33:03législation.
33:05Je l'espère. Je crois
33:07que c'est déjà un peu
33:09dans les tuyaux.
33:11C'est ce que j'ai cru lire, ici ou là.
33:13C'est-à-dire que l'idée, c'est d'amender
33:15la loi en vigueur pour
33:17la réadapter
33:19à celle qui
33:21va nous concerner dans quelques années.
33:23Pour rien vous cacher, on peut déjà regarder ce qui se passe
33:25en Europe pour savoir ce qui va se passer ici.
33:27Pourquoi je vous dis ça ? C'est pas par suivisme
33:29bête et méchant du Maroc, loin de là.
33:31Le Maroc a des relations
33:33très privilégiées avec l'Union européenne, mais des
33:35relations institutionnelles. Le Maroc a un
33:37statut avancé.
33:39Il y a l'accord d'association entre le Maroc et l'Union européenne,
33:41mais en plus de cela, nous avons été le premier pays
33:43à avoir un statut avancé auprès de l'Union
33:45européenne, qui nous donne des droits,
33:47évidemment, et des devoirs. Et dans les engagements
33:49pris par le Maroc,
33:51lorsqu'on a eu ce statut avancé, c'était
33:53de prendre en compte l'acquis
33:55de l'Union européenne, notamment en droit
33:57de la propriété intellectuelle, et d'atteindre
33:59les objectifs, ou de les
34:01poursuivre, les objectifs
34:03qui sont déjà réalisés
34:05dans l'Union européenne, et notamment les directives,
34:07les règlements de l'Union européenne, mais également
34:09la jurisprudence, la Cour de justice de l'Union européenne,
34:11qui sont quand même un modèle en matière
34:13de protection de la propriété intellectuelle
34:15de manière générale.
34:17Or, il y a eu une directive qui est
34:19devenue un peu chamboulée, tout ça, il y a
34:21quelques années, et qui a été transposée par les Etats membres
34:23et notamment la France, où
34:25sur le contentieux de la propriété intellectuelle,
34:27une partie a été donnée aux offices,
34:29pour aller plus vite, pour que les
34:31détenteurs de droits de propriété intellectuelle
34:33aient moins à débourser
34:35pour protéger leurs droits de propriété
34:37intellectuelle, notamment le contentieux de la
34:39nullité de certains droits de propriété industrielle,
34:41de marques en particulier,
34:43des procédures d'opposition en matière de brevets
34:45également, mais aussi un petit
34:47assurcissement. Et je crois
34:49qu'il y a des discussions entre l'UMPIC
34:51et l'INPI et ses partenaires,
34:53le IPO, qui est l'Office
34:55de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle,
34:57ou l'Office européen des brevets.
34:59L'UMPIC travaille très, très
35:01étroitement avec eux. Donc, on peut imaginer
35:03qu'il y a quelque chose qui va bientôt arriver,
35:05effectivement, où on va encore augmenter
35:07les standards de protection
35:09de la propriété intellectuelle au Maroc. Moi, je trouve que c'est
35:11une bonne chose, il y aurait énormément de choses à dire, mais je ne vais pas
35:13entrer dans des choses trop techniques, mais notamment
35:15ce transfert du contentieux
35:17de la validité de certains droits, le transférer
35:19à l'UMPIC et ne plus le laisser aux juridictions commerciales
35:21qui sont déjà engorgées, et qui sera donc
35:23traité, a priori, on l'espère, par des spécialistes
35:25de la propriété intellectuelle, ça sera déjà
35:27un énorme progrès.
35:29Est-ce que
35:31la contrefaçon du médicament est un véritable
35:33fléau au Maroc ?
35:35Je pense à ça parce que le médicament, on l'achète
35:37dans les pharmacies, bien sûr,
35:39on est tous d'accord là-dessus, mais
35:41ça peut s'acheter aussi sur
35:43internet, ça c'est
35:45un vrai problème.
35:47Et là aussi, il faut être très
35:49vigilant sur ce qu'on achète, parce que
35:51ça touche directement la santé, évidemment.
35:53Alors, évidemment,
35:55la plupart du temps
35:57quand même, il faut quand même savoir que les médicaments
35:59achetés sur internet de contrefaçon
36:01ne contiennent pas de principe actif.
36:03Donc, au pire, on s'est fait arnaquer
36:05et on ne risque pas grand-chose
36:07pour notre santé.
36:09Parce que c'est le principe actif
36:11qui coûte cher.
36:13Donc, le contrefacteur ne va pas s'amuser
36:15à vous mettre un. Mais vous avez parfois
36:17dans la composition du
36:19comprimé, de la gélule que vous avez,
36:21des substances dangereuses. Alors, il n'y a pas de principe actif,
36:23d'accord, mais qui peuvent être
36:25absolument catastrophiques pour votre
36:27santé avec des réactions allergiques,
36:29au mieux ou au pire,
36:31des complications. Donc, effectivement,
36:33c'est un vrai sujet.
36:35Après, vous avez
36:37aussi quelques cas de
36:39contrefaçon de marque de médicament.
36:41C'est-à-dire, et ça, on l'a déjà vu,
36:43vous avez un laboratoire,
36:45par exemple marocain, qui va
36:47sur un médicament générique,
36:49donc qui n'est plus couvert
36:51par aucun brevet, qui va
36:53déposer, exploiter
36:55ce médicament-là sous une marque très, très
36:57proche, prêtant à confusion
36:59avec une marque qui a déjà pignon sur rue au Maroc.
37:01Et on a eu ce cas-là
37:03il y a deux, trois ans, où
37:05effectivement, les pharmaciens eux-mêmes,
37:07quand vous demandiez le médicament, ils vous donnaient
37:09l'autre. Et quand vous demandiez
37:11le deuxième, ils vous donnaient le premier.
37:13Donc, si même les pharmaciens se trompaient,
37:15alors là, il n'y avait pas de problème, parce qu'il y avait toutes les autorisations
37:17mises sur le marché, que les deux produits
37:19étaient de qualité, il n'y avait pas de problème.
37:21Mais il y avait une confusion.
37:23Et évidemment, le premier laboratoire n'était pas content,
37:25parce qu'il a vu ses ventes
37:27chuter. Ce qu'ils ont fait,
37:29c'est que, voilà, une opération coup de poing,
37:31avec des actions contrefaçon un peu partout,
37:33ça a fait peur à tout le monde, au premier chef,
37:35et les pharmaciens qui ne voulaient plus vendre.
37:37Et finalement, je crois qu'ils ont trouvé un accord,
37:39et que maintenant, ils ont réussi à trouver quelque chose
37:41de raisonnable.
37:42C'est aussi le cas dans les
37:44produits qui sont
37:46entre guillemets fumés.
37:48Je pense au développement, par exemple,
37:50de la cigarette électronique au Maroc,
37:52comme dans beaucoup d'autres pays
37:54dans le monde.
37:56Pour sortir du phénomène
37:58de la cigarette,
38:00là aussi, il y a beaucoup de produits contrefaits,
38:02et ça peut être dangereux pour la santé.
38:04Évidemment, et c'est au même titre que pour
38:06les médicaments. Alors peut-être encore...
38:07Il ne faut pas les acheter n'importe où, quoi.
38:09Il ne faut pas les acheter n'importe où, il faut faire attention à
38:11la marque. Alors le mieux, évidemment, c'est de ne pas
38:13les utiliser, de ne pas les fumer.
38:14Oui, bien sûr, c'est évident.
38:16Mais non, effectivement,
38:18comme vous le disiez en introduction,
38:20ça touche vraiment tous les domaines.
38:22Le domaine de la santé, ça peut
38:24toucher le domaine alimentaire aussi.
38:26Vous avez des contrefaçons sur
38:28des pois chiches.
38:30Vous voulez acheter telle marque de pois chiches
38:32et vous savez qu'il y a une qualité
38:34qui est garantie. Non, on va
38:36vous donner un emballage assez
38:38proche, qui est moins cher.
38:40Vous allez confondre. En plus, c'est moins cher
38:42et ça sera de moins bonne qualité. Donc vous avez
38:44toutes ces problématiques-là.
38:46En fait, il faut quand même garder à l'esprit
38:48que la marque, c'est ce qui vous garantit
38:50l'origine d'un produit.
38:52C'est sa fonction première. Et donc,
38:54supposément, une qualité.
38:56Ce n'est pas la fonction juridique consacrée,
38:58mais c'est celle que les consommateurs
39:00prennent en compte. Donc évidemment,
39:02vous l'avez dans le domaine alimentaire, dans le domaine
39:04pharmaceutique, dans le domaine des jouets, des pièces
39:06étachées. Méfiance.
39:08Il faut être méfiant.
39:10Vigilance. On en parlait tout à l'heure. Il y a aussi une question
39:12d'éducation des consommateurs.
39:14De savoir que parfois, ça vaut le coup
39:16de payer peut-être quelques dirhams de plus
39:18et d'avoir la garantie d'avoir un produit de qualité.
39:20Merci beaucoup, Maître Zahraouni,
39:22d'avoir été l'invité de l'Atlantique Midi aujourd'hui,
39:24de nous avoir éclairé sur
39:26les questions de contrefaçon au Maroc
39:28et la façon de lutter, surtout contre les
39:30contrefaçons. Je rappelle que vous êtes avocat au Barreau de Paris
39:32et conseiller en propriété intellectuelle.
39:34Vous travaillez notamment
39:36en collaboration aussi avec l'OMPIC.
39:38L'OMPIC, c'est l'Office national
39:40de la propriété intellectuelle, l'Office marocain.
39:42Très précisément de la
39:44propriété intellectuelle. Merci encore.
39:46Merci à vous. Et on se retrouve
39:48demain pour une autre émission, pour
39:50une autre édition d'Atlantique Midi. A demain.