• il y a 6 mois
Retour sur le 7 juin au Forum des images, avec le cours de cinéma sur Andrea Arnold donné par Fleur Albert, réalisatrice et membre de la SRF.

Chaque année, la SRF, Société des réalisatrices et réalisateurs de films, distingue un·e cinéaste en lui décernant le Carrosse d’or pendant la Quinzaine des Cinéastes à Cannes.

Pour la première fois, nous reprenons cet hommage à Paris, avec la projection d’un film carte blanche d’Andrea Arnold, et d'un cours de cinéma sur son œuvre tout entière, dont le dernier film, Bird, était présenté en compétition cette année au Festival de Cannes

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Le Forum des images : au centre de Paris, bat le cœur du 7e art !

Rencontres exceptionnelles, cours de cinéma et conférences, festivals… un concentré du meilleur de ce qui se passe toute l’année au Forum des images.



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Transcription
00:00:00Bonjour, bonsoir. Merci d'être là. Donc, je suis cinéaste, donc vous n'aurez pas
00:00:18une conférence tout à fait institutionnelle où c'est le regard d'une cinéaste sur
00:00:29une autre cinéaste. Je fais partie de la SRF, donc la Société des réalisatrices
00:00:34et des réalisateurs de films, et depuis 2002, quand on remet, on décide tous ensemble
00:00:40de donner un prix pour, parmi les cinéastes du monde entier, pour, comment dire, récompenser
00:00:49les qualités novatrices des films, leur courage, leur intransigeance dans leur mise
00:00:53en scène. Ça fait deux ans, il y a très peu de femmes dans cette liste. L'année
00:01:03dernière, c'était Kelly Richards, cette année, c'est Andrea Arnold, et on va dire
00:01:11qu'avant il y a eu Jane Campion, et la cinéaste japonaise, merci. Et donc, moi je me sens
00:01:27assez proche d'Andrea Arnold dans la mesure où je viens du cinéma documentaire, mais
00:01:33dans les méthodes de travail et dans la fiction que j'ai réalisée en 2012, qui est sortie,
00:01:40en 2014, il y a ce rapport, d'une part, à la question du réel et comment on transforme
00:01:49des gens en narrateurs talentueux, avec le masque de la fiction et l'expérience du réel
00:01:56qui est assez rude, parce que moi ça se passait dans le monde des usagers de crack, et qu'au
00:02:02niveau de la méthode de travail, j'ai découvert Andrea Arnold après avoir fait
00:02:09Stalingrad, et c'était assez étonnant pour moi de trouver des compatibilités, des affinités
00:02:21esthétiques et politiques dans une façon de faire de la mise en scène. Alors, c'est
00:02:29vrai que le cinéma d'Andrea Arnold, de Milk à Red Road, de American Honey en passant
00:02:35par les hauts dehors le vent, il y a toujours des portraits de jeunes femmes volcaniques
00:02:41au carrefour de leur existence, elles ont des ambitions dansantes, parfois broyées,
00:02:48et qu'elles portent toujours une énergie, une intelligence vitale, qui parfois a combustion,
00:02:55spontanée, et que ces héroïnes, on les suit dans leur désarroi ordinaire, qui se
00:03:02mêlent souvent à une espèce de force solaire qui nous interpelle. C'est ce qui nous a
00:03:08interpellées, c'est ce que je pense, si vous connaissez son oeuvre, la puissance du
00:03:14regard d'Andrea Arnold, qui porte le destin de ces héroïnes, nous permet, à travers
00:03:24son regard exigeant et sensible, de mêler et de se distinguer du cinéma et du territoire
00:03:35d'où elle vient, qui est la Grande-Bretagne, qui est quand même essentiellement identifiée
00:03:50sur la question du réalisme social, et que je trouve qu'elle se distingue extrêmement
00:04:00de tous ces cinéastes qui sont ses pairs, comme évidemment Loach, et d'autres cinéastes
00:04:12dont on va parler tout à l'heure. Alors, déjà, chacun de ces films, pour moi, est
00:04:20une espèce de confrontation morale, avec des pulsations où on est toujours sur le
00:04:28fil du rasoir, dans une complexité qui est très rarement représentée au cinéma, dans
00:04:33des temps morts, dans des espèces d'accomplissements qu'on peut appeler l'érisme sec, je sais
00:04:46pas si ça vous irait, et que cette forme de l'érisme sec est distincte de tous ces
00:04:51contemporains cinéastes britanniques. Donc, dans un premier temps, je vais rappeler très
00:04:58vite fait un peu son parcours, et ensuite comment, à travers les thèmes majeurs qui
00:05:07sont l'adolescence, au secours de l'enfance souvent, l'émancipation féminine à travers
00:05:13ses héroïnes, c'est à ce croisement-là que s'accomplit la critique sociale et politique,
00:05:22et qu'elle est bien différente des autres. Donc, Andréa Arnold, elle est originaire
00:05:31du Kent, tout proche du comté d'Essex en Grande-Bretagne, d'ailleurs, où se déroule
00:05:37Fish Tank. Elle débute sa carrière à la télévision comme danseuse de l'émission
00:05:41Top of the Pops, avant de devenir animatrice, actrice d'une émission pour enfants du samedi
00:05:46matin, et en 98, elle réalise son premier court-métrage, Milk, qui était présenté
00:05:51à la semaine de la critique, et elle s'est consacrée à partir de là entièrement à
00:05:55la réalisation et à l'écriture de ses scénarios. Après, elle est devenue, on va
00:06:01dire, identifiée internationalement avec WASP en 2003, qui obtint l'Oscar du meilleur
00:06:08court-métrage de fiction, et son premier long-métrage, Red Road, suit le parcours
00:06:13d'une opératrice de vidéosurveillance qui est puis un homme sur ses caméras, qui devient
00:06:20un espèce de thriller qui est fort et qui se distingue beaucoup des autres. Je ne vous
00:06:24en parlerai pas ce soir. J'aime beaucoup ce film, mais j'ai dû composer un corpus
00:06:31un peu plus restreint. Après Fish Tank, qu'elle a réalisé en 2006, elle est récompensée
00:06:47par le prix du jury au festival de Cannes, et elle est abonnée au prix du jury, puisqu'après,
00:06:55elle obtint le prix du jury toujours pour American Honey, et puis pour Wuthering Heights
00:07:02pour Les Hauts du Hurlevent. Son prochain film, Bird, que je n'ai pas vu, que vous
00:07:09allez découvrir en janvier 2025, parce qu'il va sortir un petit peu plus tard. En l'espace
00:07:15de trois courts-métrages et six longs-métrages, André Arnold s'est imposé mondialement,
00:07:22il faut le dire. Donc, ce qui est intéressant, c'est que dans la tradition du cinéma britannique,
00:07:33le réalisme social, je vais vous montrer un petit peu comment elle s'en détache, on sait
00:07:40que, en gros, l'histoire du cinéma britannique a été marquée par une certaine vision de
00:07:46la classe ouvrière, plus largement au refus de l'établissement des préjugés du pouvoir
00:07:52politique en place, dont Ken Loach, Mike Legg et Stephen Freese sont les représentants,
00:07:59et au début des années 2000, elle est la seule femme de renommée internationale qui
00:08:03se glisse avec son court-métrage. Et, en gros, si on fait un petit coup de rétroviseur
00:08:14sur la question du cinéma social, elle vient du Free Cinema, qui est né un peu dans les
00:08:23années 50, fin 55, grand représentant Tony Richardson qui adapte une pièce de John Osborne
00:08:33avec Richard Burton et Claire Bloom, et il est plus connu, Tony Richardson, en 62, par
00:08:40le film La Suétude du coureur de fond, qui raconte l'histoire d'un jeune garçon, Colin,
00:08:45qui est placé en centre de rééducation après un cambriolage et qui refuse de soumettre
00:08:49à l'autorité du directeur en faisant exprès de perdre une course de fond. Donc, c'était
00:08:55déjà la génération, enfin, la question de la loose, qu'est-ce que ça veut dire
00:09:00de perdre ? Et pendant les années 60, le mouvement s'est un peu essoufflé pour rebondir
00:09:06à la télévision sous la houlette d'un jeune inconnu qui s'appelait Ken Loach. En 66, son
00:09:12film Cathy Come Home suit le parcours d'un couple qui perd son appartement, son logement,
00:09:18à la suite d'un accident, et trois ans plus tard, il réalise Cass, dont certaines thématiques
00:09:23rejoignent un peu le cinéma d'André Arnold, parce que dans Cass, le héros, il est âgé
00:09:32de 15 ans, il se débat entre la cruauté de l'école et la violence familiale avant de
00:09:37se créer un refuge en entreprenant de dresser un faucon. Et Dieu sait si le bestiaire animal
00:09:46dans l'oeuvre d'André Arnold est très, voilà, est récurrent, on en reparlera un peu plus
00:09:52tard. Et donc, 79, Margaret Thatcher, on sait, toutes les limitations des grèves, les salaires
00:10:02minimums, la suppression des allocations, etc., et la suppression du salaire minimum,
00:10:08et que la chaîne Channel 4 décide de soutenir ces cinéastes qui dénoncent les dérives
00:10:18du Thatcherisme. Donc parmi eux, il y a Mike League, Stephen Freese et Ken Loach. Et ils
00:10:24s'attaquent à des sujets comme la guerre en Irlande, etc., et ils analysent le sort
00:10:28des pauvres très peu représentés ou des minorités. Donc, elle s'inscrit dans cette
00:10:35lignée-là, André Arnold. Et on va dire que le cinéma d'apparence sociale, elle prend
00:10:44tous les contre-pieds aussi dans la question, en détournant un peu le genre du teen movie,
00:10:51du film d'adolescence. Et pour ne pas détourner la célèbre phrase de Paul Nizan qui disait
00:10:58« j'avais 20 ans, je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie »,
00:11:03je pense que ça peut être mis en exergue des trois derniers longs-métrages d'André
00:11:07Arnold, entre les HLM du Grand Londres dans Fishtank, les suburbs du sud des Etats-Unis
00:11:14avec American Honey, en passant par les Lans du Yorkshire au XIXe siècle, dans les Hauts
00:11:20de Hurlevent, elle explore avec énormément d'empathie les affres d'une jeunesse plutôt
00:11:26déshéritée. Et dans cette jeunesse-là, elle lève des tabous face à une société
00:11:32qui les meurtrit. L'insouciance et la violence sont des obsessions thématiques qui parcourent
00:11:39son œuvre, évidemment, et qui se font dans ses personnages, l'insouciance et la violence
00:11:46ne menant pas forcément l'une à l'autre ou vice-versa. Mais dans Fishtank, par exemple,
00:11:53en suivant le parcours de Mia, entre sa famille, ses émois amoureux, ses aspirations, on peut
00:12:00dire que le film se rapproche davantage d'une chronique, comme Toile de fond, ce contexte-là,
00:12:07bien dessiné, mais André Arnold détourne toujours, fait des ruptures et ne craint pas
00:12:15les glissements qui peuvent survenir. Donc, là, je vais vous montrer un extrait d'un
00:12:28extrait de Fishtank où toute la mise en scène est organisée autour de Mia et du double
00:12:35regard, le regard que la caméra porte sur elle et le regard que Mia porte sur les autres.
00:12:40Mia est filmée sous tous les angles, il s'agit de nous la montrer un peu sous toutes les
00:12:44coutures pour l'apprivoiser, pour apprivoiser son personnage dont les paroles et les expressions
00:12:51ne font pas totalement sens dans une cohérence hyper scénaristique comme on pourrait le
00:12:57faire aujourd'hui. Quand je dis aujourd'hui, enfin, qu'un certain cinéma peut le faire,
00:13:02si je puis dire. En tout cas, à travers ces éléments, c'est la complexité, vous allez
00:13:07voir, du caractère de Mia qui confine souvent à la contradiction, qui est mise en scène.
00:13:13Et Mia n'est pas faite d'un seul bloc, comme toutes les bonnes écoles de scénario
00:13:18nous l'enseignent. Son statut de personnage en devenir justifie de révéler ses différentes
00:13:23facettes complémentaires discordantes. Et là, dans Fishtank, c'est un peu au premier
00:13:31tiers du film, elle pénètre dans l'appartement de sa mère qui vit seule et elle découvre
00:13:41la présence de son futur beau-père. Mathilde, peux-tu passer l'extrait que je vais un petit
00:13:49peu vous commenter. Donc, voilà, le spectateur épouse le point de vue de l'adolescente,
00:14:00on découvre les lieux avec elle, sa mère, on découvre son point de vue avec le regard
00:14:09sur les sous-biais et ensuite le visage de la jeune fille. Donc en gros, en deux raccords
00:14:16sur les chaussures, la réalisatrice fait découvrir l'intrusion d'un homme dans cette maison,
00:14:21elle sort du cadre par la gauche et on n'a pas la télévision qui menait, enfin on voyait
00:14:30sur l'écran une explosion. Donc là, première vision, son beau-père, à partir de là, il
00:14:39y a un changement dans la mise en scène, le rythme s'étire beaucoup et le décor
00:14:43perd tout à fait sa fonction réaliste. On reste ensuite sur le point de vue de la jeune
00:14:48fille quand elle le regarde et on retrouve son point de vue, il s'exhibe et on découvre
00:14:59petit à petit comment ils vont être réunis dans le même plan qui va arriver et la lumière
00:15:12qui se dépose sur leur partie du corps qui donne une sensualité très récurrente chez
00:15:18André Arnold. Le plan d'après, Connors se laisse filmer dans une séance de striptease
00:15:31inversée. Voilà, le regard inversé c'est très bien, c'est chez André Arnold souvent
00:15:37et le gros plan qui va apparaître bientôt. Là, il fait son petit numéro de parfum,
00:15:58et donc là, le temps est suspendu, elle attend un baiser et on peut remarquer le ralenti,
00:16:04la très faible profondeur de champ, on reste sur son nez, sa bouche qui est très réduite,
00:16:09la zone de netteté et c'est entièrement flou, cotonneux, ça épouse vraiment son
00:16:14état et là, on découvre ensuite vraiment une rupture de ton dans cette scène de fessée
00:16:21extrêmement humiliante. Le rythme du montage s'accélère, le changement d'axe exprime
00:16:27son désarroi aussi bien physique qu'affectif après qu'il parte, elle devient désormais
00:16:36l'objet de Connors qui joue un double jeu pendant tout le film où l'enjeu consiste
00:16:41pendant tout le film à pénétrer l'espace de Mia et c'est ce qu'il va faire pendant
00:16:46tout le film. Donc Fish Tank s'inscrit dans cette longue tradition du réalisme, mais
00:16:58il y a la caméra portée, on sait qu'André Arnold fait recours à des acteurs non professionnels
00:17:06qui sont des choix plutôt attendus dans la tradition, là il y a l'accent, le vocabulaire
00:17:13qui est révélateur au Royaume-Uni qui ancre fortement les personnages dans un contexte
00:17:22qui est propre au sud de l'Angleterre, de la classe ouvrière. Mais est-ce que le film
00:17:29il est pour autant porteur d'un message politique ou social ? En fait c'est pas si évident
00:17:33que ça. Si on regarde la manière dont les problèmes sociaux sont posés dans ce film
00:17:37et dans les autres films où ils ne sont pas jugés, encore moins condamnés, l'alcoolisme,
00:17:43la violence, l'échec scolaire, l'absence du père, le tabou de l'inceste, la question
00:17:50du viol, sont toujours vécues de façon intérieure par un personnage. Et que la description de
00:18:00l'univers de Mia n'est pas sinistre, elle offre au contraire des échappées belles,
00:18:06vous allez voir dans la séquence qui suit, c'est un moment particulier, c'est la seule
00:18:17incursion dans ce film dans la nature, vraiment dans une espèce de truc très très posé
00:18:26dans l'attitude de Mia, et que tous ces éléments là ne sont pas porteurs d'un engagement critique.
00:18:35Et social. Et qu'Andréa Arnold, je pense qu'elle refuse d'inscrire les personnages
00:18:42dans un déterminisme sociologique, comme les frères d'Ardenne peuvent le faire, on
00:18:48peut trouver des similitudes avec l'héroïne de Mia et de Rosetta, sauf que Rosetta, si
00:18:57elle se heurte comme Mia aux mêmes portes fermées, aux mêmes endroits interdits, dans
00:19:01un contexte extrêmement difficile, comment dire, il n'y a jamais d'évasion onirique
00:19:10chez elle, jamais, on est toujours dans une atmosphère très grise, permanente, le désespoir
00:19:17ne gagne pas tout à fait, mais elle accepte de l'aide, elle peut éventuellement s'en
00:19:24sortir, mais parce qu'elle accepte de l'aide, pas par elle-même, alors que Mia, elle s'en
00:19:28sort toute seule. Donc il y a ce regard non-sulpicien qui est très intéressant dans l'oeuvre
00:19:35d'Andréa Arnold, qui n'est pas seulement dans Fishtank, mais aussi dans d'autres films
00:19:41qu'on va découvrir un peu plus tard. Donc il y a une vraie poésie de la perception,
00:19:46et que cette mise en scène énergique, sensuelle, qui contrebalance toujours la dureté des
00:19:54lieux, est marquée aussi par une esthétique avec certains plans, certaines séquences,
00:20:00l'éclairage, les objets, le rapport au paysage, et c'est très éloigné de l'aspect documentaire
00:20:05qu'on associe souvent au réalisme social britannique. Alors, vous allez voir à la
00:20:14violence et la grossièreté parfois du personnage en début du film, la vulnérabilité, là
00:20:21on vient de les premiers émois, l'expression du désir interdit puisque c'est son beau-père,
00:20:26et ensuite cette séquence qu'on va découvrir, l'échelle individuelle, elle prend le pas
00:20:32sur l'échelle du groupe social. Et ça c'est quelque chose que vous allez pouvoir
00:20:39découvrir dans cette séquence de pêche à mains nues, c'est une séquence remarquable,
00:20:44composée de 53 plans, et en un peu moins de 6 minutes, et elle est parfaitement intégrée
00:20:49au film, et elle marque un point de rupture évident, et elle marque l'ambiguïté définitive
00:20:56du rapport de Mia à Connors, qui est en présence de sa mère, là elle va avec sa mère, Connors,
00:21:03et ses frères et soeurs, et on voit, disons, Arnold nous donne à voir les différents
00:21:09sentiments que cet homme suscite chez Mia. Est-ce que Mathilde, tu peux nous mettre l'extrait
00:21:15numéro 2 ? Merci.
00:21:45C'est pas drôle hein ? J'espère qu'il n'y a pas un million de putain de bâtiments dans ce bâtiment.
00:22:04Non, c'est pas vrai !
00:22:06Oh, regarde, ça peut me flipper ! Vite !
00:22:09Regarde, regarde ça. Tu vois ça sur cette feuille ?
00:22:14Oh mon dieu, il a 6 jambes. Regarde, 1, 2, 3, 4, 5, 6.
00:22:21Je ne peux même pas le voir. Où est-il ?
00:22:24Il est parti.
00:22:25Je vais chercher un poisson.
00:22:26Quoi ?
00:22:27Je vais y aller. Tu viens ?
00:22:29Pas du tout.
00:22:31Je vais rester ici, merci.
00:22:32Tu es une poule ?
00:22:34Oh mon dieu. Il doit être fou.
00:22:44J'ai besoin d'aide.
00:22:45Oh, sors de là. Viens ici, sinon ils vont te pousser.
00:22:48Pas du tout.
00:22:49Pas du tout.
00:22:52Regarde, les gens ne viennent pas ici souvent. Les poissons sont stupides. On peut l'avoir facilement.
00:22:56Je vais le regarder.
00:22:57C'est lui.
00:22:59Parfait. Viens ici.
00:23:00Oh, crois en la vieille Mia.
00:23:03Est-ce que ça bouge ?
00:23:05Ces vêtements de trottinette coûtent 20 francs, tu sais.
00:23:09Je n'y crois pas.
00:23:19Viens ici.
00:23:20Viens, bouge lentement.
00:23:22C'est quoi ça ?
00:23:23C'est un poisson.
00:23:24C'est un poisson ?
00:23:25C'est un poisson.
00:23:26C'est un poisson.
00:23:27C'est un poisson.
00:23:28C'est un poisson.
00:23:29C'est un poisson.
00:23:30C'est un poisson.
00:23:31Bouge lentement.
00:23:32Elle ne peut pas nager.
00:23:40Vos pieds dégueulasses ont effrayé ces poissons.
00:23:42Ils pensent que tu as envoyé un poisson dégueulasse pour les attraper.
00:23:48Bouge lentement vers moi.
00:23:50Est-ce qu'il t'a touché ?
00:23:51S'il l'avait fait, tu aurais eu des poissons.
00:23:57Tu vois les poissons devant toi ?
00:24:00Bouge lentement vers moi.
00:24:01Pas encore.
00:24:06Bouge lentement.
00:24:17Arrête.
00:24:29Arrête.
00:24:39C'est un poisson.
00:24:40C'est un poisson.
00:24:55Bouge lentement.
00:24:59Bouge lentement.
00:25:11Est-ce qu'il est mort ?
00:25:12Non, c'est en train de danser.
00:25:13Qu'est-ce que tu penses qu'il fait ?
00:25:17Qu'est-ce que tu fais ?
00:25:24C'était violent.
00:25:25C'était plus gentil.
00:25:26Oui, c'est vrai.
00:25:28Les doigts.
00:25:29Les doigts ?
00:25:30Je ne les touche même pas.
00:25:31Je les mets dans ma bouche.
00:25:32Tu manges des doigts, non ? C'est pareil.
00:25:34Non, c'est pas pareil.
00:25:35Il a une tête et les yeux sont dégueulasses.
00:25:37Je n'aime pas les doigts.
00:25:38Je l'ai mangé.
00:25:39Bien joué.
00:25:41Elle l'aurait mangé.
00:25:43Gardez-la.
00:25:49Regarde-moi.
00:25:52Tu vas vivre.
00:25:58C'est pas vrai.
00:26:04Qui est Kelly ?
00:26:07Là, sur ton bras.
00:26:09C'est vrai.
00:26:10C'est juste une ex-amie.
00:26:23Mia.
00:26:25Viens ici.
00:26:28Sors de mon dos.
00:26:31Viens.
00:26:38Tu vas bien ?
00:26:39Oui.
00:26:58Dans cet extrait,
00:27:00c'est vrai que la raréfaction des paroles
00:27:03contribue à créer une sensualité
00:27:07assez organique
00:27:09qui met en valeur les corps,
00:27:11l'animalité des personnages.
00:27:13Il y a les bleus sur les bras de Mia,
00:27:16son pied ensanglotté, ses bras nus,
00:27:18les bras musclés et veinés de Connor
00:27:21qui lui bandent le pied.
00:27:23Il n'est pas non plus anodin que les seules paroles
00:27:25prononcées par Mia,
00:27:27« Moi, je le mangerais »,
00:27:29provoquent le sourire carnassier.
00:27:31Je ne veux pas faire de...
00:27:37C'est assez clair.
00:27:39Cette séquence présente aussi
00:27:42des aspects assez inédits
00:27:44parce que la démarche de Mia,
00:27:46son silence, son apaisement
00:27:48avec la complicité,
00:27:50la prégnance de la nature,
00:27:52elle comporte des éléments essentiels
00:27:54qui annoncent les scènes à venir.
00:27:56Pour ceux qui connaissent le film,
00:27:58on sait que la blessure de Mia,
00:28:00après, elle cicatrise.
00:28:02Elles seront montrées plusieurs fois.
00:28:05Le poisson, il sera finalement
00:28:07mangé sur le sol par les chiens.
00:28:09Le tatouage,
00:28:11c'est le symbole du mensonge
00:28:13qui est révélé plus tard par le beau-père
00:28:15puisqu'il dit qu'il a été
00:28:17il cache qu'il a un enfant
00:28:19que plus tard, d'ailleurs,
00:28:21elle essaiera, Mia,
00:28:23d'enlever,
00:28:25qui donnera aussi au récit du film
00:28:27presque un aspect
00:28:31de thriller.
00:28:33Donc, en fait,
00:28:35à travers le point de vue unique,
00:28:37ces deux exemples-là,
00:28:39Arnold fait dévier
00:28:41la chronique de la blessure
00:28:43de la nature.
00:28:45Arnold fait dévier
00:28:47la chronique sociale vers quelque chose
00:28:49du conte initiatique,
00:28:51du drame romantique,
00:28:53voire du thriller,
00:28:55comme je vous le disais.
00:28:57Là-dessus,
00:28:59quand Andréa Arnold,
00:29:01quand on lui pose la question
00:29:03est-ce que
00:29:05vous vous inscrivez dans une histoire
00:29:07où tout le monde la bassine avec ça,
00:29:09elle dit, moi, mon film,
00:29:11il n'a plus à voir avec ce que je suis
00:29:13et moi, j'en connais des gens
00:29:15qui trouvent de quoi manger dans des baignes à ordures,
00:29:17des femmes, des jeunes filles
00:29:19qui étaient folles amoureuses de leur beau-père
00:29:21et que,
00:29:23ce qui ne veut pas dire que c'est bien,
00:29:25mais
00:29:27ce qui fait que, en quelque sorte,
00:29:31elle a grandi, elle raconte aussi
00:29:33qu'elle a grandi dans une cité
00:29:35qui est entourée de champs,
00:29:37pas loin d'une ferme,
00:29:39et qu'on la laissait très libre
00:29:41aller et venir à sa guise,
00:29:43elle courait partout sans surveillance
00:29:45et à 5 ans,
00:29:47elle s'est fait renverser par une voiture
00:29:49et que
00:29:51elle a toujours trouvé un certain réconfort
00:29:53à fréquenter la nature
00:29:55et que
00:29:57chacun de ses films est
00:29:59une extension de ses voyages intérieurs
00:30:01de l'enfance
00:30:03et que lorsqu'elle croise
00:30:05quelque chose de très beau,
00:30:07mes films sont toujours
00:30:09l'extension de ses balades enfantines,
00:30:11je continue de voyager
00:30:13et lorsque je croise un magnifique papillon de nuit,
00:30:15c'est plus fort que moi, il faut que je le montre aux autres.
00:30:19Voilà, donc,
00:30:23ça nous fait arriver
00:30:25de la petite bête de la libellule,
00:30:27au personnage féminin
00:30:29récurrent
00:30:33d'André Arnold,
00:30:35dans tous ses films, sauf
00:30:37plus directement pour
00:30:39Les Hauts de Hurlevent,
00:30:41il est question du désir féminin.
00:30:43Chacun de ses films,
00:30:45aussi radieux, rugueux,
00:30:47c'est toujours une pulsation
00:30:49lancinante, une confrontation morale,
00:30:51c'est toujours sur le fil du rasoir
00:30:53et qu'il y a beaucoup de
00:30:55finesse et de complexité
00:30:57à essayer
00:30:59de représenter le large spectre
00:31:01des relations intimes
00:31:03et que
00:31:05qui va de la sexualité
00:31:07à ses abus,
00:31:09de l'objectivation sexuelle
00:31:11à l'empowerment
00:31:13et que
00:31:15ces femmes ne sont ni magnifiées,
00:31:17ni angéliques,
00:31:19elles sont en tête à avancer
00:31:21dans le noir, à vouloir réparer
00:31:23ce qui est irréparable, ce qui pourrait être
00:31:25irréparable, à exiger,
00:31:27à rêver d'accalmie
00:31:29et que finalement, elles s'émancipent
00:31:31sans condition, elles essaient juste de retrouver
00:31:33leur vérité et l'unité de leur paysage
00:31:35intime et que
00:31:37ces fondateurs,
00:31:39quel qu'en soit le prix, toutes ces héroïnes
00:31:41partagent
00:31:43en ce sens une obsession
00:31:45pour les figures masculines
00:31:47viriles, on l'a vu
00:31:49là, qui leur offrent
00:31:51à la fois la libération
00:31:53qu'elles espèrent et aussi le danger
00:31:55dont elles ont besoin pour se sentir vivantes
00:31:57et
00:31:59elle a beaucoup figuré
00:32:01les limitations
00:32:03de ces femmes, qu'elles soient liées au traumatisme
00:32:05à l'interdit
00:32:07dans Fishtank
00:32:09ou à la classe sociale
00:32:11dans Les Hauts du Hurlevent
00:32:13toujours par un espèce de
00:32:15rétrécissement étouffant
00:32:17du cadre
00:32:19d'un côté on voit les rues de Glasgow
00:32:21dans Red Road qui sont observées par
00:32:23le prisme des caméras de surveillance
00:32:25les tours bétonnées de la banlieue londonienne
00:32:27qu'on vient de voir et les Landes New York
00:32:29qui sont observées hier au XIXe siècle
00:32:31dans Les Hauts du Hurlevent
00:32:33Donc là on fait un petit retour dans le temps
00:32:35Peux-tu mettre l'extrait 3 ?
00:32:59...
00:33:01...
00:33:03...
00:33:05...
00:33:07...
00:33:09...
00:33:11...
00:33:13...
00:33:15...
00:33:17...
00:33:19...
00:33:21...
00:33:23...
00:33:25...
00:33:27...
00:33:29...
00:33:31...
00:33:33...
00:33:35...
00:33:37...
00:33:39...
00:33:41...
00:33:43...
00:33:45...
00:33:47...
00:33:49...
00:33:51...
00:33:53Donc voilà, là c'est
00:33:55on retrouve
00:33:57dans cette séquence
00:33:59une grande attention
00:34:01au détail du monde vivant
00:34:03l'herbe verte, le soleil, les corps
00:34:05avec ce directeur
00:34:07elle a toujours accompli
00:34:09depuis le début de ses films
00:34:11qui s'appelle
00:34:13Robbie Ryan
00:34:15qui est son fidèle directeur de la photographie
00:34:17depuis WASP
00:34:19et qui a un travail
00:34:21assez magnifique
00:34:23et dans ce film
00:34:25on lui a laissé
00:34:27librement, c'était pas un film
00:34:29qu'elle a écrit
00:34:31évidemment, c'est un film qu'on lui a proposé
00:34:33et qu'il y avait déjà deux acteurs
00:34:35qui étaient prévus
00:34:37et qu'elle a décidé de tout
00:34:41repousser
00:34:43enfin voilà, rejeter
00:34:45elle a été
00:34:47la première à dépeindre
00:34:49la figure de l'étranger
00:34:51qui est Julian Heathcliff
00:34:53en tant qu'homme noir
00:34:55et elle creuse là
00:34:57dans ces scisions connues de son cinéma
00:34:59qui est le choc des classes sociales
00:35:01ethniques
00:35:03les relations tumultueuses
00:35:05entre les hommes et les femmes
00:35:07et la soif de vengeance
00:35:09c'est le seul thème
00:35:11où la soif de vengeance est présente
00:35:13dans ce film
00:35:15parce que
00:35:17ses héroïnes ne portent pas ça
00:35:19et là elle déjoue évidemment
00:35:21tous les codes du film en costume
00:35:23ce qui est très fou dans ce film
00:35:25c'est qu'on a toujours
00:35:27un sentiment de suspension
00:35:29on fait un espèce
00:35:31de voyage onirique
00:35:33un peu parfois cauchemardesque
00:35:35mais qui est
00:35:37unique en son genre
00:35:39par rapport justement aussi
00:35:41à la tradition du cinéma britannique en costume
00:35:43très posée
00:35:45et que là
00:35:47on modernise ça de façon
00:35:49extrêmement
00:35:53incarnée
00:35:55donc
00:35:57cette représentation du désir dont on parle
00:35:59elle était déjà présente dans WASP
00:36:01en 2003, ce court-métrage
00:36:03où une jeune femme de famille
00:36:05laisse de côté ses enfants
00:36:07le temps d'un rendez-vous avec un homme
00:36:09et
00:36:11là encore une fois
00:36:13André Arnold
00:36:15nous donne des munitions
00:36:17pour ne pas juger son héroïne
00:36:19mais en nous murmurant
00:36:21à l'oreille
00:36:23cette question rhétorique
00:36:25qui n'a jamais erré sous le coup
00:36:27de la solitude et du manque d'amour
00:36:29et qu'est-ce qu'on sacrifierait pas des fois
00:36:31pour ça ?
00:36:33Peux-tu nous passer l'extrait numéro 4 ?
00:36:45...
00:37:07...
00:37:35...
00:37:57...
00:38:05Comment on peut être réveillé par une piqûre de guêpe ?
00:38:09Donc
00:38:13évidemment c'est pas politiquement correct
00:38:15de montrer les mères comme ça
00:38:17et c'est
00:38:19la seule qui le fait
00:38:21en gros
00:38:23dans le cinéma français
00:38:25j'en ai pas en tête
00:38:27mais en tout cas
00:38:29c'est
00:38:31peu courant
00:38:33et
00:38:35en ce sens là je trouve que
00:38:37elle
00:38:39elle remplit quelque chose
00:38:41qui est très important
00:38:43aussi
00:38:45dans l'inconscient
00:38:47du cinéma
00:38:49vu par les hommes
00:38:51donc nous on fait
00:38:53du cinéma vu par des femmes
00:38:55et donc pas des femmes
00:38:57vu par des hommes
00:38:59donc il y a quelque chose d'important
00:39:01dans ce qu'elle représente
00:39:03alors dans Wasp
00:39:05dans American Honey
00:39:07là on découvre
00:39:09Star, notre
00:39:11héroïne qui porte bien son nom
00:39:13qui est une comédienne qui s'appelle
00:39:15Sacha Lake
00:39:17qui croise celui de Chia le Boeuf
00:39:19Jake
00:39:21trouvé par Chia le Boeuf
00:39:23et donc elle voit chez ce garçon
00:39:25charismatique et effronté
00:39:27l'opportunité de s'extraire d'un quotidien
00:39:29et de s'occuper
00:39:31de s'extirper
00:39:33d'enfants qui ne sont pas les siens
00:39:35donc là je vais vous montrer
00:39:37un autre extrait
00:39:39d'American Honey, extrait 5
00:39:51c'est quoi ça ?
00:39:53c'est des petits bâtards ?
00:40:21c'est quoi ça ?
00:40:51Chia le Boeuf
00:40:53Chia le Boeuf
00:40:55Chia le Boeuf
00:40:57Chia le Boeuf
00:40:59Chia le Boeuf
00:41:01Chia le Boeuf
00:41:03Chia le Boeuf
00:41:05Chia le Boeuf
00:41:07Chia le Boeuf
00:41:09Chia le Boeuf
00:41:11Chia le Boeuf
00:41:13Chia le Boeuf
00:41:15Chia le Boeuf
00:41:17Chia le Boeuf
00:41:19...
00:41:41c'est un bon endroit pour une rencontre
00:41:43un supermarché
00:41:45Donc là, on rentre dans un autre territoire de cinéma d'Andréa Arnold, c'est son premier
00:41:57film tourné aux USA et elle a choisi de transposer une histoire ancrée, basée sur sa propre
00:42:05expérience de voyageuse, parce qu'elle s'est inspirée de l'expérience de jeunes vendeurs
00:42:16qui parcourent les USA pour vendre des abonnements. Et que là, elle traverse les corps de cette
00:42:27bande de jeunes américains, dont celui de Star, qui est vraiment une allégorie de la
00:42:32résilience. C'est un personnage qui se bat pour sortir de la ville dans laquelle elle
00:42:37est tombée, qui part sur les routes à la recherche de son indépendance. Et c'est toute
00:42:44l'immensité de l'Amérique et de ses mythes nourriciers, le pétrole, le road trip, le
00:42:51matérialisme de l'American dream qui s'offre à notre héroïne. Et d'ailleurs, elle opte
00:43:01au départ pour un format 1.37, comme ça, ça lui permet de bien enfermer sa bande d'adolescents
00:43:08dans des espaces réduits. Et c'est assez intéressant parce qu'ils ont une énergie
00:43:13de survolter et qu'ils parcourent en camionnette pour vendre des magazines et qu'à l'intérieur
00:43:18de ce véhicule, comment dire, la vie jaillit, le colportage, c'est un peu l'antichambre
00:43:30de tout ce que le capitalisme sauvage peut permettre. Et qu'elle se confronte à la
00:43:42matière d'un imaginaire américain, qu'avec Moulcinast, on travaillait avant qu'elle,
00:43:47Larry Clark, Gus Van Sant, et elle offre d'ailleurs le rôle de boss à la petite fille d'Evelyse
00:43:55Wesley, qui s'appelle Rilla Keough, et qui, là, elle est vraiment au cœur de l'Amérique
00:44:01légendaire mythique qu'a symbolisé en son temps le king. Et qu'elle fait la même chose
00:44:09quand elle rencontre les vieux cow-boys déchus, qu'on verra plus tard, ou des travailleurs
00:44:12des gisements de pétrole. Donc, je vous laisse d'abord mettre en place, enfin, comment dire,
00:44:25regarder cette séquence, qui se situe un peu après celle qu'on vient de voir, après
00:44:31cette première rencontre avec Jake, où elle revient chez elle, dans l'appartement dans
00:44:39lequel elle vit, sa mère est morte, elle vit avec celui qu'on imagine qui fut son
00:44:48très jeune père, abusif. Voilà. Donc, je vous laisse, cet extrait est un peu plus
00:44:57long, parce qu'il met en scène tous les ingrédients de, vraiment, de ce qu'on peut
00:45:17appeler de la violence et de la fuite, quoi. Alors, est-ce que tu peux me mettre l'extrait
00:45:25numéro 6, Mathilde ? Merci.
00:46:17C'est quoi, mon amour ? Donne-moi un instant. J'ai attendu. J'ai tellement faim, j'ai
00:46:31envie de manger une coque. Celle-là n'a pas d'oeufs. Arrête de faire de la merde, Ruben.
00:46:42Sors ces chiens de là-bas.
00:46:54Sors ces chiens de là-bas.
00:46:56Sors-les de là-bas.
00:47:12Sors-les de là-bas.
00:47:22Sors-les de là-bas.
00:47:24C'était génial.
00:47:42Tu vas manger ça ?
00:47:44Qu'est-ce que c'est ?
00:47:46Tu as des yeux.
00:47:48Laisse-moi prendre ça.
00:47:50J'ai des choses à faire.
00:47:52Viens danser avec ça.
00:47:54Viens maintenant.
00:47:56C'est juste une danse.
00:47:58Viens.
00:48:12Viens.
00:48:14Viens.
00:48:16Viens.
00:48:18Viens.
00:48:20Viens.
00:48:22Viens.
00:48:24Viens.
00:48:26Viens.
00:48:28Viens.
00:48:30Viens.
00:48:32Viens.
00:48:34Viens.
00:48:36Viens.
00:48:38Viens.
00:48:40Viens.
00:48:42Viens.
00:48:44Viens.
00:48:46Viens.
00:48:48Viens.
00:48:50Viens.
00:48:52Viens.
00:48:54Viens.
00:48:56Viens.
00:48:58Viens.
00:49:00Viens.
00:49:02Viens.
00:49:04Viens.
00:49:06Viens.
00:49:38...
00:49:58Maman !
00:49:59...
00:50:03Maman !
00:50:04...
00:50:11Je peux voir ma famille, Angel ?
00:50:13...
00:50:23Où allons-nous ?
00:50:24Une surprise.
00:50:25...
00:50:35Une surprise.
00:50:36...
00:50:37Chut, Ruben.
00:50:39Allez, Ruben, sors.
00:50:40...
00:50:43Allez, Ruben, sors.
00:50:44...
00:51:05...
00:51:18...
00:51:22Maman, je te vois.
00:51:23...
00:51:35...
00:52:03...
00:52:14J'ai un chien.
00:52:15...
00:52:17C'est à Kansas.
00:52:19...
00:52:22Tu es venu ici pour me le dire ?
00:52:24...
00:52:27Quel genre de chien est-il à Kansas ?
00:52:29...
00:52:31Nathan ne peut pas avoir un si tu le sais.
00:52:33...
00:52:35Je ne peux pas l'avoir.
00:52:36...
00:52:40C'est ça que tu veux ?
00:52:41...
00:52:42Je ne peux pas t'emmener à Kansas.
00:52:44...
00:52:45Qu'est-ce qui se passe ?
00:52:46...
00:52:48Elle veut que j'aie les enfants ?
00:52:49...
00:52:50Parce qu'elle a un travail à Kansas ?
00:52:51...
00:52:53Ils sont tois.
00:52:54...
00:52:55Sors-les.
00:52:56...
00:53:03Cris de joie
00:53:04...
00:53:33...
00:53:34...
00:53:36...
00:53:37Je vais aller au bain.
00:53:38...
00:53:42Je vais aller au bain.
00:53:43...
00:54:07...
00:54:08...
00:54:35...
00:54:36...
00:54:58En fait, là, j'hésite à partir dans deux directions.
00:55:01...
00:55:04J'ai un gros chapitre sur la possibilité du viol.
00:55:07Voilà, dans le cinéma d'André Arnold.
00:55:09Là, on est entre les deux.
00:55:12...
00:55:14Eh bien, on va y aller.
00:55:15...
00:55:16...
00:55:17...
00:55:18Donc, vous voyez, là, je trouve que ce qui est intéressant dans cet extrait,
00:55:24c'est que c'est vraiment tout est là.
00:55:27...
00:55:28Tout est là dans la violence des situations
00:55:30...
00:55:31...
00:55:33...
00:55:34Qu'elle met toujours en contraste.
00:55:39...
00:55:40C'est toujours amené dans une grande brutalité.
00:55:43...
00:55:45Un abandon.
00:55:46...
00:55:47Une tentative de viol.
00:55:48...
00:55:49On voit tout dans cet extrait.
00:55:50La survie.
00:55:52...
00:55:53Tout est là.
00:55:54...
00:55:55Tout est dit.
00:55:56...
00:55:57Star, la jeune héroïne de Fish Tank à American Honey, on voit vraiment que c'est d'abord
00:56:14construit selon le stéréotype de la jeune victime, des hommes.
00:56:18C'est un récit qu'on connaît dans le cinéma américain, Thelma et Louise de Ridley
00:56:25Scott, par exemple, où le duo féminin part sur la route en quête d'émancipation après
00:56:32que l'une d'elles ait été violée et que d'emblée, évidemment, cette jeune fille
00:56:37de Star fait l'objet de convoitises et la justesse de l'intrigue dans American Honey
00:56:44tient à ce qu'en permanence, quelque chose nous échappe.
00:56:47À chaque fois qu'elle prend un chemin de traverse, qu'elle monte dans une bagnole
00:56:51avec des inconnus, quelque chose d'horrible ou de prometteur peut lui arriver.
00:56:57Et c'est une menace qui plane en permanence dans American Honey, on est toujours tenté
00:57:04de suivre son désir d'indépendance, mais il est toujours menacé et qu'elle n'hésite
00:57:09pas à partir seule avec un ou des hommes pour leur vendre ses magazines.
00:57:13La première fois après qu'elle ait rencontré Jake et qu'elle part avec eux en camion,
00:57:22elle rencontre ces vieux à l'allure de cow-boys qui l'invitent à un barbecue.
00:57:29Cette scène est assez éprouvante, mais pour moi, elle raconte tant de choses sur la barbarie
00:57:42de la conquête de l'Ouest, beaucoup de choses autour de la domination masculine qui fait
00:57:53partie de la mythologie du cinéma américain et que là, dans cet extrait-là, vous allez
00:58:02voir.
00:58:03Extrait 9 American Honey.
00:59:34I was born in Texas, my mom died three years ago, so I was sent to Oklahoma.
00:59:39I'm sorry to hear about that.
00:59:41Cancer?
00:59:42Meth.
00:59:43Thanks.
00:59:44You're a long way from home, huh?
00:59:56Yeah, I do selling, door-to-door.
01:00:05Door-to-door selling?
01:00:06What you're selling?
01:00:07Nothing everyone ever wants to buy.
01:00:08Try us.
01:00:09Magazines.
01:00:10What kind of magazines?
01:00:11You like porn magazines?
01:00:12Porn, crochet, fishing, everything.
01:00:13I'm shit at it, though.
01:00:14No one ever buys from me.
01:00:15I'll tell you what, we're going to go burn some steaks, have some beers, why don't you
01:00:34come join us?
01:00:35We'll buy some of your magazines.
01:00:36Y'all do that?
01:00:37We ain't got nothing better to spend our time and money on.
01:00:38All right.
01:00:40It'll be my first sale.
01:00:41I'll get the charcoal.
01:00:42Is this your dog?
01:00:43Come on.
01:00:44Hi.
01:00:45This way, young.
01:00:46Is this your house?
01:00:47Yep.
01:00:48All right, baby, right this way.
01:00:49We're going to go downstairs and out back.
01:00:50We'll be right back.
01:00:51All right.
01:00:52Bye.
01:00:53Bye.
01:00:54Bye.
01:00:55Bye.
01:00:56Bye.
01:00:57Bye.
01:00:58Bye.
01:00:59Bye.
01:01:00Bye.
01:01:01Bye.
01:01:02Bye.
01:01:03Bye.
01:01:04Bye.
01:01:05Bye.
01:01:06Bye.
01:01:07Bye.
01:01:08Bye.
01:01:09Bye.
01:01:10Bye.
01:01:11Bye.
01:01:12Bye.
01:01:13Bye.
01:01:14Bye.
01:01:15What do you guys go downstairs?
01:01:16Now, back to the patio.
01:01:17Fire up the barbeque.
01:01:20Step right this way.
01:01:21Mhmmm.
01:01:22Awesome.
01:01:23Wow.
01:01:28Watch your step now.
01:01:29These stairs are a little creepy.
01:01:31All right.
01:01:36All right.
01:01:37You've got a pool?
01:01:39Yep.
01:01:40J'ai pas la tête !
01:01:45Les cachets sont juste là-bas.
01:01:53Tu veux un autre bière, chérie ?
01:01:54Tu as quelque chose de plus fort ?
01:01:56Je pense que j'ai des mescales.
01:01:58C'est quoi ?
01:01:59Mescale ?
01:02:01C'est un genre de bouillon...
01:02:04spooky, puissant.
01:02:06C'est une sorte de liqueur difficile. Les femmes ne peuvent pas le gérer normalement.
01:02:11Donnez-moi quelque chose d'autre.
01:02:13Tu veux quelque chose d'autre? C'est ce que tu veux?
01:02:17Je ne sais pas.
01:02:19Ce n'est pas comme le liqueur normal.
01:02:22Elle a un autre type de puissance.
01:02:24C'est une sorte d'excitation.
01:02:28C'est comme l'expérience.
01:02:31J'ai bu un peu.
01:02:34J'ai bu un peu trop.
01:02:36J'ai compris.
01:02:52Tu veux aller nager?
01:02:54Je ne sais pas comment nager.
01:02:56Tu n'as pas vraiment besoin de nager. Tu peux rester là.
01:02:59Ta tête sera au-dessus de l'eau.
01:03:03C'est la meilleure façon d'apprendre.
01:03:05C'est bon.
01:03:09C'est la meilleure façon d'apprendre.
01:03:33Je ne peux pas m'en occuper.
01:03:36Tu es un peu mou derrière les oreilles, n'est-ce pas?
01:03:38Écoute-moi.
01:03:39C'est bon, ma chérie.
01:03:43Tu veux un autre?
01:03:44Oui.
01:03:45J'aime les filles avec de la puissance.
01:03:47C'est facile.
01:03:48C'est bon.
01:03:50Je t'ai dit que les femmes ne devaient pas boire ça.
01:03:53C'est si mauvais pour les femmes.
01:03:55C'est la meilleure façon d'apprendre.
01:03:57C'est la meilleure façon d'apprendre.
01:04:00C'est si mauvais pour les femmes.
01:04:03Attention.
01:04:05C'est un boisson pour les filles.
01:04:07C'est un boisson pour les filles.
01:04:13Attention à ça.
01:04:16C'est un boisson.
01:04:20Qu'est-ce que c'est?
01:04:22C'est une larve.
01:04:24Une larve?
01:04:25Tu dois la manger quand la boisson est vide.
01:04:27C'est dégueulasse.
01:04:28C'est censé t'amener de l'amour.
01:04:30Et de la chance.
01:04:32Est-ce qu'elle est morte?
01:04:33Ou si, elle est vraiement épuisée.
01:04:39C'est dégueulasse.
01:04:41Les gens aiment ces larves.
01:04:43Certains disent qu'elles ont des propriétés magiques.
01:04:47Si tu manges cette larve, tu ne partiras pas.
01:04:50C'est dégueulasse.
01:04:58Oh non.
01:04:59Merci.
01:05:02C'est magique.
01:05:05Ça va te réveiller le matin.
01:05:07Et te faire dormir.
01:05:08Je crois que c'est assez.
01:05:10Je te l'ai dit.
01:05:11C'est une substance très puissante.
01:05:16Tu es fasciné par cette larve, non?
01:05:21Tu penses que tu veux la manger?
01:05:23Non, elle n'en veut pas assez.
01:05:25C'est pas pour les femmes.
01:05:27Surtout pas pour les petites filles.
01:05:29Donne-moi la larve.
01:05:31Je l'ai.
01:05:33Tu veux la manger?
01:05:36On t'achète 5 magazines si tu veux la manger.
01:05:39Mange la larve.
01:05:40On t'achète 5 magazines.
01:05:42C'est ma proposition.
01:05:44Je suis d'accord.
01:05:45C'est 40 dollars chacun, non?
01:05:47Oui.
01:05:48Mets ton argent sur la table.
01:05:50C'est 120 dollars par pièce.
01:05:52Je n'en ai que 60.
01:05:54Ne t'inquiète pas, je te le mettrai.
01:05:56Tu devrais, j'ai acheté des magasins.
01:05:58Tu m'as emmené dans des troubles avec ma femme.
01:06:00Voilà.
01:06:02C'est terminé.
01:06:03Prends ton temps.
01:06:04J'ai de l'argent partout.
01:06:06Je vais chercher mon paquet.
01:06:14Qu'est-ce que tu as ici?
01:06:15Je veux ton nom et ton adresse.
01:06:17Nom, adresse, numéro de téléphone.
01:06:19Notre type de sang aussi.
01:06:21Mets mon nom et ton adresse.
01:06:28Vous êtes sérieux, non?
01:06:30C'est un accord.
01:06:33Nous sommes des hommes de notre parole.
01:06:37Uno.
01:06:38Dos.
01:06:39Très bien.
01:06:40Je suis désolée, petit garçon.
01:06:43Voilà!
01:06:44C'est parti!
01:06:53Bien joué!
01:06:56Fais gaffe, tu vas bien.
01:06:58C'est un accord, j'ai l'argent, non?
01:07:00Oui, c'est tout pour toi.
01:07:05Je n'ai jamais vu autant d'argent.
01:07:07On t'a dit que tu avais de la chance.
01:07:15Qu'est-ce que c'est?
01:07:17C'est ton chien?
01:07:19Je ne sais pas.
01:07:20Il n'a jamais fait ça.
01:07:30Tu es un fou, non?
01:07:45C'est comme un loup.
01:07:48C'est une fête, c'est une fête, c'est une fête!
01:07:51C'est Jake!
01:07:54Tu es un loup?
01:07:55Où est ta veste?
01:07:56Je ne l'ai pas.
01:07:58Waouh!
01:08:00Je peux faire une fête aussi?
01:08:02Viens, tu as des toilettes?
01:08:04Allons dans la poule!
01:08:05C'est quoi?
01:08:06C'est quoi?
01:08:07C'est quoi?
01:08:08C'est quoi?
01:08:09C'est quoi?
01:08:10C'est quoi?
01:08:11C'est quoi?
01:08:12C'est quoi?
01:08:13Ce n'est pas mon problème.
01:08:16Je m'en fous.
01:08:18Je m'en fous.
01:08:19Je m'en fous.
01:08:20Je m'en fous.
01:08:22Tu es un loup, non?
01:08:23Tu es un loup.
01:08:26Il a l'air con.
01:08:28Non, il est pas ça.
01:08:30Tu es un loup!
01:08:31C'est un loup!
01:08:34Ce n'est pas mon problème.
01:08:35C'est un loup!
01:08:38C'est un loup.
01:08:39C'est de la merde!
01:08:40Hey, ils étaient gentils avec moi.
01:08:42T'as de la merde. Où est ta veste ?
01:08:43J'en ai pas.
01:08:44Comment on va s'en sortir maintenant ?
01:08:46Vas-y.
01:08:47Vas-y, vas-y, vas-y.
01:08:48Merde ! Merde !
01:08:49Vas-y.
01:08:50Qu'est-ce que t'as ?
01:08:51L'auto ! L'auto !
01:08:52Viens, viens.
01:08:53Joues dans l'auto.
01:08:54Qu'est-ce qu'on fait ?
01:08:55Joues dans l'auto. Joues dans l'auto.
01:08:57On y va ?
01:08:58Ouais.
01:09:11Ça va ?
01:09:13Ouais, ça va.
01:09:40400 dollars.
01:09:45Ça t'a touché?
01:09:47T'es sérieuse?
01:09:49Non.
01:09:50C'était une vente. J'ai eu le recepteur pour le prouver.
01:09:56C'est 400 dollars.
01:09:58Pour 400 dollars, j'ai fait un vrai cash.
01:10:01Tout signé.
01:10:04Et ils t'ont payé le cash aussi?
01:10:07Oui.
01:10:09Et tu n'as rien fait?
01:10:14D'accord.
01:10:18400 dollars!
01:10:31Je me sens comme en Amérique.
01:10:33Tu vois ce que je veux dire?
01:10:34Oui.
01:11:09T'es sérieuse?
01:11:10Oui.
01:11:11Je suis sérieuse.
01:11:12Tu es sérieuse?
01:11:13Oui.
01:11:14J'ai fait un vendeur.
01:11:15C'est comme si je ne le savais pas.
01:11:16Et tu as fait un vendeur?
01:11:17Oui.
01:11:18Et tu as fait un vendeur?
01:11:19Oui.
01:11:20C'est le cas.
01:11:30C'est le cas.
01:11:34C'est le cas.
01:11:35C'est le cas.
01:11:36de laisser cet extrait qui est long, mais qui raconte comment finalement une jeune femme
01:11:45qui ne veut jamais se mettre consciemment en danger, cherche toujours honnêtement à
01:11:51entrer en contact avec chaque potentiel acheteur, et qu'il y a deux autres occurrences dans
01:11:57le film, trois autres, où elle se met en situation de danger, et en tout cas, quand
01:12:05elle va dans un camion avec trois hommes vers un site de forage pétrolier où ils travaillent,
01:12:10personne ne la croit sur le fait qu'elle soit montée exclusivement pour leur vente
01:12:14des abonnements, et il lui propose de payer ses services sexuels, et elle monte l'enchaire
01:12:21à 1000 dollars, elle accepte de retrouver l'un d'eux le soir, et là c'est pareil,
01:12:27finalement, en gros, elle le masturbe, mais il la touche pas, et que la menace n'a jamais
01:12:36été aussi explicite que dans l'accumulation de cette scène-là, et que ce qui est intéressant
01:12:45c'est qu'à chaque fois, les trois scènes, elles déjouent le stéréotype du prédateur
01:12:51sexuel, qui est toujours réactivé d'entrée de jeu avec le père abusif de Stark qu'on
01:12:57avait vu au début, c'était indispensable de mettre cette séquence, parce que malgré
01:13:01son innocence qui pourrait la mettre en danger, ce personnage il est préservé, et les attentes,
01:13:08je dirais, les pulsions obscènes ou pas du public ou les peurs sont déjouées, et je
01:13:18trouve que c'est une proposition forte qui questionne aussi nos automatismes de pensée
01:13:24qui nous pousse à imaginer toujours le pire pour les femmes, et qu'elle n'est pas présentée
01:13:31comme un personnage asexué dans tout le film, puisqu'elle s'engage à deux reprises dans
01:13:35un rapport sexuel avec Jake, elle en est à l'initiative la première fois, et qu'elle
01:13:43semble aussi contrôler sa sexualité malgré son manque d'expérience, et que je trouve
01:13:50que ce que raconte Andrea Arnold, elle fait écho à notre peur du public, de trouver
01:13:58un écho dans les réactions de Jake, parce qu'il vient la sauver là, dans cette scène,
01:14:05et en fait, après, dans deux autres séquences qu'on va pas montrer, parce qu'on a pas le
01:14:13temps, mais il la croit pas, il revient sur le fait que, il refuse de croire à ses dénégations
01:14:21sur le fait qu'elle a pas eu de rapport sexuel avec eux, et en fait, à travers ça, il peut
01:14:30pas s'imaginer qu'une femme puisse dire non, ou bien que des hommes plus âgés n'aient
01:14:33pas envie de profiter d'une jeune femme innocente, et finalement je trouve qu'on partage finalement,
01:14:40il partage la même crainte que le public, et cette double préconception, qui est quand
01:14:47même assez réactionnaire, est interrogée par le film, et je trouve que cette violence
01:14:53masculine qui est normalisée, qui officie également de façon plus ludique dans le
01:14:57groupe, dans le camion, parce qu'il y a des combats entre les vendeurs, ceux qui sont
01:15:01les moins bons, etc., ça remplit cette façon d'y réfléchir.
01:15:10C'est galactique de mettre en cinéma ce point de vue. Le film se termine par une scène
01:15:19où justement, on peut croire qu'à la fin, après un feu de camp du groupe, etc., elle
01:15:30s'éloigne du groupe, elle remet une tortue dans l'eau, etc., on peut croire qu'elle disparaît,
01:15:35qu'elle plonge dans le lac, et que le spectateur imagine à nouveau le pire, et qu'en fait,
01:15:39on sait qu'elle ne s'est pas nagée, et on peut imaginer qu'elle se noie de chagrin,
01:15:44on va dire, mais elle refait surface. Et American Honest se termine sur cette image d'une femme
01:15:51innocente, mais aussi résiliente, tenace, indépendante, en contrôle de son corps et
01:15:56de son identité, malgré ses fragilités. Et là-dessus, je trouve que c'est inédit,
01:16:04c'est assez inédit. Peut-être que ça fait écho au film de Barbara Loden, Vanda, aussi
01:16:14qui est une traversée, comme ça, de femme qui, bon, elle est déjà, comment dire, hors
01:16:21la loi, c'est une situation différente, mais c'est intéressant parce que, justement,
01:16:29elle porte ses contradictions. Je voulais terminer sur l'histoire, là, vous avez vu
01:16:36ce truc, cette récurrence du monde animal. Vous avez vu plusieurs fois, à chaque fois,
01:16:43alors là, c'est drôle, dans cette séquence, si je puis dire, c'est que le monde animal,
01:16:48il rôde toujours dans l'univers d'Andréa Arnold, il est tour à tour bestial, craintif,
01:16:55ça dépend, viscéral, quand c'est les chiens qui écopent, mais c'est aussi tous ceux qu'on
01:17:00a intériorisés, tous les aboiements qui nous protègent, des coups, la guêpe, dans
01:17:06Wasp, que vous avez vu, qui nous ramène à nos obligations personnelles, parentales,
01:17:11etc. Et puis, dans Fishtank, il y a la jument vieillissante, mais là, on ne l'a pas vue,
01:17:15mais elle est très présente dans le film. Et que là, dans cette séquence, les hurlements
01:17:20de loups, pour le moins anthropomorphiques, s'immiscent dans la bergerie, des cow-boys,
01:17:27la figure de Jake, dont on comprend, avant, il explique que son père lui avait appris
01:17:35dans la forêt à imiter le loup. Et au milieu de ce bestiaire, c'est l'humain qui s'impose
01:17:42en roi et reine de la jungle, en gros. Et que le personnage, il en est une incarnation
01:17:46assez manifeste, parce qu'il est tantôt enjôleur, tantôt passif, il prétend agir
01:17:51pour le bien de la meute, mais il néglige rarement ses pulsions personnelles, on va
01:17:56dire. Et que ça le rend assaisissable, hypnotique, et c'est lui qui déniche un peu aussi toutes
01:18:05les nouveaux vendeurs, et il a tout loisir de modeler à l'image du clan, et c'est aussi
01:18:10par... comme ça qu'il instrumentalise notre héroïne. Voilà, donc, je souhaitais terminer
01:18:24un peu avec vous autour de la méthode d'Andréa Arnold, sur sa direction d'acteur, et son
01:18:31choix de casting non professionnel en majorité, c'est pas toujours le cas dans tous ses films.
01:18:39D'une façon plus générale, quand on l'interroge sur ses influences, elle cite André Tarkovsky,
01:18:48toujours en premier, Mickaël Haneke, j'imagine dans le filmage de La Cruauté, mais je trouve
01:18:54qu'elle est bien plus intéressante que Mickaël Haneke, qui a une façon plutôt assez perverse
01:19:00à mon sens. Elle parle de David Lynch ou Terence Malick, je pense, dans son lyrisme,
01:19:05son déploiement du mouvement, sans établir un lien de filiation direct. De toute façon,
01:19:12elle a construit un univers qui lui est propre. Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'elle
01:19:20scénarise tous ses films, et qu'elle est particulièrement attentive au processus de
01:19:26création du film pendant le tournage. Elle donne le scénario par petits bouts aux acteurs,
01:19:32qui découvrent au fur et à mesure la trajectoire de leurs personnages. Je vais vous raconter
01:19:40un petit peu cet extrait d'un entretien. Elle raconte un peu cette expérience. Elle
01:19:45dit, quand j'ai écrit, je ne sais pas encore ce que cela va devenir. J'adorais cette réplique
01:19:51qu'elle fait redire à un de ses personnages. On dit cela à propos des sculpteurs. J'avais
01:19:55lu quelque part que la forme est déjà dans la pierre, il n'y a plus qu'à le découvrir.
01:20:00J'adore cette idée, je pense que cela peut s'appliquer à tout ce que l'on crée, à
01:20:03un certain point. Je pense vraiment que lorsqu'on commence à écrire quelque chose, cela existe
01:20:08déjà, et qu'il s'agit de le découvrir. J'aime l'idée que le sculpteur essaie de
01:20:12le découvrir, de voir ce que cela veut être, et qu'il autorise à être ce qu'il veut,
01:20:17qu'il ne s'impose pas trop. J'écris une sorte de plan, une idée générale, mais
01:20:21rien n'est gravé dans la pierre. C'est juste un guide pour mes derniers marées.
01:20:25Cela évolue, cela évolue. Toujours, quand on construit des personnages, quand ils marchent,
01:20:30cela change dès qu'on commence à les suivre. Dans cette façon de travailler, pour American
01:20:38Honey, elle s'était installée dans un motel en bord de route. Elle a insisté pour n'employer
01:20:45aucun des moyens techniques modernes pour le tournage, c'est-à-dire pas de caravane
01:20:51ni de gros systèmes d'éclairage. Tout a été le plus naturel possible, afin que
01:20:55les acteurs y vivent au plus près le monde qu'elles voulaient dépeindre, qu'elles recréaient.
01:21:00Elle a travaillé avec une chef-décoratrice où elle trouvait à chaque fois les lieux
01:21:07les plus adaptés à l'histoire. Ils ont décidé de travailler en équipe réduite.
01:21:14Pour chaque scène, il y avait très peu de techniciens et d'acteurs présents sur le
01:21:19lieu de tournage. Elle tournait autant que possible dans la continuité, afin de permettre
01:21:24aux acteurs inexpérimentés de ressentir la progression de l'action et de leur laisser
01:21:30le temps de se connaître. J'aime quand on tourne un film aux Etats-Unis et qu'on dit
01:21:35que c'est une petite équipe, il y avait quand même 43 techniciens. 25 véhicules,
01:21:4234 000 km pour les lieux de tournage, 18 000 km pour la production, une vingtaine d'animaux,
01:21:47des petites bulles, un berger allemand, un phalangé volant, un petit marsupial, des
01:21:52chevaux, des vaches, une tortue, un ours brun et puis des poulets rôtis. D'autres animaux
01:22:00ont eu des petits rôles, des oiseaux, des araignées, des abeilles et des papillons
01:22:03de nuit. Sur la direction d'acteurs, elle souhaite travailler uniquement sur ce film
01:22:11avec des acteurs non professionnels. Elle a fini par changer pour American One-Eye,
01:22:26elle a vraiment travaillé avec des... il y avait un scénario mais qui a beaucoup changé.
01:22:30Il y avait une actrice qui devait jouer le rôle principal, qui l'a lâché deux semaines
01:22:37avant la prépa et donc elle a sauté dans un avion en Floride pendant la spring break.
01:22:43Et là, elle est allée à Panama Beach City, elle a trouvé... elle a passé son temps
01:22:49à ramasser des ados bourrés et elle les a ramenés chez eux. Il n'y avait pas beaucoup
01:22:54de gens de son âge mais c'est comme ça qu'elle a trouvé sa jeune actrice, Sacha, qui était
01:23:02différente de la personne qu'elle avait trouvée avant. Et voilà, elle a toujours réécrit
01:23:09dans l'urgence et elle disait que souvent sur les parkings, en fait, elles sont allées
01:23:19dans des endroits qui étaient tellement des déserts culturels et économiques que les
01:23:24seuls endroits où elles pouvaient donner rendez-vous aux adolescents, notamment dans
01:23:26le Kansas, c'était sur le parking de Wal-Mart. Et que tout le monde se retrouve là, c'est
01:23:34le village. Par ailleurs, sur le tournage, en général, sur ces tournages, elles ne
01:23:41donnent pas l'intégralité du scénario et que, par exemple, dans Fishtank, elle savait
01:23:48Katie Jarvis, évidemment, qu'elle allait jouer une scène de sexe avec Michael Fassbender
01:24:06qui était le seul acteur professionnel, enfin non, avec la mère qui était une actrice
01:24:11de Ken Loach. C'est la seule exception dans tous ces films. Et qu'elle explique comment
01:24:17elle a travaillé, comment c'était particulièrement important pour son actrice. Elle voulait qu'elle
01:24:25sache toujours où elle en était et elle voulait également que personne n'ajoute rien de significatif
01:24:29à ce qu'il était en train de faire au présent. C'est-à-dire, ne pas connaître la suite
01:24:35pour elle impliquait que chaque moment devait être exploré uniquement pour ce qu'il était
01:24:41et rien de plus. Un peu comme la vie. Voilà. Après, on peut, parfois c'est un peu compliqué
01:24:47ce genre de méthode. Bruno Dumont fait comme ça. Moi, je suis justement pour les scènes
01:24:55liées à l'intimité, etc. C'est pas comme ça. Enfin, on peut pas travailler comme ça.
01:24:59Et tant mieux. Donc, ça nécessite une méthode de travail qui est tout à fait possible quand
01:25:09on fait un travail sérieux avec les comédiens. Des gens qui soient amateurs ou pas, qu'on
01:25:15appelle des coordinateurs d'intimité. Ce n'est pas parce que ce sont des gens qui sont
01:25:20des amateurs, je dirais même au contraire. Encore plus. Voilà. Je voulais... Je crois
01:25:35avoir... Enfin, il y a plein de choses à dire, mais j'ai plutôt... J'en ai marre de parler
01:25:42toute seule. Donc, voilà. Si vous avez des questions, je pourrais pas répondre à sa
01:25:47place, mais échanger des façons de... Ah oui, si, j'ai une petite... Je pensais juste
01:25:56avant de vous laisser la parole. C'est que, par exemple, dans Easy, je pensais au film
01:26:04de traversée comme ça aux Etats-Unis. Evidemment, par rapport à Easy Rider, de Dark Knight,
01:26:12de Dennis Hopper, qui étaient aussi des héros qui essayaient de s'enrichir sans jamais
01:26:18que ça les mène quelque part. Là, c'est vraiment... Comment dire ? C'est une façon
01:26:27de reconquête totale. Enfin, il y a quelque chose, je trouve, de vitalité et de sens
01:26:33profond par rapport au nihilisme des années 60. Une forme de nihilisme, en tout cas, liée
01:26:40au capitalisme américain, on va dire, pour faire court. Enfin, c'est pas tout à fait
01:26:50comme ça que je voudrais dire. Mais, en tout cas, c'est qu'elle se refuse à tirer le
01:26:54moindre potentiel subversif de sa traversée, là où Hopper se montrait plus explicitement
01:27:01cynique. Voilà, c'est ce que je voulais dire. C'est que ces motards, ils étaient dans un
01:27:07truc où la survie était impossible et qu'en dehors du système capitaliste, il n'y avait
01:27:16pas de salut. Je trouve que dans American Honey, les intentions ne sont pas aussi tranchées,
01:27:22mais la question de l'Amérique Mirage, elle est beaucoup plus... Comment dire ? Elle est
01:27:30plus assumée sur la réappropriation possible, justement, du destin qui ne se fait pas que
01:27:40sur le matériel. Peut-être sur ce sujet-là, elle est un peu indécise dans ce film. Elle
01:27:50n'est pas aussi radicale, je trouve, qu'elle pourrait l'être. Mais ça, c'est peut-être
01:27:57une... Enfin, ça se discute, en tout cas. Ça se discute vraiment. Voilà.

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