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00:00Rendez-vous pour décrypter l'info à partir de photos qui font saut en cette direction aujourd'hui, le Niger, des dizaines de milliers de migrants sont envoyés dans ce pays depuis l'Algérie voisine et plus précisément dans la région d'Assamaka en plein désert.
00:14On va en parler aujourd'hui avec Charlotte Auberti, journaliste pour la rédaction d'Infomigrants. Bonjour Charlotte.
00:18Bonjour.
00:19Nous sommes également en direct avec Harold Gérard, ancien correspondant de France 24 au Niger. Bonjour Harold.
00:24Alors on va commencer par voir cette image que vous allez apercevoir à l'écran, photo que vous avez choisie, Charlotte, pour évoquer ce sujet. Expliquez-nous ce que l'on voit.
00:32Oui, c'est une photo amateur qu'on a reçue. Alors on distingue, donc ça se passe à côté de la ville d'Assamaka, on distingue au premier plan une silhouette qui est celle d'un migrant allongé à même le sol sur des nattes.
00:44Et on devine une tempête de sable, donc ce côté ocre, le fait que le migrant se protège, se cache le visage sous des foulards. On distingue aussi des silhouettes en arrière-plan difficilement visibles.
00:55Et cette photo, elle est intéressante parce qu'elle montre l'hostilité de l'endroit dans lequel se trouvent ces personnes, donc c'est un désert.
01:02Et pourtant, il y a des centaines de migrants qui échouent dans cette ville d'Assamaka parce qu'ils ont été expulsés par les autorités algériennes vers la frontière avec le Niger.
01:12Et Assamaka, c'est la première ville en territoire nigérien à environ une quinzaine de kilomètres. Ce n'est pas du tout nouveau ces expulsions, ça date d'il y a plusieurs années.
01:21On parle de dizaines de milliers de migrants expulsés de cette manière. Et rien que depuis le mois de janvier, il y a eu plus de 10 000 personnes expulsées d'Assamaka.
01:28Pourquoi sont-ils là exactement ?
01:30Alors l'idée concrètement des autorités algériennes, c'est de se débarrasser des migrants qui vivent dans le pays ou qui transitent par l'Algérie pour aller en Tunisie.
01:38Et puis dans un second temps en Europe. On le sait, il y a une véritable chasse aux migrants subsahariens, une véritable chasse au noir en Tunisie.
01:46Et d'ailleurs, on le voit souvent, les migrants sont renvoyés dans un premier temps de la Tunisie vers l'Algérie.
01:50On le voit sur cette carte, les migrants peuvent se trouver dans la région de Sfax en Tunisie avant de traverser la Méditerranée.
01:56Ils sont ensuite repoussés souvent vers Tébessa en Algérie et ensuite à la frontière avec le Niger et ils vont à Assamaka.
02:02C'est intéressant de savoir que les expulsions qui se passent entre la Tunisie et l'Algérie entrent dans le cadre d'un accord entre ces deux pays.
02:10Donc elles sont légales. En revanche, les expulsions depuis l'Algérie vers la frontière avec le Niger sont illégales.
02:16Ce sont des expulsions illégales.
02:20Et c'est très important de savoir que ce n'est pas nécessaire d'avoir transité par le Niger lors de son parcours migratoire pour y être expulsé.
02:29D'ailleurs, beaucoup de personnes passent par le Mali mais elles sont renvoyées vers le Niger.
02:33Alors je vais me tourner vers vous Harold. Bonjour Harold. Pourquoi le Niger alors du coup aujourd'hui ?
02:39Bonjour. En fait, le Niger c'est la seule option qui restait aux autorités algériennes au moment où elles ont décidé de renvoyer toutes ces personnes vers la frontière, vers une des frontières.
02:55Ils souhaitaient absolument avoir une solution de repli qui ne crée pas trop de bruit médiatiquement, politiquement.
03:02Le Mali c'est une solution qui est trop dangereuse en fait pour les autorités algériennes parce que le gouvernement algérien a été longtemps en conflit avec le Mali.
03:10Il y a une rébellion dans le nord du Mali mais aussi des attaques terroristes qui auraient pu mettre en danger la vie de ces migrants de manière trop exposée.
03:22L'Algérie, le gouvernement algérien ne fait pas preuve d'énormément de scrupules en ce qui concerne le sort de ces personnes mais elles ne souhaitent pas attirer beaucoup d'attention internationale.
03:32On pourrait l'accuser de ne pas respecter les droits humains si elles expulsent ces personnes vers une zone aussi dangereuse que le nord du Mali.
03:41Côté du Maroc, ce n'est pas possible, les frontières sont fermées.
03:44La Libye, la Tunisie ont aussi été récemment accusées de ne pas respecter les droits humains vis-à-vis de ces personnes.
03:51Ce qui reste en fait comme option, c'est le nord du Niger avec un gouvernement qui était assez tolérant sur les deux dernières administrations,
03:58qui l'est quand même un petit peu moins depuis le coup d'État de juillet 2023.
04:03Ces personnes arrivent dans le nord du Niger, il y a une structure d'organisation internationale humanitaire qui accueille ces personnes
04:10et en fait tout simplement le gouvernement algérien a pu négocier des conditions avec le gouvernement du Niger beaucoup plus facilement qu'elle ne l'aurait fait avec celui du Mali.
04:22Charlotte, parlez-nous de cette région d'Assamaka qu'on a vue en image hostile, la région.
04:28Oui, c'est une bourgade en fait complètement perdue au milieu d'une mer de sable.
04:34Pour y arriver, j'en parlais tout à l'heure, les migrants marchent pendant une quinzaine de kilomètres,
04:37donc ce sont des conditions extrêmement éprouvantes, ils arrivent éreintés à Assamaka.
04:41Il faut rappeler qu'il fait très chaud, actuellement il fait 40 degrés, en plein soleil on avoisine les 45 degrés
04:47et ce n'est pas du tout un détail, entre mars et mai, 11 personnes sont mortes de soif dans cette zone selon Alarme Fond Sahara qui est une ONG.
04:55Ce bilan pourrait être beaucoup plus élevé parce que comme on l'a vu tout à l'heure, il y a des tempêtes de sable,
04:58donc des corps peuvent être ensevelis, on peut ne pas les retrouver.
05:01Les personnes qui arrivent à Assamaka découvrent une situation catastrophique,
05:05Harold en parlait un peu, mais les migrants sont trop nombreux dans cette bourgade,
05:09où il y a un peu moins d'un millier d'habitants, donc la population migrante dépasse souvent la population locale
05:15et ça veut dire qu'il y a donc un partage des ressources qui se met en place,
05:18ressources qui sont déjà extrêmement limitées du fait de la situation géographique de cette bourgade,
05:23on manque de nourriture, on manque d'eau à Assamaka, on manque d'accès aux soins,
05:27ce qui est un gros problème parce que les personnes, comme je le disais, arrivent parfois avec des maladies
05:31et d'ailleurs par le passé, Harold, il y a déjà eu des épidémies.
05:37Au minimum une épidémie qui a été confirmée par les services de médecins sans frontières,
05:43c'était une épidémie de rougeole qui s'est déclarée en juillet 2023,
05:48deux semaines à peu près avant le coup d'État au Niger qui a changé beaucoup de situations de migrants,
05:54dont ceci, mais le risque sanitaire, en fait ce qu'il faut retenir c'est que c'est le plus grand,
05:59c'est le plus craint par les autorités du Niger mais aussi par les organisations internationales qui travaillent sur place.
06:08Médecins sans frontières a dénoncé cette épidémie de rougeole,
06:11mais a dénoncé aussi des risques de contamination dues à des infections,
06:15suite à des blessures que ces migrants ont subies dans le désert pendant leur traversée
06:20et c'est une petite équipe qui les accueille sur place
06:25puisque le centre de santé qui doit gérer parfois plus de 4000, plus de 5000 personnes,
06:31en fait ce sont des petites équipes de 10 personnes qui se relaient environ tous les deux mois,
06:36c'est une situation vraiment compliquée sanitairement.
06:39Voilà et donc toutes ces raisons font d'Assamaka un environnement extrêmement hostile
06:44dans lequel les migrants peuvent rester pendant des mois sans aucune perspective d'avenir
06:48et donc en conséquence de ça beaucoup, en tout cas certains demandent à être rapatriés,
06:52ils lancent des appels à leur gouvernement.
06:54On peut écouter un appel qui a été lancé ces derniers jours par des Sénégalais auprès de leurs autorités.
07:02Nous demandons à l'état du Sénégal de nous aider, nous Sénégalais qui sommes ici dans le désert d'Assamaka.
07:08Certains parmi nous sont malades, pourtant ici il n'y a ni hôpital ni médicaments,
07:12ils ne nous donnent que du paracétamol.
07:18Voilà, appel difficile à entendre quand on voit les conditions juste avant,
07:22cet appel au rapatriement, ces expulsions menées par l'Algérie ont donc un effet dissuasif sur les migrants ?
07:28Alors ça dépend, certains migrants comme on l'entend effectivement sont exténués
07:32et n'en peuvent plus de ces expulsions, en domino en fait d'être expulsés d'abord de Tunisie puis ensuite d'Algérie
07:38mais en fait quand on veut partir encore faut-il que les autorités de notre pays d'origine acceptent de nous recevoir.
07:44Dans le cas où ils acceptent, c'est l'OIM qui organise ces renvois mais ça peut prendre des mois
07:51et donc plusieurs pays non seulement n'acceptent pas de récupérer leurs ressortissants
07:56mais il y a aussi des migrants qui ne renoncent pas à leur rêve d'Europe.
07:59Nous étions en Tunisie dans la région d'Osfax en avril et on a rencontré plusieurs personnes qui avaient été envoyées au Niger
08:05et qui étaient revenues tout de même à Osfax.
08:08On peut écouter Mohamed, un Guinéen qui est dans cette situation.
08:13Ça fait maintenant un an que je suis là.
08:15On est là, on se débrouille pour se coucher ici.
08:18Même si tu n'as pas à manger, tu es à côté de tes amis et demain c'est mieux que de rester en ville.
08:25Un peu de temps seulement on va t'envoyer au désert.
08:29Moi j'ai fait deux fois reflément.
08:31Je suis venu ici aussi, j'ai eu reflément.
08:34On nous a rendu aussi à l'autorité arizérienne pour nous envoyer encore à Samaka.
08:40Voilà Harold, peut-être vous qui avez décrit à Samaka comment étant une ville perdue au milieu du désert,
08:45comment Mohamed par exemple a-t-il pu retourner à Osfax ?
08:50Ce qui se passe c'est que comme dans toutes les régions qui sont sujettes à la migration vers l'Europe,
08:56à l'intérieur du continent africain, il y a des réseaux de passeurs
08:59qui agissent dans une totale illégalité qui se met en place.
09:02Ce qui se passe c'est que ces passeurs tentent d'être régulés par les états avec plus ou moins de volonté.
09:09Le Niger c'est un pays qui s'est allié à l'Union européenne et qui a promulgué des lois,
09:14principalement en 2015 pour endiguer ces passages illégaux du nord de l'Afrique,
09:21de la région sahélienne vers l'Europe.
09:25Mais ce qui s'est passé ensuite, ce qui s'est passé à la fin de l'année 2023,
09:31c'est que les principales lois pour réguler cette migration illégale ont été annulées,
09:39abrogées par le gouvernement militaire qui dirige en ce moment le Niger.
09:44Ces personnes ont du coup retrouvé une certaine liberté, je parle des passeurs,
09:48les passeurs ont retrouvé une certaine liberté dans leur trafic
09:51et ont recommencé à faire passer plusieurs dizaines de milliers de personnes,
09:55encore une fois dans des conditions très dangereuses,
09:57entre le nord du Niger qui est déjà une zone aride et qui contient beaucoup de menaces naturelles,
10:04mais aussi dans le sud de l'Algérie où la police agit de brutalité envers ces migrants
10:10et aussi le sud de la Libye avec toutes les menaces sécuritaires qu'on connaît.
10:14Merci beaucoup Harold Gérard, merci aussi à Charlotte Auberti,
10:17la réaction d'Infomigrants pour ces histoires de migration parfois extrêmement difficiles
10:22sur ces routes migratoires qu'on s'attelle à retracer dans ce rendez-vous.
10:25Derrière l'image, chaque mardi à retrouver évidemment sur le site infomigrants.fr
10:30ou sur le TikTok d'Infomigrants que vous animez notamment Charlotte.

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