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00:00Rendez-vous derrière l'image, on prend le temps de décrypter l'info à partir de photos qui font sens aujourd'hui en compagnie de Marlène Panara, de l'équipe d'Infomigrants.
00:09Bonjour Marlène, on va évidemment revenir sur ce retour de reportage, retour de terrain.
00:16Depuis trois mois, des dizaines de migrants sont bloqués dans la zone tampon contrôlée par l'ONU qui divise l'île de Chypre en deux.
00:23Des exilés iraniens, afghans, camerounais, syriens ou encore somaliens, parfois des familles entières, vivent dans cet endroit dans des conditions extrêmement précaires.
00:31Et vous Marlène, vous avez donc pu vous rendre sur place, vous êtes revenue avec un reportage, une photo, c'est d'usage, on va l'avoir à l'écran en plein pot, cette photo qui nous dit quoi exactement ?
00:44Oui, alors sur cette photo que vous voyez, on voit le camp de migrants d'Aglandia, c'est un camp qui a été improvisé un peu à la hâte par l'ONU qui a installé là, on le voit, quelques dizaines de tentes blanches comme celle-ci.
00:55Je précise que ce camp, il est situé en périphérie de la capitale Nikosie, en bordure de champ, dans une sorte de petite forêt, on le voit un peu sur l'image, on voit la végétation.
01:05On ne se rend pas compte, mais il fait très chaud à cet endroit, quand on a visité le camp, il était à peu près 10h du matin, il faisait déjà près de 35 degrés, donc je vous laisse imaginer à l'intérieur des tentes, ce n'est pas tenable.
01:17On ne voit pas là non plus les personnes du camp, mais en fait quand nous on y était, il y avait 48 personnes qui vivaient là, et vous l'avez dit, les nationalités sont très diverses, il y a des iraniens, des afghans, des syriens, des camerounais, des nigériens, il y a vraiment une diversité de nationalités.
01:34Et je précise aussi qu'il y a un autre camp, à peu près à une trentaine de kilomètres de là, dans la zone tampon toujours, où là vivent un peu moins de migrants, mais il y a un deuxième camp également.
01:45Pourquoi est-ce que toutes ces personnes que vous venez de citer, issues d'autant de pays différents, sont bloquées ici ?
01:50Toutes, sans exception, ont été refoulées par les autorités du sud de Chypre, qui est membre de l'Union Européenne depuis 2004.
01:58Donc en fait les autorités n'ont pas voulu laisser passer les personnes dans le sud, puisque ces personnes n'avaient pas de visa.
02:05Donc en fait ces exilés ont emprunté une route migratoire qui est bien connue de Chypre depuis quelques années.
02:12On le voit sur cette carte, de nombreux Africains subsahariens par exemple arrivent en avion dans le nord de l'île qui est administrée par la Turquie, qui est en zone grisée.
02:21Et puis ils traversent ensuite à pied la ligne verte, c'est l'autre nom de la zone tampon, qui sépare l'île en deux.
02:27On le voit là sur les petits pointillés, en fait c'est ça la zone tampon, la ligne verte.
02:32Ils traversent cette ligne pour arriver dans le sud et pour pouvoir demander l'asile en Europe.
02:38Donc cette ligne, ce n'est pas une frontière, c'est une zone tampon contrôlée par l'ONU.
02:43Donc ça se traverse très facilement, il n'y a pas de barrière, il n'y a pas de mur, comme on peut le voir à d'autres portes de lieux.
02:49Pour vous donner un chiffre, entre janvier et juillet 2024, il y a plus de 5000 migrants qui ont fait cette route.
02:57Donc c'est tout autant de personnes qui ont traversé la zone tampon et qui ont demandé l'asile.
03:01En 2023 ils étaient 11 000 et puis en 2022 ils étaient plus nombreux, ils étaient près de 19 000.
03:07Mais depuis le mois de mai donc, ces personnes sont stoppées sur cette ligne par la police
03:13et donc elles ne peuvent pas aller demander l'asile dans le sud.
03:16C'est ce qu'on appelle un refoulement ou un push back en anglais.
03:19C'est une pratique qui est illégale au regard du droit international.
03:23C'est d'ailleurs ce qui est arrivé à John, qu'on a rencontré dans le camp,
03:27qui vit là, un citoyen nigérien qui lui a traversé cette ligne et est arrivé dans le sud.
03:32Il a rencontré un habitant, il a demandé de l'aide avec ses compagnons de route
03:35et il nous a expliqué ensuite ce qui s'est passé. On peut l'écouter dans la vidéo.
04:05Est-ce que vous avez eu d'autres témoignages de même type ?
04:13Oui, le témoignage que nous a raconté John, en fait, tous les migrants qu'on a rencontrés dans le camp
04:18nous ont fait le même récit à quelques détails près.
04:22Ibrahim, un Soudanais qu'on a rencontré, nous a raconté lui aussi avoir été arrêté par la police dans le sud.
04:29Alors lui, son arrestation a été bien plus violente
04:32parce que les policiers ont ordonné à Ibrahim et à ses compagnons de route de s'asseoir
04:36et puis ils les ont tenus en joue avec leurs armes.
04:39Donc ça, ça l'a quand même beaucoup marqué.
04:41Et puis ils les ont forcés, toujours en les menaçant avec leurs armes, de rebrousser chemin.
04:45Donc c'est ce qu'ils ont fait. Ils sont repartis du coup plus au nord
04:48et puis ils ont longé la ligne verte.
04:52Ils ont marché plusieurs heures en pleine chaleur, sans eau ni nourriture
04:56pour finir dans cette zone tampon et puis être pris en charge par l'ONU.
05:01Aujourd'hui, Ibrahim, il attend. Il attend que la situation se désamorce.
05:06Il souhaite demander l'asile à Chypre. Il veut construire sa vie dans ce pays.
05:11Ce jeune homme, il a fui la guerre au Soudan.
05:13Je rappelle qu'il y a depuis un an et demi, un conflit meurtrier ravage le pays.
05:17En 14 mois, il a fait plus de 60 000 victimes civiles
05:20et a plongé la moitié de la population dans une situation d'insécurité alimentaire très grave.
05:27Donc ces jeunes, notamment, qui sont en quête d'un avenir meilleur, notamment à Chypre.
05:31Vous nous le racontez. Il est fait de quoi, le quotidien, dans ce camp ?
05:35Alors, les exilés sont hébergés, comme on l'a vu sur la photo
05:38et puis sur les images, dans des tentes blanches du HCR.
05:41C'est le haut commissariat aux réfugiés de l'ONU.
05:44Ils sont dans ces tentes par petits groupes, entre camarades ou en famille.
05:49L'ONU et les ONG sur place leur fournit trois repas par jour
05:53et puis évidemment de l'eau potable.
05:55Il y a aussi quelques toilettes. Il y a une cuve d'eau, on la voit ici.
05:58C'est l'unique cuve d'eau du camp.
06:00Alors là, on ne se rend pas compte, mais c'est envahi de moustiques, de frolons, d'insectes.
06:04C'est assez précaire.
06:06Et puis pour prendre une douche, les migrants montent sur un petit tabouret
06:09qui est à côté d'une tente avec un petit tuyau d'arrosage
06:11et puis ils se douchent comme ça à la va-vite avec très peu d'intimité.
06:16Tous se plaignent des conditions, mais aussi de la chaleur
06:19et surtout des serpents, des rats et puis des hordes de moustiques
06:22qu'il y a la nuit qui les empêchent de dormir.
06:24On l'imagine, cette situation, elle ajoute beaucoup de stress et d'angoisse
06:28à des personnes qui ont déjà vécu des situations très difficiles dans leur pays,
06:32qui sont souvent victimes de violences, qui ont été victimes de trafics.
06:37Donc ça ajoute de l'angoisse.
06:39C'est par exemple le cas de Sadat, un Afghan qu'on a rencontré
06:43qui avait 20 ans, qui était avec sa famille dans le camp.
06:46Sadat est arrivé il y a trois mois.
06:48Donc c'est lui, ça fait déjà trois mois qu'il est là, qu'il vit sous cette tente.
06:51Il est venu avec sa mère et ses deux sœurs.
06:53Il a quitté l'Afghanistan pour que ses sœurs puissent continuer leur scolarité.
06:57Puisque depuis mars 2020 dans l'Afghanistan, les jeunes filles n'ont pas le droit
07:00d'aller faire des études secondaires ou supérieures.
07:03Donc c'est pour ça qu'ils ont quitté le pays.
07:05Évidemment, la déception est immense pour lui parce qu'il ne sait pas ce qui va leur arriver.
07:10Est-ce que vous avez pu obtenir, j'imagine que vous avez cherché à joindre les autorités,
07:13est-ce que vous avez obtenu des réponses sur ces situations ?
07:17Oui, alors on a demandé au ministère d'immigration pourquoi est-ce que ces personnes étaient bloquées.
07:21Je ne vous cache pas que ça a été compliqué d'avoir une réponse.
07:24On a fini par l'avoir.
07:26En clair, le ministère nous a assuré, je les cite, être en constante communication
07:31avec l'ONU pour résoudre la situation.
07:33Donc on attend une issue.
07:35L'ONU, elle, de son côté, elle exhorte le gouvernement à faire quelque chose,
07:39à accueillir les migrants.
07:41Et surtout, elle nous a dit que vraiment l'état de santé,
07:44et on l'a vu de ces migrants se dégrader de jour en jour,
07:47comme je l'ai dit, sur leur santé mentale,
07:49cette situation d'angoisse, la situation de vie,
07:53ça a vraiment des conséquences sur leur santé mentale.
07:57Et puis l'Union Européenne aussi a dénoncé cette situation.
08:01Le 8 août, un porte-parole de la Commission Européenne a rappelé à Chypre,
08:06dans la presse, ses obligations en matière de droit d'asile.
08:09Pour l'instant, sans succès.
08:11Il a déclaré, entre autres, que Chypre était un membre de l'UE,
08:15et qu'à ce titre, il devait fournir un accès à la procédure de protection à ces personnes,
08:20et que c'était un élément important du droit d'asile et de la Convention de Genève.
08:24Il y a donc des condamnations.
08:26Alors pourquoi est-ce que le gouvernement persiste à empêcher
08:29ces exilés d'accéder à son territoire ?
08:32Alors, on a posé la question à des ONG,
08:35aussi à des spécialistes de la politique chypriote.
08:37Personne, en fait, ne comprend vraiment cette stratégie.
08:40Là, on le voit, c'est l'intérieur d'une tente.
08:43Une chercheuse que nous avons interrogée
08:46avance une piste politicienne.
08:48Elle dit qu'en bloquant ces migrants,
08:50le gouvernement, qui a été constitué en 2023,
08:53donc c'est quand même assez récent,
08:55voudrait afficher une position ferme auprès de la population face à l'immigration.
09:00Mais paradoxalement, en fait, le pays continue quand même d'accueillir
09:03quelques demandeurs d'asile au centre d'hébergement de Pournara,
09:07qui se trouve, pareil, pas très loin de Nicosie, à quelques kilomètres.
09:11Même si c'est arrivé, elles sont très rares ces derniers temps.
09:14Vous avez eu l'autorisation de visiter ce centre.
09:17Quelle était la situation sur place ?
09:19Oui, on a eu l'autorisation d'aller dans ce centre.
09:22Quand on y est allé, nous, il y avait peu de personnes.
09:25Il y avait, on nous a dit, 272 personnes,
09:29pour une capacité de 2000 places.
09:31Donc on imagine qu'il y avait pas mal de places.
09:35On peut voir sur l'image l'entrée de ce centre.
09:40Les personnes sont hébergées à l'intérieur dans des sortes de préfabriqués,
09:43bien séparées les unes des autres, bien cloisonnées en fonction de l'âge,
09:47en fonction du genre et du degré de vulnérabilité des personnes.
09:52L'équipe dirigeante nous a montré ces différents endroits
09:55où étaient répartis les migrants.
09:57Et puis, on a aussi eu l'occasion de rencontrer les demandeurs d'asile
10:01qui sont arrivés récemment et qui, eux, n'ont pas été refoulés.
10:06Donc là, on voit, à l'image, les migrants vivent dans ces préfabriqués-là,
10:11en famille ou entre nationalités, le plus souvent.
10:15On a rencontré, à cet endroit même, Marie, qui est une Camerounaise.
10:20Elle était là depuis 24 heures quand on l'a vue.
10:22Elle était un petit peu perdue,
10:25mais elle nous a expliqué qu'elle s'était rendue directement au centre de Pornara,
10:28et qu'elle n'avait pas eu de problème avec la police.
10:31Elle n'avait pas été refoulée.
10:33Elle a fui la zone anglophone au Cameroun,
10:36qui, on le sait, sévit depuis plusieurs années un important conflit également.
10:41Mais elle a eu la chance de pouvoir déposer son dossier,
10:44d'entamer des procédures, ce qui l'a soulagé beaucoup.
10:47Évidemment, ce n'est pas le cas des migrants de la zone tampon
10:49qui, eux, attendent toujours de pouvoir déposer l'asile.

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