Cette semaine, Alexandre Delpérier reçoit Julie Bresset, championne olympique de VTT en 2012, Dorine Bourneton, première femme handicapée pilote de voltige aérienne et Marika Godin, ancienne fondeuse devenue photographe.
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00:00:00...
00:00:18-"Parce qu'il y a les femmes, parce qu'il y a le sport",
00:00:21soyez les bienvenus dans votre rendez-vous dédié
00:00:24aux femmes dans le sport.
00:00:25Soyez les bienvenus dans La victoire est en aile
00:00:28Non pas une, ni deux, mais bien trois femmes exceptionnelles.
00:00:31Trois femmes particulièrement inspirantes.
00:00:33Voici le sommaire.
00:00:35Pour 60e numéro, un plateau de choix
00:00:37avec la championne olympique de VTT, Julie Bresset.
00:00:39À 32 ans, la Bretonne vient de mettre un terme à sa carrière,
00:00:43mais elle n'a pas pour autant quitté le monde du vélo.
00:00:45Ensuite, nous recevons Dorine Bourneton,
00:00:48pilote de voltige aérienne, pourtant paraplégique
00:00:51suite à un accident d'avion.
00:00:52Envers et contre tout, elle a réalisé son rêve d'enfant,
00:00:55un parcours hors du commun.
00:00:57Enfin, Marika Godin, ancienne fondeuse de haut niveau.
00:01:00Elle s'épanouit aujourd'hui dans la photographie, la vidéo.
00:01:03Son terrain préféré, son Jura d'origine.
00:01:06Soyez les bienvenus.
00:01:08Voilà pour le sommaire de cette émission exceptionnelle
00:01:10qui dit centième, dit c'est moi qui ai fait le sommaire.
00:01:14Et passion VTT oblige.
00:01:16C'est une ancienne championne olympique française
00:01:18que nous accueillons dans un premier temps.
00:01:20Bonjour, Julie Bresset.
00:01:21Bonjour.
00:01:22Julie, je suis ravi de t'accueillir aujourd'hui
00:01:24dans cette centième.
00:01:25Championne olympique en 2012.
00:01:28On va expliquer après Londres
00:01:31et ce qu'il en reste aujourd'hui dans ta vie.
00:01:32Championne du monde cross-country 2012-2013.
00:01:35Championne du monde par équipe plusieurs fois.
00:01:37Un palmarès exceptionnel.
00:01:3832 ans et retraitée.
00:01:40C'est ça.
00:01:43Oui, c'est vrai qu'on va dire que c'est pas mal
00:01:45pour reprendre sa retraite.
00:01:46Mais bon, on va dire que moi,
00:01:49je ne m'étais pas fait de plan de carrière non plus.
00:01:52Tout ce qui m'est arrivé, c'est vrai que ça n'a été
00:01:53aussi que du bonheur.
00:01:54Et voilà, moi, j'en ai bien profité.
00:01:57Et puis, je m'étais fait la promesse
00:01:59d'écouter mon corps aussi.
00:02:00Et quand je sentais que c'était la fin,
00:02:03voilà, il fallait aussi prendre une sage décision
00:02:05au bon moment.
00:02:06Et c'est ce que j'ai su faire.
00:02:07En tout cas, je suis quand même fière de tout ça.
00:02:10Ça, c'est tellement important.
00:02:11T'as raison.
00:02:12Surtout quand on a atteint les sommets, on peut.
00:02:14Et on a souvent entendu des sportifs de haut niveau
00:02:16sur ce plateau nous dire la petite mort,
00:02:18le jour où t'arrêtes.
00:02:19Sauf que toi, tu l'avais bien anticipé.
00:02:20Ça n'a pas du tout provoqué tout ça.
00:02:23Non, c'est vrai que j'ai eu
00:02:24des belles opportunités assez vite
00:02:26quand j'ai annoncé que j'arrêtais ma carrière.
00:02:29Qu'est-ce que j'ai vu, là ?
00:02:30Je suis désolée, j'ai quand même un pot de col.
00:02:34Non, c'est pas un pot de col, c'est un chat.
00:02:36Il s'appelle comment ?
00:02:38C'est London.
00:02:39London. Londres. Pourquoi London ?
00:02:42Pour la petite histoire,
00:02:43il est né quand j'ai appris ma sélection
00:02:46pour les Jeux olympiques de Londres.
00:02:482012.
00:02:49Et donc, symboliquement, je me suis dit le jour même,
00:02:51si j'ai le coup de fil pour savoir que je suis sélectionnée,
00:02:54je garde ce chat et je l'appellerai London.
00:02:57Surtout qu'on le rappelle, t'as été championne olympique.
00:03:00J'ai été championne olympique, donc c'est mon chat en or.
00:03:05C'est génial.
00:03:06Il y en a qui se font des tatouages,
00:03:08toi, t'as le chat qui s'appelle London.
00:03:09Je voudrais qu'on revienne un peu sur ce parcours
00:03:12qui est juste exceptionnel.
00:03:13Est-ce que toi, dans ta vie de petite fille,
00:03:15t'avais imaginé tout ça, le sport de haut niveau,
00:03:17les médailles, le prestige ?
00:03:20Non, pas du tout.
00:03:21Le VTT, c'est une passion avant tout.
00:03:24C'est quelque chose aussi que j'ai partagé beaucoup
00:03:26avec ma famille.
00:03:28Bon, il est embêtant.
00:03:29On a vécu vraiment des chouettes week-ends.
00:03:32C'était...
00:03:34T'habitais où ?
00:03:35Attends, pour que je comprenne, t'habitais où quand t'étais enfant ?
00:03:37Je suis née à Saint-Brieuc, en Bretagne.
00:03:40C'est plutôt plat.
00:03:41C'est le VTT.
00:03:42Non, il ne faut pas croire.
00:03:44On n'a pas de montagne, mais on a quand même des...
00:03:47Des belles petites côtes.
00:03:48Il y a des supers parcours UTD.
00:03:49Ça ne fait que de monter-descendre.
00:03:50C'est très court, mais c'est très technique, très rythmé.
00:03:54En tout cas, moi, ça m'a plu et ça m'a quand même aidée
00:03:57à acquérir surtout de la technique dans mon sport,
00:04:02qui m'a amenée justement aussi, à partir de 17-18 ans,
00:04:05à être une des meilleures techniciennes dans mon sport.
00:04:08Oui, parce que c'est très important.
00:04:09Ce n'est pas un sport de bourrin, le VTT.
00:04:11Il ne faut pas croire.
00:04:12Il y a beaucoup de techniques.
00:04:13Il faut appréhender le parcours,
00:04:16les racines, pieds, airsauts, et ainsi de suite.
00:04:19Mais pour bien comprendre, Julie,
00:04:21toi, quand tu étais toute petite, neuf ans,
00:04:22ce n'était pas le VTT, ton truc.
00:04:24C'était quoi, de la gym, de la danse ?
00:04:25Pas de vélo, au début ?
00:04:27Non, voilà.
00:04:28Il y a eu un petit peu de tout,
00:04:29mais ce n'était pas assez, on va dire, énergique pour moi.
00:04:33Les sports, on va dire, en indoor.
00:04:35Et de toute façon, j'étais toujours sur mon vélo
00:04:37avec mes deux frères.
00:04:38Donc, une fois que je me suis inscrite dans un club,
00:04:41j'ai trouvé mon compte et mes parents ont vu aussi
00:04:44que je m'éclatais, en tout cas.
00:04:46Des grands frères ?
00:04:48Je suis au milieu.
00:04:49Un grand frère et un petit frère.
00:04:51OK. Donc, le VTT, ça a commencé à quel âge, vraiment ?
00:04:55Ben si, à 9 ans.
00:04:57Franchement, j'ai fait mes premières compétitions à 9 ans.
00:04:59Et tu gagnes ?
00:05:01Non.
00:05:02Troisième, mais je me souviens très bien de ma petite coupe,
00:05:06en tout cas, que j'ai gardée.
00:05:08Et tout de suite, j'ai compris que c'était la compétition
00:05:12qui m'animait.
00:05:13J'avais déjà ce mental de gagnante.
00:05:16Je voulais battre les autres.
00:05:17Et en même temps, j'étais tellement contente
00:05:19d'avoir aussi plein de jeunes filles comme moi
00:05:21à se donner à fond et faire la course,
00:05:24que c'est ce qui m'a plu.
00:05:25Et puis, c'est ce qui m'a emmenée aussi loin.
00:05:28Mais sans le savoir.
00:05:29C'est vraiment avec le recul aujourd'hui que je vois mon parcours.
00:05:33Et ouais, j'avais des qualités, on va dire, déjà mentales
00:05:37et puis techniques.
00:05:38Ça, je le comprends. C'est très important.
00:05:40Avant qu'on parte très vite sur la suite et cette carrière exceptionnelle,
00:05:45cette première course à 9 ans où tu termines 3e,
00:05:47tu dis, j'ai compris que j'aimais la compétition.
00:05:49Ça veut dire qu'au terme de cette course, tu t'es dit quoi ?
00:05:51Ah mince, il y en a deux devant, ou tu t'es dit,
00:05:53ah, il y a un truc à faire ?
00:05:54C'était quoi la réflexion, l'analyse, le ressenti de la petite coupe ?
00:05:57Moi, je me suis dit, je veux refaire.
00:06:01Je veux refaire de la course.
00:06:02Mes parents, ils ont compris aussi,
00:06:05on va en faire plusieurs dans l'année.
00:06:07C'était la première, on était au mois de mars.
00:06:09Ça allait jusqu'à septembre,
00:06:11éventuellement de faire des compétitions.
00:06:13Ils ont vu, il faut qu'on l'emmène parce qu'elles adorent ça.
00:06:17Oui, puis 9, 10, 11, 12, 13, les années se suivent, s'enchaînent.
00:06:20Les courses aussi.
00:06:22Puis à 16, 17 ans, tu commences à faire des choix.
00:06:24Par exemple, tu décides de te focaliser sur le cross-country.
00:06:27Pourquoi cette spécialité ?
00:06:30Déjà, j'ai eu l'occasion de faire du cross-country
00:06:34parce que c'est là aussi où mon VTT me permettait de faire de la compétition
00:06:37parce qu'en VTT, il y a aussi du trial et de la descente.
00:06:41Là, il faut vraiment un VTT spécifique pour cette discipline.
00:06:44Mes parents n'avaient pas les moyens de m'offrir plusieurs VTT.
00:06:49Avec le comité de Bretagne,
00:06:52j'ai fait des courses au niveau national, donc en cross-country.
00:06:56Là encore, même si ce n'était pas là où j'excellais forcément
00:07:00parce que la technique, c'était mon point fort.
00:07:02Par exemple, en trial, j'étais très forte,
00:07:04mais j'adorais courir avec les autres.
00:07:07Je ne pouvais pas courir après un temps
00:07:11ou être toute seule dans une zone de trial.
00:07:13Non, il fallait que j'ai du monde autour de moi et de la bataille.
00:07:16Petite précision, quand tu dis courir, c'est pédaler.
00:07:19Oui, par droite.
00:07:21Pour ne pas courir à côté d'un vélo.
00:07:22Non, non, non.
00:07:23Moi, j'avais pigé, mais il ne faut pas que ça prête à confusion.
00:07:27Puis arrivent les années junior,
00:07:28et là, il y a des titres qui arrivent très rapidement.
00:07:31Voilà, je deviens championne de France, j'ai 18 ans.
00:07:34C'est la première course au niveau national que je gagne.
00:07:38Et là, c'est un déclic que je peux gagner.
00:07:43C'est bête, mais par rapport aux autres filles,
00:07:47je voyais très bien mon niveau,
00:07:50et puis surtout les moyens que j'y mettais et que j'avais aussi.
00:07:54Je ne me sentais pas du tout professionnelle.
00:07:58Je faisais avec ce que j'avais.
00:07:59Tu es en train de m'expliquer que tu deviens championne de France
00:08:02avec des petits moyens,
00:08:03avec une organisation qui n'était évidemment pas professionnelle,
00:08:06et que tu te dis, wow, si en plus je le faisais de manière professionnelle,
00:08:08je suis déjà championne de France, il y a un potentiel de ouf.
00:08:10C'est ça que tu dis ?
00:08:15Je ne pensais peut-être pas à tout ça, forcément,
00:08:17à évoluer dans du haut niveau, avoir une équipe professionnelle,
00:08:20mais je me suis dit, oui, c'est plus que dans la tronche.
00:08:24Maintenant, tu prends un départ et tu peux te dire que tu vas gagner,
00:08:27plutôt qu'à chaque fois me dire, je vais faire le maximum.
00:08:30En fait, c'est ça qui a changé mentalement.
00:08:33C'est qu'après, j'ai pris le départ des courses et je me suis dit,
00:08:35je vais essayer de gagner, je vais gagner.
00:08:38Et puis là, tu intègres l'équipe de France,
00:08:40avec qui tu seras médaillée de bronze au championnat d'Europe
00:08:42et championnat du monde, Espoir, en 2009.
00:08:46Et puis là, derrière, il va y avoir quatre années exceptionnelles de folie.
00:08:49Est-ce qu'avec le recul maintenant, avec tes 32 ans
00:08:52et cette carrière qui est finie,
00:08:56est-ce que tu aimes repenser à ce moment-là ?
00:08:58Est-ce que tu aimes repenser à ce moment où tout va aller très, très vite
00:09:03et où les préparations vont s'enchaîner avec les courses et les succès, et ainsi de suite ?
00:09:10Moi, j'adore y repenser.
00:09:13Et en plus, sur le moment, en fait, comme vous le dites,
00:09:16ça a été tellement vite que moi, je ne m'en suis même pas aperçue
00:09:19de cette progression énorme et de ce que je faisais, en fait.
00:09:24J'étais juste une des meilleures mondiales
00:09:28et j'étais sur mon petit sommet à moi.
00:09:30Et avec le recul, c'est ça qui est encore plus énorme pour moi.
00:09:35C'est qu'en fait, je me rends compte vraiment de tout ce que j'ai réalisé
00:09:40et que ça a juste été énorme.
00:09:42Parce que quand on regarde, 2009, c'est les championnats d'Europe
00:09:45et championnat du monde, Espoir, en équipe de France.
00:09:482010, t'es championne de France élite.
00:09:502011, la saison devient complètement folle.
00:09:53Là, tu remportes la Coupe du monde.
00:09:54T'es la première sur trois étapes à seulement 22 ans.
00:09:57Et tu deviens championne d'Europe et championne du monde d'Espoir.
00:10:01Tu gagnes tout.
00:10:02À ce moment-là, qu'est-ce qui se passe dans ta tête ?
00:10:04Toi, avec cet esprit que tu disais et que t'avais senti
00:10:08dès l'âge de 9 ans, tu te dis quoi à ce moment-là ?
00:10:11Très franchement, je ne pensais pas forcément
00:10:16à mettre de la pression plus qu'autre chose.
00:10:18En fait, vu que ça arrivait tellement naturellement
00:10:21et aussi dans l'état d'esprit que je construisais.
00:10:25Pardon, Julie, je t'interromps.
00:10:27Quand tu dis naturellement, ça veut dire facilement, finalement ?
00:10:34Au final, oui, parce que j'étais tellement épanouie
00:10:38dans ce que je faisais et aussi une rage de gagner.
00:10:41Et puis, en fait, même d'avoir gagné ma première Coupe du monde,
00:10:44comme je le disais, ça m'a donné envie de m'arracher pour ça,
00:10:49parce que c'est ça que j'adore.
00:10:51Et donc, j'adore gagner.
00:10:53Et puis, j'ai pris vraiment les courses chacune comme elle venait.
00:10:57Parfois, il y a des courses où je n'ai pas gagné,
00:10:59mais j'ai de très bons souvenirs.
00:11:02Il y a aussi le défait de course, des fois différent,
00:11:05mais en tout cas, c'était surtout de garder ce plaisir jusqu'au bout.
00:11:10Julie, moi qui ai cette passion commune,
00:11:13mais à mon niveau, avec mon chien et mes potes,
00:11:15je suis sûr qu'il soit moins bon que moi.
00:11:19Tu parles beaucoup de rage de gagner, d'envie.
00:11:22Est-ce que c'est mental ? Est-ce que c'est physique ?
00:11:25Est-ce que tu aimes, et j'imagine déjà un peu ta réponse,
00:11:29est-ce que tu kiffes, tu aimes vraiment te mettre dans le rouge,
00:11:32dans la souffrance, dans la difficulté ?
00:11:33Et c'est là où on gagne les quelques mètres qui font la différence.
00:11:38Oui, et puis moi, je l'ai vu aussi que, par exemple, à l'entraînement,
00:11:42je n'étais pas une championne de l'entraînement,
00:11:45mais dès que j'avais un sarre dans le dos, je me transcendais.
00:11:48Et ça encore, j'ai tellement appris tout au long de ma carrière
00:11:53qu'aujourd'hui, je suis même capable de dire vraiment mentalement
00:11:57qu'est-ce qui faisait que j'étais dans cet état-là,
00:11:59parce que, comme on dit, c'est dur, c'est un sport très dur, le VTT,
00:12:05on se met dans le rouge,
00:12:06mais mentalement, on arrive à déverrouiller des fois des parties
00:12:12qui font qu'on est juste impassibles,
00:12:14et que la douleur, c'est rien.
00:12:17La douleur, la souffrance, le VTT, c'est terrible.
00:12:19Tu n'as pas le temps de récupérer, ça s'enchaîne.
00:12:21Tu dis, c'est bon, ça va descendre.
00:12:23Non, tu as raison, quand ça descend, on est derrière,
00:12:25ou le devant, il faut y aller.
00:12:26Tu décides.
00:12:26Oui, ça ne s'arrête jamais.
00:12:28Et puis arrive 2012.
00:12:302012, ce sont les Jeux olympiques de Londres.
00:12:33Tu apprends ta sélection, quand, comment, tu te dis quoi ?
00:12:37Eh bien, c'était bien parti, vu 2011, je gagne la Coupe du monde,
00:12:43mais pour moi, voilà.
00:12:44Tu n'avais jamais fait les Jeux ?
00:12:46Non, je n'avais jamais fait les Jeux.
00:12:48Je savais que la sélection était annoncée en juin 2012,
00:12:51pour une course au mois d'août.
00:12:53Et donc, c'est vrai qu'avec mon entraîneur,
00:12:55on a fait le plan avec la course de l'année.
00:13:00On avait pointé un jour,
00:13:02et je me suis préparée vraiment pour cette course,
00:13:04même sans avoir ma sélection.
00:13:06Mais voilà, au moins, dans ma tête, j'étais soulagée aussi
00:13:10que si jamais ça arrivait, au moins, j'étais prête.
00:13:12Et en tout cas, le plan s'est tellement bien déroulé
00:13:16que j'étais hyper sereine.
00:13:19Et quand j'ai annoncé ma sélection, je m'y attendais.
00:13:22Tu es allée pour gagner ?
00:13:25Non.
00:13:26Non, je ne me suis pas mise ça en tête non plus.
00:13:30Tu as gagné la Coupe du monde l'année d'avant.
00:13:32Tu y vas pour quoi ? Pour visiter Londres ?
00:13:34Oui, c'est vrai, mais je n'étais quand même pas la favorite,
00:13:39parce que j'étais encore espoir l'année d'avant.
00:13:43Mais c'était bien.
00:13:44Je ne voulais pas aussi avoir ce rôle de leader.
00:13:47Mais je suis partie en tête, je veux être prête,
00:13:51je veux être à 100 % ce jour-là, et arrivera ce qui arrivera.
00:13:55Comment tu avais pu t'entraîner, repérer le parcours,
00:13:57comment ça s'était passé ?
00:13:59On avait pu faire des pré-Olympiques un an avant,
00:14:04sur une course qui était quand même de haut niveau,
00:14:06puisque toutes les nations étaient là, les meilleurs étaient là.
00:14:09J'imagine bien.
00:14:10C'était super important.
00:14:12Le parcours, je le connaissais vraiment par cœur.
00:14:15Déjà, un an à l'avance, on avait déjà très bien travaillé.
00:14:18Raconte-moi cette course qui est,
00:14:20mais avant, est-ce que pour toi, ça reste la course de ta vie
00:14:23ou il y a eu d'autres choses qui sont plus importantes ?
00:14:26Non, c'est vraiment la course de ma vie.
00:14:29Ce que j'ai ressenti le jour-là,
00:14:31il y a eu d'autres moments, d'autres courses qui ont été aussi énormes,
00:14:37mais ça a été juste de la folie,
00:14:39parce que du matin où je me suis réveillée jusqu'au soir,
00:14:43il s'est tellement passé plein de choses.
00:14:44Raconte-la-moi cette journée.
00:14:45Tu te lèves le matin, à quelle heure tu cours déjà ?
00:14:49Je courais à 13h30.
00:14:50Il y avait une brique à l'ajoutage, il y avait une heure.
00:14:53Je m'étais levée vers 9h.
00:14:54J'avais dormi super bien, vraiment bien.
00:14:59En plus, il faut juste dire, mais deux jours avant, j'avais chuté.
00:15:04C'est vrai que ça m'avait mis un petit coup,
00:15:06mais j'étais dans mon truc.
00:15:08Tu avais mal quelque part ?
00:15:10Je m'étais ouvert le bras, j'avais eu des points de souture et le genou.
00:15:12Oui, quand même.
00:15:14Oui, et j'avais cassé aussi mon cadre.
00:15:16Il y a eu pas mal de choses qu'on fait que j'aurais pu complètement passer à côté.
00:15:20Oh mon Dieu.
00:15:22Du coup, c'était mon jour.
00:15:23Malgré tout ça, je n'ai pas changé mes plans, je n'ai rien changé.
00:15:27J'étais dans ma bulle.
00:15:29Je me suis levée, j'ai bien dormi, j'avais un grand appétit.
00:15:33C'était nickel.
00:15:34Normal.
00:15:35Le petit déjeuner bien passé.
00:15:37La machine était en route.
00:15:38Raconte-moi la course maintenant.
00:15:39Démarrage, départ ?
00:15:42Je suis très bien placée.
00:15:44C'est vrai que je suis déjà dans le groupe de tête.
00:15:49Je me place et puis, moi, je me lève.
00:15:53C'était combien de boucles ?
00:15:55Du coup, on avait six tours.
00:15:57Tu as toujours été dans le groupe de tête ?
00:15:59C'est ça. C'était une heure et demie d'effort.
00:16:02Et puis, j'ai montré que j'étais là.
00:16:06Techniquement, j'ai vu que j'étais la meilleure.
00:16:09Ça, je l'ai vite vu aussi.
00:16:11Comment tu le vois, ça ?
00:16:14C'est parce que quand je ne pouvais pas être devant, j'étais ralentie.
00:16:20Au début, j'étais dans mes traces,
00:16:23mais je voyais que je pouvais aller plus vite.
00:16:25J'étais plus fluide, plus relâchée.
00:16:26Ça n'a pas loupé une fois que j'ai eu l'occasion d'aller devant.
00:16:29C'était quand, ça ? À quel moment tu passes devant ?
00:16:32Au bout du deuxième tour.
00:16:33Ça veut dire que tu vas faire plus de trois tours en tête seule
00:16:37ou il y en a collé derrière toi quand même ?
00:16:39J'ai fait quatre tours.
00:16:40Il y a eu deux femmes derrière moi, pas très loin, à mi-course.
00:16:45Mais à mi-course, justement, il y a mon entraîneur, je l'entends.
00:16:49Je ne le vois pas, mais je l'entends.
00:16:50Il me dit que c'est maintenant.
00:16:52En fait, là, c'était parti.
00:16:55Ça veut dire quoi ?
00:16:57J'ai lâché les chevaux, je les ai distancés.
00:16:58J'ai fait une montée, c'est parti.
00:17:01Je l'ai faite tout en danseuse.
00:17:04J'avais des écarts, mais c'est tout.
00:17:06Plus les tours allaient, en plus, plus je me disais,
00:17:09encore un tour, encore un tour, c'est trop bien.
00:17:11Ça a été...
00:17:13Quand on parle de la course de ma vie,
00:17:16c'est que j'aurais pu faire encore plein de tours.
00:17:19Je m'éclatais.
00:17:21Incroyable.
00:17:23Est-ce qu'à un moment,
00:17:24parce qu'on le sait, en vélo, on peut tomber.
00:17:27Deux jours avant, tu étais tombée, tu t'étais ouverte,
00:17:29tu avais pété le cadre.
00:17:30Est-ce qu'à un moment, tu te souviens, dans cette course,
00:17:32où finalement, tu n'as cessé d'accroître ton avance,
00:17:36est-ce que tu te dis, il faut que je me mette en mode gestion
00:17:38et faire gaffe et assurer ?
00:17:41Alors, pas du tout.
00:17:43C'est...
00:17:45J'étais tellement concentrée,
00:17:46je savais vraiment au centimètre près où je mettais ma roue avant,
00:17:50ma roue arrière, quand je buvais, quand je...
00:17:52Enfin, c'était robotisé, en fait.
00:17:55C'est fou, mais j'avais tellement bien anticipé et bien travaillé
00:17:59que la course s'est déroulée comme je le voulais.
00:18:02Et il y a juste dans le dernier tour où là,
00:18:04à un moment donné, je me disais, je vais peut-être gagner.
00:18:08Il restait, je pense, un kilomètre.
00:18:09Et là, d'un coup, j'ai eu une sensation bizarre.
00:18:12J'ai eu un mal de jambe parce qu'en fait, je ne sentais rien.
00:18:14Et je me disais, ça m'a déconcentrée.
00:18:16Je me dis, remets-toi dans ta course.
00:18:18Et c'est reparti, j'étais dans ma bulle,
00:18:20et j'ai savouré vraiment les 500 derniers mètres
00:18:23où là, c'était le feu, avec le public.
00:18:26À quel moment tu as compris que tu étais championne olympique ?
00:18:30Ah, ça, ça a été un peu loin.
00:18:32Je pense que...
00:18:34Il a fallu que je rentre chez moi, vraiment.
00:18:37Même s'il y avait toute ma famille sur place...
00:18:39Attends, Julie, ça veut dire que les 500 derniers mètres,
00:18:42le moment où tu franchis la ligne, la photo qu'on vient de voir,
00:18:44j'imagine le staff, j'imagine les journalistes, machin et tout.
00:18:48Non, là encore, la machine n'avait pas encore déconnecté.
00:18:52Ton petit cœur n'avait pas encore... Non.
00:18:53Ah, ouais. Ah, non, non.
00:18:55J'étais sur mon nuage, et c'était un tourbillon après, la folie.
00:18:59Et même, une fois que j'ai passé la ligne d'arrivée,
00:19:01j'ai compris la magie des Jeux olympiques, quoi.
00:19:07J'étais plus maître de mon destin, on peut dire ça, quoi.
00:19:10Ça a été juste la folie.
00:19:12Et moi, j'ai savouré à fond, à fond,
00:19:15et avec mes proches qui étaient là, ça a été juste...
00:19:18Ça a rendu l'événement encore plus énorme.
00:19:22Et Julie, c'est quoi ?
00:19:24C'est quelques semaines après seulement
00:19:26que tu deviens championne du monde en Autriche ?
00:19:28Oui, trois semaines après.
00:19:30C'est le même genre de scénar, t'arrives et je suis dans ma bulle ?
00:19:34Alors, pas du tout.
00:19:35Je n'avais pas prévu d'aller aux championnats du monde,
00:19:38parce que, comme je l'ai dit, focus sur les JO.
00:19:41On prépare une course dans l'année, le mondial, on verra,
00:19:44et puis forcément, après les JO, je n'ai pas beaucoup dormi,
00:19:49j'ai été invitée partout, j'ai fait la fête, j'ai profité.
00:19:52Et puis, c'est génial, quoi.
00:19:55Et une semaine avant, je me disais, j'irais bien aux championnats du monde,
00:19:57vraiment pour retrouver l'équipe de France.
00:20:00Mais je ne m'étais pas entraînée, rien du tout, je n'avais pas roulé.
00:20:04Tu n'avais pas roulé pendant combien de temps, du coup, entre les deux ?
00:20:07Deux semaines.
00:20:08Ce qui est beaucoup quand même dans une prépa.
00:20:10C'est énorme.
00:20:11J'ai fait deux semaines sans vélo et...
00:20:13Faire la bringue.
00:20:14Oui, voilà, une hygiène de vie, voilà.
00:20:19Et donc, tu arrives là-bas ?
00:20:22J'arrive là-bas, j'étais tellement, mais tellement contente
00:20:26de tout ce qui m'arrivait, que, en fait, je voulais juste...
00:20:31Voilà, ce qui m'amenait là, c'était me faire plaisir en roulant,
00:20:35et j'avais tellement eu un pic de forme incroyable
00:20:39que j'étais encore sur ce pic-là, en fait,
00:20:41même sans avoir eu d'entraînement avant.
00:20:43Tu l'as senti comme ça ?
00:20:44Ça s'est vu dès le début de la course.
00:20:46Ah oui ?
00:20:47Oui. Par contre, là, j'avais vraiment mal aux jambes,
00:20:50parce que, voilà, physiquement, j'étais un temps en dessous.
00:20:53Et puis, oui, j'ai souffert, par contre, pendant ce championnat du monde,
00:20:57mais j'ai été chercher un beau titre.
00:20:58Tu es allée le chercher comment ? Quand est-ce que tu as fait la différence ?
00:21:01Dès le début, dès le début de la course,
00:21:04il y avait une descente technique, j'étais quatrième,
00:21:06et là, c'est là que mes qualités ont parlé,
00:21:10parce qu'elles ont toutes chuté devant moi,
00:21:12et moi, je me suis juste glissée, un, deux, hop, et puis voilà, je suis partie.
00:21:16Incroyable.
00:21:17Tout le monde était par terre.
00:21:18Julie, ça, c'est les belles années, c'était merveilleux.
00:21:20Ça a été plus compliqué, derrière.
00:21:22Il y a eu un bornary, il y a eu de la mononucléose.
00:21:25Comment tu expliques ça ?
00:21:27Oui, ça, c'est les années galères.
00:21:31Après tout ça, c'est vrai que ça a été difficile pour moi
00:21:35de comprendre ce qui m'arrivait,
00:21:38pourquoi j'ai eu aussi ces moments difficiles,
00:21:40ces moments psychologiques où j'étais complètement perdue,
00:21:43d'écouter même de ma passion.
00:21:46C'était lié à tes victoires incroyables avant ?
00:21:49En fait, oui, c'est ça.
00:21:51Tout a été très vite pour moi, et j'ai été énormément sollicitée.
00:21:55Je ne m'y attendais pas, j'ai découvert aussi ça sur le tard,
00:21:58et moi, voilà, aussi naturelle, comme aussi ma famille,
00:22:03on a juste profité de tout ça sans penser aux conséquences derrière.
00:22:09Forcément, j'ai été fatiguée, usée, et je ne m'en rendais pas compte.
00:22:13Je ne voulais pas non plus dire non, des fois, à certaines sollicitations,
00:22:18mais j'ai mal anticipé tout ça.
00:22:22Et puis, le mental que j'avais,
00:22:26je ne voulais surtout pas changer mes plans, mon entraînement,
00:22:31sauf qu'en fait, ma vie avait changé,
00:22:33et je devais en prendre compte, et en fait, ça, je n'y arrivais pas.
00:22:38Je ne voulais pas me reposer, par exemple,
00:22:40alors que je venais de passer un hiver très intense.
00:22:44Je voulais tout de suite reprendre les compétitions,
00:22:46reprendre ma vie normale, mais en fait, non.
00:22:49Quand est-ce que tu as compris qu'il fallait arrêter ?
00:22:51Est-ce que tu te souviens d'un déclic, d'un moment où tu te dis,
00:22:53bon, allez, tu as tout gagné ?
00:22:56Ah oui, c'était dur, parce qu'en fait, je ne voulais plus faire de VTT.
00:23:00Je ne voulais plus m'entraîner.
00:23:02Et ça, je ne comprenais pas pourquoi, mais je ne voulais plus.
00:23:07Donc ça, ça a été très, très fort,
00:23:10et ça a été une explosion comme ça en pleine Coupe du monde avec mon équipe.
00:23:13Je ne voulais plus sortir de l'hôtel.
00:23:16Donc, j'étais en République tchèque,
00:23:19et je voulais rentrer chez moi.
00:23:22Et ?
00:23:24Dur.
00:23:25Là, mon équipe, mon entourage ont vu que ça n'allait pas,
00:23:29et qu'il fallait vraiment réagir.
00:23:31Et donc, là, j'ai arrêté en plein milieu, en 2014, ma saison.
00:23:35Et donc, on a tout de suite, surtout moi,
00:23:39c'était déjà moi-même comprendre qu'est-ce qui m'a amenée là,
00:23:44et puis rebondir dès que je me sentais capable.
00:23:47Ça, c'est 2021, la décision, j'arrête tout.
00:23:50Aujourd'hui, tu es ambassadrice technique et assistante manager
00:23:53pour le nouveau team Rockrider chez nos camarades d'Ekatlon.
00:23:57Tu fais aussi des missions pour la fédération,
00:23:59d'encadrement, de stage, de préparation de course.
00:24:01Cette nouvelle vie, elle te convient ?
00:24:05Oui, très bien.
00:24:06C'est vrai que je suis ravie
00:24:08d'avoir eu des belles opportunités comme ça très vite.
00:24:12Et je ne m'y attendais pas.
00:24:13Donc, c'est ça aussi que j'aime,
00:24:14parce que le sport m'a apporté énormément,
00:24:18et puis ça ouvre des portes.
00:24:20Et aujourd'hui, c'est chouette,
00:24:22parce que tout ce que j'ai fait aujourd'hui, c'est encore là.
00:24:25Je suis toujours passionnée par mon sport.
00:24:28J'ai envie de faire plein de choses.
00:24:29J'ai aussi envie maintenant de partager.
00:24:31Je ne suis plus dans cette bulle d'athlète de haut niveau.
00:24:33Et par exemple, que ce soit avec la fédération française de cycling
00:24:38ou avec l'équipe Rockrider,
00:24:41maintenant, je suis super contente
00:24:47de partager mon expérience et de l'être derrière moi.
00:24:50Julie, t'aimes cette transmission
00:24:55de prendre les filles, les garçons, expliquer, parler,
00:24:58la gestion, le mental, la prépa et tout ça ?
00:25:01Oui, j'aime ça.
00:25:02Et je l'ai vu aussi durant ma carrière.
00:25:04Après, je ne pouvais pas le faire,
00:25:06parce que j'ai été concentrée sur moi.
00:25:09Mais c'est pour ça, c'est aussi des projets professionnels
00:25:12que j'avais déjà un petit peu anticipé pendant ma carrière.
00:25:16J'avais aussi passé mon diplôme d'État pendant ma carrière.
00:25:19J'ai anticipé aussi ma vie après celle du haut niveau.
00:25:25Et dans 10 ans, ça sera quoi ta vie, Julie ?
00:25:29Évidemment.
00:25:31Oui, franchement, je n'ai pas de plan.
00:25:34Moi, j'espère que dans 10 ans, je serai contente
00:25:38que je serai en train de faire du VTT,
00:25:40que pourquoi pas, j'aurai un gîte et un site dédié pour faire du vélo
00:25:46et puis ouvert à tout le monde.
00:25:47Et puis avoir des enfants, avoir une vie de famille épanouie dans tout ça.
00:25:52Une femme dans son ensemble et heureuse.
00:25:56Je le comprends et je te le souhaite véritablement.
00:25:58Merci infiniment d'avoir partagé tout ça avec nous.
00:26:00C'était canon. Merci, Julie. On t'embrasse.
00:26:02Merci. À bientôt.
00:26:04Salut à toi. Merci beaucoup. Ne bougez pas dans quelques secondes.
00:26:06Doreen Bourneton, pilote de Voltige handicapée à 47 ans.
00:26:10Son parcours est juste exceptionnel.
00:26:12Doreen Bourneton, pilote de Voltige handicapée à 47 ans
00:26:16Bonjour, Doreen Bourneton. Bonsoir.
00:26:18Merci beaucoup d'être avec nous.
00:26:20Je suis ravi de t'accueillir avec mon camarade Salim,
00:26:22qui nous a faussé compagnie, mais qui imagine la technologie,
00:26:25et est en direct avec nous. Salut, Salim.
00:26:27Bonsoir, Salim. Bonsoir, Alexandre. Bonsoir, Doreen.
00:26:30Salim, j'aimerais que tu nous expliques pourquoi tu as tant insisté
00:26:34et que tu nous as dit, je veux qu'on invite Doreen,
00:26:37je veux parler à Doreen,
00:26:38je veux qu'on partage exactement ce qu'est la vie,
00:26:42la conception de Doreen, dont, il faut le rappeler,
00:26:46est handicapée, tu es en fauteuil.
00:26:48Notre ami Salim, lui, évidemment, est non-voyant.
00:26:52Et moi, j'ai hâte de vous entendre partager,
00:26:54parce que, Salim, t'as, toi aussi, une particularité,
00:26:56c'est que toi aussi, t'as volé.
00:26:59Alors, tout à fait. Ce qu'il faut savoir,
00:27:01c'est que ce soir, Alexandre, on reçoit une personne
00:27:04qui va nous faire prendre de la hauteur sur beaucoup de choses aujourd'hui.
00:27:08Je le lui disais, il y a quelques minutes,
00:27:11mais c'est un modèle pour moi, Doreen, vraiment, dans ce qu'elle fait,
00:27:15puisqu'elle a fait partie des pionnières,
00:27:18et au sens historique du terme,
00:27:19dans le sens où c'est la première pilote de voltige.
00:27:23Doreen, tu m'arrêtes si je dis des bêtises,
00:27:25mais la première femme pilote de voltige
00:27:27en situation de handicap au monde.
00:27:29Tu as été jusqu'à faire changer la loi, la réglementation,
00:27:32avec l'appui, notamment, de l'armée de l'air.
00:27:35Et on a ceci en commun, d'avoir la passion de l'aéronautique.
00:27:39J'ai prévu en petit happening,
00:27:40puisque j'ai ma petite station d'écoute que je vous montre ici.
00:27:43Je suis toujours mordu d'aéronautique,
00:27:45et c'est vraiment quelque chose qu'on partage ensemble,
00:27:47une nouvelle forme de liberté
00:27:49dont je suis absolument patient que tu nous parles aujourd'hui.
00:27:52Est-ce que tu peux nous dire déjà un petit peu
00:27:55ce que représente pour toi l'avion, l'aéronautique,
00:27:58le fait de voler, déjà, en globalité ?
00:28:01Et après, on va revenir à ta vie d'enfant, cet accident,
00:28:04et ta volonté de voler, malgré tout.
00:28:06Alors, il y a deux choses.
00:28:09Il y a le vol classique, le vol à plat, tel que tu l'as pratiqué,
00:28:15qui est un moyen, effectivement, de maîtriser une machine,
00:28:20d'apprendre à voler, à piloter, d'aller d'un point A à un point B.
00:28:25C'est très sympa.
00:28:26Mais moi, un jour, j'ai voulu aller un petit peu plus loin.
00:28:29J'ai voulu apprendre à piloter un avion
00:28:31et à faire des figures de voltige,
00:28:33parce que la voltige,
00:28:35c'est un moyen d'aller explorer le domaine de vol,
00:28:40de pousser l'avion jusqu'à ses extrêmes limites,
00:28:43d'aller là où, normalement, on n'a pas le droit d'aller.
00:28:46Quand on apprend à piloter, qu'on nous dit,
00:28:49surtout, ne vous mettez jamais en vrille,
00:28:51parce que si vous vous mettez en vrille, vous allez vous tuer.
00:28:54Là, en voltige, non seulement vous allez vous mettre en vrille,
00:28:59mais vous allez apprendre à piloter la vrille et à en sortir.
00:29:03Et donc, c'est une façon d'apprendre à maîtriser la machine,
00:29:08maîtriser l'appareil,
00:29:10et à piloter avec une extrême virtuosité.
00:29:16On a ce sentiment, comme je dis souvent, de danser dans les airs,
00:29:20et c'est juste merveilleux.
00:29:22Dorine, j'ai envie de comprendre ce que tu as obtenu,
00:29:26réalisé, à faire changer pour pouvoir faire cela,
00:29:28parce que ton handicap t'empêchait de le faire.
00:29:30Auparavant, j'aimerais qu'on revienne sur ton enfance.
00:29:34T'as un papa qui était passionné d'aviation,
00:29:36qui t'a amenée très vite dans les avions.
00:29:38À quel âge ?
00:29:39J'avais 8 ans, à peu près.
00:29:42Oui, mon père était chauffeur de taxi et ambulancier.
00:29:46Et il s'abrutissait sur les routes de campagne,
00:29:49il passait des heures, des journées entières au volant de sa voiture.
00:29:52Et un jour, je me souviens, il est rentré à la maison,
00:29:55il a dit à ma mère,
00:29:57« Aujourd'hui, maintenant, ça suffit, j'ai envie de vivre mon rêve. »
00:30:01Mon rêve, ça a toujours été d'apprendre à piloter.
00:30:05« Je vais m'inscrire à l'aéroclub. »
00:30:07Ma mère a poussé des cris,
00:30:09parce qu'elle trouvait que c'était une passion totalement inutile
00:30:11et surtout très coûteuse.
00:30:13Mais mon père s'est inscrit.
00:30:15Et du coup, quand il a commencé à prendre ses premières leçons de pilotage,
00:30:19moi, je l'ai accompagnée.
00:30:21Et rapidement, comme Salim pourrait le décrire,
00:30:27j'ai été fascinée.
00:30:29Déjà parce qu'un aérodrome, un aéroclub, c'est toute une ambiance.
00:30:33Déjà, il y a un langage particulier.
00:30:36Il y a un vocabulaire particulier.
00:30:39Puis ensuite, il y a une partie théorique,
00:30:42on s'approche de l'avion, on fait le tour de l'avion.
00:30:46Enfin, il y a une préparation, on se met en condition,
00:30:49puis on monte dans l'appareil, ensuite, l'avion décolle.
00:30:53Et...
00:30:54Et ça, petite, dès 9 ans, ça t'a...
00:30:56Waouh ! ... fascinée.
00:30:57Ça m'a fascinée.
00:30:58Ça m'a fascinée parce que, aussi, j'ai été...
00:31:02J'ai grandi, j'ai été baignée dans le mythe des pilotes de l'aéropostale.
00:31:07Vous savez, Mermoz, Antoine de Saint-Exupéry, Henri Guillaumet,
00:31:11ces hommes qui, au péril de leur vie, transportaient du courrier.
00:31:14Ils utilisaient l'avion comme un outil
00:31:17pour transporter du fret, pour venir en aide aux populations.
00:31:21Au péril de leur vie.
00:31:22Au péril de leur vie.
00:31:23Et moi, je voulais leur ressembler.
00:31:25Je voulais pas devenir pilote pour être pilote de ligne.
00:31:28Euh...
00:31:29Je voulais être pilote pour vraiment utiliser l'avion
00:31:33et me mettre au service des autres.
00:31:35À quel âge, tu as commencé à vouloir toi, piloter ?
00:31:37Alors, il y a deux façons de devenir pilote.
00:31:40Soit vous êtes très fort en mathématiques
00:31:42et vous pouvez passer par la voie royale...
00:31:44C'était ton cas ?
00:31:45Ce qui n'était absolument pas mon cas.
00:31:49Donc, du coup, il y a une autre façon de devenir pilote.
00:31:51C'est de passer par ce qu'on appelle la petite porte
00:31:54et de commencer jeune et d'accumuler des heures de vol.
00:31:58Donc, à 15 ans, j'avais mis un peu d'argent de côté.
00:32:01Je serais pas allée très loin,
00:32:03mais j'avais mis un peu d'argent de côté.
00:32:05J'ai commencé à piloter.
00:32:07J'ai eu... J'ai vécu mon premier lâcher.
00:32:10C'est-à-dire, c'est ce jour où vous partez pour la première fois,
00:32:13seule dans le ciel,
00:32:14cette mort de trouille,
00:32:16mais à 15 ans.
00:32:18Et ça, c'est un souvenir qui m'a marquée,
00:32:21profondément marquée, parce que ce jour-là,
00:32:23j'ai appris à maîtriser mes émotions,
00:32:25j'ai appris à maîtriser ma peur.
00:32:27Et quand j'ai eu mon accident neuf mois plus tard,
00:32:31j'avais vécu cette expérience
00:32:34qui m'a permis d'avoir le courage
00:32:38de reprendre les commandes d'un avion
00:32:40et de ne pas écouter ma peur.
00:32:42Pardon, avant de te redonner la parole, Salim,
00:32:44j'aimerais que tu m'expliques ce qui s'est passé ce jour-là,
00:32:46cet accident.
00:32:47Il y a qui dans l'avion ? Comment ? Pourquoi ?
00:32:49Eh bien, vous savez, la vie d'un aéroclub, c'est quoi ?
00:32:52C'est apprendre à piloter,
00:32:55emmener des amis en balade,
00:32:57et puis aussi, c'est des voyages.
00:32:59Et de temps en temps, on organise des voyages dans un aéroclub.
00:33:03Et ce 12 mai 1991,
00:33:06l'aéroclub proposait aux pilotes
00:33:09d'aller rencontrer des héros des temps modernes
00:33:12qui sont les pilotes de Canadair.
00:33:15Et du coup, avec mon père,
00:33:19on s'est inscrits pour aller à la rencontre des pilotes de Canadair.
00:33:22Et c'était où ?
00:33:23À Marignane.
00:33:25D'accord.
00:33:26On décollait de Clermont-Ferrand.
00:33:29Oui, parce que je suis originaire d'Auvergne.
00:33:32Donc Clermont-Marignane en avion.
00:33:34Voilà. Donc du coup, il faut traverser...
00:33:37Il faut traverser...
00:33:39La vallée du Rhône.
00:33:41Il faut aller rejoindre la vallée du Rhône.
00:33:43Mais ce jour-là, il faisait pas beau.
00:33:45Il faisait pas beau autant.
00:33:47Et comme au temps de l'aéropostale,
00:33:49vous savez ce que disent les pilotes de temps en temps ?
00:33:52Ils disent, on va voir,
00:33:54et si ça passe pas, on fera demi-tour.
00:33:57Comme disait Mère Mose, au temps de l'aéropostale.
00:34:00Et donc, on décolle.
00:34:01Qui pilote ?
00:34:03On était à deux avions.
00:34:04Dans un avion, il y avait mon père
00:34:06et deux autres pilotes.
00:34:08Et puis moi, j'étais dans un autre avion
00:34:10avec trois autres passagers.
00:34:12J'étais passagère à l'arrière.
00:34:14Et là, malheureusement, le pilote,
00:34:17on ne saura jamais pourquoi,
00:34:19est rentré dans la couche nuageuse.
00:34:22On a rencontré le mauvais temps.
00:34:23Le pilote est rentré dans les nuages.
00:34:25L'autre avion est où ?
00:34:26L'autre avion où se trouve mon père.
00:34:30Effectivement, il a traversé cette zone nuageuse,
00:34:33mais le pilote était plus expérimenté.
00:34:36Et il a pu rejoindre la vallée du Rhône, justement.
00:34:39Revenons à ton avion.
00:34:40Et donc, du coup, nous, on rentre dans le nuage.
00:34:43Alors, à ce moment-là,
00:34:45je ne me souviens plus trop ce qui s'est passé.
00:34:48Tout ce que je sais, c'est que, du coup,
00:34:50devant nous se trouvait une montagne.
00:34:52Et on a percuté le flanc de la montagne
00:34:56au mont Alhambra, Mont Maisin.
00:34:59Et voilà, on s'est crachés sur une colline.
00:35:03Et voilà, des quatre, j'ai été la seule rescapée.
00:35:08On t'a retrouvée longtemps après ?
00:35:09On m'a retrouvée, oui, au bout de 12 heures.
00:35:12Tu te souviens de ces 12 heures ?
00:35:14J'ai quelques souvenirs...
00:35:17Enfin, c'est comme si c'était un rêve.
00:35:20J'entends des bruits, l'hélicoptère qui cherche.
00:35:24Je ne sais pas si je l'ai rêvé ou si je l'ai vraiment vécu.
00:35:27Tout ce que je sais, c'est que...
00:35:29Je n'ai pas de souvenirs conscients.
00:35:30En tout cas, mon corps, lui, se souvient,
00:35:32parce que pendant longtemps, après l'accident,
00:35:35dès qu'on s'approchait d'un nuage,
00:35:37je me mettais à trembler, à avoir peur, à se suffoquer presque,
00:35:41parce que mon corps se souvenait
00:35:44et associait le nuage au danger.
00:35:47Dorine, pardon et excuse-moi de revenir là-dessus.
00:35:51À quel moment tu as pris conscience
00:35:52que ton corps avait subi des choses et que...
00:35:56Au départ, bon, les médecins ne savent pas trop.
00:36:00Il y a les 12 heures, donc tu ne sais plus.
00:36:01Tu te souviens au moment où on t'a récupérée ?
00:36:03Alors, j'étais consciente,
00:36:04mais tout ça, j'ai oublié après l'opération,
00:36:07parce que, du coup, la moelle épinière était touchée,
00:36:10il fallait opérer, résorber les atomes, etc.
00:36:13Donc, on m'a opérée une première fois au puits,
00:36:16on velait la ville la plus proche du lieu du crash
00:36:20et ensuite à Clermont-Ferrand.
00:36:21Et là, les souvenirs se sont effacés.
00:36:24Mais c'est vrai que les médecins ne sont jamais affirmatifs.
00:36:30Ils ne vont pas vous dire
00:36:32que vous allez rester clouée toute votre vie.
00:36:34Ça, vous le comprenez par vous-même,
00:36:38parce qu'il n'y a que vous qui pouvez savoir, au fond.
00:36:41Et moi, honnêtement, le jour où on m'a posée
00:36:43pour la première fois sur un fauteuil roulant,
00:36:46j'ai compris que je ne me relèverais jamais.
00:36:49Moralement, je me suis effondrée, bien sûr.
00:36:51C'était combien de temps après l'accident ?
00:36:52C'était trois, quatre semaines.
00:36:55Et là, je me suis dit,
00:36:57OK, si je ne peux plus marcher, alors je volerais.
00:37:02Alors, tu vois, tu précèdes ma question.
00:37:05Entre guillemets, on peut dire que ça t'a coupé les jambes,
00:37:08mais ça ne t'a sûrement pas coupé les ailes.
00:37:10Et ça aurait pu, on le sait tous,
00:37:13d'autant plus que ça a été la cause
00:37:14de ton changement de situation radicale,
00:37:17ça aurait pu être plus qu'un déclencheur
00:37:21pour ce que tu en as fait aujourd'hui,
00:37:23un gros coup d'arrêt,
00:37:25et tu aurais pu laisser tout ça derrière toi.
00:37:27Qu'est-ce qui a fait que justement ton corps
00:37:29a changé un petit peu d'interprétation
00:37:32sur l'avion, sur le danger, sur tout ça ?
00:37:34Comment est-ce que tu as réapprivoisé tout ça
00:37:36pour en faire maintenant plaisir plus tard ?
00:37:38Ah, ça a pris du temps.
00:37:40C'est vraiment pas vol après vol.
00:37:44Ça a pris des années, en fait.
00:37:47Ça ne s'est pas fait du jour au lendemain.
00:37:50Mais en fait, ce que tu dois savoir, Salim,
00:37:54c'est que quand on vit un handicap,
00:37:55quand on vit avec un handicap,
00:37:59on doit tout prouver, prouver plus que les autres.
00:38:02Et donc, du coup...
00:38:03Par exemple, pardon.
00:38:05Parce qu'on associe souvent le mot handicap
00:38:09à des mots négatifs.
00:38:11Notre société a une perception,
00:38:14a une vision négative du handicap.
00:38:16On pense handicapé, donc moins capable,
00:38:19moins performant, voilà.
00:38:24Et du coup, moi, j'avais tellement à prouver
00:38:27que ma passion s'en est même renforcée, en fait.
00:38:32Parce que je savais que pour prouver,
00:38:35pouvoir démontrer que moi, Dorine,
00:38:37j'étais restée la même,
00:38:39c'est pas parce que je vivais en fauteuil roulant
00:38:41que j'avais changé.
00:38:43J'étais toujours Dorine.
00:38:45Donc, pour pouvoir prouver à mon entourage,
00:38:47ma famille, mes amis,
00:38:50la terre entière, que j'étais restée la même,
00:38:52il me fallait poursuivre mon rêve,
00:38:54il me fallait voler.
00:38:56Et du coup, c'était tellement...
00:38:59Vous savez, les émotions, elles sont décuplées
00:39:01après des épreuves,
00:39:03quand on a vécu des épreuves dans sa chair, dans son corps.
00:39:06Tout est décuplé.
00:39:07Et donc, la passion était décuplée.
00:39:11Et cette envie, cette force d'atteindre un objectif
00:39:15était extrêmement puissant.
00:39:19Avant tout ça, tu as mis combien de temps à revoler ?
00:39:22À reprendre vraiment le manche, à te dire,
00:39:24allez, je me relance ?
00:39:26En fait, peu de temps,
00:39:29parce que mon père est ambulancier,
00:39:31donc c'est lui qui m'a transportée
00:39:34de l'hôpital au centre de rééducation dans son ambulance.
00:39:37Et sur le chemin, qu'est-ce qu'il y avait ?
00:39:39Il y avait l'aéroclub.
00:39:41Et ?
00:39:42On s'est arrêté à l'aéroclub.
00:39:44Incroyable.
00:39:45Qui a demandé à ce que vous vous arrêtiez ?
00:39:47Mon père m'a demandé, il m'a dit, ça te dirait quand ça arrête ?
00:39:51Je lui ai dit, ben ouais, je veux bien.
00:39:53Et donc, à l'aéroclub, ils avaient préparé une petite fête,
00:39:56entre guillemets, pour la rescapée.
00:40:00Et mon instructeur, à ce moment-là, m'a dit,
00:40:03est-ce que tu voudrais venir avec moi faire un vol ?
00:40:07Et moi, à l'époque, les heures de vol, c'est moi qui me les payais,
00:40:10ça coûtait très cher.
00:40:11Et dans ma tête, je me suis dit, une heure de vol gratuite,
00:40:14je ne peux pas laisser passer ça, donc...
00:40:17Et j'avais un pied dans le plâtre, j'avais la sonde,
00:40:21on avait tout mis dans le fauteuil,
00:40:23enfin, on avait mis le fauteuil sur l'aile, je me souviens,
00:40:26et ensuite, on m'avait...
00:40:27On est combien de temps après l'accident, là ?
00:40:29Trois semaines.
00:40:30Dingue. Et donc, vas-y.
00:40:31Et là, on décolle, et au-dessus de notre tête, il y a des nuages.
00:40:35Et là, je me suis mise à avoir peur, je me suis mise...
00:40:39Tu es sûre qu'on ne va pas être englouties par les nuages ?
00:40:42Je m'imaginais qu'on allait d'un coup...
00:40:43Il y a qui dans l'avion ?
00:40:44Mon instructeur.
00:40:46Il n'y a pas ton papa.
00:40:47Non, non.
00:40:48On a écourté le vol, mais ça s'est bien passé.
00:40:51Donc là, j'ai vécu une expérience positive,
00:40:54et c'était important.
00:40:55C'était important que, tout de suite après l'accident,
00:40:59je puisse avoir cette expérience pour pouvoir ensuite me dire...
00:41:03Voilà, ce n'est pas parce qu'on monte dans un avion
00:41:05qu'on va systématiquement se crasher,
00:41:08et du coup, pouvoir me projeter, me fixer de nouveau des objets.
00:41:14Comment est arrivée la voltige, ensuite ?
00:41:15La voltige, ça a pris des années.
00:41:18D'abord, il a fallu, comme tu le disais, Salim,
00:41:20il a fallu faire changer la loi parce que la voltige,
00:41:23comme le métier de pilote professionnel,
00:41:25était interdit aux handicapés.
00:41:28Ce n'était pas possible pour des raisons médicales,
00:41:32pour des raisons...
00:41:34Aussi, l'image qu'on se faisait de la personne handicapée.
00:41:39Moins capable, moins capable que les autres.
00:41:42Je comprends ce que tu veux dire.
00:41:42Pardon, pour être concret,
00:41:43est-ce qu'on a besoin des jambes pour piloter un avion ?
00:41:45On a besoin des jambes, bien sûr. Je ne l'ai pas dit ?
00:41:48Pas encore.
00:41:50Et oui, certaines commandes sont au pied.
00:41:52Et donc, comment on fait ?
00:41:53Et donc, là, on vole sur des avions qui sont équipés de mâlonniers,
00:41:58de commandes manuelles de pilotage.
00:42:00Comme on le fait pour des voitures, aujourd'hui.
00:42:01À son casque adapté avec un système sonore.
00:42:06Eh bien, voilà, comme une voiture.
00:42:08Comme une voiture, je pilote mon avion.
00:42:10Salim.
00:42:11Justement, pardon de te couper là-dessus,
00:42:13mais je trouve ça super intéressant.
00:42:16Les pâlonniers, ces pédales qui servent à manœuvrer,
00:42:20la gouverne de direction ou de symétrie à l'arrière de l'avion
00:42:24pour faire décaler la queue à droite et à gauche,
00:42:27ça se gouverne au pied.
00:42:28Comment est-ce que tu fais pour gérer à la main
00:42:31ces commandes qui sont au pied pour une bonne raison ?
00:42:33C'est que les mains sont occupées avec le gaz, avec le manche, etc.
00:42:36Comment tu gères tout ça ? Comment c'est fait ?
00:42:38En gros, on n'a que deux mains.
00:42:40On n'a que deux mains pour trois commandes.
00:42:42Alors, on a eu une première version du Maloney
00:42:45où on avait effectivement que nos deux mains
00:42:49et trois commandes à gérer.
00:42:51Le manche, la gouverne de direction
00:42:54et la commande des gaz.
00:42:56Et là, ça demandait un petit peu d'agilité,
00:42:59un petit peu de dextérité.
00:43:01Ces seringues, on était soit tout réduit...
00:43:05Ouais, tout réduit ou pleine puissance.
00:43:09Donc, le pilotage n'était pas d'une finesse...
00:43:11C'était pas très fin, ouais.
00:43:12Surtout à l'atterrissage par vent de travers.
00:43:16Parce que vous arrivez à l'atterrissage,
00:43:18donc vous réglez bien votre avion.
00:43:19À un moment donné, en courte finale, en très courte finale,
00:43:22vous réduisez à fond les gaz rapidement
00:43:24et vite, vous prenez votre palonnier
00:43:25pour mettre le nez de l'avion dans l'axe de la piste.
00:43:30Mais ce maudit Cap 10 avait toujours la fameuse...
00:43:35Tendance ?
00:43:36Tendance à, de lui-même, remettre un petit filet de gaz.
00:43:43Parce que la commande était mal réglée.
00:43:45Et du coup, des fois, je me suis effectivement fait peur.
00:43:49Alors, du coup, on a conçu une nouvelle version,
00:43:52après, au bout de quelques temps,
00:43:54où on a, sur la commande qui dirige la gouverne,
00:43:59on a aussi la commande des gaz, sur la même commande.
00:44:02Donc, on peut faire les deux.
00:44:03Donc, on peut faire les deux.
00:44:04Quand tu dis on, c'est qui ?
00:44:07Les pilotes handicapés.
00:44:09D'accord, mais vous avez participé,
00:44:11tu as participé à ces évolutions techniques,
00:44:14en disant, il faut qu'on fasse aussi cela ?
00:44:16Oui, mais pas toute seule, en fait.
00:44:18J'ai...
00:44:19En fait, depuis des années, j'avance avec mon binôme,
00:44:23c'est mon frère, c'est mon meilleur ami,
00:44:25qui s'appelle Guillaume Ferral,
00:44:26qui lui aussi est en fauteuil roulant
00:44:28et qui a eu, lui, un accident de planeur à 24 ans.
00:44:33Et Guillaume, c'est vraiment notre expert
00:44:36en commandes manuelles de vol.
00:44:38Et c'est lui qui...
00:44:40Voilà, lui, c'est un mec.
00:44:44Nous, on ne peut pas se permettre de le dire.
00:44:45La mécanique, il adore ça.
00:44:47Je lui la laisse, mais effectivement,
00:44:50il la supervise.
00:44:51Explique-nous une chose, et après, Salim,
00:44:52il faudra que tu nous dises comment toi, tu voles,
00:44:54en étant non-voyant,
00:44:55parce que ça m'interpelle aussi, évidemment.
00:44:58Tu as fait changer un texte de loi
00:45:00pour que les personnes en situation de handicap
00:45:02puissent faire de la voltige.
00:45:03Oui.
00:45:04Comment tu as fait ça ?
00:45:05Eh bien, ça a pris des années.
00:45:07Ça a pris sept ans.
00:45:10Mais vous savez, ce que je dis souvent,
00:45:11c'est qu'on n'échoue jamais à cause de ses opposants,
00:45:14mais faute d'alliés.
00:45:15Et en fait, j'ai réussi à réunir autour de moi
00:45:17des personnes qui croyaient en moi,
00:45:20qui croyaient en mon projet.
00:45:21Elles n'étaient pas nombreuses,
00:45:23je peux te le dire, à se compter sur les doigts de la main,
00:45:25mais elles étaient sincères, elles étaient compétentes.
00:45:28Et ensemble, on y est arrivé.
00:45:31Chacun avait un rôle, a joué un rôle.
00:45:34Voilà, Guillaume, c'était une équipe.
00:45:37Guillaume avait la connaissance technique.
00:45:39Mon amie Brigitte Révelin-Falcoz,
00:45:41qui a été l'une des toutes premières femmes pilotes de ligne en France,
00:45:45à qui on avait dit quand elle était jeune,
00:45:47il est impensable de confier un avion de ligne à une femme,
00:45:50de confier une machine aussi coûteuse qu'un avion de ligne à une femme.
00:45:55Elle est devenue l'une des premières.
00:45:56Donc elle, elle avait l'expérience.
00:45:58En plus, elle savait, elle maîtrisait le langage ministériel,
00:46:03chose que moi, je ne maîtrisais pas.
00:46:06Donc elle savait comment fallait aborder les choses,
00:46:09comment fallait parler au ministre.
00:46:11Et puis moi, j'étais le porte-parole,
00:46:13j'étais la personne un peu médiatique.
00:46:16Et à force d'eux, vous avez réussi à ?
00:46:18Exactement.
00:46:19Salim, explique-nous comment toi, s'il te plaît.
00:46:23Alors là, et accrochez vos ceintures.
00:46:26Moi, j'ai eu une vraie chance,
00:46:27c'est que là où, pour Dorine, il y a besoin d'équiper un avion,
00:46:31on ne va pas tout à fait équiper l'avion.
00:46:33On va ajouter ce qu'on appelle un brelage,
00:46:35c'est-à-dire un équipement sur le siège,
00:46:38mais qui est le support d'un ordinateur embarqué.
00:46:41Donc en fait, il y a juste un ordinateur embarqué avec moi dans la machine
00:46:45qui va être une centrale inertielle avec tout un équipement
00:46:49qui capte le mouvement de l'avion, la position dans l'espace et le GPS,
00:46:54et qui me donne des infos de situation, de localisation de mon avion dans l'espace.
00:47:00C'est-à-dire que je consulte un clavier qui me donne directement dans mon casque
00:47:05les infos d'altitude, de vitesse, de vario,
00:47:08ce qu'on appelle de variation de l'altitude.
00:47:11On a le cap du GPS,
00:47:12donc qui est même plus précis que le cap magnétique d'une boussole.
00:47:17On va avoir des infos d'inclinaison et de position aussi de l'avion
00:47:22par rapport à l'horizontale.
00:47:24Donc on a une note de musique en continu dans les oreilles.
00:47:27Et en fonction de la tonalité et de la localisation, oreille droite, oreille gauche,
00:47:31de la note, en gros, on a la position de l'avion.
00:47:34Donc je sais à tout moment quel est le comportement de mon avion dans l'espace.
00:47:38Là où, par contre, j'ai pas de chance par rapport à Dorine,
00:47:41c'est qu'évidemment, je ne peux pas voir l'extérieur de mon appareil
00:47:45et qu'il est hors de question de confier la sécurité extérieure de mon pilotage
00:47:49à de l'électronique embarquée.
00:47:50Donc je volerai toujours avec un instructeur à bord.
00:47:54Qui va faire les opérations de décollage et d'atterrissage, c'est ça ?
00:47:57Non, qui va me faire mes yeux pour le suivi de...
00:48:02Alors tu parles de décollage et d'atterrissage,
00:48:04il va me dire où on est par rapport à la ligne de piste.
00:48:07Mais c'est moi qui gère décollage et atterrissage,
00:48:09qui va me faire la sécurité extérieure sur les autres aéronefs aux environs.
00:48:13Mais encore une fois, c'est moi qui tiens les commandes.
00:48:16On est même capable aujourd'hui, en cas de défaillance de santé,
00:48:22si l'instructeur perd connaissance,
00:48:24je peux me faire guider au sol par la tour.
00:48:28C'est fabuleux.
00:48:29On est capable de faire ça aujourd'hui.
00:48:30Alors moi, j'ai une question aussi, Salim.
00:48:32Est-ce qu'aujourd'hui, à force de voler,
00:48:35est-ce que tu arrives à ressentir,
00:48:38est-ce que tu arrives à voler aux sensations aussi ?
00:48:40Parce que j'imagine que les sensations sont décuplées pour toi.
00:48:43J'allais t'en parler.
00:48:45C'était un des sujets qui m'impressionne beaucoup
00:48:49dans ce que j'imagine de la voltige.
00:48:50C'est que moi, le sentiment que j'ai par rapport à l'aéronautique,
00:48:54c'est que justement, les sensations sont trompeuses.
00:48:57Quand on s'enfonce dans le siège,
00:48:58quand on a l'impression d'être lourd et de peser vers le bas,
00:49:01c'est au contraire qu'on est en train de monter.
00:49:03Et alors quand on se sent tout léger,
00:49:05qu'on a l'impression de flotter et de rien peser,
00:49:07c'est quand l'avion redescend.
00:49:08Donc il y a des choses où, au contraire, il ne faut pas tellement s'y fier.
00:49:11L'inclinaison droite-gauche, on la sent quasiment pas.
00:49:14Donc piloter au sens.
00:49:16Après, il y a des pilotes planeurs qui nous regardent
00:49:19et qui doivent avoir envie de me scalper parce qu'eux le font très bien,
00:49:23mais je ne suis pas pilote planeur.
00:49:25En fait, parce que nous, pilotes de voltige,
00:49:28on vole beaucoup aussi aux ressentis, aux sensations,
00:49:31parce qu'on ne se rend pas compte,
00:49:33mais c'est accompagné de la vue, de la vision.
00:49:36Oui, il y a ce fameux triangle.
00:49:39Il y a le fameux triangle que tu as sur l'aile avec la ficelle, etc.
00:49:42Ce sont des choses aussi qui sont très impressionnantes à calculer.
00:49:48Tu te sers de toutes les infos que tu peux avoir
00:49:51parce que ça va très vite, la voltige.
00:49:52C'est extrêmement rapide.
00:49:54Mon rêve, tu sais quoi ?
00:49:55Ce serait de t'emmener en voltige.
00:49:57Écoute, si on vous fait un rendez-vous, alors...
00:50:02Ah oui, prenez rendez-vous, on va organiser ça,
00:50:04mais s'il vous plaît, débrouillez-vous, on envoie une caméra,
00:50:07je veux tout voir, moi.
00:50:09Ça va être merveilleux, ça.
00:50:10J'ai envie de pleurer avec vous, après.
00:50:11Ça serait impassible.
00:50:13Doreen, dernière petite question, pardon.
00:50:15Tu as monté une asso qui s'appelle Envie d'envol.
00:50:18Explique-moi ce que c'est.
00:50:19Oui, c'est une association avec mon ami Guillaume.
00:50:23On a acheté un avion de voltige, un CAP10, un bi-place en tandem,
00:50:27un avion d'école.
00:50:29L'objectif, c'est de former d'autres pilotes,
00:50:33de préférence handicapés,
00:50:34mais on n'a pas beaucoup de candidats, malheureusement.
00:50:38Pourquoi ?
00:50:39Pourquoi pas beaucoup de pilotes à la voltige aérienne, bien sûr.
00:50:41Pourquoi pas beaucoup de candidats, d'après toi ?
00:50:44Parce qu'en fait, ils ont un peu peur.
00:50:47Et puis, la voltige, c'est une grosse remise en question.
00:50:51Il faut aller au-delà de ce qu'on se croit capable,
00:50:54de ce qu'on se sent capable,
00:50:58et tout le monde n'a pas cet état d'esprit
00:51:00de se remettre en question.
00:51:02Oui, bien sûr.
00:51:03Merci.
00:51:04Dernière question aussi, Alexandre, si tu me le permets.
00:51:06Doreen, tu as remporté en 2018,
00:51:08si je ne me trompe pas, une compétition de voltige.
00:51:11Tu t'éloignes un petit peu de la compétition, encore une fois,
00:51:14si j'ai tout saisi.
00:51:16Qu'est-ce qu'il faut te souhaiter pour l'avenir ?
00:51:18Qu'est-ce qu'il faut me souhaiter ?
00:51:20Moi, ce que j'aimerais, c'est qu'on forme plus de pilotes.
00:51:24J'aimerais bien transmettre aujourd'hui, en fait,
00:51:27parce qu'il n'y a rien de plus merveilleux que de transmettre.
00:51:30Merci infiniment.
00:51:32Bravo.
00:51:33Salim, merci à toi.
00:51:35Merci, Alexandre.
00:51:36Merci à toi.
00:51:37Tu reviens quand tu veux. Doreen, merci, bravo.
00:51:39Surtout, allez voler ensemble et racontez-moi tout,
00:51:41voire même, je veux bien venir.
00:51:45Je vous embrasse.
00:51:46Toute petite pause,
00:51:47une ancienne skieuse de fond, photographe,
00:51:49qui fait des images incroyables avec nous.
00:51:56Marika Godin est notre troisième invitée aujourd'hui.
00:51:59Bonjour, Marika.
00:52:00Bonjour.
00:52:01Je suis ravi de t'accueillir dans La Victoire est en elle
00:52:03parce que tu fais partie de ces femmes inspirantes.
00:52:06Comment je t'ai découvert ? Ton nom me disait quelque chose.
00:52:10Et puis, ce talent incroyable pour la photo,
00:52:14dont on va parler dans quelques minutes.
00:52:16Quand je dis incroyable, je pèse mes mots.
00:52:17T'as un truc.
00:52:19Tu fais partie de ces gens rares qui sont de véritables génies.
00:52:22Et franchement, ce que je vois sur ton compte Instagram
00:52:25me bluffe, m'émeut, m'inspire.
00:52:27C'est juste magnifique.
00:52:28On va essayer de comprendre un peu tout ça, qui tu es.
00:52:31Aujourd'hui, t'as 28 ans.
00:52:32T'es une ancienne skieuse de fond professionnelle.
00:52:34T'as monté ta propre agence de communication.
00:52:37Tu consacres ton temps à la photo.
00:52:40D'abord, explique-moi,
00:52:41tout est dans le Jura parce que t'es originaire du Jura ?
00:52:45Oui, tout à fait.
00:52:46Je suis née dans le Doubs, département voisin,
00:52:49mais j'ai grandi dans le Bas-Jura.
00:52:52Mes parents étaient installés là-bas.
00:52:53Et puis, quand j'ai eu trois ans, on est montés dans le Haut-Jura
00:52:56pour que mes parents puissent lancer leur affaire.
00:53:01Et puis, je me suis retrouvée ici dès mon plus jeune âge.
00:53:04J'ai fait quasiment toute ma scolarité dans le Jura.
00:53:07Et puis, c'est un territoire que j'ai appris à aimer et à connaître.
00:53:12Et aujourd'hui, j'y reste parce que j'y suis vraiment bien.
00:53:16Mais on a l'impression que c'est plus profond que ça encore.
00:53:18On a l'impression qu'il faudrait, je ne sais pas faire quoi,
00:53:21pour que tu y en sortes.
00:53:22Parce que moi, je vois tes parutions quotidiennes
00:53:25et elles sont nombreuses tous les jours.
00:53:26Et je me dis, mais waouh, est-ce qu'elle va trouver tout ça ?
00:53:29C'est un terrain de jeu incroyable.
00:53:31Alors moi, j'adore partir.
00:53:32J'ai voyagé quand même pas mal dans ma vie.
00:53:36Et puis, le Covid, comme pour beaucoup de monde,
00:53:38m'a un peu coincée à la maison.
00:53:41Et en fait, j'ai appris à...
00:53:44Je pense que ça m'a aidée à voir aussi autrement
00:53:46ce que j'avais autour de moi et dans un rayon parfois hyper proche.
00:53:51Et je trouve que ça m'a permis d'ouvrir les yeux
00:53:54sur un endroit que j'aimais déjà particulièrement,
00:53:56mais que j'ai aussi appris à redécouvrir.
00:53:59Et donc, j'adore partir, mais j'aime revenir.
00:54:02C'est ce que je me sens à la maison.
00:54:04Et après, j'appelle évidemment à d'autres aventures, loin.
00:54:09J'aime voyager, donc j'espère vite, vite repartir.
00:54:12Mais en tout cas, oui, le Jura,
00:54:14il y a un truc qui se passe quand je suis ici.
00:54:16Et ça, c'est indéniable.
00:54:19Et ça se ressent.
00:54:20Marika, ta carrière de sportive de haut niveau,
00:54:23on sent que tu as un caractère bien trempé,
00:54:26une femme qui sait ce qu'elle veut.
00:54:27Explique-moi le ski de fond.
00:54:28Tu as commencé à quel âge ?
00:54:29J'y suis arrivé comment, les premières courses ?
00:54:31Alors, j'ai commencé le ski de fond,
00:54:33je crois que j'avais trois ans et demi ou quatre ans,
00:54:35parce que mes parents, en fait,
00:54:37on a été hébergés quand on est arrivé au village
00:54:39par les parents de Sébastien Lacroix,
00:54:42qui est champion du monde de combinés nordiques.
00:54:44Ça aide.
00:54:45On dit, voilà, mes parents n'ont jamais fait de ski.
00:54:47Ils ont dit, non, non, mais les enfants ici font du ski,
00:54:50donc on va la mettre sur les skis.
00:54:52Et puis après, j'ai rejoint le ski club à l'âge de cinq ans et demi,
00:54:55je crois, et j'ai commencé à faire du ski.
00:54:56J'ai commencé à faire du ski à l'âge de cinq ans et demi,
00:54:59je crois, et puis j'ai fait mes premières compétitions.
00:55:01Je crois qu'on doit être caneton quand on a cinq ou six ans.
00:55:05Et j'ai adoré.
00:55:08Moi, je suis une compétitrice, j'ai toujours adoré ça.
00:55:11Et puis après, de fil en aiguille,
00:55:13voilà, la vie fait que je me suis retrouvée un petit peu
00:55:16dans ce schéma-là, d'abord au collège en section sportive,
00:55:19puis au lycée, puis après en Pôle France.
00:55:21Et puis après, ça devient presque un schéma professionnel,
00:55:25et je pense que j'avais évidemment des appétences pour ça,
00:55:29donc j'ai poursuivi dans cette voie, voilà.
00:55:33Jusqu'à un titre de championne de France en 2016.
00:55:35Tu as quel âge à ce moment-là ?
00:55:37En 2016, je crois que j'avais 22 ans, il me semble.
00:55:42Par exemple, quoi, ce titre, à ce moment-là, ce jour-là ?
00:55:46Ce jour-là, c'était une journée incroyable.
00:55:50Avec mon entraîneur, on a partagé un moment.
00:55:52En plus, c'était ma meilleure amie qui était deuxième,
00:55:53donc c'était vraiment... C'était un super moment.
00:55:56C'était mieux pour toi que pour elle, pardon.
00:55:58Ouais, ouais.
00:55:59Mais bon, je crois que... Non, mais on s'est bien souvent...
00:56:03On a souvent joué comme ça au chalet, donc voilà.
00:56:06Non, c'était un moment vraiment incroyable,
00:56:08un beau moment de partage, et puis aussi l'aboutissement
00:56:12d'entraînement, d'heures de sacrifice, etc., etc.
00:56:18Et puis, pour moi, le sport de haut niveau
00:56:21a quand même été aussi beaucoup dans la douleur
00:56:24par des non-sélections, des choses comme ça.
00:56:25Donc, il y avait aussi une forme d'un peu de soulagement,
00:56:29de dire, bon, j'ai enfin quelque chose qui m'appartient
00:56:32et qu'on ne pourra pas m'enlever, quoi.
00:56:34Pourquoi je ne vois pas d'autres lignes à ce beau palmarès ?
00:56:39Déjà parce que je n'ai pas eu une carrière...
00:56:43Je n'aime pas, d'ailleurs, employer le mot carrière
00:56:45parce que j'ai plus vécu une expérience de sportif de haut niveau
00:56:48qu'une carrière.
00:56:50Je n'ai pas dépassé le niveau européen.
00:56:52Après, j'ai participé à des petits événements sympas
00:56:56comme les JO de la jeunesse, des choses comme ça.
00:56:59Mais c'est vrai que je n'ai pas un palmarès incroyable.
00:57:01J'ai eu pas mal de podiums de France, mais voilà.
00:57:06Marika, pardon, c'est parce que tu penses
00:57:08que tu avais moins de prédispositions
00:57:10ou parce que tu avais moins envie ou parce que tu n'avais pas envie ?
00:57:13Explique-nous.
00:57:14Ce n'est surtout pas un reproche.
00:57:16Oui, non, j'avais très envie.
00:57:19J'avais très, très envie.
00:57:21Après, ça dépend de tellement de choses.
00:57:23Déjà, certainement d'un talent inné que peut-être je n'avais pas.
00:57:29Ça dépend aussi des gens qui vous entourent,
00:57:31des moyens qui sont mis à disposition,
00:57:34de beaucoup de choses, en fait.
00:57:37À un moment donné, je me suis rendu compte aussi
00:57:39que c'était un milieu dans lequel j'avais du mal à m'intégrer,
00:57:43notamment au niveau de la fédération.
00:57:45Pourquoi ?
00:57:46C'est un modèle parce qu'il faut rentrer dans un moule
00:57:49et que ça ne correspond pas du tout à ma personnalité
00:57:52et qu'il y a des sacrifices que je n'étais pas prêt à faire humainement
00:57:56pour partir tout l'hiver en compétition
00:58:00avec des gens avec qui il n'y a pas de dialogue.
00:58:03C'est une semaine en Coupe d'Europe
00:58:06où parfois vous partez pendant deux, trois semaines
00:58:10si vous ne vous entendez pas avec les gens
00:58:12et que vous ne vous sentez pas comprise.
00:58:15C'est un petit peu compliqué de se sentir épanouie.
00:58:18Forcément, ça a créé des limites.
00:58:22C'est vrai que moi, dans ma région,
00:58:24j'avais un entraîneur avec qui j'étais très fusionnel.
00:58:27Ça marchait très bien.
00:58:29Dès que je partais en compétition internationale,
00:58:31je rejoignais le groupe France.
00:58:33Et là, je perdais, entre guillemets, mon entraîneur.
00:58:36Je n'avais pas cette continuité
00:58:38qui était quelque chose de rassurant
00:58:40et qui me permettait d'être performante.
00:58:43Après, je dis ça sans regret et sans frustration.
00:58:47Je pars du principe que c'est la vie.
00:58:51Ça marche pour d'autres.
00:58:51Ça n'a pas forcément marché pour moi,
00:58:53mais j'ai appris beaucoup.
00:58:55Aujourd'hui, je suis très épanouie dans ma vie.
00:58:59Oui, ça se voit.
00:59:01Tu es une femme qui ne sait peut-être pas toujours ce qu'elle veut,
00:59:05mais qui sait ce qu'elle ne veut pas,
00:59:06et qui tente, qui fait des choses, qui avance.
00:59:10Oui, c'est ça.
00:59:11Moi, je pars du principe qu'un échec est un apprentissage
00:59:15encore plus important qu'une victoire,
00:59:17même si, évidemment, la victoire, c'est cool.
00:59:20Mais voilà, dans ma vie,
00:59:23à chaque fois que je me suis ratée ou que l'expérience a été négative,
00:59:28j'ai appris des choses,
00:59:29et ces choses ont fait qu'aujourd'hui, je construis ce que je construis,
00:59:33et j'ai encore beaucoup de choses à découvrir
00:59:36et beaucoup d'échecs à affronter,
00:59:38mais c'est la vie.
00:59:41Très rapidement, derrière,
00:59:42tu as présenté une web-série sur le ski de fond,
00:59:45Ski Planète by World Lopette.
00:59:47Tu avais déjà cette appétence pour l'image ?
00:59:50Tu avais déjà ce goût, ce talent, ou pas ?
00:59:53Ou tu l'as découvert, ou tu le savais ?
00:59:56Non, je n'avais aucune idée.
00:59:59Vraiment, je n'avais jamais fait de photo.
01:00:01J'avais déjà eu un appareil photo à la maison,
01:00:03mais ça n'avait pas vraiment conclu.
01:00:06Et puis, en plus, j'aimais créer.
01:00:09Je savais que j'aimais créer,
01:00:10mais par contre, le fait d'être à l'aise devant une caméra,
01:00:13d'aimer justement raconter une histoire,
01:00:17ça, je ne savais pas du tout.
01:00:18Et c'est ces voyages-là qui m'ont ouvert l'esprit pour ça.
01:00:22Et puis, c'était en anglais.
01:00:24Il y avait un challenge quand même assez technique
01:00:28parce que je n'étais pas bilingue du tout à ce moment-là.
01:00:31Et voilà.
01:00:33Mais bon, encore une fois, challenge et puis une aventure extraordinaire.
01:00:37Donc, voilà.
01:00:40Une aventure du monde.
01:00:41Finalement, aujourd'hui, avec le recul,
01:00:43Marika, tu préfères être devant ou derrière la caméra ou l'appareil photo ?
01:00:49C'est une bonne question.
01:00:54L'expérience SkiPlanet, c'était vraiment incroyable
01:00:57parce que j'avais la chance de...
01:00:59Enfin, je ne vous apprends pas votre métier de journaliste,
01:01:02mais d'aller à la rencontre des gens,
01:01:04en plus, dans des pays que je ne connaissais pas,
01:01:07pour découvrir des expériences culturelles.
01:01:11Donc, forcément, ce côté-là, c'était quelque chose que j'adorais.
01:01:16Écrire le storytelling, tout ça, j'adorais ça.
01:01:19Après, en photo, j'aime quand même bien être derrière l'appareil.
01:01:27À quel moment tu te dis, je veux en faire mon métier, le monde de l'image ?
01:01:31D'abord, je trouve qu'aujourd'hui, on a des outils incroyables,
01:01:35des appareils photo incroyables, des drones.
01:01:38Il y a de quoi faire des choses merveilleuses.
01:01:40Est-ce que tu aimes cet aspect technique aussi ?
01:01:44Alors, j'aime...
01:01:46Oui, je pense qu'après, je suis moins...
01:01:48Moi, j'ai juste envie de me dire que j'ai le bon matériel
01:01:51pour assouvir mes envies de photo.
01:01:55Après, je ne vais pas dans les détails techniques
01:01:58de chaque chose que j'utilise.
01:02:03Après, pour répondre à la question...
01:02:05Regarde ces photos incroyables en même temps, vas-y.
01:02:09Je ne sais pas quand...
01:02:10En fait, ce n'est pas vraiment mon métier déjà
01:02:12puisque je suis photographe amateur.
01:02:15Et l'image vient vraiment compléter mon bagage professionnel.
01:02:20Mais à la base, je n'exploite pas cette compétence-là directement.
01:02:24Je ne me vends pas en tant que photographe.
01:02:26Ah bon ?
01:02:27Non, oui.
01:02:29Donc déjà, ça...
01:02:30Marissa...
01:02:32Marika, pardon.
01:02:33Excuse-moi.
01:02:34J'ai quelques années dans le journalisme.
01:02:37En plus, je vis dans un univers de photographe.
01:02:40Ce n'est pas que tu n'as pas de talent, c'est que tu as du génie.
01:02:44Non, mais je pèse même.
01:02:45Tu as du génie.
01:02:46Dans ton œil, il y a un truc que je vois très, très, très, très rarement.
01:02:50Je n'ai pas de recul sur ce que je fais.
01:02:53Il y a trois ans, les vieux cons qui te le disent.
01:02:57Non, mais c'est vrai qu'après, on est...
01:02:58En fait, c'est Instagram, clairement, qui m'a un peu lancée.
01:03:02J'avais envie de partager des belles choses
01:03:04sur les réseaux sociaux de mes voyages.
01:03:07Et puis, je n'avais pas du tout envie de me retrouver à faire des selfies
01:03:10et à me montrer, moi, sous finalement un angle qui ne me plaisait pas.
01:03:16Et puis, la photo a permis ça.
01:03:19Mais je trouve que cette plateforme-là, elle est extraordinaire aussi
01:03:22pour nous montrer justement le nombre de talents
01:03:26qu'il y a sur cette planète.
01:03:28Donc forcément, je suis abonnée à plein de comptes
01:03:31de gens qui ont un talent immense.
01:03:33Et j'ai l'impression d'être très, très loin de ça.
01:03:35Donc ça me touche beaucoup,
01:03:37même si j'ai un avis plus mesuré sur ce que je fais.
01:03:42Mais...
01:03:44C'est incroyable. Elles sont juste incroyables.
01:03:45Pardon, c'est moi qui le dise, pas elles.
01:03:48Tu as monté une agence de communication.
01:03:49Tu travailles pour qui ? Pourquoi ? Comment ?
01:03:51C'est pour des... Je n'en sais rien, des entreprises, des associations,
01:03:55le monde du sport.
01:03:57Alors, je me suis associée à Céline,
01:04:00qui avait déjà son agence et qui cherchait un petit peu d'appui.
01:04:04Et puis, on s'est associées.
01:04:05On a maintenant cinq salariés.
01:04:08Et puis, nos clients, c'est assez varié.
01:04:10Il y a le monde du sport, notamment avec Quentin Fion-Mahier,
01:04:14qui est champion olympique de biathlon.
01:04:16On a des meilleurs ouvriers de France, notamment fromage.
01:04:20On a des brasseurs.
01:04:21On a même des magasins de décoration, rénovation.
01:04:26C'est assez varié.
01:04:28C'est plutôt local.
01:04:30Et voilà, on essaie de s'ouvrir à différents projets.
01:04:35On n'est pas coincés dans un monde unique.
01:04:39Voilà, on essaie de diversifier.
01:04:40Mais vous avez envie de grossir ?
01:04:44Pas vraiment, je ne pense pas.
01:04:46En tout cas, on a voulu.
01:04:49Et puis, finalement, il y a différentes choses
01:04:52qui font qu'on a envie aussi d'être proche des clients.
01:04:56Et plus on a de monde dans une entreprise,
01:04:58moins on est proche des clients.
01:05:00Donc, je pense que non,
01:05:03on aimerait bien rester justement sur un petit écosystème plus proche.
01:05:11Tu continues à faire un peu de ski de fond, oui, d'après ce que je vois.
01:05:14Oui, je fais.
01:05:15Non, je passe énormément de temps à faire du sport,
01:05:18surtout l'hiver.
01:05:19En plus, les Montagnes-du-Jura nous offrent un décor en hiver
01:05:23qui est juste fabuleux.
01:05:24Donc, non, je fais encore beaucoup, beaucoup de ski.
01:05:27J'adore ça.
01:05:29Je suis…
01:05:30Je collabore même avec une marque française de ski de fond.
01:05:35Donc, non, c'est vraiment…
01:05:36Ça fait encore partie de ma vie de manière très importante, oui.
01:05:41C'est quoi le plus beau cadre ?
01:05:43Alors, je sais que cette question, elle est stupide
01:05:44parce que moi qui aime la photo aussi,
01:05:46mais qui soit des années-lumière de ton talent,
01:05:49ça peut être une belle brume comme un beau soleil,
01:05:53que sous les sapins, que n'importe quoi.
01:05:57Oui, moi, j'adore les atmosphères un peu brumeuses,
01:06:02comme ça, presque un peu effrayantes.
01:06:04C'est quelque chose que j'apprécie.
01:06:08Oui, je pense que c'est…
01:06:10Après, j'adore les lumières matinales ou les lumières du soir.
01:06:13Je n'aime pas trop les photos en plein jour, comme ça.
01:06:16Mais oui, ou alors un écrin blanc en hiver
01:06:21où les sapins sont chargés
01:06:24et où finalement, on appuie et ça marche tout de suite.
01:06:27Marika, dans 10 ans, tu feras quoi ?
01:06:29Je ne sais pas et puis j'ai hâte de découvrir,
01:06:33mais non, je suis quelqu'un…
01:06:35Enfin, oui, j'ai eu un peu 10 métiers différents
01:06:37alors que ça ne fait que 6-7 ans que je travaille.
01:06:41C'est pour ça que je te pose la question.
01:06:43Non, je ne sais pas, je ne me mets aucune limite.
01:06:47En tout cas, ça, c'est clair et j'ai hâte de voir,
01:06:49mais j'espère qu'il y aura des belles aventures.
01:06:52Évidemment. Le monde du sport, tu regardes comment ?
01:06:55Tes copines avec qui tu étais en équipe de France,
01:06:57ils te regardent comment ?
01:06:58Elles te comprennent ?
01:07:00Elles se disent, c'est l'autre folle ? C'est quoi ?
01:07:03Il faudrait leur poser la question.
01:07:05Non, j'ai gardé un noyau très dur
01:07:09d'une ou deux personnes qui sont restées vraiment des amis très proches.
01:07:14Après, c'est un monde duquel je suis proche par définition
01:07:20puisque ça a été quand même ma famille pendant des années,
01:07:23mais je ne sais pas, il faudrait leur demander ce qu'ils pensent de moi.
01:07:26Je n'en ai pas la moindre idée.
01:07:28Moi, je te trouve, un, créatrice
01:07:32et génératrice d'émotions à travers tes photos de manière incroyable.
01:07:36À mon avis, tu vas faire encore beaucoup de belles choses.
01:07:38Merci, Marika, d'avoir été avec nous.
01:07:40Et bravo encore, suivez-la sur Instagram, vous qui nous regardez.
01:07:44Merci beaucoup.
01:07:45Merci beaucoup. Merci à toi.
01:07:46Merci à toutes et à tous pour votre fidélité.
01:07:48C'était encore une belle émission, la centième déjà.
01:07:51Rendez-vous courante.
01:07:52Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine. Salut.
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