La Victoire est en Elles - Déborah Lassource

  • il y a 3 mois
Dans ce numéro de LVEEE, Alexandre Delpérier reçoit une championne du monde de handball : Déborah Lassource. Joueuse au Paris 92, la Française revient sur son parcours, sa relation avec sa soeur Coralie et son titre de championne du monde avec l'équipe de France obtenu au Danemark en décembre 2023.

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Sports
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00:00...
00:17-"Parce qu'il y a les femmes, parce qu'il y a le sport",
00:20bienvenue dans votre rendez-vous dédié aux femmes dans le sport.
00:24Bienvenue en cette nouvelle année 2024
00:26avec que des rendez-vous exceptionnels,
00:28quand je dis superbe, je parle de performance, évidemment,
00:31et pas que, mais la performance, elle est là,
00:34avec, pour débuter cette année, une championne du monde,
00:37Déborah Lassour, c'est avec nous, bonjour.
00:39Je suis ravi de t'accueillir.
00:41J'ai vibré, j'ai pleuré devant ma télévision,
00:43te voyant, toi et tes camarades, championne du monde de hand,
00:47c'était il y a quelques semaines.
00:49Comment mieux commencer une nouvelle année,
00:51même si ça, c'était juste avant ?
00:53On peut pas commencer mieux, je pense.
00:56Franchement, c'était incroyable,
00:58en y repensant, ça fait presque un mois, maintenant, je pense,
01:02et c'est comme si c'était hier.
01:04C'était incroyable.
01:06On va parler de ta carrière,
01:07de comment tu es arrivée dans ce groupe,
01:10t'étais pas certaine de disputer ce mondial.
01:13Finalement, grâce à ton travail,
01:15mais aussi un forfait,
01:17t'es là et tu t'imposes dans cette équipe
01:20et t'es championne du monde, championne du monde à 24 ans.
01:23C'est dingo, non ?
01:25Ouais, c'est dingue.
01:27Maintenant que vous le dites, je m'en rends encore plus compte.
01:30C'est dur de s'en rendre compte, on s'avoue, on est contentes,
01:34mais il y a un petit côté où on se rend pas forcément compte
01:37de ce qui nous arrive, et là, de le dire...
01:41Tu sais, moi, en 30 ans de carrière de journaliste,
01:44j'ai toujours dit que ce soit en télé, en radio,
01:47il faut pas banaliser l'exploit.
01:49On peut pas banaliser un tel exploit.
01:51On peut pas dire, bon, elles ont fait ça, machin.
01:53Non, non, il faut se rendre compte.
01:55Championne du monde.
01:57Ouais.
01:58La fête a été belle, après ?
02:00Elle a été très belle.
02:01Je me dis qu'elle a été immense.
02:03Ouais, immense.
02:04On va revenir sur tout ce parcours.
02:06Toi, tu as 24 ans, t'es née à Gonesse, dans le Val-d'Oise,
02:09t'es une vraie parisienne, t'as jamais quitté l'île de France.
02:13Si.
02:14Je suis quittée l'île de France pour la Martinique.
02:17C'est là où j'ai commencé le handball.
02:20Ah, ça m'avait échappé.
02:21Je savais que t'étais pas très...
02:23Ni sport, ni hand, d'ailleurs,
02:25mais c'est parce que tu t'es partie vivre en Martinique.
02:28Alors, explique-moi une chose, d'abord.
02:31Est-ce que, petite, tu étais sportive ?
02:34Pas du tout.
02:35Pas du tout.
02:36T'as une grande sœur qui était championne du monde avec toi,
02:39d'où l'histoire encore plus belle.
02:41Et puis ta sœur fait du hand.
02:43Et là, tes parents te disent quoi ?
02:45Et tu as quel âge ?
02:46J'ai six ans, je pense.
02:48Et mes parents me disent
02:50que je devais faire du sport.
02:51Moi, j'étais très télé, canapé, télé,
02:54je m'étais pas bougée de chez moi.
02:55En Martinique ?
02:57En Martinique.
02:58Et mes parents me disent que je devais faire du sport.
03:01Je voulais pas en faire.
03:02Ils m'ont emmenée dans les formes d'association
03:05pour que je trouve un sport à faire.
03:08Et moi, je voulais vraiment pas faire de sport.
03:10Donc, ma sœur faisait du handball,
03:12ma mère aussi en loisirs.
03:14Ta sœur a quoi, six ans plus que toi ?
03:16Sept ans.
03:17Et du coup, vu que j'ai pas voulu choisir de sport,
03:20on m'a mis au handball de force.
03:22Et voilà, maintenant, je joue toujours au handball.
03:25Pendant combien d'années,
03:26ça a été une contrainte d'aller t'entraîner ?
03:29De six à huit ans, ça a été une contrainte.
03:33Et puis, au bout de deux ans, mes parents m'ont dit
03:35qu'on te laissait le choix de continuer ou d'arrêter.
03:38J'ai fait le choix de continuer.
03:40Tu te souviens de ce que tu t'es dit
03:42et pourquoi t'as décidé de continuer ?
03:44T'imaginais pas la carrière que t'allais faire.
03:46A huit ans, tu t'es pas dit
03:48que tu allais continuer car tu serais championne du monde.
03:51Non, je sais pas du tout pourquoi,
03:53mais j'ai continué et j'ai bien fait, du coup.
03:56T'avais des bonnes copines ?
03:57Oui, j'avais des copines.
03:59Je pense que ça a aidé aussi dans ma décision.
04:02Oui, parce que c'est un beau sport co.
04:05Et les sports collectifs, on crée des relations,
04:08on se taquine, on se challenge, tout ça, quoi.
04:12Et donc, si je comprends bien, t'arrives à 10 ans, du coup, là.
04:17Et à 10 ans, tu te dis quoi ?
04:19Bah, à 10 ans, je sais pas si je suis bien dans les timings,
04:23mais c'est à peu près au moment où on fait
04:25les sélections départementales,
04:27et après s'en suivent les sélections régionales,
04:29l'entrée au pôle et tout ce qui l'ensuit après.
04:32Forcément, on se pose des questions sur notre avenir.
04:35On se dit qu'on est rentré un peu dans le cursus normal.
04:39T'as conscience que t'as du potentiel
04:41et que tu fais partie des Espoirs ?
04:43Oui. Oui, c'est ça.
04:44Donc, évidemment, ça donne envie.
04:46Ça donne envie, mais sans regarder plus loin.
04:48Oui, bien sûr.
04:50Donc, à partir de ce moment-là, je m'éclate.
04:52Je fais des compétitions nationales,
04:54alors qu'à cet âge-là, on fait des compétitions régionales...
04:58Ou locales, même.
04:59Ou locales, oui. Donc, je m'éclate dans mon sport.
05:02T'es où, au pôle Espoirs, à ce moment-là ?
05:04Je suis pas encore au pôle Espoirs à 10 ans,
05:06mais j'entre au pôle Espoirs à Châtenay-Malabry,
05:10pour mes années de collège.
05:11Euh, de mes années de lycée, pardon.
05:14À quel moment tu te dis...
05:16Alors, on a compris que tu t'es dit...
05:18Euh...
05:19J'ai du potentiel,
05:21mais à quel moment tu te dis que tu peux faire que ça ?
05:24Au moment où je rentre au pôle.
05:25Parce que, à l'époque, notre entraîneur de pôle,
05:29Eric Alcanini,
05:30nous entraînait vraiment pour être sportifs de haut niveau.
05:34Et si on voulait pas rentrer dans ce cursus,
05:37c'était OK, mais on quittait le pôle.
05:39Donc, en vrai, en fait,
05:41on était vraiment là pour pouvoir accéder au haut niveau, quoi.
05:44Et c'est à ce moment-là que je me suis dit
05:47que je voulais faire ça, continuer mes années de pôle.
05:49Et tu as conscience, à ce moment-là,
05:51de la contrainte,
05:53des efforts, des sacrifices et tout ça ?
05:56Tu dis... Ouais, mais bon.
05:58Moi, peut-être que je suis fait pour ça. Allons-y à fond.
06:01En ayant conscience de ce que le à fond signifiait.
06:04Oui. Oui, oui, j'y vais à fond.
06:06Je me pose pas non plus plus de questions que ça.
06:09J'ai envie de voir ce que c'est,
06:11j'ai envie de me challenger aussi, de voir jusqu'où je peux aller.
06:14Vraiment, j'y vais à fond, à 100 %,
06:16sans me poser plus de questions que ça.
06:19Ta grande sœur, tu la regardes comment pendant toutes ces années ?
06:22Je la regarde avec un œil admiratif,
06:26mais aussi avec un peu de détachement,
06:30parce que c'est vrai qu'on a eu les mêmes coachs
06:32avec des années de décalage, et on me comparait souvent à elle,
06:35et je détestais ça, parce qu'on est complètement différente
06:39au niveau physique, physiologique.
06:41Et j'aimais pas du tout qu'on me compare à elle,
06:44parce que j'étais pas elle.
06:46C'est ma vie, ma carrière, et c'est la sienne.
06:50J'aimais pas du tout qu'on me compare à elle,
06:52et ça m'énervait un peu.
06:54Je voulais pas qu'on me parle d'elle.
06:56Quand on parlait d'Handball, c'était moi et pas elle,
06:59mais au-delà de ça, avec mon recul,
07:01je regardais sa carrière avec admiration.
07:03Est-ce que tu te disais aussi que tu serais encore meilleure qu'elle ?
07:06À l'époque, non, pas forcément.
07:09Donc, à un moment, tu te l'es dit quand même ?
07:11Oui, quand même.
07:12Quand on est dans le cursus, on a envie d'aller le plus loin possible,
07:16et même si elle, maintenant,
07:18elle a de très belles médailles,
07:21ça donne quand même envie de faire mieux.
07:24Quand tu vois cette photo de vous deux, tu te dis quoi ?
07:27Franchement, c'est incroyable.
07:30Je me rappelle ma première sélection.
07:32J'étais vraiment très heureuse d'être en équipe de France,
07:36mais on se rend pas compte.
07:37On se rend pas compte à fond qu'on y est.
07:39Quand j'ai vu ma soeur à côté de moi,
07:42je me suis dit que c'était un truc de ouf,
07:44parce que je suis en équipe de France,
07:46avec ma soeur, et c'est tellement rare que ça arrive
07:49que tu te rends compte que c'est un truc de ouf.
07:53Tes parents, ils disent quoi, quand ils voient ça ?
07:56Nos parents, ils sont fiers, forcément.
07:58Non, mais ils sont pas que fiers.
08:00Ils sont comme des dingues, non ?
08:02Ils sont comme des dingues.
08:03Ils sont comme des dingues, franchement.
08:05J'imagine pour eux la fierté, quand même.
08:08C'est ça.
08:09D'avoir deux de leurs enfants en équipe de France.
08:12Par exemple, quand vous avez été championne du monde
08:14il y a quelques semaines, c'était au Danemark.
08:17Tes parents, ils étaient où ?
08:18Au Danemark.
08:20Ils étaient là ?
08:21Ils sont venus pour le carré final.
08:23C'est bon, ça.
08:24Non, ils étaient là, ils ont fait le déplacement.
08:27Vous avez pleuré dans vos bras ?
08:29Oui, on était vraiment contents.
08:31Très émus, franchement.
08:32C'est tellement beau, le sport, pour ça.
08:35Le sport, c'est le partage.
08:36Tu parles de ton chemin, il est passionnant,
08:39de la petite gamine à qui on dit
08:40tu vas faire du sport et du handball.
08:42Elle dit qu'elle n'a pas envie d'y aller.
08:44Quand tu vois ça, tout ce chemin parcouru,
08:47et pour terminer avec ta frangine et tes parents
08:49en train de chialer au Danemark, championne du monde,
08:52c'est complètement dingue.
08:54Les clubs, aussi, sont importants.
08:56Ici, Paris, qui est devenu Paris 92.
08:58Tu y es arrivée à quel âge ?
09:0014 ans.
09:01Il y avait ta sœur ?
09:02Il y avait ma sœur, oui, à cette époque-là.
09:05Tu te dis quoi, quand tu arrives là-bas ?
09:07Je me dis que là, je suis vraiment dans le cursus
09:11et que j'ai envie de...
09:13J'arrive à ici, Paris,
09:17j'étais au Pôle, toujours,
09:18et j'avais envie d'être professionnelle.
09:20Au moment où j'arrive dans ce club-là,
09:22j'ai envie de signer pro à Paris.
09:24Oui, parce que finalement, derrière ta voix douce,
09:27ta pudeur, et je dis ça avec beaucoup de respect,
09:32derrière, il y a une force incroyable.
09:36Non ?
09:37Oui.
09:38Oui, forcément, il en faut.
09:41Il en faut, parce que c'est pas facile.
09:43C'est pas simple, tous les jours.
09:46Mais il faut y aller, on sait pourquoi on y va,
09:48et on y va à fond.
09:49Tu dis que tu veux pas qu'on te compare avec ta sœur,
09:52je le comprends.
09:53Mais est-ce qu'avec ta sœur, vous parlez de hand ?
09:56Oui.
09:57Ou est-ce qu'à un moment, tu voulais pas parler de hand ?
10:00Non, non, non.
10:01On en parle, mais avec parcimonie,
10:03parce que c'est vrai qu'on a envie de parler d'autre chose
10:06quand on est tout le temps dedans,
10:08mais c'est elle qui me comprend le mieux de ma famille,
10:11parce qu'on vit la même chose, on sait ce qu'on vit,
10:14donc c'est plus facile d'avoir les bons mots,
10:16d'avoir l'oreille attentive à ce qu'elle dit.
10:18Donc oui, oui, on parle de handball, forcément.
10:21Ca fait 10 ans que t'es dans le même club.
10:23Oui.
10:24C'est bien, il y a un moment où il faut changer.
10:27Et quand je dis ça, c'est pas un reproche.
10:29Oui.
10:31Je me suis toujours demandé, en tant que journaliste,
10:33c'est sublime de faire toute sa carrière dans un même club,
10:36mais c'est sympa d'aller voir d'autres choses à côté.
10:39C'est exactement ma réflexion aujourd'hui,
10:42de se dire, oui, on a envie de voir ailleurs,
10:45mais faut pas partir pour partir non plus.
10:48Donc voilà, on se questionne et voilà.
10:52Il y a des propositions ?
10:53Oui.
10:54Le titre de champion du monde a changé quelque chose ?
10:57Pas tellement.
10:59Pas tellement.
11:00En tout cas, pour ma part, pas tellement.
11:03J'imagine.
11:04Être capitaine d'une équipe, c'est important ?
11:06Oui.
11:07Depuis quand t'es capitaine ?
11:09Ca fait...
11:12Quatre ans.
11:13Tu te souviens de la première fois où ton coach de club t'a dit,
11:17bon, Déborah, ça serait bien que tu sois la capitaine ?
11:20Moi, je me rappelle.
11:22Tu me rappelles, j'avais 20 ans.
11:24J'avais 20 ans et il y avait de très grandes choses dans l'équipe,
11:28avec un palmarès, avec de l'expérience,
11:31et je me suis dit, pourquoi c'est moi ?
11:33Comment ça s'est passé ?
11:34C'était un entretien, le coach m'a pris un entretien,
11:37il m'a demandé si j'acceptais.
11:38Tu sais pas pourquoi t'y vas ?
11:40Non.
11:41Et il te balance ça comme ça ?
11:42Oui, et puis au final, il m'a laissé le temps de réflexion,
11:46mais j'ai pas longtemps hésité, je me suis dit,
11:49c'est un honneur de pouvoir être capitaine d'une équipe,
11:53encore plus à Paris,
11:55avec les choses qu'il y avait dans l'équipe.
11:57Je pense qu'il m'a choisie pour la personne que j'étais sur le terrain,
12:01donc j'avais juste envie de me donner encore plus sur le terrain
12:04pour emmener mes coéquipiers avec moi.
12:06Et voilà.
12:08Ca a changé la femme que tu es hors du terrain, d'être capitaine ?
12:11Forcément, ça donne un peu plus de responsabilité.
12:14Il faut parler un peu plus au staff,
12:17il faut savoir parler aussi aux choses quand il le faut,
12:20donc forcément, ça m'a changée dans ma manière d'être,
12:25entre guillemets, au quotidien, mais sans non plus surjouer.
12:29Dernière question sur ta sœur.
12:31Oui.
12:32Non, non, t'as vu, j'ai pas fait une seule comparaison.
12:35Il y a pas de souci.
12:36Elle, elle a quitté le club, elle joue à Brest.
12:39Quand vous vous rencontrez, vous êtes comment ?
12:41Ben, avant, on se regarde, enfin, on se voit,
12:46on se dit bonjour, etc., on parle de tout et de rien,
12:49et pendant le match, c'est la guerre.
12:51Pendant le match, il y a pas de sœur,
12:53je sais même pas où elle est, d'ailleurs,
12:55parce qu'on est à l'opposé sur le terrain,
12:58donc je la vois pas énormément,
12:59mais même si je la voyais beaucoup, en vrai,
13:02il y a pas de fratré qui soit.
13:04Tu te souviens de ta 1re convocation en équipe de France ?
13:08Oui.
13:09C'était quand ?
13:10C'était en 2022, c'était en mars.
13:14Une année d'euro.
13:15Oui, c'est ça.
13:17Ca fait quoi, le 1er jour ?
13:19Tu l'avais appris comment, cette sélection ?
13:21C'était un remplacement aussi.
13:23Un remplacement pour une blessure.
13:25Moi, si un jour, il y a quelqu'un qui dit
13:28que t'étais là parce qu'il y avait une blessée,
13:30c'est la vie, quoi.
13:32C'est la vie du sport de haut niveau.
13:34Oui, c'était un remplacement pour une blessure,
13:37donc le coach m'appelle.
13:39En fait, je lui dis n'importe quoi.
13:41La 1re fois que j'ai été appelée en équipe de France,
13:44c'était en novembre 2020,
13:46et j'ai fait 2 jours de stage
13:48et je me suis rompue le tendon d'Achille.
13:51Ca arrive aussi.
13:52Oui, ça arrive aussi.
13:53Après, j'ai été écartée du terrain
13:55pendant plusieurs mois,
13:57et du coup, j'ai été rappelée en mars 2022.
14:01Est-ce que ça t'a semblé long ?
14:03Il y a eu la convalescence,
14:04car une reprise du tendon d'Achille,
14:06c'est des mois et des mois.
14:08Un moment, t'as retrouvé ton niveau,
14:10mais entre ce moment où tu te disais
14:11que ça serait bien qu'on me rappelle,
14:13et mars 2022, il y a eu long ?
14:15Moi, je m'y attendais pas du tout, cet appel-là.
14:17Je sais pas... Je me rappelle plus exactement
14:20où j'en étais physiquement, balistiquement,
14:23en termes de niveau,
14:25mais je m'y attendais vraiment pas.
14:27Et du coup, l'entraîneur m'appelle
14:29et il me dit, bon, je pense que c'est le moment
14:31que tu reviennes avec nous.
14:33Donc, vraiment surprise, je m'y attendais vraiment pas.
14:36Et du coup, j'ai pu jouer ma 1re sélection.
14:39C'était un match de qualification à l'Euro, en Croatie.
14:43Tu te souviens de ce jour-là ?
14:44T'as de l'appréhension ?
14:46Non.
14:47T'es pas quelqu'un qui a du stress négatif ?
14:49Ça m'arrive, mais quand je suis sur le terrain, tout part.
14:52Mais ce jour-là, vraiment, j'avais forcément
14:54un petit track de 1re sélection, mais qui est vite parti.
14:57J'étais vraiment très allée sur le terrain.
15:00Tu n'as que 24 ans, t'es capitaine en club,
15:02t'es championne du monde.
15:04On sent que t'as déjà beaucoup de recul et de maturité,
15:07mais ça, c'est pas donné à tout le monde, certes,
15:09mais c'est ça, le sport de haut niveau.
15:11Vous grandissez plus vite que tout le monde.
15:14Tu penses qu'on t'appelle ?
15:15Tu penses qu'on te donne ton rôle de capitaine ?
15:17Tu penses que t'es appelée en équipe de France ?
15:20Tu penses que tu t'imposes dans cette équipe
15:22où tu pensais pas faire la coupe du monde,
15:24et tes champions du monde étaient titulaires ?
15:27Tu penses qu'on va chercher quoi chez toi ?
15:29Il y a des compétences techniques,
15:31mais ça peut être aussi d'autres choses.
15:34Bonne question,
15:35mais je pense que je suis quelqu'un qui me donne
15:39tout le temps sur le terrain, peu importe là où on met,
15:42je fais toujours de mon mieux,
15:44et je pense que ça se remarque, et tant mieux, d'ailleurs.
15:472022, tu viens en équipe de France, cette fois-ci, pour de bon.
15:51Il y a l'Euro, vous terminez à la quatrième place.
15:53Tu le vis comment, ça ?
15:55C'est un sentiment mitigé,
15:58parce que c'est vrai que j'étais très fière
16:00d'avoir pu participer à ma première compétition.
16:03On allait en demi-finale,
16:05et au final, on a fini au pied du podium.
16:08C'était un peu une déception pour nous,
16:10parce qu'on était très ambitieuses,
16:11on était parties pour...
16:14remporter une médaille, et pourquoi pas la plus belle.
16:17Ça m'a aussi beaucoup appris,
16:19parce que je me rends compte que ça va très vite dans le haut niveau,
16:23que rien n'est acquis, on peut faire une compétition,
16:25on survole tout,
16:26et au moment où ça compte le plus, on peut se casser les pieds.
16:30Donc c'est vrai que ça m'a appris beaucoup.
16:33J'étais déçue, parce que forcément,
16:36finir quatrième, c'est pas la meilleure place.
16:38C'est la pire.
16:39Au pied du podium, tu regardes les autres et t'es comme un con.
16:42C'était très dur, mais ça m'a beaucoup appris sur moi,
16:46ça m'a beaucoup appris sur le haut niveau aussi,
16:49et aujourd'hui, je suis très contente, un an après,
16:52d'avoir gagné le mondial.
16:53C'est juste énorme, ça.
16:55Il y avait ce groupe de préparation,
16:57ce tournoi de France, tournoi de préparation,
17:00finalement, il y a la blessure d'Océane.
17:02Olivier Krambles t'appelle.
17:04Tu te dis quoi, à ce moment-là ?
17:06Encore une fois, je m'y attends pas.
17:08Je m'y attends vraiment pas.
17:10En plus, je suis en vacances, je me rappelle.
17:12Je suis en vacances au Portugal, j'ai un appel d'Olivier.
17:15Il m'appelle pour que je revienne avec le groupe.
17:18Très vite.
17:19Le lendemain. Je suis revenue le lendemain.
17:22Au début, c'est trop dur de se remettre dans le rythme,
17:27de se remettre dans tout ça,
17:29parce que j'étais en vacances, en mode décompression, etc.
17:33Puis, en fait, je me suis dit,
17:36j'ai pas envie de venir et repartir dans quelques jours.
17:39J'ai envie de faire le mondial, d'être dans l'équipe.
17:42J'ai envie de faire tout ça.
17:45Peu importe la place que j'ai, ça sera que du bonus,
17:48mais j'ai envie de participer à l'aventure.
17:51Comme d'hab, je me donne à 100 % et j'espère être sélectionnée.
17:55Ce mondial, on peut le qualifier de parfait pour l'équipe de France.
17:59Pas de défaite, du début à la fin.
18:02On a senti une certaine sérénité,
18:05même si en balle, un match se joue souvent à un but,
18:09ce qui est rien, mais en même temps,
18:11c'est pas hasard si c'est souvent les mêmes qui gagnent ces matchs-là.
18:15Le truc, c'est qu'on a progressé pendant toute la compétition.
18:20Vous le sentiez, ça ?
18:21Oui. Si on compare le premier match et le dernier,
18:25franchement, je pense qu'il n'y a pas photo.
18:27Et je sais pas...
18:30Qu'est-ce qui a fait qu'on ait pu faire ce parcours parfait,
18:34mais en tout cas, c'est vrai qu'on connaissait nos forces,
18:38nos faiblesses, et on avait envie de s'appuyer sur ce qu'on faisait le mieux.
18:43Et on était toutes dans le même bateau
18:46et on s'est toutes données chacune à sa place
18:49pour que l'équipe de France rayonne.
18:52Un match charnière, c'est le dernier match de poule contre la Norvège.
18:55Vous vous imposez 24-23.
18:57Tu sens un moment où ça peut vous échapper,
18:59pendant ce match-là, je parle, où vous vous dites, on le tient.
19:03Même si, évidemment, c'est fragile.
19:05Après, on a l'expérience des anciens matchs avec la Norvège.
19:10Elle aussi.
19:12Mais, par exemple, les filles ont beaucoup parlé du Mondial 2021,
19:16où, en finale, elles menaient de cinq buts, je pense, à la mi-temps,
19:20et puis, en trois minutes, l'écart, il n'existe plus.
19:24Donc, pendant un match contre la Norvège,
19:27on sait que tout peut arriver, mais c'est vrai que sur ce match-là,
19:30on a senti une force collective incroyable,
19:32surtout en défense.
19:34On a réussi à les faire déjouer et ça nous a fait kiffer.
19:38Tu te souviens de ce que vous vous êtes dit à l'issue de ce match-là ?
19:41On s'est dit que cette victoire, elle était incroyable,
19:44mais que rien n'était fait.
19:46Oui, bien sûr.
19:47On a gagné la Norvège,
19:49mais on n'a toujours pas de médaille.
19:51On n'a toujours pas de médaille autour du cou.
19:52On n'a rien fait encore.
19:54Donc, ça nous donne de la confiance,
19:56mais il y a encore le plus dur qui arrive derrière.
20:00Si je te dis que l'écart est demi, ça a été une formalité ?
20:02Non.
20:03Non, non, c'était pas une formalité.
20:06La République tchèque, c'est vrai qu'on était favorites,
20:09mais c'est toujours des matchs pièges,
20:11surtout quand on sort d'un match contre la Norvège,
20:14qu'on gagne deux jours avant.
20:16Ça peut être...
20:17C'est dur mentalement de jouer un quart de finale.
20:20Et...
20:21Il fallait le passer.
20:23C'était le premier match éliminatoire, en plus,
20:25donc c'est un match à la vie, à la mort.
20:27Tout peut arriver,
20:29mais on arrive à se sortir du piège.
20:31Et la Suède, pareil, c'était...
20:35C'était un match incroyable.
20:37Franchement, on a fait un match...
20:38Je vais reposer ma question différemment.
20:41C'était des matchs parfaits,
20:42pas des formalités, mais parfaitement maîtrisés.
20:45Oui. Oui, oui, c'était maîtrisé.
20:48C'est ça que j'imagine dans la tronche, au fond de la tête,
20:51où tu te dis...
20:52Putain, on a fait un beau truc, quoi.
20:54Oui. Oui, oui.
20:55Et puis...
20:56Et puis, en finale...
20:58Coucou !
20:59Revoilà les Norvégiennes que vous aviez battues.
21:01Oui.
21:02Mais qui nous ont... Enfin, souvent battues aussi.
21:05Là, on se dit quoi ?
21:06Là, c'est plus le même match.
21:07Non, c'est plus le même match, mais on a, en finale...
21:11On est conscientes de ce qu'on sait faire
21:13et on le fait à fond, sans se poser de questions,
21:16sans se dire que c'est la Norvège en face,
21:18sans se dire qu'elles ont ce...
21:20sentiment de supériorité par rapport à la France.
21:24On y va à fond, on sait ce qu'on a à faire.
21:27Et puis, si, à la fin, c'est elles qui gagnent,
21:30c'est parce qu'elles ont été meilleures
21:32et pas parce qu'on n'a pas tout donné.
21:34Rappelle-moi le score final.
21:3631-28, c'est ça ?
21:38Rires
21:39Ca te paraît, dans la maîtrise,
21:41il y a eu des moments un peu d'appréhension
21:44où, comme pour le quart et la demi,
21:46on est dans notre truc, on maîtrise l'élément, malgré tout.
21:49Ben...
21:51C'était un match serré,
21:52il y a eu des temps faibles, des temps forts des deux côtés.
21:54Je pense qu'on a pu mieux gérer nos temps faibles,
21:58ce qui nous a permis de toujours rester devant au score.
22:02Et voilà.
22:04Tu te dis quoi quand c'est terminé
22:07et qu'on est championne du monde ?
22:08Ben...
22:10On maîtrise pas.
22:11On se rend pas compte.
22:12On se rend pas compte.
22:13On crée, on est championne du monde, mais...
22:16On sait pas, enfin, on se rend pas compte ce que c'est.
22:20C'est incroyable, mais...
22:22On est contente parce qu'on a gagné,
22:24on a une médaille, on a la coupe, mais...
22:26Je pense qu'on se rend pas compte à 100 % de ce qu'on vient de faire.
22:30Et quand vous êtes à l'Elysée, après,
22:32vous vous rendez mieux compte ?
22:34Oui, on s'en rend compte après,
22:36à force que les gens nous félicitent,
22:39qu'on entend parler de nous à la presse, à la télé.
22:45On s'en rend compte, forcément,
22:47mais il y a toujours un petit côté où on se dit...
22:50On est vraiment championne, là ?
22:52À quel moment tu t'es dit, ou peut-être que tu te l'es pas encore dit,
22:56mais je pense que tu te l'es déjà dit...
22:58Bon, ça, c'est bien beau, mais...
23:002024, il y a les Jeux de Paris.
23:03Ouais, ben...
23:04Franchement, je me le suis dit assez vite, parce que...
23:07C'est quoi, assez vite ?
23:09Le lendemain, quand on a pris l'avion,
23:11qu'il y avait tous les médias qui nous posaient des questions,
23:14franchement, la première chose que j'ai dite, c'est...
23:17D'avoir gagné un titre, ça donne envie d'en gagner un autre.
23:20Est-ce que tu veux dire que ce titre-là,
23:22il est un peu comme la victoire face à la Norvège en poule ?
23:25Vous disiez, ouais, mais on a toujours...
23:27Non, parce que ça reste un titre, quand même.
23:30C'est pas donné à tout le monde d'être championne du monde.
23:33Donc, non, non, on va pas galvauder ce titre-là.
23:36C'est un titre,
23:38mais ça donne envie d'en gagner d'autres, forcément.
23:41Quand on en gagne un, on en veut un autre.
23:43Mais on sait tout le chemin que ça demande,
23:46tous les sacrifices que ça demande aussi.
23:48Mais ça donne envie.
23:50Evidemment. Ca se jouera où, à Paris ?
23:53À Lille.
23:55C'est à Lille, c'est vrai. Magnifique, Lille.
23:57Superbe, le stade de Lille.
23:59Macron, il vous en a parlé, des JO ?
24:01Oui, un peu. Il nous a un peu glissés...
24:04Un petit truc sur les Jeux, mais il nous a surtout félicités.
24:08Oui, j'imagine.
24:09Est-ce que t'es quelqu'un qui te met la pression ?
24:12Un peu.
24:13C'est un peu indispensable aussi, non ?
24:16Oui, oui. Je me dis tout le temps que j'ai la pression,
24:19mais c'est une bonne pression, parce que quand c'est le moment
24:22d'y aller, il n'y a plus de pression qu'il soit.
24:25Un mot sur le coach, Olivier Rambles,
24:28qu'il a depuis...
24:29On a l'impression que c'est lui qui a inventé
24:31le handball féminin en France. J'exagère à peine.
24:34Oui, ça fait longtemps qu'il est là.
24:36Et être là encore avec lui aujourd'hui,
24:39en quoi il est...
24:41Je sais pas. C'est toi qui vas trouver le mot.
24:43C'est un mot exceptionnel, différent, ce que tu veux.
24:46Franchement, il laisse beaucoup la place aux joueuses.
24:51Il nous laisse beaucoup de liberté.
24:53Je sais que... Je ne l'ai pas vécu,
24:56mais avant, il était un peu plus strict,
24:59et maintenant, c'est un peu participatif.
25:01Et je trouve que c'est très, très bien,
25:04et c'est un mélange qui va très bien ensemble,
25:06du coup, la preuve.
25:08Mais ouais, franchement, il a gagné tellement de titres,
25:11tellement de médailles depuis qu'il est là.
25:14C'est incroyable.
25:15C'est quoi ton agenda dans ta tête et dans ton téléphone
25:19jusqu'au mois d'août 2024 ?
25:23Alors là, mon agenda...
25:25Déjà, là, on est concentrés en club.
25:27Bien sûr.
25:28Parce qu'on a quand même des échéances.
25:30C'est quoi l'objectif avec le club, cette année ?
25:33L'objectif, c'est d'être sur le podium.
25:37C'est un objectif dur à atteindre
25:39parce qu'il y a de très belles équipes.
25:41Mais d'être sur le podium,
25:43d'être au meilleur classement possible.
25:49Et en sélection ?
25:50En sélection...
25:51Il y a quoi comme échéance ? Il n'y a plus rien jusqu'au jeu.
25:53S'il y a des qualifications à l'Euro 2024.
25:57OK.
25:58Il y a des matchs de qualification à l'Euro.
26:00Donc voilà, il faut se qualifier à l'Euro 2024
26:03et puis après, se mettre en modules olympiques.
26:05Tu n'as que 24 ans.
26:07Tu t'imagines jouer jusqu'à quel âge ?
26:09Tu sais quoi ?
26:11Je me rends compte d'une chose.
26:12Rien que le fait, dans une question, d'employer le mot jouer.
26:15Tu te rends compte de la chance que tu as ?
26:16Non, non.
26:17Tu te rends compte de ce que je joue au handball ?
26:19C'est merveilleux.
26:20Non, franchement, à chaque fois que j'ai un coup de mou, on va dire,
26:25je me dis que je suis archi chanceuse de vivre de ma passion
26:29parce que ce n'est pas donné à tout le monde.
26:31Quand on voit dans le monde, certaines personnes galèrent
26:34et moi, je vis d'un jeu.
26:36Il y a tellement de gens qui sont malheureux dans leur travail.
26:39Ils passent plus de temps au boulot qu'à la maison.
26:41Moi, je vis de ça et je kiffe et c'est trop bien.
26:45En tout cas, on a été ravis de t'avoir aujourd'hui.
26:47Bonne chance pour cette belle année.
26:49Tu reviendras nous voir après le titre de…
26:50Non, je n'ai pas envie de te mettre la pression.
26:53Merci. À très bientôt, Déborah.
26:55Salut à tous et merci pour votre fidélité.
26:56À bientôt aussi. Salut.
27:08Sous-titrage ST' 501

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