Cette semaine, Alexandre Delpérier reçoit Lara Grangeon, nageuse olympique en 2012, 2016 et 2021. Elle est aussi médaillée de bronze aux championnats du monde de natation en 2019 sur l'épreuve du 25 km de nage en eau libre.
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00:00...
00:18-"Parce qu'il y a les femmes, parce qu'il y a le sport",
00:21bienvenue dans votre rendez-vous dédié aux femmes dans le sport.
00:25Bienvenue dans La victoire est en elle, E2L-ES,
00:27avec encore une femme, une championne particulièrement inspirante.
00:32Aujourd'hui, c'est une championne de natation avec nous.
00:35Elle est, depuis quelques années, spécialiste de la nage en eau libre.
00:38A 30 ans, 31 ans maintenant,
00:40Lara Grandjean rêve d'une médaille olympique à Paris en 2024.
00:45Bonjour, ma chère Lara.
00:48Bonjour.
00:49Je suis ravi de t'accueillir.
00:51Aux joies du soleil.
00:53Je discerne presque de la mer derrière toi. Tu es où ?
00:56Je suis sur Nice.
00:58Je suis sur Nice.
00:59Et via Skype, on est ravis d'accueillir celui que vous connaissez tous,
01:02c'est Salim, qui est avec nous.
01:04Lui, depuis Bordeaux, ou depuis Libourne,
01:07enfin, depuis la Gironde.
01:08Exactement. Bonjour, Alex, et bonjour, Lara.
01:11Oui, il y a moins de soleil derrière moi, désolé.
01:13Ne commence pas à critiquer mon cher sud-ouest, s'il te plaît.
01:17Lara, on est ravis de t'accueillir.
01:19Juste, rapidement, ton palmarès.
01:22Tu es médaillée de bronze au mondiaux de nage en eau libre en 2019,
01:26sur 25 kilomètres.
01:27T'es vice-championne d'Europe des 25 kilomètres 2020.
01:30T'as été aux Jeux olympiques.
01:33T'as fait 9e du 10 km au JO de Tokyo.
01:35Bien évidemment, on parlera de tes objectifs et de Paris 2024,
01:39parce que c'est maintenant dans...
01:40Allez, pas un an et demi, mais un tout petit peu plus.
01:43J'aimerais qu'on comprenne ta carrière.
01:46D'abord, toi, tu es né en Nouvelle-Calédonie,
01:48où t'es resté jusqu'à 14 ans, je crois, c'est ça ?
01:52Oui, c'est ça.
01:54Donc, ça veut dire que tu es née sur un caillou.
01:58Donc, il était normal que tu nages.
02:01Voilà, il y avait de l'eau partout autour de moi,
02:03donc j'ai suivi toute la famille.
02:05Et j'ai fait de la natation.
02:07Après, je suis partie à l'âge de 14 ans à Fourmeux,
02:10dans les montagnes, cette fois-ci.
02:11Et j'ai commencé par le bassin,
02:13j'ai fait les Jeux olympiques de Londres, de Rio...
02:15Attends, attends, attends !
02:16Mais tu es folle, tu vas beaucoup trop vite !
02:18D'abord, t'as commencé la natation à quel âge ?
02:21T'étais encore en Nouvelle-Calédonie,
02:22t'as pas découvert la compétition et les bassins à 14 ans ?
02:26Non, j'ai commencé à 6 mois, les bébés nageurs,
02:28pour faire comme ma famille.
02:31C'est-à-dire ? Il faisait quoi, ta famille ?
02:34Tout le monde nageait, donc c'était normal que je nage aussi.
02:38Ma grande-mère a fait de la natation jusqu'à à peu près ses 18 ans.
02:42Et du coup, je me suis mise à l'eau comme elle.
02:46Et la compétition, ça a commencé à quel âge ?
02:49Je pense vers 6-7 ans,
02:50des petites compétitions au niveau du club,
02:52le mercredi après-midi,
02:54et puis au fur et à mesure, envie de faire toujours plus.
02:57Tu gagnais déjà, jeune ?
03:01Pas toujours, mais des fois.
03:03Et est-ce que t'avais la culture de la gagne et la haine de la défaite ?
03:07Est-ce que t'étais mauvaise perdante ? Est-ce que tu pleurais ?
03:11Je crois que je suis toujours mauvaise perdante !
03:14Tiens, justement, donnons la parole au moteur,
03:16justement, donnons la parole au mauvais perdant, Salim.
03:21C'est moins élogieux que tout à l'heure, Alex.
03:23Qu'est-ce qui a fait que, parce que tu minimises tout ça en disant
03:27tout le monde nageait autour de moi, donc il fallait que je nage aussi,
03:30mais pardonne-moi, tout le monde n'a pas ton palmarès,
03:32même dans ta famille, en tout cas, ou alors il faut que tu nous le présentes,
03:35mais qu'est-ce qui fait que ça a marché, entre guillemets,
03:38que ça a accroché très très fort chez toi ?
03:41Et qu'est-ce que tu avais de plus ?
03:44Et pourquoi tu as eu envie spécialement d'aller aussi loin que ça ?
03:47Parce qu'on peut aimer nager sans vouloir être compétitrice.
03:52Oui, bien sûr. Après, j'ai fait de la natation comme toute ma famille,
03:56mais j'ai vraiment aimé ça plus que, parce que j'en ai fait un peu ma vie.
04:01Donc voilà, après, j'ai essayé beaucoup d'autres sports.
04:04J'ai fait du triathlon, de la danse, du tennis,
04:06et c'est vraiment dans la natation que je me plaisais le plus.
04:09Pas spécialement parce que je gagnais, mais aussi parce que j'aimais ça,
04:12j'aimais être dans l'eau, j'avais un sentiment de liberté.
04:16Et vraiment, l'élément déclencheur,
04:18ça a été quand j'ai vu Lormann Audoux en 2004.
04:20Je me suis dit, je veux aller aux Olympiques,
04:23et finalement, vu que c'était en natation,
04:25j'étais la meilleure, je me suis dit, en natation.
04:28Alors, à 14 ans, il y a cette bascule.
04:31Tu arrives, j'allais dire, en France,
04:34bien que la Nouvelle-Calédonie aussi, mais tu arrives en métropole.
04:38Et là, qu'est-ce qui se passe ?
04:40Est-ce que tu viens aussi avec l'objectif et la volonté
04:43de continuer de grandir en tant que nageuse et sportive de haut niveau ?
04:48Oui, en fait, Fourmeux, ça a été un déclic pour moi
04:50parce qu'il y avait cette envie de faire les Jeux olympiques,
04:54mais j'étais totalement novice, je ne connaissais rien au haut niveau.
04:58Et c'est vraiment en arrivant à Fourmeux que je me suis rendue compte
05:01qu'est-ce que c'était que l'haut niveau, avec tout ce que ça impliquait,
05:04la rigueur, le sérieux, l'excellence.
05:06Et je me suis retrouvée dans un groupe
05:08où tout le monde avait le même objectif.
05:11Il y avait déjà des championnes de France,
05:13des filles qui avaient parti pour le championnat d'Europe,
05:14pour le championnat du monde.
05:15Et c'est de là qu'est née vraiment cette envie de faire du haut niveau
05:19et avec un petit sacrifice, parce que j'étais loin de ma famille.
05:22Mais en fait, on a créé une deuxième famille.
05:24Et voilà, c'est ce que j'ai aimé et c'est ce qui m'a aidée à grandir.
05:28Salim.
05:30Qu'est-ce que ça t'a enseigné sur toi-même, j'ai envie de dire,
05:35sur le rapport que tu pouvais avoir ?
05:37Parce qu'on rêve un petit peu quand on arrive à ces endroits-là.
05:40On voit les grands, on voit les grandes dans tous les sens du terme,
05:43d'autant plus quand on a 14 ans.
05:45Qu'est-ce que tu avais comme objectif
05:47et qu'est-ce que ça t'a appris sur ta façon d'aller chercher ces objectifs ?
05:53Déjà, je me souviens que je nageais avec la championne de France du 400 km de neige,
05:57qui était ma spécialité à l'époque.
05:59Et du coup, ne serait-ce que ça, j'avais dit à ma maman,
06:03je suis avec la championne de France, t'imagines ?
06:05Et du coup, on a envie de faire comme elle, on prend exemple.
06:09Moi, je recopiais tout ce qu'elle faisait.
06:11Quand elle allait vite, j'allais vite.
06:13Quand elle faisait un exercice, je refaisais le même.
06:16Et du coup, on a envie de faire comme elle,
06:20mais aussi, c'est une inspiration et ça m'a beaucoup aidée.
06:24Attends, Lara, pardon, mais pour bien connaître le monde de la natation,
06:29notamment le monde de la natation féminine,
06:31il ne suffit pas d'avoir une fan et de dire, je vais faire pareil.
06:35Je pense que ça fait partie des disciplines les plus compliquées,
06:38où le sens du sacrifice, où le matin, on se lève tôt,
06:41où on va nager très tôt, où on renage l'après-midi,
06:44où on enchaîne les kilomètres, où on n'est jamais en vacances,
06:47où on enchaîne les objectifs, les compétitions.
06:50Tu devais avoir une volonté différente de tout un chacun.
06:57Oui, bien sûr, il y a eu des moments où ça a été très dur.
06:59Il y a des moments où j'étais au téléphone avec mes parents
07:02et j'étais en pleurs parce que, justement,
07:04la compétition ne s'était pas passée comme je le souhaitais.
07:07Mais après, je savais que c'était possible d'y arriver
07:10parce que j'avais des exemples à côté de moi
07:11qui montraient que c'était possible.
07:13Donc, je me suis accrochée et même quand c'était dur,
07:16j'essayais de faire toujours plus.
07:18Et des fois, quand, par exemple, l'entraîneur
07:20mettait une PTG à côté et il y avait 30 abdos,
07:23moi, j'essayais d'en faire 31 ou 32 parce que je me disais,
07:26voilà, plus vite je vais y arriver et plus vite je serai au meilleur niveau.
07:31Après, je ne dis pas qu'il faut tout le temps faire ça
07:34parce que le repos, c'est aussi important.
07:36Mais j'ai été bien entourée, bien guidée.
07:39J'ai eu des bons entraîneurs parce que j'en ai eu plusieurs à Forumeux.
07:42D'abord, j'étais dans un groupe un peu plus jeune.
07:44Ensuite, j'ai été au Pôle France.
07:46Mais voilà, j'ai des entraîneurs qui m'ont guidée,
07:49qui m'ont accompagnée.
07:51Et même quand c'était dur, j'étais vraiment bien entourée
07:53et c'est ce qui m'a aidée.
07:54Je voudrais juste savoir ce qu'a ressenti
07:57celui qui, non voyant, a décidé de concourir en tant que cavalier
08:02chez les voyants.
08:03Quand il a entendu, je dois faire 30 abdos, j'en ai fait 31.
08:07Forcément, ça parle.
08:09Et j'en ai discuté il n'y a pas très longtemps
08:12avec quelqu'un de sportif qui est dans une autre discipline.
08:15Mais on a échangé sur le surentraînement,
08:18sur le fait de savoir se reposer aussi.
08:21Et on en est arrivé à la conclusion
08:25de se dire que peut-être parfois le repos,
08:29qui est super important, comme Laura vient de nous le dire,
08:31c'est très important,
08:32que ce soit dans la musculation, dans l'acquisition d'un geste,
08:35dans l'amélioration dans le chemin vers le haut niveau.
08:37Parfois, c'était plus dur de se reposer
08:39parce que justement, se reposer, c'est facile.
08:42Et des fois, on est tenté d'en faire beaucoup et d'en faire plus
08:47parce que le chemin est long et il n'est jamais fini.
08:50Et si on veut aller loin, on a tendance à se dire
08:52qu'il faut toujours faire un abdo de plus pour y arriver,
08:57toujours chercher de la règle supplémentaire.
09:00Et j'ai tendance à comprendre, même si j'ai du recul là-dessus,
09:03mais je comprends.
09:05Par contre, ce que je me demande, c'est...
09:07Tu nous racontes ça, Laura, aujourd'hui.
09:09Est-ce que tu as du recul là-dessus, forcément ?
09:12Est-ce que tu as toujours cet état d'esprit, aujourd'hui ?
09:16Alors, ça a un peu évolué.
09:20J'avais 14 ans.
09:22Oui, mais pourquoi, justement ?
09:24Parce que justement, il y a eu des périodes
09:27où je me suis rendue compte que d'en faire trop,
09:29ce n'était pas nécessairement la solution.
09:33Par exemple, je me suis entraînée avec Philippe Lucas
09:35et les séances sont très dures,
09:38mais je me suis rendue compte que si on faisait tout du début à fond,
09:43c'était impossible de finir la semaine.
09:45Et en fait, à partir de ce moment-là,
09:48il faut aussi, à des moments, se reposer,
09:51ou vivre un peu mieux la séance, et pas être tout le temps à fond.
09:55Mais je m'en suis rendue compte au fil de ma carrière.
09:57De toute façon, il y a eu des hauts, il y a eu des bas,
09:59et puis de nouveau des hauts et de nouveau des bas.
10:01Et du coup, on se rend compte de certaines choses.
10:04Mais n'empêche, jusqu'à 14 ans, c'est ce que je pensais qui était le mieux
10:07et c'est ce qui me donnait de la confiance
10:10pour aborder les complications.
10:12Donc, c'était important, à ce moment-là.
10:13Tu as grandi. Tu as été à Londres en 2012.
10:16Tu as été aux Jeux en 2016, en 2021 aussi.
10:19Tu as changé de discipline, parce que jusqu'en 2017,
10:22tu étais en bassin classique avant de passer aux épreuves plus longues.
10:27Tu as fait les Jeux de Londres. C'étaient tes premiers Jeux.
10:30C'était l'époque de Camille Muffat, de Charlotte Bonnet.
10:34Comment tu es revenue de Londres ?
10:36Comment tu as vécu Londres ?
10:40Alors, Londres, c'était le rêve qui devenait réalité.
10:43C'était tout magique.
10:46C'était en plus une super période pour la natation française,
10:50parce qu'il y avait eu beaucoup de médailles.
10:51Il y avait aussi Florent Manodou, Yannick Agnel.
10:53Voilà, beaucoup de médailles, une équipe de France magnifique.
10:58Après, sur un plan personnel, ça a été un peu dur,
11:03parce que justement, moi, j'ai été prise par l'émotion.
11:06Et je me souviens, j'étais derrière mon plot.
11:09Il y avait tous ces spectateurs autour de moi.
11:11La piscine a été toute petite.
11:13Et au final, elle était tellement grande quand on a nagé dedans.
11:18Et donc, je suis passée un peu à côté de ma course.
11:19Mais quand je suis au lendemain des Jeux,
11:23vraiment, il y avait ce sentiment de se dire...
11:26Faire les Jeux, c'est bien.
11:28Oui, mais aussi, faire les Jeux, c'est bien,
11:31mais une médaille, c'est possible.
11:33Parce que justement, j'avais tous ces exemples à côté de moi,
11:36Camille Muffat qui avait fait les trois médailles,
11:38or, argent, bronze, Charlotte Bonnet avec le relais.
11:42Donc, elles étaient aussi...
11:43Il y avait quatre autres filles dans le relais.
11:46Mais voilà, il y avait plein d'exemples de médailles.
11:49Et donc, on se dit, s'ils ont réussi, pourquoi pas moi ?
11:53Et au final, c'est ce qui m'a donné envie de continuer,
11:56mais je n'ai toujours pas réussi.
11:59Alors, tu restes sur les bassins classiques jusqu'en 2017,
12:03et puis, tu décides de passer à l'eau libre.
12:05L'eau libre, c'est des plus longues distances.
12:07Pourquoi ce changement ?
12:08Et ce n'est surtout pas une critique quand je te pose cette question.
12:13Justement, en 2016, j'avais l'impression
12:15d'avoir donné le maximum de moi-même,
12:18et je ne voyais pas comment je pouvais franchir encore
12:21ce pas vers une médaille olympique.
12:24J'avais été médaillée aux Chambers d'Europe, mais jamais plus.
12:27Et en fait, je ne fermais pas ce que je pouvais faire de plus,
12:32ou de mieux, en tout cas,
12:34pour reprendre tout à l'heure, ce n'est pas nécessairement faire plus,
12:37mais en tout cas, le faire mieux.
12:38Et je ne voyais pas comment je pouvais évoluer.
12:40Et à la même époque,
12:41il y avait justement une super équipe de France d'eau libre à côté,
12:45parce qu'on avait Aurélie Muller, qui était championne du monde,
12:48Marc-Antoine Olivier, qui était médaillée olympique.
12:51Et donc, je me suis dit,
12:53je me sens bien sur les épreuves d'endurance,
12:56pourquoi pas essayer ?
12:57Et puis, j'ai essayé, et au final, ça m'a plu.
12:59Et voilà, le rêve olympique a changé de discipline,
13:03mais il était toujours présent.
13:05Salim.
13:06C'est quoi les enjeux d'une nageuse qui passe du bassin ?
13:10À l'eau libre, des distances plus courtes.
13:14J'ai failli dire courte distance,
13:16mais j'arrive à peine à faire 50 m que je coule.
13:19Comment on fait pour passer de ces distances-là
13:22à des plus grandes distances et à de l'eau libre ?
13:25C'est quoi les écueils ? Il faut se méfier de quoi ?
13:28Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ?
13:30Sachant, pardon, petite parenthèse,
13:32qu'avant, tu faisais du 400, du 800, du 200,
13:36et que là, on parle de 10 km, 25 km.
13:38Donc, vraiment, on change de dimension.
13:43On change de dimension, mais on s'entraîne toujours en bassin.
13:46Les nageurs d'eau libre s'entraînent en bassin la plupart du temps.
13:49On arrive vraiment sur site quelques jours avant,
13:52et c'est là qu'on prend les repères.
13:55Donc, je m'entraînais déjà en bassin.
13:56Après, bien sûr, c'est des entraînements un peu plus longs,
14:00un peu plus de grosseries et nécessairement du crawl,
14:03mais ça me plaît de nager.
14:05Moi, j'adore nager, donc nager un peu plus,
14:08au final, ça me plaît toujours.
14:10Et ce que j'aime bien dans l'eau libre,
14:12c'est qu'il faut tout le temps s'adapter quand on est en compétition.
14:15Parce que l'eau, elle peut être froide, elle peut être chaude,
14:17il peut y avoir des vagues, pas de vagues,
14:19de l'eau salée ou de l'eau pas salée.
14:22En fait, il y a tellement de choses qui changent tout le temps
14:24que c'est génial.
14:26Et en plus, c'est un peu comme le vélo,
14:27il faut essayer de bien se placer,
14:29rester dans les pieds parce que c'est moins fatigant.
14:32Donc, voilà, il y a beaucoup de stratégies tactiques
14:35et c'est tout ça qui m'a plu, en fait.
14:36Ce n'est pas nécessairement le fait que ce soit plus long ou pas,
14:39même si j'adore justement le 25 km,
14:43mais c'est tout le côté tactique, stratégie et adaptation.
14:47Moi, une fois de plus, pour avoir souvent rencontré,
14:51discuté, partagé avec des nageuses ou des nageurs,
14:55mais en l'occurrence, la des nageuses,
14:57je me rends compte que ce qui est le plus difficile dans l'invasion,
14:59c'est l'aspect répétitif et tu regardes une ligne des carreaux.
15:03Et je trouve qu'en t'écoutant, tu n'as pas employé le mot,
15:07mais j'ai senti une notion de plaisir et même quasi un côté ludique,
15:12qui, à mon avis, est la bouée qui te sauve du...
15:16Waouh, à 31 ans, j'ai autre chose à faire.
15:20Oui, c'est vrai que je prends du plaisir en eau libre,
15:22mais je prends aussi du plaisir à m'entraîner la plupart du temps.
15:27J'aurais envie de dire tous les jours,
15:28mais bon, c'est vrai qu'il y a quand même des jours
15:30où on est un peu plus fatigué.
15:32Des fois, on n'a pas envie d'y aller, mais moi, j'adore nager.
15:35Et on a beau me mettre deux fois la même série,
15:37pour moi, ça ne va pas être totalement la même
15:39parce que, justement, je vais m'accrocher à d'autres choses
15:41ou je vais penser à des aspects techniques.
15:44En fait, même si j'ai 31 ans,
15:46je n'ai pas l'impression d'avoir passé autant de temps dans l'eau
15:49que ce qui est vraiment réel,
15:52parce que, justement, j'adore ce sentiment dans l'eau,
15:54j'adore m'entraîner et, au final, ce n'est pas tant répétitif que ça.
15:58Je ne trouve pas.
16:00Salim, j'ai une question piège et je ne connais pas la réponse,
16:03mais je veux que tous les deux, on s'humilie.
16:05À moi, parce que toi, tu es capable d'avoir bien regardé, quand même.
16:07À ton avis, le 10 km à Tokyo, où elle a terminé 9e au jeu,
16:12elle l'a fait en combien de temps ?
16:14Alors, attends, je vais réfléchir en même temps,
16:15sachant que je n'ai pas préparé la réponse.
16:17Tu as une idée ou pas du tout ?
16:19Je n'en ai pas la moindre idée.
16:20OK, alors on va réfléchir, on va voir.
16:22Et ne dis rien, surtout, Lara.
16:24Moi, je dirais que 10 km, donc 10 000 mètres...
16:3010 minutes, 100 minutes, 1h30, 1h40...
16:37Moi, je dirais...
16:40Moi, je dirais 2 heures. Non, ouais, 2 heures.
16:42Moi, je dirais plus de 2 heures.
16:44Lara, combien tu as fait à Tokyo ?
16:47Je pense que c'est plus ou moins...
16:49Enfin, c'est un peu plus de 2 heures.
16:51Après, en nos livres, le chrono n'est pas très important.
16:54Ouais, arrête, on essaie de jouer, là.
16:55OK, donc tu as fait un peu plus de 2 heures.
16:58Je pars, oui.
17:00OK, et quand t'es vice-championne d'Europe du 25 km en 2020,
17:05donc un peu plus de 2 heures,
17:06donc on passe de 10 à 25 km.
17:08À ton avis, combien de temps elle a mis ?
17:124 heures, 5 heures...
17:145 heures, moi, je dis.
17:16Non, tu dis plus ou moins, tu ne dis pas pareil, Salim,
17:18tu es gentil.
17:19Non, j'ai dit 6, moi, j'ai dit plus.
17:21Ah, oui, moi, je dis 5.
17:225 heures, je dis.
17:23Bon, c'est moi le plus près.
17:26Mais alors, du coup, justement,
17:28tu vois, on parle de ces distances faramineuses,
17:31bon, laisse tomber,
17:32moi, je crois que j'ai déposé la marque coulée
17:34dans la partie brasse coulée, je ne sais pas nager.
17:37Comment...
17:38Alors, déjà, c'est long, c'est long en distance, c'est long en temps,
17:41on voit bien ce que fait le corps de quelqu'un qui nage,
17:45mais que fait la tête de quelqu'un qui nage ?
17:46Qu'est-ce qui se passe ?
17:48C'est long, c'est long en distance, c'est long en temps,
17:50on voit bien ce que fait le corps de quelqu'un qui nage,
17:53qu'est-ce qui se passe dans ton esprit,
17:55comment tu occupes ton cerveau
17:57pendant ces 25 km, pendant ces 5h20, justement ?
18:02Alors, c'est plus long pour quelqu'un qui regarde
18:04que pour moi qui nage,
18:05parce que, pour le coup, j'ai déjà regardé à 25 km,
18:08c'était vraiment très, très long.
18:09Moi, j'ai pas l'impression que c'est aussi long quand je nage,
18:12parce que, déjà, on fait souvent des boucles,
18:14donc on a des petits moments où on va ravitailler,
18:17on va manger, on va boire, et ça, c'est génial.
18:20Attends, ravitailler pour manger, c'est quoi ?
18:22C'est, en 22 secondes, avaler un sachet protéiné ou un truc ?
18:27Oui, voilà, on a une petite boisson,
18:29mais c'est un moment hyper réconfort,
18:30c'est un moment très sympa à vivre.
18:33Et qui dure combien de temps ? Il dure 20 secondes ?
18:36Au début d'un 25 km, ça peut être assez lent,
18:40ça peut durer quelques...
18:41Ouais, une minute, une minute trente,
18:43parce qu'en fait, personne ne peut prendre la tête,
18:45justement, c'est ce que je disais tout à l'heure,
18:47il faut mieux rester dans les pieds,
18:48donc personne ne peut être devant.
18:50Donc, c'est le moment où, en fait, on va tous se regarder,
18:53et il y a nos entraîneurs qui nous donnent la perce,
18:56donc à ce moment-là, on peut même avoir
18:59un petit discours avec les entraîneurs,
19:01donc ça, c'est sympa.
19:02Mais il n'y en a pas une qui est tentée de repartir d'ardor ?
19:06Si elle part, elle sait que, de toute façon,
19:08toute seule, elle n'ira pas au bout du 25 km,
19:10que si on se met à plusieurs, on risque de la rattraper,
19:12donc au tout début, personne ne prend les devants.
19:16OK, Salim ?
19:17À ce point-là, la force du groupe,
19:20on sait bien que c'est important,
19:21notamment, on le voit bien en cyclisme et tout ça,
19:24mais je veux dire, c'est aussi fort que ça,
19:26c'est toute seule, c'est fort, ce que tu dis,
19:28on sait que toute seule,
19:29elle ne va pas arriver au bout de ses 25 km.
19:31C'est aussi fort que ça ?
19:33Si elle fait 20 km toute seule, oui, c'est sûr,
19:35elle n'ira pas au bout, parce qu'en plus,
19:38il y a des moments de rédétaillement, il y a tout ça,
19:40et puis nous, il faut prendre des capes,
19:41il faut tout le temps lever la tête,
19:43quand on est devant, en tout cas, il faut lever la tête
19:44pour bien prendre des bonnes capes
19:46et faire la meilleure trajectoire.
19:48Mais du coup, si elle, elle est toute seule
19:50à lever la tête pendant 20 km,
19:51à la fin, elle lève tout la tête.
19:54Non, attends, rassure-moi,
19:56parce que la comparaison de Salim sur le cyclisme
19:58est intéressante,
19:59il n'y a pas de phénomène d'aspiration, là ?
20:03Si, quand on prend la vague,
20:06par exemple, il y a des études qui ont été faites,
20:09je crois que sur un 100 m,
20:11il y a pratiquement 4 secondes d'écart.
20:13Par exemple, on fait à peu près 1 minute 10 au 100 m,
20:16mais si on est dans les pieds,
20:17on va avoir le ressenti de nager une 10
20:20et on va nager une 7 ou une 6.
20:22Il y a des secondes d'écart sur 100 m
20:24justement quand on reste dans les vagues
20:25et c'est hyper important de, justement,
20:27rester à l'abri le plus longtemps possible.
20:29Salim, ça ne marche pas avec ton canard dans la baignoire,
20:32inutile d'essayer.
20:35J'ai une question et il faut qu'on en parle.
20:38Alors, il y a eu ces Jeux de Tokyo, cette 9e place.
20:409e place au 10 km, c'est quoi ?
20:42T'es déçue, satisfaite,
20:45moyennement déçue, très déçue ?
20:48Déçue.
20:49Honnêtement, quand je suis partie le matin,
20:52pour moi, je partais pour aller décrocher une médaille.
20:55J'avais beaucoup plus confiance qu'en 2016, par exemple.
20:59Et du coup, à la fin, j'étais vraiment déçue, oui.
21:02C'était une réelle déception parce que je m'étais entraînée pour
21:05et je pensais que j'étais armée pour, donc déception.
21:09Alors, tu termines à combien du podium
21:11et qu'est-ce qui t'a manqué avec le recul ?
21:14À combien du podium, je ne sais pas exactement.
21:17Parce qu'en fait, il y a un moment donné
21:21où justement, on était les unes derrière les autres
21:23et la fille devant moi décroche au niveau des...
21:26Enfin, elle décroche, il y a un groupe qui part
21:28et elle, elle décroche.
21:30Et du coup, moi, je suis juste derrière.
21:32Et quand je m'en rends compte, pour revenir,
21:34elles sont déjà trop loin, l'écart a été fait,
21:36il restait 1 800 m.
21:38Et du coup, à la fin, je vois que de toute façon,
21:41le podium, il est parti.
21:43Donc, l'essentiel, c'est essayer de gagner une place
21:46pour finir le mieux possible.
21:48Et donc, en fait, toutes les deux, on s'est regardées,
21:50on ne voulait pas vraiment prendre les devants
21:52parce qu'on voulait finir au sprint.
21:53Donc, au niveau du temps,
21:55je crois qu'il y a 45 secondes à la fin avec le podium.
21:58Mais en fait, le podium ne se jouait plus.
22:01Donc, l'essentiel, c'était être neuvième et pas dixième.
22:05Tu t'en veux ? Il y a eu un manque de vigilance ?
22:09Oui, si la course était à refaire,
22:11je ferais beaucoup plus d'attention à ce moment-là.
22:13J'essaierais de mieux me placer
22:14parce que c'est une erreur que j'ai faite
22:16et c'est une erreur qui m'a coûtée.
22:17À partir du moment où j'étais danser pied à elle
22:22et qu'elle décroche,
22:23j'aurais été vigilante un peu avant,
22:25j'aurais peut-être pu y aller.
22:26Mais en fait, ce qui se passe, c'est que quand je m'en rends compte,
22:28l'Allemande, elle est fatiguée, elle ne tient plus les pieds devant,
22:31mais du coup, elle ne veut pas me lâcher la hanche.
22:33Et donc, en fait, quand elle est dans la hanche,
22:35c'est encore plus dur pour moi de nager.
22:38Et donc, là, c'est fini.
22:39Ne t'inquiète pas, bientôt, comme dans le cyclisme,
22:41il y aura des oreillettes.
22:44Je plaisante. Salim ?
22:45C'est beaucoup plus de stratégie, finalement,
22:48la nage en eau libre que de la nage en couloir.
22:52Oui, il y a beaucoup de stratégie.
22:54Après, pour pouvoir mettre en œuvre sa stratégie,
22:57il faut quand même avoir un gros panel de compétences.
23:00Il faut être endurante, mais aussi avoir de la vitesse
23:03parce que quand il y a un écart qui se fait,
23:05il faut être capable de rebondir de suite.
23:07Donc, voilà, il faut être à la fois endurante,
23:10à la fois assez strimpeuse,
23:11savoir changer les nages assez rapidement,
23:15enfin, nager doucement, nager vite.
23:17Donc, voilà, il y a plein de petites choses à avoir.
23:19Après, c'est sûr que les nageurs de bassin
23:22sont plus spécialisés sur les virages, sur les coulées.
23:26Nous, tout ça, on ne travaille pas à l'entraînement du tout.
23:29Oui, j'imagine.
23:31Lara, pour terminer, il y a ces Jeux de Paris qui arrivent.
23:34D'abord, la natation en eau libre se fera dans la Seine, à Paris ?
23:41Normalement, oui, mais ce n'est pas encore totalement sûr.
23:45OK.
23:4731 ans, 32, 33...
23:4933 ans ? 32,5 ans, Thora, à Paris ?
23:53Oui.
23:54J'imagine que c'est l'objectif ultime, suprême, magique qui fait rêver ?
23:59Oui, voilà. Je pense qu'après, vraiment,
24:01je mettrai fin à ma carrière.
24:04C'est le dernier objectif.
24:06Là, à fond, jusqu'à cette période-là.
24:08À fond, ça veut dire ?
24:12M'entraîner dure, essayer de tout mettre en œuvre pour être performante.
24:16Il y a plein de petites choses à optimiser.
24:18Ce n'est pas seulement s'entraîner, la récupération,
24:20mais aussi la nutrition, la préparation mentale.
24:23Il y a plein de petits détails qui font qu'on est meilleur.
24:26Il y a beaucoup de personnes qui nous entourent pour ça
24:29et qui nous aident à être plus performants.
24:31Dernière question pour toi, Salim, toi qui ne négliges rien.
24:37Qu'est-ce que tu estimes devoir travailler particulièrement
24:41pour cette échéance ?
24:43Parce que la nage en eau libre me fascine beaucoup
24:47pour être cette discipline.
24:49Moi, je vais te dire, le sentiment que j'ai,
24:51c'est que tu ne peux pas viser entre la première, la deuxième ou la troisième place.
24:55Tu peux te dire, je vise un podium,
24:57mais ça m'a l'air très dur de dire,
24:58bon, j'ai fait deuxième, je vais faire meilleur, je vais faire premier.
25:02Ça a l'air très compliqué.
25:04Comment est-ce que tu vas travailler pour t'améliorer d'ici Paris 2024 ?
25:08Et évidemment, ce...
25:14Évidemment, ce...
25:15Tu as dit... La fin de ta question, Salim, ça a coupé ?
25:19Évidemment, je disais cette revanche qu'on te souhaite tous.
25:24Je pense que ce qui est important pour moi,
25:26c'est justement travailler plus de courses, avoir plus d'expérience
25:29pour ne pas refaire des erreurs stratégiques.
25:32Donc, voilà, c'est faire plein de courses,
25:34des Coupes d'Europe, des Coupes du monde,
25:36et essayer de m'améliorer à chaque fois.
25:38Tu feras gaffe quand même, parce que la Seine, il y a des ponts.
25:41Et qui dit pont, il y a des piliers.
25:47Ne fais pas congole, regarde où tu vas.
25:50Merci infiniment, Lara, d'avoir été avec nous.
25:52Continue de bien t'entraîner du côté de Monaco.
25:55Et puis, on te souhaite le meilleur.
25:56Et puis, tu reviendras nous raconter tout ça
25:58avec la médaille autour du cou après Paris.
26:01Oui, merci beaucoup.
26:02On t'embrasse.
26:04Merci beaucoup.
26:05Merci à toi, Salim.
26:06Merci à vous toutes et à vous tous pour votre fidélité.
26:08Puis, je vous donne rendez-vous très prochainement
26:10avec encore des championnes, des femmes passionnées de Seine-Saint-Denis.
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