Cette semaine, Alexandre Delpérier et Salim Ejnaïni reçoivent la championne de cyclisme et paracyclisme Heidi Gaugain. A 18 ans, elle est vice-championne du monde Elite de paracyclisme (poursuite) sur piste et championne du monde junior de cyclisme sur piste (course aux points et poursuite par équipes).
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00:00...
00:18-"Parce qu'il y a les femmes, parce qu'il y a le sport",
00:21bienvenue dans votre rendez-vous dédié aux femmes dans le sport.
00:25Je suis ravi de vous retrouver avec mon camarade Salim.
00:28Nous accueillons encore une championne
00:30en devenir déjà exceptionnelle.
00:33Elle est la 1re athlète en e-sport
00:35à devenir championne du monde chez les Valides.
00:38A 18 ans seulement, la cycliste et paracycliste Heidi Gauguin
00:41compte bien continuer à briller sur les deux tableaux
00:44jusqu'aux Jeux olympiques de Paris 2024 et même Los Angeles 2028.
00:48Portrait d'une championne hors du commun.
00:51Soyez les bienvenus. Je suis ravi de vous accueillir.
00:53Mon ami Salim, bonjour.
00:54Bonjour, Alexandre. Bonsoir et bonsoir, Heidi.
00:58C'est un plaisir, effectivement, de te recevoir ce soir.
01:01Je sens que tu vas nous raconter de très belles histoires.
01:04J'ai hâte d'entendre ce que tu as à nous dire.
01:06Bonsoir.
01:08Merci d'être avec nous, Heidi. C'est vrai qu'on est ravis de t'avoir.
01:11J'aperçois un palmier derrière toi.
01:15Bref, un environnement qui fait rêver.
01:18T'es en Martinique, en Guadeloupe, à Miami ou au Pays basque ?
01:22Au Pays basque, pour mon lieu de vie
01:25et un super lieu d'entraînement pour faire du vélo.
01:28Bien évidemment, parce qu'il y a tout ce qu'il faut.
01:30Il y a le bon air pur et puis il y a des endroits vallonnés
01:34qui, à mon avis, doivent bien te faire travailler.
01:36Heidi, on va suivre tout ton parcours.
01:38On va préciser quand même ce magnifique maillot derrière toi qui trône.
01:42Montrez-moi ça, monsieur le réalisateur. C'est un maillot de...
01:46Championne du monde.
01:48Championne du monde. Ça, c'est la classe.
01:50Tu as été deux fois championne du monde junior en 2022.
01:53Poursuite et course au point. On parle de cyclisme, évidemment.
01:56T'as été championne de France poursuite et Omnium en 2023.
01:59Médaillée de bronze à l'Omnium au Mondiaux en 2022.
02:02Et tu es vice-championne du monde de la poursuite individuelle.
02:04C'est de la piste en 2022.
02:06C'est déjà, déjà, à seulement 18 ans, Heidi, un palmarès exceptionnel.
02:12Oui, je suis très contente d'avoir déjà ce palmarès-là.
02:15Maintenant, j'espère aller chercher encore plus haut dans les années futures.
02:19Ce qui est fantastique, c'est que tu performes chez les Valides et les Paras.
02:23J'aimerais que tu nous parles en quelques minutes de ton handicap
02:26et puis après, on va poursuivre tout le déroulement de ta carrière.
02:31Oui, alors, mon handicap s'appelle une agénésie du bras gauche.
02:34Donc, en fait, c'est tout simplement la main qui n'a pas poussé,
02:37donc du coude jusqu'à la main.
02:39Et donc, il me manque cette petite partie de mon corps
02:42qui fait que j'ai un handicap.
02:44Et aujourd'hui, j'imagine que tu as une prothèse.
02:47Oui, une prothèse seulement pour faire du vélo.
02:49Je n'ai pas de prothèse dans la vie quotidienne
02:51puisque pour moi, c'est plutôt handicapant, justement, d'avoir la prothèse.
02:54Je comprends. Heidi, ça te parle, ça ?
02:56Euh, Salim, pardon.
02:58Oui, bien sûr. Bien sûr, bien sûr.
02:59Ça me parle pour plusieurs raisons.
03:00Déjà, j'ai une prothèse au niveau de mon oeil gauche,
03:03qui est plutôt une prothèse, évidemment, qui n'est pas fonctionnelle,
03:06qui est une prothèse plutôt dite sociale ou d'apparence,
03:10ce qui peut être le cas dans ton cas, Heidi, si je ne me trompe pas.
03:13C'est des choses qu'on a pu te proposer plus jeune ou...
03:17Tout à fait.
03:18...que tu connais.
03:19Et il y a les prothèses qui sont souvent moins esthétiques,
03:22mais beaucoup plus fonctionnelles, plus utiles,
03:24comme tu as certainement pour le vélo,
03:27pour avoir l'équilibre sur tes deux appuis,
03:29des deux côtés en même temps.
03:31C'est vrai que ce n'est pas forcément évident de gérer tout le poids,
03:33on ne se rend pas compte, mais tenir un vélo
03:35et faire des perfs d'une seule main et d'un seul bras d'un seul côté,
03:39on risque vite de se retrouver déséquilibrés, excuse-moi.
03:42Oui, évidemment, c'est des choses qui me parlent.
03:45Heidi, à quel âge tu es apprise
03:47ou est-ce que tu n'as finalement jamais pris conscience d'une différence ?
03:53Alors, j'ai tendance à dire que je ne me suis jamais sentie
03:56vraiment une personne en situation de handicap
03:58jusqu'à ce que je découvre le handisport,
04:00parce que j'ai toujours été avec des valides,
04:03dans l'école, dans mon sport,
04:05j'ai toujours pratiqué avec des personnes sans handicap,
04:08et c'est vrai que quand j'ai découvert le monde du handisport,
04:11c'est vrai que ce moment-là, je me suis dit,
04:12ah oui, j'ai une différence, et je ne l'avais pas forcément sentie avant,
04:15puisque pour moi, c'était quelque chose de normal qui arrive à la naissance.
04:19Donc, je dirais que c'est depuis 2019 à peu près
04:21que je me sens en situation de handicap,
04:23même si je me sens toujours une personne valide.
04:26Ça a changé quoi ?
04:29Oui, en 2019, j'ai débuté le handisport.
04:32Oui. Ça a changé quoi, cette vision, alors, du coup ?
04:35Ou finalement, pas grand-chose ?
04:37Pas grand-chose, finalement.
04:38Non, non, finalement, on est tous avec ou sans handicap des personnes valides.
04:43Salim.
04:44C'est beau ce que tu dis, parce qu'en 2019,
04:47donc là, aujourd'hui, tu as 18 ans.
04:50En 2019, tu as quel âge ? Tu as 13 ans ?
04:52Non, non, pas du tout.
04:54En 2019, j'avais 16, 17 ans.
04:5716, putain, je suis désolé, pardon.
04:59Non, non, non, attends, elle est aussi nulle que toi en mathématiques.
05:02En 2019, c'était à 4 ans, ça.
05:03En 2018, t'avais 14 ans. Allez, hop, au coin, tous les deux, là.
05:06Débarquez-moi de ça.
05:0713 ans, je n'étais pas long, OK ?
05:09Ah, les deux, j'ai mis des maths.
05:12On n'est pas bons, on n'est pas bons, il faut qu'on retourne à l'école.
05:15Vas-y, Salim, je te refais le début de ta question.
05:17Donc, en 2019, t'avais 14 ans. Vas-y, continue.
05:21En 2019, donc, tu as 14 ans.
05:24C'est relativement tard pour avoir une révélation,
05:28pour se rendre compte, en tout cas, d'avoir cette différence-là.
05:32Je trouve ça magnifique, quelque part,
05:35de se dire que ça ne t'a pas gênée, ça ne t'a pas freinée plus que ça
05:39dans ta construction.
05:41Je ne parle pas que du sport, bien sûr,
05:42je parle de ta construction globale, dans ta vie.
05:46Est-ce que tu as souvenir d'avoir été, à un moment donné,
05:50gênée par cette différence ?
05:51Je ne sais pas, pour le regard des autres ou des choses plus accessoires ?
05:55Ou pas du tout ?
05:56Pas du tout, bizarrement.
05:57C'est vrai que grâce à mes parents, sûrement,
05:59qui m'ont toujours fait faire les choses avec les autres enfants,
06:04je n'ai jamais ressenti de gêne ou quoi, par rapport aux autres,
06:08de sentiment d'insuffisance,
06:09ou...
06:11Je n'ai pas vécu non plus de harcèlement,
06:12donc c'est vrai que j'ai conscience que c'est une grande chance.
06:16Et en tout cas, je ne me suis jamais sentie différente.
06:19Et Heidi, les maillots de championne du monde qui sont derrière toi,
06:21c'est deux maillots qui sont chez les Valides.
06:24Oui, tout à fait.
06:25C'est incroyable, je trouve ça magique, ton histoire.
06:27On va la reprendre depuis le début.
06:29Donc, il y a cette agénésie à la naissance.
06:33Quels sont tes premiers souvenirs de sport, de pratiques ?
06:37Tu avais quel âge ? C'était quoi ?
06:39J'ai commencé le sport dès que j'ai pu, vers l'âge de 5-6 ans,
06:44d'abord avec de la gym, puis de la natation, du roller et enfin du vélo.
06:48J'ai toujours aimé un peu toucher à tout, faire du multisport avec l'école,
06:52être polyvalente,
06:54jusqu'à ce que je me pose réellement dans le cyclisme, grâce à mon papa,
06:58qui est président d'un club de vélo encore aujourd'hui,
07:00et donc qui m'a fait découvrir son sport petit à petit avec les années.
07:04À quel âge tu as commencé ?
07:06J'ai commencé le vélo à 12 ans.
07:08OK.
07:09Salim ?
07:11Tu découvres quelque chose de toi à ce moment-là en attaquant le vélo,
07:16en te disant que ça commence à me plaire pas mal,
07:20à me chatouiller un peu peut-être avant les premières compètes.
07:23Qu'est-ce qui fait que le vélo accroche particulièrement par rapport à d'autres sports ?
07:26Le vélo, c'était très compliqué pour moi.
07:30En termes de résultats, j'avais beaucoup de...
07:33C'était très compliqué de faire avec les valides.
07:35Donc c'est vrai qu'au début, c'était difficile.
07:38Mais justement, c'est ce qui m'a plu.
07:39C'est le fait qu'il y avait une marge de progression qui était énorme.
07:42Et avec beaucoup de travail,
07:43j'étais persuadée que je pouvais faire des meilleurs résultats.
07:46Et c'est venu avec le temps, petit à petit,
07:48je faisais de meilleurs résultats au fil des années.
07:50Et en fait, c'est ça qui m'a maintenue.
07:51Je ne me suis pas sentie rassasiée d'un coup en commençant le vélo.
07:55Et c'est cette petite flamme qui me fait encore continuer,
07:58parce que je me dis qu'il y a encore tellement mieux à faire.
08:00Quand tu montes sur un vélo à 12 ans,
08:02ton papa est donc président d'un club de cyclisme au Pays basque.
08:06Tu as ta prothèse.
08:09Alors au début, c'était un petit peu du bricolage.
08:11C'est-à-dire que j'avais une prothèse de vie sociale
08:14que je n'utilisais pas forcément,
08:15donc une prothèse qu'on appelle de vie sociale,
08:17mais c'est une prothèse de tous les jours,
08:18qu'on avait scotché à mon guidon.
08:20Et en fait, avant chaque sortie de vélo,
08:22on la scotchait, on la descotchait.
08:24C'était vraiment du bricolage, quoi.
08:26Et après, au fil des années,
08:29on a pu s'entourer de prothésistes, de personnes qui connaissent un peu.
08:32Avec les Coupes du Monde aussi,
08:33j'ai pu voir ce que font les autres dans les autres pays
08:36et m'inspirer un petit peu pour faire ma super prothèse d'aujourd'hui.
08:41Mais tu n'as commencé qu'à 12 ans.
08:44Quand je vois ton palmarès aujourd'hui,
08:45je me dis que ça a quand même démarré assez fort.
08:48Tes premiers titres, c'est quoi et tu as quel âge ?
08:50C'est combien de temps après ? Combien d'années ? 14, 15 ans ?
08:54Mes premiers titres sont arrivés en 2020,
08:57donc c'est quand même récemment.
08:5817 ans.
08:59D'abord les titres en handisport.
09:02Et puis, en 2022, l'an dernier,
09:05j'ai commencé à avoir des titres chez les Valides.
09:07C'était la première fois de ma vie que ça m'arrivait.
09:10C'est un sentiment incroyable.
09:11On en veut toujours, on en veut toujours plus.
09:15C'est pour ça que je travaille.
09:16Tu es en train de nous expliquer que tes premiers titres chez les Valides,
09:19c'est des titres de championne du monde.
09:22Oui.
09:24Pour l'anecdote,
09:25je n'avais jamais fait de championnat de France-Valides avant.
09:27J'ai directement été aux championnats du monde.
09:30Pouah, pouah, pouah, pouah.
09:32J'ai besoin de comprendre, Heidi, ton moteur ou tes moteurs,
09:37parce qu'on le sait, le cyclisme,
09:41et moi pour le pratiquer, c'est du VTT, mais c'est du cyclisme.
09:44C'est extrêmement difficile, le vélo.
09:47Ça demande un travail, une puissance, un mental du feu de Dieu.
09:51C'est quoi tes forces, ta différence ?
09:55Je dirais que ma différence, c'est que j'aime travailler.
09:59J'aime m'améliorer, me battre contre moi-même.
10:01J'aime battre des records personnels, des temps, de la puissance.
10:06C'est ce qui fait que j'arrive toujours un peu à m'améliorer
10:10et à améliorer mon temps.
10:11Je me satisfais surtout des résultats,
10:14mais aussi de faire plaisir à mon entourage
10:16et à mon entraîneur principalement,
10:18qui m'aide à toujours aller plus loin.
10:21Et pas ton père, qui est président du club, lui, on s'en fout.
10:24Si, bien sûr, ma famille, tout le monde.
10:27Salim, j'adore ce qu'elle vient de dire.
10:29C'est génial.
10:31Est-ce que tu arrives à te satisfaire de ces résultats ?
10:34Parce que tu nous as quand même dit au début
10:36que t'étais assez difficilement contente de ce que tu fais,
10:40que tu te rends compte qu'il y a une belle marge de progression.
10:43T'arrives à te retourner sur un titre et à te dire
10:45« Putain, quand même, on l'a fait, c'est génial »,
10:48ou est-ce qu'il y a quand même ce truc de te dire
10:50« Bon, allez, on peut faire mieux » ?
10:52Ou, pire, syndrome de l'imposteur,
10:54« Je l'ai eu, mais ce n'est pas mérité. »
10:55Non, non, non.
10:57J'arrive quand même à me satisfaire et à profiter de l'instant présent.
11:00Après, c'est vrai que c'était une autre saison,
11:02c'était l'an dernier, et puis maintenant,
11:03je me tourne vers d'autres objectifs.
11:05Mais j'ai quand même réussi à profiter un peu de mes titres.
11:09Je voudrais quand même savoir une chose.
11:11Tu habites chez tes parents ?
11:13Non, du tout. Je suis dans un pôle espoir.
11:15Ah, parce que là, je vois derrière toi des bouquins.
11:18Salim, je t'explique.
11:20Donc, il y a un bouquin sur les meilleures pâtisseries
11:22et un autre sur les instants sucrés.
11:24Donc, il va falloir que tu m'expliques la compatibilité
11:26avec des titres de championne du monde de cyclisme
11:29et les bouquins qui sont là pour se gaver la brioche.
11:33C'est des bouquins de sportifs.
11:35C'est pour la cuisine sportive.
11:37Quoi, les pâtisseries et les instants sucrés ?
11:41Voilà, c'est pour la récupération.
11:44Exactement.
11:46Ouais, voilà le vrai secret.
11:48Nous, on parlait de mental.
11:52Merci, un jour.
11:55Je voudrais qu'on revienne rapidement
11:56sur les différents moments stratégiques importants.
11:59Le vélo à 12 ans,
12:02pas très bonne, mais tout de suite,
12:03un mental et l'envie de faire la différence.
12:06Il y a l'intégration et l'arrivée au pôle espoir en 2021 à Bayonne.
12:10Donc, c'était avant-hier, tu avais 16 ans.
12:12Quand je dis avant-hier, c'était il y a deux ans.
12:14C'est des passages importants, ça, dans ta tête,
12:17qui provoquent des déclics en te disant,
12:19là, je me mets le pire dans un engrenage qui devrait me permettre d'eux ?
12:23Oui, tout à fait.
12:24C'est vrai que l'entrée au pôle,
12:26c'était directement l'objectif Paris 2024.
12:28Donc, j'avais à peu près trois ans pour performer,
12:32faire mes preuves et puis surtout travailler très dur pour Paris.
12:35Et donc, c'est ce qui me fait pousser tous les jours
12:39et ce qui fait que je suis ici et très heureuse, d'ailleurs.
12:42Salim.
12:44J'ai une question, moi, sur les différents résultats que tu as pu avoir
12:48et sur les deux milieux que tu commences à connaître très bien,
12:51le milieu du handisport, le milieu de la compète valide.
12:54Alors, on se doute bien que le handisport t'a aidé
12:57à appréhender le milieu de la compète
12:59et du coup, t'as donné des clés pour le valide.
13:01Pourquoi est-ce qu'il y avait une satisfaction particulière
13:05quand même sur ces résultats en valide ?
13:06Est-ce que ça a apporté quelque chose à ton égo de sportif, j'ai envie de dire ?
13:11Je sais où je vais parce que je suis un peu dans le même cas que toi, mais...
13:14Alors, oui et non, parce que c'est vrai que gagner chez les valides,
13:19ce n'est pas forcément plus dur que gagner chez les handis,
13:22parce qu'en handisport et surtout en paracyclisme féminin,
13:25il y a quand même du très gros niveau international.
13:27Pour preuve, je ne suis pas championne du monde encore en paracyclisme,
13:30je n'y ai jamais été.
13:32Et donc, moi, ce qui m'a fait sentir que c'était une réussite,
13:37c'est surtout de gagner avec les juniors
13:39et me dire que j'étais actuellement la meilleure sur la discipline.
13:44Donc, ça aurait été la même satisfaction si j'avais gagné en handisport.
13:48Un titre de championne du monde, c'est un truc de fou.
13:52La preuve, on regarde ce qu'il y a derrière toi.
13:54Il y a les bouquins de patisserie,
13:55mais il y a surtout le maillot de championne du monde.
13:57Enfin, les maillots de championne du monde.
13:59Heidi, je voudrais qu'on revoie quelques images.
14:01Ça, c'était à Saint-Quentin-en-Yvelines où j'ai eu la chance de rouler,
14:04mais pas le même jour que toi.
14:05C'est là où tu as été vice-championne du monde de la poursuite individuelle.
14:08C'était en 2022.
14:10Ça a été une étape importante, ça ?
14:13Oui, tout à fait.
14:14C'était ma première compétition sur piste internationale
14:17avec le gros panel de toutes les filles.
14:20C'était quelque chose d'important,
14:22surtout de me retrouver en finale contre Dame Sarah Storé.
14:26Une certaine émotion.
14:28Va plus loin, développe, explique-nous.
14:31Alors, je dirais que cette Anglaise,
14:34c'est la plus forte de toutes les paracyclistes depuis des années.
14:38Me retrouver avec elle, c'est un peu me dire que,
14:41OK, j'ai échoué en 2022 contre elle,
14:44mais peut-être que l'année prochaine,
14:45je me retrouverai avec elle au jeu encore en finale.
14:47Je l'espère et que les ronds seront inversés.
14:50Punaise, ce mental, Salim, j'adore.
14:53Incroyable.
14:55C'est incroyable.
14:56J'ai envie de savoir, moi, de mon côté,
14:58alors en plaisanté sur ta littérature,
15:01le contenu de ta bibliothèque et certainement de ta cuisine,
15:04mais du coup, à quoi ressemble, à part les pâtisseries,
15:07à quoi ressemble ton quotidien pour de vrai ?
15:09Comment est-ce que tu nourris un peu ce mental, tout ça ?
15:16Comment tu fais, comment tu gères tes entraînements au quotidien,
15:19ta vie, ton emploi du temps ?
15:21Oui, alors déjà, je suis scolarisée encore,
15:24donc en première année de BUT,
15:26gestion des entreprises et des administrations.
15:29Donc ma journée type, c'est à peu près une demi-journée à l'école
15:32et une demi-journée sur le vélo.
15:34Et puis ça, toute la semaine, donc avec des compétitions le week-end
15:37chez les valides et chez les handisports, en fonction du calendrier.
15:41Et puis voilà, une hygiène de vie de sportive,
15:44une vie de sportive de haut niveau.
15:45Oui, c'est ça. Parle-nous d'hygiène de vie avec tes bouquins de pâtisserie.
15:50Tu es tout à fait crédible.
15:52Non, mais très sérieusement, tu t'autorises de temps en temps
15:55un petit gâteau, un peu de chocolat, un truc ?
15:57C'est pas le bain non plus, j'imagine ?
15:59Non, du tout, du tout.
16:01Même si on a un sport où le poids est très important.
16:04Parce qu'il joue et il influence sur la puissance.
16:07Mais c'est vrai qu'après les courses, des fois, il faut se récompenser.
16:11Je voudrais qu'on revienne sur ce qui s'est passé
16:13au mois d'août dernier à Tel Aviv,
16:15quand tu deviens championne du monde junior.
16:17C'est la première fois qu'une athlète en e-sport
16:19devient championne du monde chez les valides.
16:22Ce jour-là, tu te dis quoi ?
16:24Explique-moi, parle-nous de cette journée.
16:25Est-ce que tu avais un objectif particulier
16:29compte tenu de cette différence ou pas du tout ?
16:32Non, du tout.
16:33Alors, ce qui m'a un peu...
16:35Ce qui a fait que j'étais très bien et dans un très bon état d'esprit,
16:38c'est que j'ai commencé par une poursuite par équipe.
16:41Donc, on était quatre.
16:42Et à aucun moment, je me suis sentie inférieure à elles.
16:45Oui, en junior.
16:46Donc, mon premier titre était par équipe.
16:49Et en fait, je me sentais tout à fait légitime d'être dans ce collectif.
16:52Et puis, je voulais surtout travailler et donner mon maximum pour l'équipe.
16:55Donc, aller chercher le meilleur résultat possible.
16:58Et c'est vrai que ça m'a libérée après pour la course au point,
17:00qui est une épreuve individuelle,
17:02où là, c'était plutôt une récompense personnelle,
17:04mais en même temps, une récompense de travail
17:07avec mon entraîneur et toutes les personnes qui travaillent avec moi.
17:10Donc, je dirais que je ne me suis jamais sentie inférieure à elles
17:14et pas légitime de ne pas être dans le collectif France.
17:17Il se passe quoi ?
17:18Dans les retours...
17:19Pardon, juste sur cette question,
17:21mais sur les retours que tu as des autres sportives,
17:25même des médias, qui sais, ou des gens qui te parlent de tout ça,
17:28est-ce que tu sens la différence, je dirais, dans leur regard
17:31ou est-ce qu'au contraire, pas du tout ?
17:33Tu fais partie de l'équipe ?
17:35Oui. Alors, au début, quand on rentre dans un collectif et qu'on est différent,
17:38c'est vrai qu'il y a un peu des regards
17:40de la part des sportives, des entraîneurs qui se posent des questions,
17:43mais c'est de la bienveillance qu'ils veulent voir avec nous
17:46si on est capable de faire comme les autres, si on a besoin d'aide.
17:49Et au final, ils se rendent très vite compte
17:51qu'on n'a pas besoin d'aide et qu'on est comme tout le monde.
17:54Et alors là, on devient une sportive normale.
17:57Heidi, il se passe quoi quand tu te rends compte que, oui, toi,
18:01la petite fille qui n'a commencé que finalement il n'y a pas si longtemps,
18:05dont le papa est président d'un club de cyclisme,
18:09t'es championne du monde ?
18:11Il se passe quoi à ce moment-là ?
18:13Je vais te dire ça, celui qui te pose la question,
18:16c'est un vieux crétin de journaliste qui aurait rêvé d'être sportive de haut niveau.
18:19Fais-moi rêver, je t'en prie.
18:22Honnêtement, il se passe tellement de trucs dans la tête,
18:25je pense que cette journée, j'ai plané.
18:27Je ne me rappelle même pas de ce que j'ai fait le soir,
18:29de ce que j'ai mangé, je ne sais même plus si j'ai mangé.
18:32C'était appeler tout le monde, courir partout, faire des câlins,
18:36pleurer, pleurer, pleurer, j'ai fait que pleurer.
18:39C'était tellement incroyable et c'est une émotion que je voudrais tellement revivre.
18:43Il n'y a pas de raison que tu ne la revives pas.
18:45Je vais enchaîner et c'est par rapport à ce que tu disais avant
18:48parce que j'ai vu que tu as toujours cette capacité d'avoir envie de plus
18:51ou de rebondir, notamment quand tu termines deuxième.
18:54Ce jour-là, l'émotion est tellement forte
18:56qu'à aucun moment, tu ne te dises
18:58« ça n'est qu'un maillot de championne du monde junior. »
19:01Non, jamais, jamais je me suis dit ça.
19:03Non, j'étais très fière et tout le monde autour était très fier.
19:06Forcément, ça nous porte aussi.
19:08Je comprends tellement. Salim ?
19:10Tu arrivais à t'y attendre en partant au départ de cette course.
19:15Tu t'attendais à quel résultat ?
19:17Tu avais quel espoir pour la ligne d'arrivée ?
19:19La poursuite par équipe, déjà, ça se joue en tournoi
19:23et plus le tournoi avançait et plus on s'approchait de la finale.
19:26En fait, quand on est arrivé en finale, c'était l'or ou rien.
19:30À aucun moment dans ma tête, je voulais qu'on termine deuxième.
19:33En tout cas, je me suis battue corps et âme pour réussir.
19:37Et quand on a réussi, waouh, c'était tellement beau.
19:40À 17 ans, ça claque.
19:44Depuis cette année, il y a une grande nouvelle
19:45et on voit le nom que tu arbores sur ton T-shirt.
19:48C'est que tu fais partie du Team EDF,
19:51qui est un collectif de sportifs de haut niveau.
19:5434 athlètes en parité hommes-femmes,
19:5728 disciplines olympiques et paralympiques,
19:5915 athlètes paralympiques, 19 athlètes olympiques.
20:02Au total, il y a 56 médailles olympiques et paralympiques, pardon.
20:0769 titres de champions du monde.
20:10Quand on regarde les noms qui ont fréquenté ou qui fréquentent,
20:12on voit du Perrine Laffont, Florent Manaudou,
20:15Marie-Amélie Le Fur, Clarisse Agbenenou,
20:18Pauline Ferrand-Prévot.
20:20Tu te rends compte du cercle que tu as intégré ?
20:23Oui, tout à fait.
20:25Je suivais le Team EDF depuis déjà pas mal de temps
20:28et je voyais les grands noms que j'admire.
20:32C'est vrai que rentrer dans ce collectif aujourd'hui,
20:34c'est tellement une fierté d'être à côté de tels noms.
20:37J'ai envie de faire comme eux, tout simplement.
20:39Ça t'apporte quoi ? Explique-nous en quoi ça consiste d'être dans une telle équipe.
20:44Déjà, ça nous apporte un soutien.
20:47Un soutien, puisqu'on se sent entouré.
20:49Oui, un soutien humain, dans un premier temps.
20:51On se sent entouré, il y a des personnes qui nous comprennent,
20:54on participe à des projets communs
20:56et on a surtout les mêmes valeurs, les valeurs du sport.
20:59Après, c'est aussi un partenaire financier qui m'aide à financer ma saison.
21:03Sans ce partenaire, les saisons seraient compliquées, on le sait.
21:08C'est un tout qui fait que le Team EDF est indispensable pour moi.
21:15Oui, parce qu'il faut le rappeler, pour tous ces athlètes
21:17qui ont une volonté d'acquérir, de gagner des titres olympiques,
21:22beaucoup sont dans la précarité financière.
21:24Et le jour où on a un partenaire qui vous soutient,
21:26ça vous enlève un poids moral phénoménal
21:29qui vous permet d'être absolument concentré sur cet objectif
21:32et de pouvoir arriver avec cette médaille en 2024 à Paris.
21:34Parlons des Jeux, justement.
21:36Toi qui brilles chez les Valides et chez les Andis, comment ça va se passer ?
21:41Parce qu'est-ce que tu peux être inscrite chez les deux ou il faut que tu choisisses ?
21:44Tout à fait, c'est tout à fait possible.
21:46Pour Paris 2024, ça ne sera pas le cas puisque c'est une échéance très tôt
21:50et je ne suis pas encore performante chez les élites Valides.
21:53Mais c'est un rêve que j'ai pour plus tard,
21:55Los Angeles 2028 ou 2032, plus tard peut-être.
21:59Mais en tout cas, c'est un rêve que j'ai qui ne sera pas fait à Paris.
22:02À Paris, je me concentre exclusivement sur le paracyclisme.
22:06Et sur quelles disciplines précisément ?
22:09Je serai alignée sur la poursuite individuelle,
22:12le contre-la-montre et la course sur route.
22:14Salim.
22:16Et du coup, est-ce que ces entraînements,
22:18j'imagine que ces échéances, tu les préparerais de la même manière ?
22:21Les entraînements sont identiques.
22:24Allez, s'il faut poser la question,
22:26est-ce qu'il y en a un des deux qui t'aurait tendu les bras plus que l'autre ?
22:31Si tu avais eu le choix,
22:32est-ce que c'est un choix que tu aurais aimé pouvoir faire ?
22:36Est-ce qu'il y aurait quelque chose que tu aurais voulu choisir ?
22:38Non, je ne peux pas dire que je choisirais
22:40parce que pour moi, les deux sont tellement complémentaires
22:42et j'aime vraiment participer aux deux.
22:44Donc pour moi, je ne peux pas faire des choix.
22:46Que ce soit clair, ce n'est pas pour te faire dire papa ou maman dans l'histoire.
22:50C'est clairement qu'aujourd'hui,
22:52on est sur une si belle communication autour de Paris 2024,
22:56les JOP, Jeux Olympiques et Paralympiques,
22:58que tu représentes parfaitement ce lien qu'il y a entre les deux.
23:01D'ailleurs, je pense que dans le collectif, tu le ressens aussi.
23:04Ça se voit, la manière dont on est construite,
23:06vraiment des athlètes de tous horizons
23:08et un vrai lien, une seule équipe, one team pour 2024.
23:13Tout à fait.
23:14Tu auras 19 ans l'année prochaine.
23:16Ça arrive tôt, très tôt ou tu es prête ?
23:19Alors, c'est vrai que ça arrive très tôt.
23:21Physiquement, je serai prête.
23:22Je serai sûrement moins prête que les années d'après, normalement,
23:26si je continue à progresser.
23:28Mais après, c'est vrai que je me prépare à bloc
23:30pour être au maximum de mes capacités le jour J
23:34et je pense que ça va le faire.
23:36Ça sera à 50 ans, Nivelline ?
23:38Tout à fait.
23:39Comment on peut imaginer, alors pardon d'aller déjà plus loin,
23:42mais en gros, tu nous dis que pour les Jeux de 2028,
23:44qui seront en Los Angeles, en Californie,
23:47tu pourrais concourir chez les Valides et chez les Andis,
23:50mais il y aura des choix à faire.
23:51Tu ne peux pas passer ta journée à pédaler
23:53parce qu'il y a un moment, tu vas laisser trop de force.
23:55Alors, dans l'entraînement, c'est le même entraînement
23:58puisque ce sont tous les deux des épreuves d'endurance.
24:02Donc, de ce côté-là, je ne me fais pas de souci
24:04puisque je travaille déjà la poursuite par équipe.
24:06Même si je ne suis pas dans le collectif Paris 2024 en élite,
24:09je travaille pour le collectif U23.
24:13Donc, normalement, je serai au championnat d'Europe cet été
24:16avec les espoirs.
24:19Donc, je ne l'abandonne pas, la poursuite par équipe,
24:21et ni le Valide.
24:23Non, mais le sens de ma question, pardon Heidi,
24:25c'était comment on peut, sur une même...
24:27Enfin, remarque, non, parce que ce n'est pas en même temps
24:29les Jeux olympiques et les Paralympiques.
24:32Donc, ça veut dire que tu pourrais faire...
24:34Oui, donc ça veut dire que tu pourrais faire
24:35toutes les compétitions chez les Paras,
24:37puis toutes les compétitions chez les Valides.
24:39Enfin, plutôt l'inverse.
24:40C'est l'inverse, oui.
24:41Tout à fait, parce qu'il y a un mois d'écart entre les deux.
24:43Oui. Salim.
24:45Voilà.
24:46Non, c'est ce que je te disais, c'est que c'est l'inverse,
24:48mais a priori, c'est une première.
24:51Donc, ça, je ne saurais pas dire, d'ailleurs,
24:52mais est-ce que tes entraîneurs, ils t'ont déjà...
24:55Vous avez déjà abordé ce sujet ensemble ?
24:57Ce n'est pas quelque chose qui leur paraît trop proche
25:00ou trop ambitieux ?
25:02Alors, c'est vrai qu'on travaille avec des pics de forme.
25:05Donc, faire deux pics de forme à deux mois d'intervalle
25:07pourrait être plus ou moins compliqué,
25:09mais c'est vrai qu'un pic de forme peut durer
25:11plus ou moins trois semaines, en général.
25:12Donc, normalement, avec un calcul, c'est plutôt jouable.
25:16Et puis, après, ça se tente.
25:19Et puis, les défis, ça ne te fait pas peur, a priori ?
25:21Non, on verra bien. Voilà.
25:22Non, mais surtout, il y a une chose,
25:24et à mon avis, tu t'es déjà dit
25:25ou tu t'es déjà posé la question plusieurs fois,
25:27c'est que si t'es titré à Paris, chez les Andis,
25:32t'as les médailles, t'arrives quatre ans après à Los Angeles,
25:35ça commence par les Valides.
25:37Si là, tu rechoppes la médaille, j'ai presque envie de te dire,
25:40tant mieux si tu arrives à enchaîner avec les Paras,
25:44mais au moins, t'auras déjà fait les deux.
25:46Oui, bien sûr. Bien sûr, tout à fait.
25:49Je voudrais juste, avant qu'on conclue,
25:51comprendre, là, tu es au Pays basque,
25:55au centre qui s'appelle comment ?
25:57Parce que j'ai l'impression, franchement,
26:00je vois la terrasse, les palmiers derrière et tout,
26:02vous avez l'air super bien, ou les bananiers.
26:04Oui, ça s'appelle le pôle espoir de paracyclisme.
26:09Franchement, ils font bien les choses.
26:11C'est une structure qui accueille des paracyclistes dans une maison.
26:16C'est une maison qui appartient au pôle.
26:20Ici, on est en totale autonomie.
26:22On fait à manger nous-mêmes, on participe aux gâteaux,
26:28on participe aux tâches ménagères et on vit en autonomie complète au pôle.
26:33Génial. Et vous, vous entraînez où, après ?
26:36On s'entraîne ici, sur place, ou on va à Bordeaux, au Vélodrome.
26:41Sinon, la route dans les alentours de Hurte.
26:44Parfait. Eh bien, merci beaucoup.
26:46Salim, tu as une dernière question ?
26:48Non, c'est formidable et c'est des choses,
26:49on est passé rapidement sur ton âge, mais c'est vrai que tu as 18 ans.
26:53C'est des choses, tu as des titres, ça t'a fait bouger jusqu'à Tel Aviv.
26:57Il y a eu des choses formidables.
26:59Le sport a dû te faire gagner une maturité assez exceptionnelle.
27:04Et je pense que c'est renforcé par tout ça,
27:08par le fait d'être en autonomie déjà à ton âge.
27:12Et dans ces conditions-là, c'est formidable qu'ils vous mettent tout ça entre les mains.
27:15C'est ça. De toute façon, le sport fait grandir.
27:17On le sait très bien et ça amène à de très belles choses.
27:20Et en tout cas, je suis très chanceuse d'être sportive de haut niveau aujourd'hui.
27:24Eh bien, on va te souhaiter plein de très belles choses pour la suite,
27:27en tout cas, quoi qu'il en soit.
27:28Mes deux amis retraités sportifs de haut niveau, je vous salue alors.
27:32Puisque ça fait vieillir.
27:35Je vous embrasse, Heidi, merci infiniment.
27:37Super discours, bravo, et on te suit.
27:39Et puis, évidemment, tu reviendras nous voir en plateau avec des médailles autour du cou.
27:43J'ose pas te demander lesquelles.
27:47Salut, Heidi, merci.
27:48Merci, au revoir.
27:50A bientôt. Salut, Salim. Merci à vous toutes et à lui tous pour votre fidélité.
27:53Je vous donne rendez-vous très bientôt. Bonne soirée. Bye-bye.
27:58Sous-titrage ST' 501