C’est un événement sportif diffusé dans près de 200 pays dans le monde entier, la compétition la plus regardée après les Jeux Olympiques et la Coupe du monde de foot, une institution en France depuis plus d’un siècle.
Mais alors, comment expliquer cette drôle d’histoire d’amour entre la Grande Boucle et les Français ? Comment la compétition a-t-elle toujours su être en phase avec nous ?
Et le Tour résistera-t-il aux nouveaux enjeux de l’époque ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat.
Année de Production : 2023
Mais alors, comment expliquer cette drôle d’histoire d’amour entre la Grande Boucle et les Français ? Comment la compétition a-t-elle toujours su être en phase avec nous ?
Et le Tour résistera-t-il aux nouveaux enjeux de l’époque ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat.
Année de Production : 2023
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00:00Le Tour de France, une passion française, un documentaire signé Jean-Louis Pérez, quand le Tour entre en résonance avec la grande histoire.
00:07Existe-t-il d'autres compétitions aussi populaires et qui s'adaptent autant aux évolutions sociétales ?
00:14Ça fait partie des questions qu'on va se poser avec nos invités Jean-Jacques Lozac.
00:18Bienvenue à vous, vous êtes sénateur socialiste de la Creuse, membre de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport,
00:24rapporteur pour avis du budget sport au Sénat, grand connaisseur du Tour de France et professeur d'EPS, de profession, c'est une précision utile aujourd'hui.
00:32Béatrice Houchard, bienvenue à vous également, journaliste politique et grande amatrice de vélo, spécialiste du Tour de France vous aussi,
00:39autrice de ce livre, Le Tour de France et la France du Tour, paru chez Calman Levy.
00:43Vous parlez-vous d'osmose entre la grande boucle et les français, on y reviendra.
00:47Gérard Rolz, bienvenue à vous, journaliste sportif, vous avez couvert pendant plus de 40 ans tous les événements sportifs pour France Télévisions.
00:54Le Tour de France en fait partie. Avec votre fils, Julien Holtz, vous avez publié une série de livres sur toutes ces grandes compétitions.
01:01Il y a eu les 100 histoires de légendes du Tour de France et très récemment, ce beau livre, Légendes des jeux, paru aux éditions Grunt.
01:09Jean-Paul Vespini, bienvenue à vous également, journaliste, écrivain, vous avez couvert une vingtaine de Tours de France, vous avez créé une revue nationale de cyclisme, Vélo-Légendes.
01:17Vous avez écrit de très nombreux ouvrages sur le sujet, je vais citer
01:211903, l'épopée du premier Tour de France, chez Mareuil Editions, ou encore les 60 Tours de France de Raymond Poulidor.
01:28Merci à tous les quatre d'être ici.
01:30Disons-le d'abord, on a pris beaucoup de plaisir à revoir toutes ces images d'archives et même à en découvrir quelques-unes, c'est vraiment une des forces du documentaire.
01:38Remonter jusqu'en 1903 avec des coureurs cyclistes roulant sur des chemins cabossés, des routes impraticables, avec des vélos pesant parfois plus de 20 kg.
01:47Jean-Paul Vespini, justement, est-ce que le secret de la popularité du Tour de France réside au départ dans ce côté artisanal, dans ce sens de l'effort qu'ont les coureurs ?
01:58Oui, le sens de l'effort est très important.
02:00Mais si l'on situe le Tour de France à ses débuts, au départ il n'était pas populaire parce que le cyclisme c'était un cyclisme sur piste, ce n'était pas un cyclisme sur route.
02:12Et lorsque le Tour a été créé, l'organisateur se demandait si les coureurs étaient capables de faire le Tour de France pendant, ça a duré à peu près 20 jours, et d'affronter les difficultés qui étaient prévues.
02:24Donc le Tour est parti comme ça, à l'aventure, avec des coureurs qui, excepté quelques-uns comme Maurice Garin, Hippolyte Coturier ou d'autres, n'étaient pas des champions.
02:33C'est pour ça qu'on ne citait pas souvent que le nom des champions, des participants, mais on disait le boucher de sens, où on accolait leur profession et la ville.
02:44Voilà le petit ramoneur pour Garin, mais c'est vrai que Garin, lui, il était déjà le favori.
02:49Béatrice Houchard, moi j'ai retenu cette phrase dans le documentaire que j'ai trouvé très belle.
02:53Les Français, épuisés par des journées sans repos, trouvent en ces champions une incarnation positive de l'effort qui dicte leur quotidien.
03:00Est-ce que l'engouement général est venu au tout début, en tout cas, de cela, d'une identification à des coureurs qui étaient un peu comme eux, et qui avaient ce sens-là de la résistance à l'effort ?
03:09Effectivement, comme vous le disiez, ce n'est pas venu tout de suite, c'est venu progressivement.
03:14Il y a même, je crois que c'est en 1930, les organisateurs se demandent ce qu'il va falloir faire pour relancer l'intérêt du Tour, parce que l'intérêt a un petit peu baissé,
03:22d'où la création des équipes nationales et de la caravane publicitaire sur deux terrains différents.
03:27Est-ce que c'est de l'identification ? Je pense qu'il y a de l'admiration en disant comment ils font pour faire des exploits pareils.
03:36Je pense qu'au départ, c'est sans doute ça, peut-être l'envie de s'identifier, mais beaucoup l'admiration pour ces champions.
03:41Il me semble que, malgré, on en parlera sans doute, les affaires, les scandales, cette admiration, comme disent les gens, même le dernier, il a du mérite.
03:49Qu'est-ce que c'est dur ? Pour résumer d'une manière...
03:51Pour les premiers Tours, c'est vrai, je suis complètement d'accord avec vous, pour les premiers Tours, ça ne marchait pas du tout.
03:56Il y a eu une opposition, même, on leur a jeté des pierres aux coureurs, les premiers temps, parce que le spectacle, il était dans les vélodromes.
04:01Il y avait des clous sur la route en 1904.
04:04Entre autres, mais autour de Paris, il y avait des vélodromes, à La Cipale, Buffalo, Le Vel d'Hivre, plus tard, et surtout, on voyait le spectacle,
04:13on avait tout le spectacle devant les yeux, et là, les spectateurs avaient vraiment le grand spectacle du sport.
04:18Et puis, au moment où ils ont lancé le Tour de France, ils se sont dit, on ne va pas les voir, ils vont faire 470 kilomètres,
04:25c'est un vrai coup de poker d'Henri Dégrange pour lancer son fameux journal, là, et ce qui a basculé, c'est le côté suspense, le côté récit, le côté roman, donc le côté légende.
04:36C'est ça qui donne ce coup, les spectateurs, les lecteurs de l'auto se sont dit, ah oui, mais alors, ce qu'ils font, c'est quand même exceptionnel, vraiment, vraiment,
04:44et là, ça rejoint le goût de l'effort.
04:46Et puis on entend aussi, pardonnez-moi, une dame dirait à un moment donné, et oui, puis l'événement vient à nous, on entend des gens de la ruralité, Jean-Jacques Lodax aussi.
04:53– C'est une compétition intrinsèquement liée à la ruralité, aux campagnes qui ne se sentaient pas spécialement ni observées, ni valorisées, ni regardées.
05:00– Oui, tout à fait, c'est un spectacle qui vient à la rencontre des Français, et d'ailleurs, très souvent, on dit, le Tour de France, c'est le plus grand stade du monde.
05:07Mais je reviens sur ce qui a été dit au préalable, je pense que le phénomène de l'identification, le phénomène du mi-midi, c'est absolument essentiel,
05:14parce que le cyclisme, c'est le vélo, et tout le monde a fait du vélo, tout le monde fera du vélo.
05:19Donc je crois qu'il y a un lien, effectivement, entre cette pratique de tous les jours, cette pratique quotidienne, et d'autre part, le sport de très haut niveau,
05:26parce que là, quand on parle du Tour de France, il s'agit de la haute performance, et à partir du moment où on fait du vélo,
05:31on sait que le cyclisme est un sport de douleur, de souffrance, donc il y a aussi, à la fois de l'identification,
05:37et puis une sorte de complaisance vis-à-vis de ces coureurs, et puis aussi, ne l'oublions pas, si le Tour de France fait partie du récit national, comme on dit,
05:46c'est parce qu'il revient chez nous, chaque année. On parle des trois Gésies, les grands événements sportifs internationaux,
05:54qui sont d'ailleurs tous les trois de création française, avec les Jeux Olympiques et la Coupe du monde de football,
05:58mais la grande différence entre le Tour et les autres, c'est qu'il revient chaque année, notamment chez nous, par les retransmissions télévisées et la radio.
06:07Oui, sa régularité fait aussi sa force, oui.
06:09Oui, pour revenir à l'identification, Roland Barthez disait que c'était un mythe absolu, le Tour de France,
06:15mythe de la représentation par les coureurs et mythe de l'identification par les gens qui voient passer le Tour de France.
06:22Je voudrais rebondir juste un court instant sur ce qu'on a dit au départ, parce qu'effectivement, ce n'a pas été facile dès le départ,
06:28puisqu'en 1904, à la deuxième édition, Henri Desgrange titre son éditorial « La fin du Tour de France ».
06:34Parce qu'il y a eu deux événements qui l'ont, disons…
06:39Abîmés ?
06:39Abîmés. C'est, d'une part, dans le col de la République, les supporters voulaient défendre un coureur qui s'appelait Fort,
06:47et ils ont attaqué le Tour de France à coups de gourdins, et les organisateurs qui avaient été pistolés, enfin les revolvers, ont dû tirer en l'air pour se défendre.
06:54Et quelques jours plus tard, la même scène se reproduit à Nîmes contre un coureur qui s'appelle Payan.
07:00Et là, Henri Desgrange s'en rend compte que les passions exacerbées, que l'on retrouvera plus tard ensuite au Tour de la Guerre avec le chauvinisme,
07:09s'en rend compte que son Tour de France, qui est difficile à organiser, ne tient pas la route.
07:14Il écrit « C'est la fin du Tour, les passions sont trop fortes ».
07:17Et puis, bien sûr, en 1905, le Tour de France continuera, et seule la guerre l'arrêtera.
07:24– Ça rejoint quand même un peu ce que vous disiez, Gérard Roll, sur l'aventure, le suspense.
07:28Nicolas Sarkozy parle d'épopée aussi du Tour de France.
07:30On est quand même dans une compétition où on ne sait pas comment ça va se passer, comment ça va se terminer.
07:33– Ce qui est extraordinaire, c'est que cette légende, cette épopée, passe devant les maisons.
07:37– Oui, c'est ça.
07:38– Et sur les routes, ils empruntent tous les jours, et que c'est gratuit.
07:41Ça, c'est les bases de sa popularité.
07:43C'est gratuit, contrairement aux autres événements, les grands.
07:46Ça passe sur les routes de campagne, là où ils vont tous les jours à l'école, où ils vont travailler dans les champs.
07:52Là, c'est devant, la légende qui passe là.
07:56Quand j'invite des amis, moi, à voir le Tour de France sur le bord de la route, ça arrive encore aujourd'hui.
08:00Je leur dis, sentez la crème chauffante, écoutez le bruit des nouveaux vélos, maintenant.
08:08Parce que tout ça, ça fait partie d'un très très grand spectacle,
08:11dont évidemment la caravane, qu'on revoit très bien avec l'explication qu'on a vue dans le documentaire.
08:16– Et quand on traverse certaines communes, on a l'impression,
08:19quand on est en voiture, Gérard sait ça beaucoup mieux que moi,
08:22on a l'impression que tout le monde est sorti, que toute la population est là,
08:26y compris des gens qui ne se passionnent pas forcément pour le Tour,
08:28et qui peut-être même le soir, ne regarderont même pas qui a gagné l'étape et qui est maillot jaune.
08:33En plus, petit problème, maintenant, on reconnaît beaucoup moins bien les coureurs,
08:36avec les casques et les lunettes, quand ils passent devant vous,
08:39bon, le maillot jaune, les jaunes, ça doit être un tel ou un tel, Pogacar ou Van Der Poel,
08:44mais tout le monde est là, et tout le monde est heureux d'être venu voir
08:48cette espèce de monument ambulant, en fait, qu'est le Tour de France.
08:52– Oui, Jean-Jacques Lezac.
08:53– Oui, je crois que ce qui est également très intéressant,
08:55c'est que le Tour de France crée bien évidemment des passions, des intérêts, des attentes,
09:00qui sont liées à la performance sportive elle-même, aux résultats, à la compétition,
09:04mais également un certain nombre d'intérêts annexes, d'intérêts complémentaires.
09:07Je me souviens d'une étude selon laquelle on interrogeait les Français,
09:11pourquoi vous passez autant d'heures devant le téléviseur l'été à regarder le Tour de France,
09:16et curieusement, dans les réponses, ce qui arrivait en numéro un,
09:19ce n'était pas le suivi de l'étape, mais c'était, eh bien, on a vu la France vue du ciel.
09:24– Les paysages, eh oui.
09:26– Le tour de la France, c'était la France des sous-préfectures,
09:30les villes petites et moyennes, les espaces ruraux, c'est ça qui passionne aussi les foules.
09:34– Presque du tourisme à la télévision.
09:36– Les confidences que j'ai eues de la part des derniers présidents de la République
09:40à qui j'ai fait parler du Tour de France, à chaque fois, ils m'ont dit,
09:43on arrêtait de travailler, et surtout Sarkozy d'ailleurs, Sarkozy à Bruxelles,
09:48on arrêtait de travailler, moi j'arrêtais les grandes réunions pour regarder le Tour de France,
09:51mais tout, François Hollande, pareil, avec son grand-père, il regardait,
09:54Jacques Chirac aussi, il regardait, ils ont tous regardé,
09:57Macron qui connaît bien le vélo, pareil, il regardait, il regardait tout.
10:00À un moment, la France s'arrête pour regarder le Tour et le vivre,
10:047 heures sur le bord de la route en moyenne, 7 heures les chiffres.
10:08– Et on n'a pas parlé des duels qui ont entretenu aussi la légende Jean-Paul Vespini,
10:11évidemment je pense à Poulidor et Anctil, peut-être vous allez nous dire un mot
10:14parce que vous avez aussi bien connu ce sujet,
10:15mais les duels ont entretenu cette passion ?
10:18– Bien sûr, parce que c'est ce qui alimente la légende et le lyrisme des journalistes,
10:23pourquoi le Tour a du succès ?
10:24Parce que pendant très longtemps, c'est la presse écrite
10:26qui a raconté le Tour de France, il n'y avait pas d'image.
10:29Ensuite est arrivée la radio, Gérard parlait tout à l'heure du bruit des vélos,
10:33mais la radio, la première chose qu'elle a faite, la TSF,
10:35lorsqu'elle est arrivée sur le Tour de France,
10:36elle faisait écouter le bruit des roues aux auditeurs qui ne savaient pas.
10:42À cette époque-là, on ne voyait pas d'image,
10:44et du jour au lendemain, on entendait le bruit du peloton.
10:46Et puis bien sûr est arrivée une radio plus développée
10:49et la télévision qui a embelli le mythe et qui nous a fait voir,
10:53je pense par exemple, c'est le fameux duel en qui le poudreur se pute dans,
10:56mais il n'y a pas que celui-là, qui nous a fait voir les drames aussi.
10:59Et Dieu seul sait si les drames sont aussi à l'origine de cette passion pour le Tour de France,
11:04parce que le public s'identifie au champion qui gagne ou à celui qui perd et qui souffre.
11:10Et cette souffrance-là, comme c'est dit un peu dans le documentaire,
11:13les gens se disent, mais si le coureur cycliste souffre comme ça,
11:15nous aussi, alors, paysans ou autres dans un autre métier,
11:18on peut y arriver, on peut accéder à ça.
11:20– Une compétition très humaine finalement, on est vraiment dans l'humain.
11:24Vous, vous avez une histoire particulière et aussi un peu personnelle
11:26avec le Tour de France, Jean-Jacques Lozac, à bercer votre enfance.
11:30– Oui, tout simplement, parce que j'habite le village natal de Raymond Polidor
11:34et que je l'ai bien connu, et c'est vrai que le Tour de France
11:36a besoin de ces duels chevaleresques, en quelque sorte.
11:40Et c'était copie Martelly à un certain moment,
11:43et ça a été Polidor-Anquetil qui avait coupé la France en deux,
11:47en quelque sorte, et avec deux personnalités quand même très différentes.
11:51Très différentes, avec Anquetil qui était très calculateur,
11:56assez cynique, qui mettait en avant le gain de l'argent, quand même.
12:00– On sait dans quel camp vous êtes !
12:01– Oui, ce camp n'est pas un bon sport.
12:03– Polidoriste !
12:03– Qui disait qu'il ne courrait pas pour gagner une médaille.
12:05– Vous êtes antiliste, parce qu'il y a les antilistes et les polidoristes.
12:08– Moi, polidoriste, oui.
12:09– Il y a Nadal chez Desraires.
12:10– C'est vrai.
12:11– On est en train de réveiller là quelques dilemmes.
12:15Et puis, effectivement, Polidor qui était quand même d'une grande simplicité,
12:19d'une grande humilité, donc deux comportements différents
12:22qui alimentaient les controverses jusqu'à cette fameuse ascension
12:26en juillet 1964 du Puy de Dôme,
12:29qui est quand même un événement très fort dans l'histoire du Tour de France.
12:33– Je pense qu'on n'imagine pas aujourd'hui l'acuité de ce duel.
12:38Dans les familles, les gens se disputaient le dimanche autour du boulet roti.
12:42– Avec des audiences plus fortes quand il y a des duels.
12:44Par exemple, vous avez couvert, vous, ces événements.
12:46– C'est la base du sport, c'est la base de la compétition, les duels, depuis toujours.
12:50Ça a été Prost-Sénat, c'est Borg-McEnroe,
12:53puis même dans le grand passé, même avec les frères Pellissier.
12:58Le duel alimente, parce qu'on se projette dans un ou l'autre pour X raisons.
13:05L'un, parce que justement, Poulidor était de la campagne « normale »,
13:10bosseur-travailleur, simple dans ses rapports avec tout.
13:14– Et humble.
13:15– Et qu'Anctil sortait son…
13:17– C'était le bourgeois de la compétition.
13:20– Un peu, un peu.
13:21On le voit bien d'ailleurs dans le documentaire.
13:22– Oui, c'est vrai que voir Anctil avec son bateau un petit peu à la Maupassant,
13:26parce qu'après il a habité le fameux château de Guillemaupassant,
13:30c'était un aristocrate.
13:31Mais je voudrais, si c'est possible, rebondir sur cette rivalité.
13:34Anctil-Poulidor, parce qu'on ne se rend pas bien compte
13:37à quel point les deux coureurs ont subi quelque chose.
13:40C'est-à-dire que Poulidor sentait qu'il n'était pas aimé par le clan Anctil.
13:44Anctil ne voulait pas entendre parler de Poulidor.
13:46Et il était, dans cette optique, soutenu par son directeur sportif, Raphaël Gemignani.
13:52Et j'ai eu la confidence, c'est un des confidents d'Anctil,
13:55qui s'appelle Lucien Hemart, qui a gagné le Tour de France en 1966,
13:58qui a été à l'origine de leur rapprochement.
14:00C'est-à-dire qu'à l'issue d'un critérium, il a dit à Raymond Poulidor,
14:05qui déjeunait dans un restaurant,
14:07eh bien je vais t'emmener Jacques et Raphaël Gemignani.
14:11Et ils se sont retrouvés ensemble au pied du mur.
14:12Et au cours de cet échange, Anctil a dit,
14:15mais dis-donc, Poulidor n'est pas celui qu'on m'a raconté, c'est quelqu'un d'autre.
14:19Et c'est comme ça que les deux coureurs ont commencé à s'estimer.
14:21Ils se sont très bien estimés, puisqu'après la compétition, ils étaient très copains.
14:24Ils jouaient ensemble aux cartes et la rivalité était dépassée.
14:28Le Tour a aussi été frappé par des polémiques, par des scandales, par des drames.
14:32Le film ne l'évoque pas, mais la compétition a quand même vécu un tournant en 1967,
14:36le 13 juillet.
14:37Tom Simpson, coureur britannique, qui s'écroule en plein Tour.
14:40Il meurt à deux kilomètres du sommet du Mont Ventoux.
14:43Les Français le voient quasiment mourir en direct à la télévision.
14:46On comprendra très vite que la chaleur, l'effort physique intense
14:49et le dopage ont causé son arrêt cardiaque.
14:52Ce qui nous amène...
14:54Et l'alcool.
14:56Ce qui nous amène à parler du mélange...
14:58Au pied du Mont Ventoux.
15:00Ce qui nous amène à parler aussi des points négatifs de ce Tour,
15:03et notamment de ce dopage dans le cyclisme.
15:06Impossible de l'éluder, même si ça égratigne un peu la légende.
15:10C'est l'affaire Festina en 1998 qui fait vraiment l'effet d'un tremblement de terre.
15:13Et ça, le documentaire en parle assez longuement.
15:15Je voudrais qu'on regarde un petit extrait.
15:17C'est lamentable.
15:19C'est triste pour le cycliste.
15:21Franchement, c'est triste pour le cycliste.
15:24On ne peut pas leur faire monter 3 ou 4 grands cols
15:26avec 2 hauts déviants.
15:28C'était une période absolument terrifiante
15:30parce que non seulement
15:32on n'arrivait plus à comprendre ce qui se passait concrètement,
15:34mais il n'y avait plus de possibilité
15:36de juger de la valeur des coureurs entre eux.
15:38C'était une période terrible.
15:40Absolument terrible.
15:42Une période terrible et un tournant ou pas,
15:44l'affaire Festina ?
15:46J'ai un petit commentaire à faire sur le documentaire.
15:48Il y a une phrase qui m'a un peu heurté
15:50à propos du doping.
15:52Elle dit qu'il y a une période
15:54où les grands groupes bancaires
15:56ou d'assurance arrivent dans le vélo
15:58et que ça oblige à se dépasser
16:00et à augmenter la vitesse,
16:02les performances.
16:04Pour moi, c'est complètement faux.
16:06Comme une année aussi où dans le Nouvel Obs,
16:08on nous a accusé, nous télévision,
16:10de vouloir le doping pour avoir des courses
16:12qui allaient encore plus vite ou des choses comme ça.
16:14Pour moi, ce n'est pas bien.
16:16Ce n'est pas bien de mettre les deux choses...
16:18Il y a ce passage assez long sur Bernard Tapie
16:20qui arrive et qui...
16:22Il a révolutionné le vélo.
16:24Il a mis un zéro de plus,
16:26peut-être même plus pour certains salaires.
16:28Le cas Tapie, c'est autre chose.
16:30Mais ça n'a pas augmenté
16:32le phénomène du doping.
16:34Ce n'est pas parce que...
16:36Le fait qu'il y ait plus d'argent
16:38ne crée pas plus de compétition.
16:40Non.
16:42Il y a une fuite en avant pour la compétition
16:44pour aller plus vite,
16:46pour aller plus fort.
16:48On revient aux Jeux Olympiques.
16:50De dire que c'était
16:52concomitant, non.
16:54En revanche,
16:56l'affaire du doping,
16:58sur le Tour de France, d'abord,
17:00tous les sports sont touchés par le doping.
17:02Ça, c'est la première chose.
17:04Depuis toujours, dans mon livre sur les Jeux Olympiques,
17:06j'explique que dans le jeu de l'Antiquité,
17:08on se dopait déjà avec de l'hydromel
17:10et avec de la sauge,
17:12ensuite avec du hashish, du ginseng, etc.
17:14Tous les sports.
17:16Dans les premières courses cyclistes,
17:18on a commencé à prendre du doping.
17:20Le premier vainqueur de Bordeaux-Paris
17:22est mort trois mois après.
17:24Il avait pris de la strychnine et de l'atropine.
17:26C'est vrai que l'affaire Festina,
17:28là, c'est une énormité,
17:30parce qu'on s'est rendu compte à ce moment-là,
17:32alors qu'on se doutait, évidemment,
17:34que depuis toujours, Jacques Anquetil
17:36avait été pris à des amphétamines.
17:38Il ne se cachait pas.
17:40Il le disait.
17:42Il l'a dit à un ministre un jour.
17:44Il avait pris des proportions
17:46où les gars mettaient beaucoup de sous sur la table
17:48et que le soigneur allait en Suisse,
17:50en Luxembourg, en Belgique,
17:52chercher des produits.
17:54C'est-à-dire que l'aspect
17:56organisation-trucage
17:58à un tellement haut niveau
18:00que là, on a tous été...
18:02C'est pas lié à l'arrivée
18:04de l'argent et des grandes entreprises ?
18:06En 1924, Albert Londe,
18:08quand il suit le Tour de France,
18:10va voir les frères Pellissiers
18:12pour la cocaïne, la chlorophylle,
18:14pour les gencives, etc.
18:16Mais le problème du dopage et l'affaire Festina,
18:18c'est que les coureurs se sont retrouvés
18:20dans une spirale, c'est-à-dire qu'ils savaient
18:22que s'ils ne prenaient pas ce fameux produit
18:24qui est l'EPO, ils étaient en dessous.
18:26Et l'énormité
18:28de l'affaire Festina, c'est que la molécule
18:30qui arrive, l'EPO, est une molécule révolutionnaire
18:32parce qu'elle permet aux coureurs
18:34de récupérer d'une façon
18:36extraordinaire
18:38et de ressentir moins d'efforts.
18:40Et puis d'un seul coup, les coureurs avec les chevilles
18:42un peu amples et qui étaient moins essoufflés,
18:44on ne comprenait pas, nous journalistes,
18:46réellement, ce qui se passait. C'était compliqué de pouvoir dire
18:48il se dope si vous n'avez pas de preuves.
18:50Vous ne pouviez pas le dire, mais vous pouviez le penser.
18:52Mais on le pensait. Ce qui est certain,
18:54c'est que lorsque,
18:56après l'affaire Festina, j'ai eu la chance de faire
18:58un livre avec Richard Viranque, où il a
19:00reconnu les faits et où on a raconté
19:02ce qui se passait, et Richard me disait
19:04quand j'ai continué
19:06le Tour de France, ensuite, à l'Auclair,
19:08je faisais un exploit
19:10dans le Tour et c'était terminé.
19:12Après, je me rangais, je me mettais au fond du peloton et terminé.
19:14Et est-ce qu'il vous a dit s'il l'avait fait un peu pour l'argent
19:16ou seulement pour les prouesses sportives ?
19:18Je crois qu'il n'y a pas que l'argent.
19:20Pas que, mais il y a aussi.
19:22Si on compte les résultats
19:24et que le résultat amène l'argent, on peut dire que c'est l'argent,
19:26mais ce n'est pas l'argent. C'est que le coureur a envie
19:28d'être au plus haut niveau
19:30et d'être compétitif. Et il se rend compte,
19:32c'est un piège, c'est une spirale, que s'il ne fait pas ça,
19:34et je ne défends pas l'opage, attention,
19:36je tiens à préciser, je ne défends pas l'opage,
19:38j'essaie de constater et d'expliquer.
19:40Il se rend compte que s'il ne fait pas ça, ça ne marche pas.
19:42C'est pour ça qu'on peut pratiquement dire,
19:44je ne l'avais pas accusé, mais que sur le Tour de France
19:4698, on voyait, Gérard,
19:48souviens-toi, on voyait les coureurs d'étape
19:50en étape partir, quitter le Tour.
19:52Une équipe après l'autre quittait le Tour.
19:54Pourquoi toutes les équipes quittaient le Tour ?
19:56Parce qu'elles savaient très bien qu'elles étaient toutes dans le même cas.
19:58Jean-Jacques Levy.
20:00Il faut rappeler quand même que c'est à la fois un problème
20:02de santé publique et d'équité sportive.
20:04Et c'est vrai que tous les sports sont concernés
20:06par le dopage.
20:08Tous les sports, que ce soit les sports collectifs,
20:10les sports individuels, olympiques, non olympiques,
20:12très médiatisés ou pas médiatisés du tout,
20:14il y a même du dopage dans des compétitions
20:16scolaires ou universitaires,
20:18d'où notamment la commission d'enquête parlementaire
20:20sur l'efficacité de la lutte anti-dopage
20:22qu'on avait conduite ici au CEDA.
20:24Et on en arrive à la conclusion...
20:26Et qui disait, pardon de vous interrompre,
20:28que ce n'était pas le cyclisme le plus touché.
20:30Non, et c'est pourtant là où il y a le...
20:32C'est le plus contrôlé.
20:34Et depuis le plus...
20:36C'est là où il y a le plus de contrôle.
20:38Mais c'est vrai qu'il y avait aussi,
20:40tout à l'heure vous le disiez, une sorte de culture du dopage
20:42quand même dans le cyclisme depuis
20:44très longtemps et je pense qu'aujourd'hui
20:46la lutte anti-dopage est plus efficace
20:48qu'elle ne l'était auparavant et qu'il y a moins
20:50de coureurs qui passent à travers les mailles du filet.
20:52Mais il y a quand même
20:54un épisode dans cette histoire
20:56du dopage qui est tout à fait particulier,
20:58me semble-t-il, c'est la période d'Armstrong.
21:00Parce que là, c'était pas
21:02simplement du dopage, je veux dire.
21:04Pendant très longtemps, on s'est dit,
21:06bon, effectivement, quand on voyait l'aisance
21:08avec laquelle Armstrong grimpait l'école,
21:10il y a quelque chose qui ne va pas. Et on pensait qu'il avait
21:12trouvé le produit miracle. Tout le monde pensait ça.
21:14Le produit qui passe à travers
21:16les contrôles et puis en réalité
21:18pas du tout, il avait mis en place tout simplement
21:20un système.
21:22Un système, effectivement, de
21:24pression, d'intimidation.
21:26C'est Fotorino qui parle de dérive mafieuse
21:28à ce moment-là dans le pôle d'automne.
21:30Donc, c'était beaucoup plus là que
21:32la simple prise de dopage.
21:34Il fallait absolument que les pratiques
21:36d'Armstrong soient mises sur
21:38la place publique et soient condamnées.
21:40Bon, il a perdu, effectivement,
21:42le bénéfice de ces sept
21:44maillots jaunes. Mais je suis
21:46convaincu que, par exemple, toute cette
21:48génération de coureurs cyclistes
21:50français actuellement sont des
21:52coureurs, me semble-t-il, qui sont propres.
21:54Ils ont été volés.
21:56Ils ont été volés parce
21:58qu'ils se sont retrouvés avec des coureurs qui étaient
22:00dopés avec eux. Et beaucoup n'ont
22:02pas pris de produit.
22:04Vous savez, dans le jargon du vélo, on dit comme ça,
22:06on est accroché comme ça quand on a
22:08du mal à suivre le peloton.
22:10Il y a beaucoup de Français contrôlés
22:12et qui, eux, n'ont pas pris de produit
22:14et qui ont été volés. L'affaire Armstrong,
22:16à aucun moment, il a été pris
22:18par le contrôle antidopage.
22:20C'est ça aussi qui est extraordinaire. Pendant plus de sept ans,
22:22une fois, le journal Le Monde a sorti
22:24qu'il avait pris une pommade avec des corticoïdes.
22:26Je l'ai interrogé dans le Véloclub.
22:28Expliquez-moi pourquoi
22:30c'est sorti aujourd'hui.
22:32Il a expliqué qu'il avait pris une pommade parce qu'il avait mal,
22:34qu'il avait été blessé, etc. Il m'a mis la main sur l'épaule
22:36à la fin du Véloclub en disant, Gérard,
22:38plus jamais je reviens dans ton émission.
22:40Et il m'a boycotté pendant trois ans et demi.
22:42Il tournait le dos.
22:44Il me dit, je ne viens pas ici pour parler
22:46de doping. Et il n'a jamais été pris.
22:48C'est les dénonciations de ses anciens
22:50coéquipiers, Tyler Hamilton,
22:52entre autres, et
22:54Floyd Landis,
22:56qui l'ont mise sur la place publique
22:58en disant, oui, on prenait des produits.
23:00Pourquoi ? Parce qu'il a arrêté de leur donner de l'argent.
23:02C'est ça, le côté mafieux.
23:04Il leur donnait beaucoup de sous pour passer à travers.
23:06Il avait tout un système.
23:08Savoir quand il a été contrôlé.
23:10Prendre des produits masquants.
23:12Retarder le moment
23:14du contrôle le matin. Il avait comme ça
23:16dix possibilités de sortir.
23:18Il a fallu attendre 2013
23:20pour qu'il l'avoue.
23:22Tout cela fait que cyclisme et dopage sont associés.
23:24Est-ce que c'est injuste ?
23:26Oui, c'est totalement injuste.
23:28Si vous faites une émission sur le tennis,
23:30vous ne passerez pas 20 minutes à parler du tennis.
23:32Il y a eu des affaires.
23:34Vous venez de le dire.
23:36Il y a eu un système.
23:38Il y a eu une période de cocaïne dans le tennis,
23:40à l'époque de Gareulitis, entre autres.
23:42Pourquoi ce procès d'intention fait au cyclisme ?
23:44Pourquoi ?
23:46Je ne suis pas sûre d'avoir la réponse.
23:50Les élites n'aiment pas beaucoup le cyclisme.
23:52Pourquoi ?
23:54C'est un sport populaire.
23:56On ne va pas faire de politique, ce n'est pas le moment.
23:58Parce qu'il y a eu des drames.
24:00Oui.
24:02On se parlait de Tom Simpson, mort devant les caméras.
24:04Contrairement à ce qu'on dit beaucoup,
24:06ce n'est pas tout à fait la réponse
24:08à votre question.
24:10On a beaucoup dit qu'il y a eu
24:12omerta totale pendant des dizaines d'années.
24:14Le lendemain de la mort de Tom Simpson,
24:16dans l'équipe,
24:18l'éditorial du patron de l'équipe,
24:20qui est aussi le directeur du Tour de France,
24:22à savoir Jacques Godet,
24:24dit noir sur blanc.
24:26Pas dans le détail.
24:28On comprend qu'il ne parle pas de l'alcool,
24:30mais du dopage.
24:32Donc dire que ça a été l'omerta pendant très longtemps,
24:34ce n'est pas vrai.
24:36Les premiers contrôles, c'est en 1966.
24:38C'est un sport très surveillé.
24:40C'est fou de ne pas trouver d'explication.
24:42Les coureurs n'ont pas vu d'un bon oeil
24:44les contrôles qui arrivaient dans les années 1966.
24:46C'est d'ailleurs Pulidore,
24:48à son insu,
24:50qui a été le premier contrôlé.
24:52Mais vous avez posé la question
24:54pourquoi le dopage colle si autant au cyclisme.
24:56Je peux proposer une réponse.
24:58Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure.
25:00Comme c'est un sport d'endurance,
25:02on associe forcément l'effort
25:04et l'effort extraordinaire sur le Tour de France
25:06quand il les voit souffrir au dopage.
25:08C'est évident, sans vouloir bafouiller d'autres sports,
25:10que les sports qui ne sont pas aussi importants
25:12dans la dépense d'énergie
25:14ne passent pas pour des sports
25:16où on va se doper.
25:18Si on se penche sur la volonté du coureur
25:20qu'il soit champion ou dernier,
25:22si on se penche sur sa souffrance,
25:24sur tout ce qui fait
25:26que les spectateurs sont en admiration,
25:28alors il y a quelque chose d'un peu,
25:30je dirais,
25:32une forme de mysticisme
25:34qui fait que la grandeur de l'exploit,
25:36Curzio Malaparte, est parlée de l'idée
25:38avec un I majuscule,
25:40c'est-à-dire l'idée de se surpasser,
25:42de devenir quelqu'un de grand.
25:44Je pense que si on regarde le cyclisme
25:46avec cette idée d'exploit comme ça,
25:48on va le regarder, sans être un enfant
25:50qui ne voit pas les dérives,
25:52on va le regarder avec des yeux admiratifs.
25:54Moi, c'est ce que je veux faire,
25:56parce que sinon, c'est la fin du rêve.
25:58Justement, projetons-nous un tout petit peu
26:00quel avenir pour le Tour de France
26:02à une époque qui secoue sur les questions
26:04environnementales, sur les questions de féminisme.
26:06L'un des angles forts du film,
26:08c'est de montrer que la force de la grande boucle,
26:10c'est aussi de s'adapter aux enjeux sociétaux,
26:12aux évolutions de notre temps.
26:14Et Nicolas Sarkozy, lui,
26:16il n'a pas de doute,
26:18c'est dans l'ADN du Tour d'évoluer.
26:20On l'écoute, quelques secondes.
26:22J'aime le Tour, j'aime sa légende,
26:24j'aime son histoire,
26:26et je veux qu'il évolue,
26:28parce que tout ce qui n'évolue pas
26:30est voué à mourir, et le Tour de France
26:32ne mourra pas.
26:34D'accord avec ça, Gérard Rolls.
26:36Le Tour évolue, évolue en phase avec l'époque,
26:38et du coup ne mourra jamais.
26:40Ça fait 111 éditions,
26:42il a évolué depuis le début.
26:44Des granges depuis le début,
26:46a changé le système.
26:48Au départ c'était des points,
26:50dans le règlement déjà.
26:52Ensuite est arrivé le Maillot Jaune en 1919,
26:54ensuite est arrivée la nouvelle caravane publicitaire,
26:56parce qu'il manquait de sous, donc il s'est arrangé.
26:58C'est quand même un coup de génie,
27:00cette histoire de caravane publicitaire,
27:02le patron des chocolats Meunier
27:04en avait marre d'avoir ces trois camionnettes
27:06derrière le peloton.
27:08Donc il a dit à des granges, moi je vous donne des sous,
27:10mais il faut que les camionnettes soient devant le peloton,
27:12et on va faire là vraiment un spectacle.
27:14Après il a imposé,
27:16les mêmes bicyclettes à tout le monde,
27:18une bicyclette jaune dans les années 30,
27:20les équipes nationales,
27:22puis ça a rechangé, puis on a inventé le contre-la-montre,
27:24on a inventé...
27:26Ça a évolué sans arrêt.
27:28Oui, puis évolué en phase avec la société,
27:30je veux dire, est-ce que ça va durer ?
27:32Le départ aussi dans les pays,
27:34dans les différentes villes, on le voit bien dans le documentaire,
27:36Berlin,
27:38là on est parti pour la première fois d'Italie,
27:40cette année,
27:42pour motiver un peu les
27:44grands pays européens, bref,
27:46ça c'est une évolution. Après,
27:48il y a évolution aussi dans l'organisation,
27:50l'histoire de jeter des bidons, de jeter
27:52les papiers, etc.
27:54Les goodies qui polluent.
27:56À tous les coureurs de faire un effort.
27:58Il y a l'histoire du podium.
28:00Et oui, avec des hôtesses qui remettent...
28:02Pendant très longtemps, j'ai dit que les maillots,
28:04c'est des gamins, des écoles de cyclisme,
28:06qui devraient remettre les maillots et pas les hôtesses
28:08en mini-jupes. Vous-même, vous vous étiez
28:10déjà un petit peu alerté ? Bien sûr, on en avait parlé
28:12il y a très longtemps avec Jean-Marie Leblanc. Et alors,
28:14qu'est-ce qu'on vous répondait ? Les écoles de cyclisme en France,
28:16le gamin qui montrait sur le...
28:18donner le bouquet au champion,
28:20ça serait extraordinaire, un petit 8, 10 ans,
28:22il va être marqué sa vie entière. Et pourquoi c'était non ?
28:24Pourquoi on vous a répondu non ? Les sponsors,
28:26parce que c'était Crédit Lyonnais,
28:28c'était les Carrefour...
28:30Donc, un petit système machiste,
28:32disons, qui préférait voir des jolies femmes
28:34remettre des... Très très longtemps,
28:36aucune femme n'a pu mettre
28:38les pieds dans la caravane
28:40du Tour de France.
28:42Sauf Colette en 1913.
28:44Et Dalida déguisée.
28:46Et Yvette Horner, mais c'était sur un toit.
28:48Et est-ce que là-dessus,
28:50le Tour réussit à évoluer,
28:52sur les questions de féminisme ?
28:54Béatrice Souchard, est-ce que le Tour réussit
28:56à franchir cette étape un peu difficile,
28:58en mettant des hôtes, plutôt que des hôtesses ?
29:00C'est une première étape.
29:02Parité sur les podiums.
29:04Je pense que ça a quand même...
29:06ça a quand même...
29:08évolué, si je peux juste
29:10raconter mes...
29:12Moi, je suis devenue journaliste parce que je voulais suivre le Tour de France.
29:14Je me suis dit, je suivrai le Tour de France,
29:16qu'est-ce que je peux faire comme métier ? Je serai journaliste, ça doit être facile.
29:18C'est ce que je pensais, en tout cas.
29:20Ce que je ne savais pas à l'époque, quand j'avais 12 ou 13 ans,
29:22c'est que les femmes sur le Tour de France,
29:24c'est ce qu'on disait, sauf Colette, en 1913,
29:26qui avait suivi l'étape d'Unkerque-Paris,
29:28qui était la dernière étape d'Unkerque-Paris.
29:30Et ça a été facile pour vous de devenir journaliste,
29:32femme, sur le Tour de France ?
29:34Moi, j'ai surtout fait autre chose,
29:36mais la première fois que je suis venue sur le Tour de France,
29:38c'était en 1990, au Futuroscope,
29:40et j'ai été accueillie par mes confrères
29:42du même journal.
29:44Qu'est-ce qu'elle vient faire dans notre
29:46cours de récréation ?
29:48Très sceptique.
29:50Et sceptique, je suis gentille en disant sceptique.
29:52Jean-Jacques Lozac ?
29:54Mais c'était en 1990.
29:56Heureusement, il y a y compris
29:58des commentaires télévisés maintenant,
30:00il y a des femmes qui commentent, et tant mieux.
30:02Je crois qu'il est évident que le Tour a su
30:04s'adapter à l'évolution de la société,
30:06et sur cette problématique, je dirais,
30:08féministe ou antiféministe, la réponse
30:10la plus forte, c'est la renaissance
30:12récente du Tour féminin.
30:14Tout à l'heure, on évoquait les enjeux
30:16financiers, le Tour féminin est largement
30:18bénéficitaire.
30:20Et pourtant, je crois que
30:22Christian Prudhomme est très attaché
30:24à ce maintien complémentaire, en quelque sorte,
30:26entre les deux Tours de France.
30:28Maintenant, vous posez également une question concernant
30:30l'avenir. Et là,
30:32je dirais que l'avenir n'est pas assuré.
30:34Quand on voit effectivement la mondialisation
30:36du sport de manière générale, je dirais
30:38la financiarisation.
30:40On s'aperçoit qu'il y a aujourd'hui des fonds d'investissement
30:42qui soient privés ou souverains,
30:44des fonds d'État, qui n'hésitent pas à
30:46acheter des clubs, des sportifs,
30:48mais également des événements sportifs.
30:50On se souvient de l'épisode récent de la Coupe
30:52Davis en matière de tennis, qui a été
30:54un échec retentissant. Donc je pense
30:56qu'effectivement, tant qu'on aura
30:58la famille Amaury à la tête de l'ASO, il n'y a pas
31:00de risque concernant le Tour de France.
31:02Mais à moyen terme, la question
31:04de sa survie peut éventuellement se poser.
31:06Vous ouvrez le
31:08bal des conclusions.
31:10La question de la survie, peut-être aussi, il faut se poser
31:12la question sur l'évolution technique
31:14de la course. Alors,
31:16je ne suis pas là pour porter un jugement, mais
31:18je pense que l'intérêt de la course, c'est qu'il y ait du
31:20rebondissement, c'est qu'il y ait des attaques.
31:22Et peut-être que, c'est un jugement personnel,
31:24peut-être que la technologie, je fais allusion
31:26aux oreillettes, où le
31:28directeur sportif donne ses ordres
31:30au coureur et pratiquement se comporte
31:32avec le coureur comme avec une Game Boy, c'est-à-dire
31:34lui, tu attaques, tu n'attaques pas, tu fais ci, tu fais ça.
31:36Je pense que ça, c'est quelque chose
31:38qui ne va pas dans le bon sens du Tour.
31:40Qu'aurait fait Henri Degrange à cette époque-là
31:42ou d'autres patrons du Tour ?
31:44Je crois que c'est une vraie question.
31:46Est-ce que Bernard Guineau,
31:48lorsqu'il gagne Liège-Bastogne-Liège et qu'il attaque très loin,
31:50est-ce que Mers, quand il part
31:52traverser les Pyrénées
31:54jusqu'à Morinx-Ville-Nouvelle en 69,
31:56est-ce qu'il aurait accepté si le directeur sportif
31:58lui avait dit qu'il n'attaque pas ?
32:00Il aurait arraché l'oreille à Guineau aussi.
32:02Donc, on est là au cœur de ce qui va faire la légende demain.
32:04C'est un débat.
32:06On sent qu'il y a ça.
32:08Vous diriez que ça pourrait tuer le Tour,
32:10tuer la magie du Tour.
32:12Mais ça retire beaucoup de panache avec ces calculs.
32:14Moi, je suis aussi 100% contre
32:16les oreillettes depuis toujours.
32:18On a parlé de sécurité.
32:20Il y a encore plus de chutes aujourd'hui avec les oreillettes.
32:22Bien sûr.
32:24En particulier au rond-point
32:26et aux gendarmes couchés.
32:28Pour certaines courses, c'est terrible.
32:30Moi, j'ai une théorie à propos
32:32du Doppel pour y revenir
32:34et de la course en général.
32:36C'est de dire que le Français adore le Tour de France
32:38parce que ça ressemble à Astérix.
32:40C'est-à-dire ?
32:42Astérix...
32:44On sait qu'il se dope.
32:46Voilà, il se dope.
32:48C'est exactement ça.
32:50Lorsque j'étais sur le Tour et que je faisais mon vélo-club,
32:52les gens m'insultaient, moi, et jamais les coureurs.
32:54C'est très rare.
32:56On voit une ou deux pancartes.
32:58Arrête de te doper. On voyait une seringue sur le bord de la route.
33:00Les gens, le bon peuple de France,
33:02continuent d'applaudir
33:04au-delà de l'affaire Festina
33:06en disant
33:08« Laissez... »
33:10Moi, on me disait « Gérard, tu n'aimes pas le vélo ?
33:12Laissez-les courir, laissez-les nos héros.
33:14C'est Astérix.
33:16Il prend de la potion magique,
33:18mais on l'admire parce qu'il est capable
33:20de temps en temps de mettre la pâtée aux Romains.
33:22Et vous, Béatrice Houchard, une petite inquiétude
33:24sur l'avenir du Tour de France ?
33:26Ce qui m'inquiète un peu, c'est les difficultés
33:28maintenant pour faire les parcours
33:30à cause de l'évolution des routes.
33:32C'est très bien que ce soit la course
33:34des chefs-lieux de canton et des sous-préfectures.
33:36Moi, j'adore ça, donc je n'ai pas de problème avec ça.
33:38Mais au détriment, quand même,
33:40des banlieues des villes qui sont un peu...
33:42Même s'il y a eu un essai à Toulouse,
33:44je crois, il y a eu peu d'années.
33:46Mais ça, les organisateurs doivent faire avec.
33:48Les routes ne sont plus les mêmes.
33:50Et bloquer toute une ville de 200 000 habitants
33:52pour le Tour de France, ça ne se fait plus
33:54comme ça se faisait à Nice.
33:56C'est quelque chose d'un peu compliqué, me semble-t-il.
33:58Ça ne tuera pas le Tour de France.
34:00Pas forcément insubmersible, alors, le Tour de France.
34:02Non, mais j'espère, effectivement,
34:04qu'on ne peut pas tuer une magie,
34:06parce que le Tour de France, c'est quand même une magie.
34:08C'est-à-dire, par exemple, mettre sur un pied d'égalité
34:10une ville prestigieuse comme Florence,
34:12comme ville-Étape,
34:14et puis ma petite commune creusoise,
34:16des volets bains, de 1 300 habitants.
34:18Il n'y a que le Tour de France qui peut faire ça.
34:20Et Colombel et deux églises.
34:22Et on s'arrêtera là-dessus. Merci.
34:24Merci beaucoup à tous les quatre d'avoir participé
34:26à cet échange autour du Tour de France qui s'est donc élancé.
34:28Merci à vous de nous avoir suivis comme chaque semaine.
34:30Vous avez tous les commentaires à retrouver en replay
34:32sur notre plateforme publicsena.fr.
34:34A très bientôt sur Public Sénat. Merci.
34:36Merci à vous.