Face à l’omniprésence des écrans, Joëlle Sicamois, directrice de la Fondation pour l’Enfance, a tiré la sonnette d’alarme, espérant éveiller les consciences. Pour Yahoo, elle a tenu à rappeler les multiples dangers auxquels nous sommes exposés et ce, dès le plus jeune âge. Des dommages qui ne sont pas à sous-estimer, notamment chez les jeunes et les adolescents. Comme elle le rappelle, cette surexposition peut avoir des effets néfastes sur le sommeil mais aussi sur la qualité des performances scolaires.
Récemment, une nouvelle étude, réalisée par l’Observatoire Santé PRO BTP, en partenariat avec le Centre de Recherche de l’Institut Rafaël, a dressé un constat alarmant. Aujourd’hui, près de 6 Français sur 10 se considèrent accros à leur smartphone. D’après les chiffres rapportés, une personne sur 2 passe au moins 1h30 de son temps libre sur des écrans chaque jour, une durée qui dépasse même les 3 heures pour un sondé sur 10.
Récemment, une nouvelle étude, réalisée par l’Observatoire Santé PRO BTP, en partenariat avec le Centre de Recherche de l’Institut Rafaël, a dressé un constat alarmant. Aujourd’hui, près de 6 Français sur 10 se considèrent accros à leur smartphone. D’après les chiffres rapportés, une personne sur 2 passe au moins 1h30 de son temps libre sur des écrans chaque jour, une durée qui dépasse même les 3 heures pour un sondé sur 10.
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00:00Idéalement, il faudrait qu'il n'y ait pas d'écran avant 3 ans.
00:03Maintenant, nous, notre position à la Fondation pour l'enfance,
00:05c'est de dire qu'on sait aussi la réalité des familles,
00:07la difficulté que ça peut être de gérer ça,
00:09et notamment dans le cadre des fratries.
00:14Je m'appelle Joëlle Sicamois,
00:15je suis directrice de la Fondation pour l'enfance.
00:18C'est une structure qui existe depuis un peu plus de 45 ans
00:20et qui travaille vraiment pour la lutte contre les violences
00:23qui sont faites aux enfants.
00:24En fait, tout ce qui va à l'encontre
00:26de leur bon développement, de leur bien-être.
00:29Il faut vraiment travailler beaucoup sur la question des écrans
00:32dès la grossesse. Pourquoi ?
00:33Parce qu'en fait, la place des écrans,
00:35c'est déjà dans la famille qu'il faut la penser.
00:37Cet écran, dès la naissance,
00:39il aura un impact sur le développement de son enfant.
00:41En fait, quand un enfant naît,
00:43ce qui va développer son cerveau, le stimuler,
00:46ce qui va permettre son bon développement,
00:48c'est tout d'abord le lien d'attachement qu'il va créer avec son parent.
00:52Et cet attachement, si vous mettez un écran
00:54entre l'enfant et le parent,
00:56eh bien, il est mis à mal.
00:58Je peux vous donner un exemple, en fait,
00:59un truc vraiment de la vie quotidienne
01:01des premiers jours, des premières semaines avec un enfant.
01:04Le père, la mère, peu importe,
01:06la maman donne la tété ou le père donne le biberon.
01:08On se penche vers l'enfant et là, il y a un regard qui se crée.
01:11Donc, il y a une connexion qui se crée.
01:13Et c'est cette connexion-là qui est fondamentale
01:16dans le développement de l'enfant, dans le développement de son cerveau.
01:19Si à ce moment-là, parce que vous vous dites
01:21« ça y est, j'ai enfin 5 minutes, 10 minutes de tranquillité,
01:24je le laisse, il est bien, il prend son bibe, machin,
01:27je prends mon téléphone, là, vous voyez ?
01:28Donc là, je regarde où ? Je regarde là.
01:30Mon enfant, s'il cherche mon regard, il ne l'a pas
01:32parce que moi, il est concentré sur mon téléphone.
01:35Et donc, d'abord, ça ne va pas le stimuler.
01:37Donc, ça va limiter sa capacité à boire à ce moment-là.
01:40Et en plus, ce lien d'attachement, il est cassé.
01:42Alors, si c'est une fois de temps en temps,
01:44la conséquence, elle est extrêmement limitée.
01:46Mais si c'est fait de façon répétitive
01:47et que finalement, il n'y a jamais cette connexion qui se crée
01:49et que l'écran prend toute la place,
01:51vous allez avoir un développement neuronal
01:53qui va être diminué, qui va être réduit.
01:55C'est sûr qu'idéalement,
01:57il faudrait qu'il n'y ait pas d'écran avant 3 ans.
02:00Maintenant, nous, notre position à la Fondation pour l'enfant,
02:02c'est de dire, on sait aussi la réalité des familles,
02:04la difficulté que ça peut être de gérer ça
02:06et notamment dans le cadre des fratries.
02:08Donc, nous, ce qu'on dit, c'est d'abord,
02:10il faut que ce soit accompagné, si c'est le cas,
02:13extrêmement limité et très adapté.
02:16C'est-à-dire qu'il faut que ce soit un rythme très lent
02:18pour que ça ne stimule pas trop, ça sur-stimule l'enfant.
02:21Et puis, l'idéal, c'est d'en profiter finalement,
02:25pour parler à son enfant et pour que ce soit une opportunité
02:28de développer aussi son langage
02:31et de faire que ce moment qui est un moment perdu
02:34dans son développement, finalement, il puisse être,
02:37on puisse le transformer en une sorte d'opportunité.
02:40Quand on voit une famille au restaurant avec un enfant,
02:42un jeune enfant qui est devant son écran
02:44pendant que les parents mangent,
02:46alors, on comprend l'intention,
02:47c'est-à-dire, il faut que l'enfant reste calme.
02:50Mais en tous les cas, nous, ce qu'on dit,
02:52c'est pour les parents, ce n'est pas simple
02:53parce qu'il y a un regard qui se fait aussi
02:55si l'enfant commence à faire du bruit.
02:56Donc, la solution de facilité,
02:59elle est de se dire je mets mon enfant devant son écran.
03:02Et nous, ce qu'on dit, c'est non,
03:04ce n'est pas grave, laissez-le vivre,
03:05laissez-le prendre sa place.
03:07Il fait partie de notre société au même titre
03:10que toutes les autres personnes qui sont dans ce restaurant
03:12et il a droit d'exister.
03:13Quelque chose qui peut me choquer, moi, personnellement,
03:17ça va être quand un enfant arrive dans un parc.
03:20Donc, le lieu, un parc, c'est une aire,
03:23c'est la nature, c'est le moment où il doit se défouler
03:26et qu'il arrive dans le parc,
03:28devant un écran dans sa poussette, par exemple.
03:30Là, on se dit là, il y a un problème,
03:32il y a un truc qui ne va pas,
03:33c'est vraiment l'inverse de ce qu'il faudrait faire.
03:36On sait aussi qu'il faut accompagner les parents.
03:38La plupart des parents ne sont pas véritablement conscients
03:42de l'impact de ces usages sur les enfants.
03:45En ce qui concerne les adolescents,
03:46on est effectivement assez inquiets,
03:48mais notamment, il y a l'usage,
03:50il y a la surconsommation qui se fait de l'écran.
03:52Il y a des nouveaux risques qui émergent très régulièrement.
03:54Je vous donne un exemple, le phénomène de la sextorsion.
03:57Le phénomène de la sextorsion,
03:59ce sont des gens à l'extérieur,
04:02parfois même à l'étranger,
04:03qui se font passer sur les réseaux sociaux
04:06pour des adolescents,
04:08qui hamsonnent d'autres adolescents.
04:10Au début, je veux être ton amie, ça discute gentiment.
04:14Et puis, au fur et à mesure, au bout d'un moment,
04:17il va lui demander une photo,
04:19d'abord une photo de visage,
04:20et puis, au fur et à mesure, des photos de nus.
04:23À partir du moment où l'adolescent envoie une photo de nu,
04:26qu'est-ce qui se passe là ?
04:27Tout à coup, c'est la catastrophe,
04:28c'est-à-dire, ok, maintenant j'ai reçu ta photo,
04:31tu as 30 minutes pour m'envoyer 100 dollars,
04:33sinon je le diffuse à tous tes réseaux.
04:35Et là, il faut imaginer dans la tête d'un adolescent
04:39qui, en l'espace de une seconde,
04:41sa vie bascule pour lui.
04:43Ça, c'est un phénomène dont il faut absolument parler
04:46aux jeunes, à ses enfants,
04:47parce que d'abord, s'ils le connaissent,
04:49ça va leur permettre d'être davantage prudents aussi.
04:52Quand ils sont contactés par quelqu'un
04:53qu'ils ne connaissent pas sur les réseaux sociaux,
04:55grande, grande prudence.
04:56Et quand on vous demande des photos,
04:58jamais, il ne faut jamais envoyer des photos de soi nu.
05:02Ensuite, il y a tous les risques liés à la pornographie,
05:06c'est-à-dire qu'aujourd'hui, les jeunes,
05:10au primaire déjà,
05:11ils sont face à des images pornographiques,
05:14soit des grands frères, des grandes sœurs,
05:15soit même sur le téléphone,
05:16parce qu'il n'y a aucun contrôle parental
05:18qui est mis en place sur le téléphone qui est utilisé,
05:21et donc très, très vite,
05:22il va avoir accès à des images pornographiques.
05:25Et ça, c'est un risque énorme.
05:28Alors, on peut revenir à l'usage même de l'écran,
05:30la surconsommation.
05:32Il y a un autre risque aussi qui existe,
05:34c'est le scrolling.
05:34Le scrolling, ça consiste en
05:36commencer par regarder une vidéo,
05:38puis une deuxième, puis une troisième,
05:39puis ça fait en fait trois heures
05:40qu'on est en train d'enchaîner les vidéos hyper courtes,
05:42donc il faut absolument que dans les familles,
05:44le plus tôt possible,
05:46il y ait des discussions qui soient faites
05:49pour mettre en place des règles d'utilisation.
05:51Notamment, et ça, tout le monde le sait,
05:53quasiment le soir,
05:56ne pas regarder son téléphone avant de s'endormir,
05:59c'est fondamental pour la qualité du sommeil.
06:01Et on sait à quel point les jeunes adolescents
06:03ont besoin d'un sommeil réparateur
06:05pour continuer à bien grandir
06:07et à devenir des adultes le plus épanoui possible.
06:11C'est sûr que quand les adolescents consomment trop
06:14les écrans, les vidéos,
06:16d'abord, ça va être une capacité d'apprentissage
06:19qui va diminuer,
06:20une capacité de concentration qui va diminuer.
06:22Donc forcément, on peut imaginer toutes les conséquences,
06:24conséquences scolaires immédiates.
06:27Un jeune qui est censé faire ses devoirs le soir,
06:31il faut qu'il ait au moins une heure,
06:33deux heures de concentration sur des éléments à lire.
06:37Et s'il n'est pas à regarder son téléphone,
06:40forcément, ça va être tout ce temps-là
06:42qui ne va pas être dédié à autre chose.
06:44Donc, c'est vraiment, encore une fois,
06:47c'est une discipline à mettre en place,
06:49mais dès le plus jeune âge.
06:50Parce qu'après, quand on arrive à 16, 17 ans,
06:53que ça fait déjà des années
06:54qu'on est habitué à avoir son écran, à le regarder,
06:56ça devient extrêmement difficile de s'en défaire.
06:59Ce qu'on sait depuis toujours,
07:01c'est que ce qui favorise la création,
07:04l'imaginaire, c'est l'ennui.
07:07Et aujourd'hui, les écrans, les téléphones,
07:10c'est vraiment tout le contraire.
07:12Ça ne laisse plus aucune place à l'ennui.
07:14C'est-à-dire que dès qu'on a cinq minutes de latence,
07:16et ça, ça concerne les jeunes comme les moins jeunes,
07:20on ne sait plus attendre.
07:22On n'essaie plus patienter,
07:24sans faire autre chose que regarder son téléphone.
07:27Et donc, les enfants, les jeunes,
07:28c'est exactement la même chose.
07:29C'est-à-dire qu'un petit enfant, aujourd'hui,
07:31il faut qu'il apprenne à s'ennuyer.
07:34C'est un peu étonnant de dire ça,
07:36mais il faut réapprendre l'ennui.
07:38L'être humain a ça d'extraordinaire,
07:40c'est qu'il va trouver des choses à faire,
07:41il va imaginer des choses.
07:44Et cette place-là, il faut absolument la laisser,
07:45parce que les plus grandes créations
07:48sont quand même beaucoup liées à l'ennui.