Une relance économique est-elle raisonnable ? [Olivier Passet]

  • il y a 3 mois
Lancer aujourd'hui un plan de relance keynésienne en France est-il justifiable sur le plan économique ? A priori non. Et l'on pourrait même dire que l'idée suscite une très forte aversion chez une majorité d'économistes, pour qui une telle initiative est jugée inefficace et dangereuse. [...]

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00:00Mettre en place aujourd'hui un plan de relance keynésienne en France, est-ce justifiable au plan économique ?
00:16A priori non.
00:17Et l'on pourrait même dire que l'idée suscite une très forte aversion chez une majorité d'économistes,
00:23pour qui une telle initiative est jugée inefficace et dangereuse.
00:27La liste des contre-indications et des effets secondaires non désirables assaillent nos cerveaux,
00:33tant l'enseignement depuis des décennies donne la part belle à la critique des politiques keynésiennes en économie ouverte.
00:40Avec pour première réserve que l'impact positif escompté sur le PIB sera dilué sur le reste du monde.
00:47Booster la demande, c'est booster les imports au moins autant que la production nationale,
00:52notamment dans une économie qui ne maîtrise ni l'amont de la production sur son territoire, ni l'aval, avec un socle industriel trop étroit.
01:02C'est donc aggraver le déséquilibre de la balance des paiements.
01:06L'impact de la relance étant faible sur la croissance, cette dernière va durablement dégrader le taux d'endettement de l'État,
01:14faute d'autofinancement par des recettes fiscales supplémentaires.
01:19Ces déséquilibres se doublent d'un risque inflationniste, faute d'un répondant de l'offre en volume.
01:25Une relance s'expose donc à un effet boomerang défavorable à la fois au pouvoir d'achat, à la demande intérieure et à la compétitivité.
01:36Partant de ces déséquilibres anticipés, les marchés financiers vont aggraver le score.
01:41Les désordres sur le change ne sont plus d'actualité dans le contexte de l'euro.
01:47Mais ce sont les taux d'intérêt qui prennent la relève.
01:50L'augmentation des spreads de taux risque d'enclencher un cercle vicieux sur la dette publique et privée.
01:57Et cette anticipation de hausse des taux, pénalisant les prix d'actifs mobiliers et immobiliers,
02:03comporte un risque d'évasion des capitaux qui complique l'équation du financement.
02:08Bref, la relance keynésienne serait une fausse bonne idée.
02:13En dépit de cette psalmodie des effets indésirables des politiques de relance,
02:18ces dernières sont-elles à proscrire en toute circonstance ?
02:23L'histoire récente montre que non.
02:25Elles ont même joué un rôle décisif de sauvetage des capacités productives et financières des économies,
02:31en 2008, à la suite de la brutale restriction du crédit liée à la crise des subprimes,
02:37et en 2020, pour endiguer les effets des confinements.
02:41Dans les deux cas, il s'agissait moins de relancer une économie
02:44que d'éviter une destruction massive et irréversible de capital face à un choc transitoire.
02:52Il s'agissait aussi de faire porter le risque d'endettement par l'agent le plus robuste financièrement, autrement dit l'État.
03:00Et dans les deux cas, la thérapie, que l'on peut qualifier de keynésienne,
03:04a été menée de façon synchrone dans la plupart des économies développées,
03:09conjurant le risque de dilution de leur efficacité et recréant les conditions d'une économie fermée.
03:15Bref, les politiques keynésiennes retrouvent leur utilité pour contrecarrer la diffusion systémique des crises.
03:23En situation de détresse, elles sont le geste qui sauve.
03:27À l'instar d'un massage cardiaque, elles ne guérissent rien, mais peuvent sauver le patient.
03:32Surtout si, comme en 2008 ou 2020, les banques centrales oxygènent le système financier par des interventions massives
03:40pour éviter l'embolie des marchés et une surchauffe des taux d'intérêt.
03:45À noter aussi le cas américain, où les stop and go keynésiens ont toujours joué et continuent à jouer un rôle décisif de stabilisation.
03:55Dans cet espace relativement fermé et dans un contexte de très forte flexibilité du marché du travail,
04:02propre à générer de l'instabilité, l'intervention contracyclique de l'État est consubstantielle de la stabilité des marchés.
04:10Bref, une politique keynésienne, ça marche encore, mais sous conditions.
04:16Dans une grande économie relativement fermée, dans un large espace intégré comme lieu si ces politiques sont menées de façon synchrone
04:25et si elles sont accompagnées de façon bienveillante par les banques centrales pour éviter une surchauffe des taux.
04:33Notons cependant que les politiques que l'on qualifie de keynésiennes, la plupart du temps, ne le sont pas.
04:39Les transferts incessants que font les États pour soutenir les agents privés ne sont que le produit dérivé des mauvaises politiques de l'offre.
04:48A force de resserrer les taux sur le travail, par une pression excessive sur les salaires, de prêter à la concurrence des vertus qu'elle n'a pas sur le renforcement productif,
04:59nos économies, dépouillées de leurs capacités industrielles, ne se bouclent que par l'intervention continue des États en soutien du revenu courant.
05:09L'État oubliant au passage que son rôle premier est d'investir dans le capital humain, la sécurité, les infrastructures, la recherche
05:18et de flécher la commande vers les secteurs d'avenir implantés sur le territoire.
05:24La détestation de la relance keynésienne et le fétichisme des politiques de l'offre conduisent à cette aberration.
05:31Le marché ne fonctionne plus qu'avec la béquille de l'État et de la dette.
05:36Et si les relances keynésiennes ne sont pas la panacée, sortir de ce piège passera par une relance industrielle et climatique.
05:45Non pour soutenir la demande à court terme, mais pour construire les bases d'une autonomie stratégique à long terme.

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