"Situation exceptionnelle sous la 5ème République : les conditions n'existe pas" pour une coalition

  • il y a 3 mois

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00:00Et on démarre avec la politique française. Emmanuel Macron qui s'est finalement exprimé dans une lettre aux français à la presse régionale, trois jours après le second tour de législative.
00:11Le président français demande à l'ensemble des forces politiques, je cite, se reconnaissant dans les institutions républicaines, l'état de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l'indépendance française,
00:23d'engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide. D'ici là d'ailleurs le gouvernement continuera d'exercer ses responsabilités.
00:34Vous en avez appelé à une nouvelle culture, j'en serai le garant, écrit-il le président dans cette lettre publiée dans la PQR.
00:44On en parle avec Arnaud Benedetti, notre invité, rédacteur en chef de la revue politique et parlementaire, professeur associé à l'université Paris-Sorbonne.
00:52Votre dernier livre, Aux portes du pouvoir, l'inéluctable victoire du RN, c'est chez Michel Laffont. Bonsoir à vous.
00:59Bonsoir.
01:01D'abord votre analyse de cette lettre, Emmanuel Macron se place-t-il au-dessus des partis comme un garant des institutions ?
01:09Oui alors d'abord c'est vrai, beaucoup s'étaient étonnés qu'il n'intervienne pas et donc il intervient trois jours après le résultat du 7 juillet que l'on connaît.
01:21Il ne dit rien en fin de compte qu'il ne puisse pas dire, c'est-à-dire ni plus ni moins.
01:27C'est un président de la République qui est dans une situation surtout de contrainte et qui essaye d'une certaine manière, faute d'une majorité aujourd'hui visible, de gagner du temps.
01:42Et il demande de fait en effet aux groupes qui constituent aujourd'hui la nouvelle assemblée, alors ce qu'il appelle les groupes faisant partie de l'arc républicain.
01:52Il définit un certain nombre de valeurs, à la limite presque tous les groupes pourraient se retrouver dans ces valeurs.
01:59Il essaye de bâtir, si vous voulez en pointiller, ce qui à ses yeux pourrait constituer une coalition qui permettrait de dégager une majorité.
02:10Une majorité stable d'abord, stable parce qu'il lui faut une majorité durable pour installer un gouvernement qui puisse diriger le pays.
02:20Ça c'est une vraie question parce que clairement on se retrouve aujourd'hui dans une situation tout à fait exceptionnelle sous la Ve République.
02:27Nombre d'observateurs l'ont relevé et nombre d'acteurs l'ont également souligné.
02:32Il dit d'ailleurs que le gouvernement va continuer à exercer ses responsabilités en attendant.
02:38Vous avez appelé à une nouvelle culture, j'en serais le garant. Là il parle de la culture du parlementarisme justement.
02:44Il prend acte finalement de cette assemblée divisée, fragmentée ?
02:50De toute façon il ne peut pas faire autrement qu'en prendre acte parce que c'est lui qui a dit sous.
02:54Finalement c'est aussi le résultat de cette assemblée, le résultat de sa dissolution.
03:00On a un champ de force si vous voulez aujourd'hui qui est émietté avec trois grands blocs.
03:06Le problème c'est que si vous voulez d'abord la tradition de la Ve République ce n'est pas une culture de la coalition.
03:13C'est une culture du fait majoritaire et le problème auquel il s'expose et auquel il expose de fait les institutions,
03:21c'est qu'aujourd'hui il n'y a pas de fait majoritaire.
03:24Vous avez trois blocs, un bloc de gauche, un bloc central et un bloc rassemblement national
03:32qui de fait aujourd'hui compose cette assemblée mais aucun de ces blocs est en mesure aujourd'hui
03:38de pouvoir construire autour de lui une majorité.
03:41Donc il faut en effet, si on veut qu'une majorité puisse se dégager,
03:45essayer de créer les conditions d'une coalition dans un sens contre dans l'autre.
03:51Sauf qu'il se heurte à la réalité politique.
03:54La réalité politique c'est qu'aujourd'hui le Nouveau Front Populaire considère qu'il a gagné ses élections au moins en nombre de sièges
04:03et donc il est le plus légitime pour exercer le pouvoir à Matignon.
04:07Et qu'ensuite le Président de la République, on le voit bien,
04:11essaye de créer une coalition qui à la fois pourrait d'une certaine manière fracturer le bloc de gauche,
04:17prendre une partie des socialistes, prendre peut-être une partie des écologistes et des communistes,
04:22les agréger à ce bloc central et éventuellement également prendre le groupe LR.
04:28Là, arithmétiquement, il arriverait de fait à constituer une coalition
04:32qui serait une coalition pouvant enchanter une majorité absolue, en tout cas au moins une majorité relativement.
04:37Sauf que les conditions politiques pour arriver à cet accord aujourd'hui n'existent pas.
04:42Les députés RN ont fait leur entrée en force à l'Assemblée Nationale.
04:46Aujourd'hui, c'était un peu la photo de famille.
04:49On va d'abord faire un point en image. Vous restez avec nous.
04:54Dans la COU, elle est venue saluer ses députés élus.
04:59Victor, s'il te plaît, faire respecter la discipline.
05:02Embrassade et sourire de façade pour Marine Le Pen.
05:06Car les résultats de dimanche ont été pour elle bien plus décevants qu'espérés.
05:13Hors de question d'utiliser le mot défaite.
05:15Pour elle, c'est la campagne de l'élection présidentielle, pourtant dans trois ans, qui vient de commencer.
05:22Ca n'est que partie remise, parce qu'on ne peut pas indéfiniment tordre la représentation nationale.
05:29Comme son nom l'indique, l'Assemblée Nationale doit être le reflet de la représentation de l'ensemble des Français en termes de poids politique.
05:39Ca n'est pas le cas aujourd'hui, ce sera le cas demain.
05:42Après une photo de famille, les députés RN entrent en réunion.
05:48Jordan Bardella les rejoint.
05:51Objectif, tirer les leçons de l'échec de dimanche.
05:54Dû notamment à certaines candidatures problématiques.
05:57Comme celle de cette femme arborant une casquette nazie.
06:00Ou de cet homme, inéligible car sous curatel.
06:04Les parlementaires d'extrême droite ont reçu la consigne de désormais prévenir la direction avant de parler.
06:10Et de mieux maîtriser leurs expressions publiques.
06:14Je prends intégralement ma part dans ce qui a dysfonctionné.
06:17Et nous allons effectivement être amenés à faire un certain nombre de réorganisations dans le fonctionnement du parti.
06:24Et mon objectif restera et reste l'accession au pouvoir.
06:29Ce matin, Marine Le Pen a été reconduite à la tête du groupe des 126 députés du RN.
06:37Arnaud Benedetti, ce n'est que partie remise dit Marine Le Pen. Quelle est leur stratégie ?
06:43La stratégie, c'est que ça va être une stratégie d'attente.
06:46Parce qu'en l'occurrence, le RN et ses alliés sur Tisse, qui amènent à peu près 146 parlementaires.
06:53N'ont pas les moyens de constituer une coalition qui leur permette d'avoir une majorité relative.
07:02Mais quelque part, cette situation au regard de ce qui est en train de se passer au sein de l'hémicycle.
07:09C'est une situation qui peut leur être profitable sur la distance.
07:14Parce qu'à partir du moment où les forces politiques qui leur sont opposées n'arrivent pas finalement à converger vers un accord.
07:24On rentre dans une période d'instabilité institutionnelle.
07:27Qui bien évidemment profitera à ceux qui sont les plus majoritaires, en tout cas les plus forts arithmétiquement.
07:35Ce qu'il faut noter c'est qu'aujourd'hui le groupe RN est le groupe le plus important arithmétiquement.
07:41Donc la stratégie, ça va être une stratégie vraisemblablement d'attente.
07:44De professionnalisation peut-être plus intense que celle que l'on a vue ces derniers mois.
07:53Et on peut imaginer que le RN va tenter de se normaliser encore plus qu'il ne l'a fait.
08:00C'est ça aujourd'hui véritablement l'horizon du RN.
08:04D'autant plus qu'on est dans une fenêtre de séquence politique qui à ce stade reste fortement imprévisible.
08:13Du côté des LR, Laurent Wauquiez a été élu président du groupe à l'Assemblée.
08:18Un groupe qui est d'ailleurs rebaptisé aujourd'hui droite républicaine.
08:21Le député de Haute-Loire fait donc son retour à l'Assemblée nationale. On va l'écouter.
08:27Aujourd'hui nous sommes tous très lucides.
08:29La droite républicaine n'est pas encore en mesure d'incarner cette offre.
08:33Et pour cela nous devons tout rebâtir et tout reconstruire.
08:37Et c'est ce à quoi nous allons nous employer pour mettre en oeuvre une nouvelle offre politique d'une droite indépendante.
08:45Ce travail de reconstruction commence aujourd'hui en posant la première fondation
08:51avec la création d'un nouveau groupe politique qui s'appellera la droite républicaine.
08:56Arnaud Bénédetti, on voit qu'ils ne sont pas d'accord puisque Laurent Wauquiez parle d'indépendance.
09:01Il devient le président du groupe.
09:03Mais Xavier Bertrand, par exemple, il serait prêt à ce qu'il y ait une coalition avec des macronistes.
09:07Même chose pour Olivier Marlex. Donc là, les jeux sont encore ouverts.
09:14Oui, en fait, après les élections du 7 juillet, qui ont été quand même une bonne surprise pour les LR
09:21puisqu'ils perviennent à maintenir un groupe et même à augmenter le nombre de parlementaires
09:26dans un contexte qui était particulièrement difficile avec notamment la scission que leur a imposée leur président.
09:33Tout le problème aujourd'hui pour les LR, c'est encore une fois de se positionner par rapport au bloc central,
09:39c'est-à-dire au bloc macroniste.
09:41À ce stade, on voit bien qu'il y a deux lignes.
09:43Une ligne qui est prête éventuellement à franchir le Rubicon,
09:46à construire les conditions d'une alliance politique avec Ensemble et les partenaires du parti présidentiel,
09:54si je puis dire.
09:55Et puis une ligne qui veut rester sur une ligne d'indépendance, celle qui est incarnée par M. Wauquiez.
10:01Mais il faut noter une chose, c'est que même la construction d'une convergence
10:06qui se limiterait au groupe qui soutienne le président de la République et le groupe LR
10:13ne suffirait pas vraisemblablement pour disposer d'une majorité qui soit une majorité pérenne.
10:19C'est-à-dire que l'addition à la fois des parlementaires macronistes plus des parlementaires LR
10:25ne permet pas encore une fois de dégager une majorité qui soit une majorité suffisamment solide
10:31pour assurer de la pérennité dans l'exercice d'un gouvernement.
10:34D'ailleurs, c'est ce qu'a dit très justement la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse.
10:41Avec le risque en plus pour le bloc macroniste d'avoir une déperdition sur son aile gauche,
10:47puisqu'on l'a vu, il y a un certain nombre de députés macronistes autour, notamment de Sacha Houllier,
10:53qui réfléchissent à construire un groupe parlementaire plutôt proche des sociodémocrates.
10:59Alors comment on en sort en un mois, Arnaud Bénédetti ?
11:03Vous savez, on est dans une situation qui est tout à fait exceptionnelle,
11:07qui est historique sur le plan parlementaire sous la Ve République.
11:11La Ve République, ça a été un régime voulu par le général de Gaulle
11:15qui considérait qu'il fallait que le pays, pour être gouverné, ait des majorités claires, stables, homogènes et durables.
11:23Vous avez toutes les conditions qui sont réunies pour qu'il n'y ait ni de majorité claire,
11:28ni de majorité stable, ni de majorité durable.
11:32Et on voit que pour l'instant, si vous voulez, au-delà de la question arithmétique,
11:36bien évidemment qui est essentielle, les conditions politiques pour quelque part agréger une majorité,
11:42ne serait-ce qu'une majorité relative, ne sont pas remplies.
11:45Donc ça risque de prendre du temps.
11:47Et au fur et à mesure que l'on n'arrive pas, et c'est bien le problème,
11:50à créer les conditions finalement d'un gouvernement et d'une majorité associée à ce gouvernement,
11:56la difficulté c'est que le président de la République va se retrouver confronté à sa propre responsabilité
12:01dans cette situation tout à fait inédite.
12:03C'est-à-dire ?
12:05C'est-à-dire qu'à un moment donné, quand vous ne pouvez pas former un gouvernement,
12:08à partir du moment où vous êtes quand même à l'origine de ce processus, de cette procédure de dissolution,
12:14il y aura vraisemblablement un certain nombre de responsables politiques
12:18qui se poseront la question de la légitimité du président de la République.
12:21Parce que le président de la République est quand même le responsable de cette initiative.
12:25Et évidemment, un pays qui n'est pas gouverné,
12:28un pays qui n'est pas gouverné est un pays comme la France,
12:30qui n'a pas la culture politique des coalitions,
12:32un pays dont le régime est certes parlementaire,
12:35mais il ne faut jamais oublier que c'est un régime aussi semi-présidentiel,
12:38ce qui nous différencie fondamentalement des régimes parlementaires
12:42où l'on voit des coalitions se former, comme en Italie, en Allemagne...
12:45Voilà, qui sont censées être les modèles en ce moment.
12:47Qui sont censées être les modèles, sauf que si vous voulez,
12:49le problème c'est qu'on ne peut pas plaquer les institutions de la 5ème République
12:52sur des institutions qui sont différentes, comme celles de nos voisins.
12:55Merci Arnaud Benedetti d'avoir été avec nous ce soir,
12:58rédacteur en chef de la revue politique et parlementaire,
13:00professeur associé à l'université Paris-Sorbonne.

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