Et si le manager était d’abord un jardinier… [Christian Makaya]

  • il y a 3 mois
Xerfi Canal a reçu Christian Makaya, docteur en sciences de gestion et du management, enseignant-chercheur à ASCENSIA Business School, pour parler du manager jardinier.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Christian Macaillat.
00:10Bonjour Jean-Philippe Dené.
00:11Grand plaisir de vous recevoir Christian Macaillat.
00:13Docteur en sciences de gestion et du management, Paris Nanterre Université.
00:17Mieux que ça, Prix de thèse 2024 de l'ARIMHE, c'est l'Association pour la recherche interdisciplinaire
00:25sur le management des hommes et des entreprises et vous êtes aujourd'hui enseignant-chercheur
00:29à Ascencia Business School.
00:31Tout à fait.
00:32Christian Macaillat, un papier publié il y a une bonne décennie maintenant dans la
00:37revue française de gestion, nous proposait le concept de management jardiné.
00:42C'était Emmanuel Grottel, Marie-Parker Follett, la facette méconnue du management
00:47jardiné.
00:48Je sais que cette idée de jardin vous intéresse beaucoup et donc Emmanuel Grottel va être
00:53ravi parce qu'on parle de son papier pour élaborer.
00:55C'est important d'élaborer sur ce qui a été produit.
01:00Et d'élaborer aussi.
01:03Absolument.
01:04Qu'est-ce qu'on peut dire finalement de ce management jardiné ? Concept qui aurait
01:09dû faire florès et qui n'a pas produit tant de choses que ça.
01:12En effet.
01:13C'est pour ça qu'il est temps que ça change.
01:15En effet.
01:16En l'espace d'une décennie, on a eu dans la littérature quelques auteurs qui ont fait
01:21écho à ce concept de management jardiné, de manager jardiné.
01:25Je pense notamment à Thiebaud qui parlait de la patience du manager jardiné ou plus
01:31récemment à Alain Soukio qui parlait de l'art du manager jardiné, fait d'attention
01:37au génie de l'éclosion de chaque plante, à la différence du manager berger qui manie
01:42son bâton.
01:43Donc en effet, ce concept mérite d'être exploré, élaboré comme on disait tout à
01:49l'heure.
01:50Et dans son excellent article, Emmanuelle Groutel propose de gérer les organisations
01:56comme des jardins.
01:57Ça pousse, ça pousse, j'aime beaucoup cette idée.
02:00D'abord Alain Soukio, Collège de France quand même, voilà, bonne référence bien
02:04évidemment.
02:05La question est dans toutes les têtes, c'est la relation au vivant, la relation à la nature,
02:11vous venez de l'évoquer, finalement en quoi ce concept, ça nous permet de repenser
02:16ou voir peut-être différemment cette question qui fait souvent beaucoup de débats sur cette…
02:21Certains peuvent juger qu'on s'en occupe peut-être trop et qu'il faut déjà donner
02:26de l'emploi, c'est plutôt pas mal.
02:27Qu'est-ce que ça change de prendre ce concept de management jardiné ?
02:31En effet, on peut repenser à la fameuse phrase de Jacques Chirac, « notre maison brûle
02:37et le monde regarde la guerre ».
02:38Ou la tension entre la fin du mois et la fin du monde.
02:40En effet.
02:41Et donc, il se trouve que depuis une décennie, le monde regarde de moins en moins la guerre
02:48et qu'il y a de plus en plus cette prise de conscience des enjeux environnementaux
02:53sur nos organisations et sur nos vies, et de la nécessité pour les managers et pour
02:58les organisations de prendre en compte ce vivant dans l'ensemble de leurs choix.
03:02Donc, ce vivant, cette nature n'est plus extérieure aux décisions managériales et
03:09doit être intégrée dans ces décisions.
03:10Avec des logiques d'essai-erreur, évidemment.
03:13Tout à fait.
03:14Alors, Emmanuel Groutel évoque différents types de jardins.
03:18Est-ce qu'on peut imaginer, quand on propulse cette analogie avec le monde des organisations
03:24et des entreprises, précisément différents types de jardins cultivés ?
03:27En effet.
03:29Donc, dans son article, Emmanuel Groutel, en effet, pour opposer la vision tayloriste
03:35du management à la vision folettienne du management, convoque la différence entre
03:42le jardin à la française, qui est dans la rigidité, dans le respect de normes strictes,
03:49au jardin à l'anglaise, qui est plus dans la flexibilité et dans la prise en compte
03:54de l'adaptation au vivant, d'après l'auteur.
03:58Cette question peut être discutée, mais en filigrane, il se trouve que la manière
04:05d'ordonnancer un jardin, ou comment on ordonnancera une organisation, tient lieu de critères
04:12sociaux, de dynamiques politiques également.
04:16Et donc, on peut convoquer Rancière, dans ce cas-là, qui, dans le temps du paysage,
04:22en 2020, nous rappelle que le jardin à l'anglaise et à la française a contribué à façonner
04:29notre manière de voir l'art et l'organisation de notre société.
04:33Donc, il y a cette dynamique qui est intéressante.
04:35A noter que Rancière nuance l'idolâtrie qu'on pourrait avoir par rapport à la flexibilité,
04:44la liberté du jardin à l'anglaise, en rappelant que les jardins à l'anglaise ont été développés
04:51par la classe dominante pour s'emparer des gardens commons, ces espaces de jardinage
04:56partagés qui appartenaient au peuple.
04:58Donc, il y avait également, à cette époque, des dynamiques interactionnelles et des dynamiques
05:04de prise de possession.
05:05Penser avec des mots nouveaux, penser avec des concepts nouveaux, le management jardiné,
05:10penser avec des analogies nouvelles, c'est ça aussi faire de la recherche.
05:14Tout à fait, c'est essentiel et ce concept pouvait sembler utopique il y a quelques décennies,
05:19mais le contexte environnemental et climatique en fait un impératif, il me semble.
05:23Merci Christian Macaillat.
05:24Merci Jean-Philippe.

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