• il y a 4 mois
Eve Simonet a subi un inceste durant son enfance. Adulte, elle se replonge dans les documents du procès verbal déposé avec sa mère lorsqu'elle avait 6 ans et est profondément choquée par les mots utilisés par les adultes à son encontre. Elle revient sur les conséquences des violences et négligences dont elle a été victime et nous parle de son prochain documentaire Ré-inventer l'enfance, qui résonne avec sa propre histoire.
Transcription
00:00Les policiers ne m'ont pas crue et eux déjà ont posé des mots extrêmement problématiques
00:05pendant le procès verbal en disant que j'étais une petite fille séductrice,
00:09sans aucune inhibition, que je me frottais à leurs genoux, etc.
00:12Donc des choses quand même assez compliquées.
00:14On parle... Moi j'avais six ans à l'époque, donc voilà.
00:19Je m'appelle Eve Simonnet, j'ai 29 ans,
00:22je suis réalisatrice et la fondatrice de On Suzanne.
00:25Je suis ici pour parler du nouveau film que je suis en train de réaliser et coproduire
00:29qui s'appelle « Réinventer l'enfance » et qui traite des violences faites aux enfants.
00:32Ça fait un bout de temps que je voulais faire un documentaire sur la violence faite aux enfants
00:36parce que j'ai moi-même été victime de cette violence quand j'étais petite,
00:41que ce soit des violences sexuelles ou même des violences psychologiques par la suite.
00:44Cette idée est venue au moment où j'ai récupéré des documents d'un procès
00:49qui a eu lieu quand j'étais petite, quand j'avais six ans,
00:52et où j'ai fait une amnésie traumatique.
00:55Et quand j'ai redécouvert, enfin même découvert pour la première fois ces documents,
00:58j'ai été extrêmement à la fois choquée du traitement judiciaire de mon affaire,
01:04des mots qui ont été prononcés à mon encontre, à l'encontre d'une petite fille de six ans.
01:08Quand on parle des sujets, des violences faites aux enfants,
01:11et encore plus quand on n'est personne concernée,
01:14c'est extrêmement difficile en fait de repasser cette histoire.
01:17Et on parle d'événements traumatiques en fait.
01:18Donc je n'ai pas pu le faire tout de suite, il m'a fallu trois ans de thérapie.
01:23Ma mère m'a questionnée quand j'avais six ans sur ce qui se passait
01:26quand j'étais une personne de ma famille proche.
01:29Et j'ai révélé des faits d'inceste.
01:32Et ma mère a pris les devants et tout de suite m'a emmenée chez les policiers
01:36pour faire une déposition.
01:37Les policiers ne m'ont pas crue.
01:39Et eux déjà ont posé des mots extrêmement problématiques pendant le procès verbal
01:44en disant que j'étais une petite fille séductrice, sans aucune inhibition,
01:48que je me frottais à leurs genoux, etc.
01:51Donc des choses quand même assez compliquées.
01:53Moi j'avais six ans à l'époque, donc voilà.
01:55Ils ne m'ont pas crue.
01:56Et donc du coup ils ont requéri l'avis d'un pédopsychiatre
02:00qui a posé des termes assez similaires finalement.
02:04Un regard sur moi extrêmement problématique
02:07en disant que j'étais une très jolie petite fille,
02:09que je m'exprimais extrêmement bien.
02:12Il a aussi dit que j'étais séductrice.
02:14Donc le mot est venu deux fois quand même.
02:15Et qu'il pensait finalement que je mentais
02:18parce que j'avais un problème avec mon ODIP.
02:21Et dans la déposition d'ailleurs, il dit, le pédopsychiatre,
02:24qu'il ne m'a posé aucune question sur les faits dont je mentionnais l'existence
02:30et que j'avais dessiné des soleils.
02:32Et que donc dans mes dessins, on ne voyait rien de problématique.
02:34Et ça c'est la théorie freudienne, c'est extrêmement problématique.
02:40Et en France, elle est toujours bien ancrée d'ailleurs.
02:41On me sexualise et on dit en gros que peut-être au pire je l'ai cherché
02:47et au mieux je mens.
02:48Suite à la décision du pédopsychiatre, ils ont classé l'affaire sans suite.
02:53J'ai été vraiment ultra choquée de lire ça
02:56pour toutes les raisons qui sont évidentes,
02:58mais aussi parce que je venais d'accoucher.
03:01Mon fils, il avait deux mois quand j'ai reçu les documents.
03:04Et du coup, j'ai aussi lu ça avec des yeux de maman.
03:07Et ça a été une période assez dure de postpartum qui est intense.
03:13Et en plus d'avoir ça, il y avait un mal-être chez moi
03:16qui se traduisait sous beaucoup de formes.
03:17Sous des formes d'addiction,
03:19sous des formes de mise en danger avec des personnes toxiques autour de moi.
03:23Sous des formes de prise de drogue, de mal-être un peu généralisé,
03:27même si j'ai toujours été quelqu'un d'assez joyeux et optimiste malgré tout.
03:32Mais il y avait quelque chose qui n'allait pas
03:34et je n'arrivais pas forcément à mettre le terme dessus.
03:36Quand je suis tombée enceinte,
03:37j'ai senti qu'il fallait que je fasse quelque chose pour me réparer
03:41parce que j'ai senti que je ne me sentais pas assez stable pour accueillir un enfant,
03:45mais que j'en avais quand même envie.
03:47Du coup, j'ai commencé une thérapie.
03:48Et au fur et à mesure de la thérapie, pendant toute ma grossesse,
03:51à la fin, on est arrivé en fait à...
03:54Est-ce qu'il y a eu violence sexuelle dans l'enfance ?
03:56Parce que mes comportements, ce que je racontais était...
03:58Enfin, ma psy a un peu relu ça.
04:01C'était une possibilité qui était...
04:03Même moi, ça me paraissait...
04:05J'avais l'impression qu'il y avait eu quelque chose comme ça.
04:07Quand j'ai lu les documents, je me suis souvenue.
04:10Alors pas forcément...
04:12Enfin, si, des flashs qui sont revenus.
04:15Ensuite, j'ai un peu mis ça sous le tapis
04:17parce que quand même, j'avais un bébé à la maison et il fallait que je m'en occupe.
04:21Il fallait que je puisse fonctionner.
04:22La personne qui m'a fait subir les agressions est décédée.
04:24Donc, je n'allais pas faire...
04:27Entermer des choses contre elle.
04:29Mais par contre, le pédopsychiatre qui m'a analysée
04:32et qui est extrêmement problématique,
04:34qui est encore en vie aujourd'hui,
04:35qui est considéré comme un ponte de la pédopsychiatrie à Caen,
04:39j'avais envie, en fait, lui, pour le coup, de l'attaquer en justice
04:42et pour non-assistance à personne en danger.
04:44J'ai expliqué que je voulais déposer plainte au gendarme
04:46et tout de suite, ils m'ont dit
04:48« Non, non, on ne va pas prendre votre plainte.
04:50Ce n'est pas possible parce qu'il y a d'autres gendarmes
04:52qui sont en cause dans l'histoire,
04:54donc ceux qui ont fait le procès verbal. »
04:57Et du coup, ils m'ont refusé ma plainte.
04:58Et de là, je me suis dit « OK, c'est bon, il faut faire ce film. »
05:02Et ça en est suivi, du coup, un an de thérapie
05:05et de grands changements dans ma vie.
05:07Et de regarder ça en face et de commencer à parler aux victimes, etc.
05:11Et jusqu'à aujourd'hui, où du coup, là, on a commencé la production du film.
05:15Ce sujet de la question des violences faites aux enfants,
05:18il n'y a pas de préoccupation générale sur ça,
05:22alors que pourtant, c'est aujourd'hui, on le sait,
05:24plus de 6 millions de personnes concernées en France.
05:27Il faut se confronter à la réalité
05:29pour pouvoir espérer faire mieux ensuite dans le futur.
05:32Si on reste dans le déni, rien ne va changer.
05:33Comment est-ce qu'on essaye de faire de cette société
05:39un endroit qui soit à la fois safe pour les enfants,
05:41où on puisse créer des liens sains
05:44et nourrir les personnes qui vont évoluer dans cette société,
05:47parce que c'est faisable.
05:50Il y a beaucoup de choses à changer, mais c'est faisable.

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