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Il s’agit d’un mythe qui a la vie dure, celui d’Al Alandus, paradis multiculturel de l’Espagne médiévale dite des trois cultures, où la domination politique de l'islam aurait permis pendant des siècles d'extraordinaires échanges culturels entre les communautés islamique, chrétienne et juive, sur fond de cohabitation harmonieuse. La réalité est bien évidemment tout autre. Bien au contraire d’un merveilleux vivre-ensemble, les chrétiens, comme les juifs, furent l’objet d’un véritable apartheid, de constantes humiliations et discriminations. C’est cette imposture que nous allons expliquer aujourd’hui avec notre invité Philippe Conrad.

La Revue d'Histoire européenne : bit.ly/42tCcbT
Transcription
00:00Bonjour à tous. Il s'agit d'un mythe qui a la vie dure, celui d'Al-Andalus, paradis
00:26multiculturel de l'Espagne médiévale, dite des trois cultures, où la domination politique
00:32de l'islam aurait permis pendant des siècles d'extraordinaires échanges culturels entre
00:37les communautés islamiques, chrétiennes et juives, sur fond de cohabitations harmonieuses.
00:42La réalité est bien évidemment toute autre. Bien au contraire d'un merveilleux vivre
00:47ensemble, les chrétiens comme les juifs furent l'objet d'un véritable apartheid, de
00:51constantes humiliations et discriminations. C'est cette imposture que nous allons expliquer
00:57aujourd'hui avec notre invité Philippe Conrad. Philippe Conrad, bonjour. Je suis vraiment
01:02ravi de vous recevoir pour cette dernière émission de la saison, d'autant plus que
01:06c'est la 400ème d'une émission que vous avez créée et animée pendant plus de dix
01:12ans. Alors nous allons donc parler aujourd'hui d'Al-Andalus, un sujet que vous connaissez
01:17bien puisque vous avez écrit il y a peu, en 2020, Al-Andalus, l'imposture du paradis
01:24multiculturel paru aux éditions de la Nouvelle Librairie et il y a plus longtemps une histoire
01:31de la Reconquista, un classique, paru chez que sais-je en 1999. Alors je vous propose
01:38pour cette émission, on va faire trois parties. Première partie, une histoire de l'occupation
01:43musulmane et la Reconquista. Après nous allons parler, évoquer la dimidude. Qu'est-ce que la
01:48dimidude ? En gros, le sort des chrétiens et des juifs dans l'Espagne musulmane et puis après
01:53nous parlerons du mythe, du mythe et la déconstruction du mythe. Alors déjà Al-Andalus,
01:59d'où vient ce nom Al-Andalus ? Il est d'origine arabe ? Alors c'est un nom qui vient de l'arabe
02:06mais c'est une transcription d'un mot germanique qui désignait la terre conquise pour les Visigoths.
02:15Et le mot transformé a donné Al-Andalus. Ça n'a rien à voir, contrairement à ce que pensent
02:21beaucoup de gens, avec les Vandales qui sont passés seulement d'ailleurs, ont traversé l'Espagne, ne
02:28se sont pas installés durablement. Donc c'est au 8ème siècle que commence l'histoire d'Al-Andalus.
02:36De quoi est constituée l'Espagne au moment de la conquête musulmane ? Est-ce que c'est un royaume ?
02:42Quand la conquête musulmane intervient au début du 8ème siècle, l'Espagne, c'est le royaume des
02:50Visigoths. C'est un royaume unifié ? C'est un royaume unifié mais dans lequel les Visigoths
02:58doivent compter souvent avec certaines difficultés, certaines dissidences, notamment dans le nord-ouest,
03:05dans ces régions montagneuses, forestières, qui seront plus tard d'ailleurs le principal foyer de
03:10résistance, le foyer de résistance initial en tout cas, à la conquête musulmane. Il y a des rivalités
03:17aussi entre les différents clans Visigoths, des querelles de pouvoir. Il y a une querelle
03:24dynastique notamment qui est en cours au moment où les envahisseurs vont arriver en 711 en Espagne.
03:35C'est le royaume Visigoths, l'Espagne telle qu'elle était à ce moment-là.
03:39Donc Visigoths qui eux-mêmes viennent de l'Europe ?
03:42Ce sont des envahisseurs germaniques, des Goths, qui viennent de l'est de l'Europe.
03:50Qui ont traversé les Pyrénées.
03:51Qui ont traversé la France, qui ont installé également une principauté à Toulouse,
03:58un royaume Visigoths à Toulouse, et qui se sont repliés finalement sur la péninsule
04:02ibérique quand leur royaume franc de Clovis les a repoussés après la défaite qu'ils ont subi à Vouillée.
04:09Donc qui sont les premiers envahisseurs de la péninsule ibérique ? Ils viennent d'où ?
04:16Alors grand débat parce que dans les années 1960, vous avez un historien espagnol Ignacio
04:23Olagüe qui avait publié un ouvrage traduit en français avec un titre tout à fait provocateur
04:30puisque ce titre disait les Arabes n'ont jamais envahi l'Espagne.
04:34Et il expliquait qu'en fait c'était des chrétiens ariens qui avaient réussi à s'imposer,
04:44que les Arabes n'avaient pas les moyens sur le plan naval notamment de réaliser une telle opération.
04:53Mais on est complètement revenu sur cette hypothèse
04:59et ce sont à la fois des Arabes et des Berbères d'Afrique du Nord
05:04qui ont constitué les contingents qui ont envahi l'Espagne au début du 8ème siècle
05:10après avoir déjà effectué quelques reconnaissances,
05:14quelques poussées au-delà du détroit de Gibraltar.
05:18Et en 711 à la bataille du Guadalete, les Visigoths sont vaincus, le roi Roderic est tué
05:27et les conquérants vont réaliser une sorte de blitzkrieg tout à fait spectaculaire
05:36poussant des pointes dans toutes les directions,
05:40prenant le contrôle d'abord de ce qui est devenu notre Andalousie d'aujourd'hui,
05:45de Cordoue, de Grenade,
05:47et puis ensuite le contrôle dans un deuxième temps de la côte méditerranéenne valencienne,
05:57le contrôle de la vallée de l'Ebre au nord-est du pays
06:00et puis vont pousser également vers le nord sans rencontrer de résistance très solide.
06:11Alors pour de multiples raisons,
06:14d'abord les faiblesses structurelles du royaume Visigothique,
06:19le fait également que les envahisseurs ne sont pas perçus comme aussi radicalement
06:26qu'ils le seront quelques siècles plus tard.
06:29Il faut dire que l'Espagne avait vu des interventions d'Ephraim,
06:34venu soutenir l'un des partis Visigoths engagés dans les querelles dynastiques,
06:40avait vu surtout une reconquête byzantine
06:44qui avait été réalisée au cours du VIIe siècle
06:50et donc ces envahisseurs venus d'Orient ne sont pas perçus comme radicalement différents.
07:02La minorité juive espagnole qui avait été quelque peu désignée par le royaume Visigothique
07:10à la vindicte des populations accueille finalement ces nouveaux envahisseurs
07:16de manière à peu près favorable
07:21et le fond de population ibéro-romain qui était là depuis l'Antiquité
07:28et qui était en place quand les Visigoths avaient conquis le pays
07:32finalement n'avait pas adhéré vraiment à cet état Visigothique.
07:39Il n'y avait pas eu, si vous voulez, dans la péninsule ibérique,
07:44l'espèce d'osmose qui s'est réalisée en Gaule
07:47entre les populations gallo-romaines et les populations franques.
07:51Pour des raisons d'ailleurs aisément compréhensibles,
07:55les franques qui étaient installées en Flandre, dans les Pays-Bas actuels,
07:59dans le nord de la France actuelle, vont pousser à l'intérieur de la Gaule
08:04mais vont réaliser au fil du temps une osmose à peu près réussie
08:09avec les populations gallo-romaines.
08:12En Espagne, les populations d'origine ibéro-romaine restaient...
08:18– Plus fermées.
08:19– Oui, réticentes face à cette domination Visigothique
08:23qui était le fait de populations, il faut bien le voir, très peu nombreuses.
08:26Il s'agit d'envahisseurs qui sont quelques dizaines de milliers sans plus.
08:30Tandis qu'en France, on est à proximité des zones territoriales
08:34peuplées d'enseignements par des francs dans le nord de la France,
08:37dans les Pays-Bas, la Belgique actuelle.
08:40Donc ça crée une situation différente.
08:43– D'ailleurs, les envahisseurs musulmans de l'Espagne,
08:47c'est combien à peu près ? On le sait ?
08:49– On ne le sait pas mais au départ, ils sont quelques milliers,
08:55la première vague sans plus.
08:58Et puis alors après, ils vont se renforcer régulièrement.
09:03Et surtout, ce qui va vraiment changer la donne,
09:08c'est quand on arrivera à partir du XIème, XIIème siècle,
09:14l'élément musulman dans la péninsule ibérique va être formidablement renforcé
09:19par l'irruption des envahisseurs berbères, almoravides et almohades.
09:25– Effectivement, on va parler des différentes luttes.
09:27– Venues du Maroc.
09:28Et alors là, l'islamisation va s'en trouver évidemment renforcée
09:33dans la partie que l'islam contrôle alors.
09:36– C'est une occupation de peuplement, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de population.
09:40Est-ce qu'il y a des femmes qui viennent aussi
09:42ou est-ce qu'ils trouvent des femmes sur place ?
09:43– Oui, c'est une population de peuplement
09:46mais il y a aussi effectivement des unions locales
09:51parce que les envahisseurs se servent en quelque sorte.
09:55Mais oui, c'est une coalition de peuplement
09:58mais au départ relativement faible.
10:03Les choses vont se renforcer vraiment de manière spectaculaire
10:07après l'an 1000 avec les invasions venues du Maroc.
10:10– Alors justement, ces berbères, les primo-arrivants si je puis dire,
10:15sont de quelle dynastie ?
10:17– Il y a des arabes et il y a des berbères, il y a les deux.
10:19– Et ensuite il y a une seconde vague.
10:21– On retrouve des traces de cela dans la toponymie.
10:24Vous avez une ville comme Benicassim par exemple sur la côte valencienne.
10:32C'est un nom typiquement berbère.
10:34– Donc ce sont des berbères qui eux-mêmes ont été islamisés et conquis par les arabes.
10:37– Les arabes s'installent plutôt de manière sédentaire
10:40dans la vallée du Guadalquivir en Andalousie ou dans la vallée de l'Ebre
10:46et ils vont y installer d'ailleurs une agriculture,
10:51une horticulture plutôt tout à fait dynamique.
10:54Les berbères eux s'installent plutôt dans un premier temps sur la meseta,
10:59sur le grand plateau central espagnol où ils pratiquent l'élevage extensif.
11:03Et où d'ailleurs dans les années 740-750,
11:07il y a une grande vague de sécheresse qui s'abat sur le pays
11:10et une partie de ces populations berbères confrontées à ce phénomène
11:16va se replier vers l'Afrique du Nord.
11:19Donc il y a eu effectivement des va-et-vient nombreux durant toute cette période.
11:28– Vous parliez tout à l'heure de résistance dans le nord-ouest de l'Espagne.
11:33Ce sont quoi ? Ce sont les visigots qui se sont repliés ?
11:37– Alors non, ce ne sont pas des visigots.
11:40Ensuite dans la tradition, on verra cela comme une espèce de refuge
11:45de la monarchie visigothique qui a entrepris ensuite la restauration de l'Espagne,
11:53de restauration totius hispaniae, au nom de ce qu'on appellera plus tard la reconquête.
11:59Mais en réalité il s'agit de populations montagnardes repliées
12:06sur des régions refuges, forestières, d'accès difficiles
12:11où les envahisseurs arabes ne s'aventureront guère.
12:15Et c'est là qu'ils vont subir, dès 722, la défaite de Kobadonga
12:21qui va les conduire à négliger ces régions-là
12:25qui ne correspondent pas à l'espace naturel, au paysage naturel
12:31auxquels sont habitués les envahisseurs en Afrique du Nord.
12:35– C'est la Galice, c'est l'équivalent de la Galice.
12:38– Oui, c'est la Galice, ce sont les Asturies, c'est le pays basque,
12:40c'est toute cette région-là qui va être en quelque sorte le foyer de résistance
12:46mais un foyer de résistance qui n'inquiète pas beaucoup les maîtres de Cordoue
12:53parce que l'Espagne utile, ils l'ont sous leur contrôle,
12:58ils vont même négliger quelque peu ces franges nord-ouest montagneuses et forestières
13:05pour passer en Gaule où il y a effectivement des razza bien plus intéressantes à réaliser
13:10en direction de Narbonne, de Toulouse.
13:12Plus tard, ils vont monter comme ça jusqu'aux abords de Poitiers
13:17et c'est le pépin de Brèves qui réussira à les refouler au-delà des Pyrénées.
13:23– Il y a une première victoire en 844 qui est la victoire de Claviro.
13:28– Claviro, oui.
13:29– Elle est importante parce qu'elle est symbolique.
13:31– Oui, c'est une victoire symbolique, la bataille de Claviro
13:35parce que la tradition rapporte qu'au cours de cette bataille,
13:39Saint-Jacques est apparu aux combattants chrétiens,
13:44descendu du ciel pour les soutenir et leur a ainsi garanti la victoire.
13:51Alors c'est un moment symboliquement évidemment intéressant
13:53parce qu'on a retrouvé auparavant le tombeau
13:57ou ce que l'on considère comme le tombeau de Saint-Jacques en Galice.
14:01– Il va faire l'objet d'un culte très intense de pèlerinages de plus en plus nombreux, répétés.
14:11Il va mobiliser des masses de fidèles pendant plusieurs siècles du Moyen-Âge.
14:16Ça sera un élément tout à fait déterminant
14:20dans l'affirmation d'une identité chrétienne espagnole
14:25à travers les différentes principautés ou royaumes qui se constituent alors,
14:30qui sont notamment la Navarre, le royaume asturo-léonais au départ bien sûr,
14:36puis la principauté de Castille, à prendre une importance grandissante.
14:40– Ce sont les premiers royaumes espagnols qui se créent
14:42et donc il y a des premières offensives vers 1085, vous m'expliquez.
14:47– Alors oui, ça c'est déjà, on est déjà plus tard et les succès sont au rendez-vous.
14:52Au départ, ces principautés des Asturies, du Léon, c'est très peu de choses.
14:59La première capitale asturo-léonaise, Cangas de Onís, c'est une bourgade.
15:04Petit à petit, ils vont sortir du réduit montagnard pour aller s'installer plus au sud,
15:09commencer à conquérir de l'espace sur la meseta, sur le plateau central,
15:13installer une nouvelle capitale à Léon,
15:16et puis ensuite la Castille, elle, va installer sa capitale à Burgos.
15:21Et il faudra évidemment beaucoup de temps, plusieurs siècles,
15:26où les principautés chrétiennes vont rester sur la défensive,
15:31à l'époque notamment de l'apogée du califat de Cordoue,
15:36qui intervient à partir du Xe siècle.
15:41Au départ, l'État musulman en Espagne, c'est un émirat de Cordoue,
15:45et puis ensuite au Xe siècle, vous avez l'émir Abdelrahman III,
15:52qui va se proclamer calife, au même titre que le calife de Bagdad.
15:57– Ça, il y a des répercussions finalement de ce qui se passe en Orient,
15:59jusque dans le péninsule ubérique.
16:01– Ce n'est pas une répercussion directe, c'est dans la logique naturelle des choses,
16:05un prince musulman aussi puissant,
16:07évidemment, a l'ambition d'apparaître comme le calife,
16:11au même titre qu'il y a un calife à Bagdad, donc le calife abbasside,
16:14et il y a un calife pendant un temps aussi au Caire,
16:17le calife fatimide, d'une branche chiite de l'Islam,
16:21et ce calife de Cordoue, c'est un État, à son époque d'apogée,
16:27extrêmement puissant, extrêmement prospère.
16:30– Est-ce qu'il est aussi brillant qu'on le dit au niveau des arts ?
16:34– Avec notamment une très belle capitale à proximité de Cordoue,
16:42Ménénatanzara, dont on visite aujourd'hui les ruines,
16:47qu'on a baptisé le Versailles-Oméade,
16:50puisqu'on a affaire, là, à la dynastie des Oméades.
16:53Mais tant qu'il y a le calife de Cordoue,
16:57les principautés chrétiennes du Nord sont sur la défensive,
17:00se maintiennent sur la défensive, grignotent petit à petit du territoire,
17:03mais c'est encore extrêmement limité.
17:06En revanche, au moment où va chuter ce calife à Oméade,
17:11au XIe siècle, en 1031, le calife à Oméade disparaît,
17:15et l'Espagne musulmane va se trouver fragmentée
17:18en toute une série de petits royaumes, de petites principautés,
17:21ce qu'on appelle los reinos de Taifas,
17:24qui, cette division, quelque part, va lui être fatale,
17:28parce que, dans le même temps,
17:30les principautés chrétiennes du Nord vont se renforcer
17:33dans un contexte qui leur est favorable.
17:37D'abord, entre autres, l'essor du chemin de Saint-Jacques,
17:40qui amène aussi sur place les moines clunisiens,
17:43il y a un lien étroit qui s'établit entre l'Espagne et puis l'Occident,
17:47et puis l'Occident latin,
17:49et puis nous sommes à une époque aussi, il faut bien voir,
17:51au lendemain de l'an 1000,
17:53d'un remarquable sursaut démographique en Europe occidentale,
17:59donc le matériel humain est au rendez-vous
18:03pour envisager la reconquête et puis la colonisation,
18:06alors ça va être un travail de longue haleine.
18:10– Ça va être quand ? Il y a des Almoravides, je crois,
18:11qui arrivent, en plus du Maroc, il y a qui ?
18:13– Dans un premier temps, les choses se passent bien
18:15en termes de reconquête,
18:16c'est-à-dire que les chrétiens vont réussir à s'emparer de Tolède en 1085,
18:22Tolède qui est un peu le centre géostratégique
18:26de la péninsule ibérique, sur l'Otage,
18:29et puis ils vont s'emparer aussi de Valence pendant un temps,
18:33ils ont repris déjà Barcelone assez tôt,
18:37et puis ensuite Saragosse, etc.
18:40Mais là, à ce moment-là, il y a un événement qui intervient
18:46et qui remet en cause cette espèce de progression
18:49apparemment inéluctable du camp chrétien,
18:52c'est qu'à partir du Maroc, en deux vagues successives,
18:56vous allez avoir de nouveaux envahisseurs,
18:59des Almoravides d'abord, animés par une foi farouche,
19:04une foi islamique farouche,
19:06qui ont été mobilisés par des prédicateurs maléquites,
19:13qui dénoncent justement la dégénérescence
19:17des États musulmans andalous,
19:21accusés d'avoir sacrifié à toutes les tentations
19:26que pouvait leur offrir le monde de l'Andalousie,
19:30qui était un monde effectivement qu'on pouvait considérer
19:32comme assez paradisiaque, très riche,
19:36avec la douceur de son climat,
19:37avec tous les plaisirs que l'on pouvait connaître
19:41à la cour de Cordoue.
19:43Et alors ces envahisseurs, les Almoravides, les Almoads,
19:46ils vont mettre évidemment le camp chrétien en difficulté,
19:51on l'a dit, Tolède est tombé en 1085,
19:54le roi de Castille, Alphonse V s'en est emparé,
20:02et dès les années suivantes, l'arrivée des Almoravides
20:08fait que les choses se renversent,
20:10la grande victoire des Almoravides de Salacca
20:14donne un coup d'arrêt complet,
20:15alors le conquête et les chrétiens vont se trouver de nouveau sur la défensive,
20:19les Almoravides seront relayés une cinquantaine d'années plus tard
20:22par les Almoads,
20:25issus d'un autre mouvement religieux,
20:27issu de l'Atlas marocain,
20:30et de ce fait, la situation va rester équilibrée
20:35pendant pratiquement un très long demi-siècle,
20:41et ce n'est qu'à partir du XIIIe siècle
20:48que les choses vont de nouveau changer
20:52avec la grande victoire chrétienne de l'Asnavas des Tolossas en 1212,
20:57qui est un tournant majeur puisque le calife Almoad est vaincu,
21:04et la majeure partie de la péninsule est libérée dans la foulée,
21:10ça va être la reprise de Valence,
21:13ça va être la prise de Cordoue,
21:16bientôt la prise de Séville,
21:19au bout du compte à la fin du XIIIe siècle,
21:25l'islam andalou, l'islam ibérique se résume au royaume de Grenade,
21:31et donc on est dans une situation inversée à celle qu'on a connue au moment de la conquête,
21:35la majeure partie de la péninsule était tombée sous la coupe des musulmans,
21:41et seule la frange asturienne, basque, galicienne était un foyer de résistance,
21:48et bien là c'est un peu le même scénario,
21:50mais ce sont les musulmans qui maintenant,
21:53appuyés d'ailleurs sur un royaume de Grenade puissant,
21:57prospère, vont réussir encore pendant deux siècles
22:00à maintenir l'islam ibérique.
22:04– Parce que comment ça se passe concrètement parlant,
22:06lorsqu'ils sont battus, j'imagine qu'ils ne retournent pas en Afrique du Nord ?
22:11– Alors les musulmans concernés, quand ils sont battus,
22:17soit se replient sur le royaume de Grenade, restent musulmans,
22:22certains vont repartir vers l'Afrique du Nord,
22:24il y en a beaucoup, ce qu'on va appeler les maudits haress,
22:27qui restent dans l'Espagne chrétienne, ce qu'on appellera les maurisques plus tard,
22:34et qui continuent à y vivre,
22:36et qui bénéficient d'un certain nombre de libertés, notamment de cultes,
22:40c'est un petit peu l'envers du système de la dimitude
22:45tel qu'il était pratiqué par les musulmans en amont.
22:48– D'ailleurs, est-ce qu'on peut dire qu'en 1492,
22:50l'affaire est bouclée avec la chute de Grenade ?
22:53– Alors oui, la péninsule est reconquise,
22:56mais l'affaire n'est pas forcément bouclée pour autant,
23:00parce qu'on peut envisager de pousser la reconquête
23:03au-delà du détroit de Gibraltar, en Afrique du Nord.
23:06Déjà, les Portugais de leur côté,
23:09mais aussi bientôt les Espagnols,
23:12notamment sur la côte de Lorani, etc.,
23:15ils installent des points d'appui qui pourraient être des bases de départ
23:22pour une reconquête de l'Afrique du Nord,
23:25qui n'a guère, au jadis, plutôt fut chrétienne, bien sûr.
23:28Simplement, l'Espagne, à partir de ce moment-là,
23:31avec l'évolution historique du continent européen,
23:36l'installation de la monarchie Habsbourg,
23:37à la fois en Europe centrale, en Espagne, etc.,
23:41avec la conquête du Nouveau Monde,
23:42qui absorbe évidemment des moyens considérables.
23:45Alors, avec la menace ottomane aussi,
23:48contre laquelle il faut lutter, en Méditerranée, en Europe centrale,
23:52l'Espagne n'a pas les moyens d'une stratégie tout azimut de cette envergure.
23:59Et la reconquête s'arrêtera donc aux limites géographiques
24:05de la péninsule ibérique.
24:07Elle avait été terminée au Portugal dès le milieu du XIIIe siècle.
24:11– Alors, quel est, après le 14 fois 92,
24:14quel est le sort des populations musulmanes ?
24:16– Ah ben, le sort des populations musulmanes,
24:19certaines vont partir,
24:21elles ne veulent pas rester dans un monde dominé par les infidèles,
24:26par les chrétiens,
24:27mais certaines vont rester,
24:30ce sont ceux que l'on va appeler les maurisques,
24:32et qui seront expulsés, finalement, au début du XVIIe siècle,
24:37par le roi Philippe III.
24:40C'est son ministre, le duc de l'Erma, qui a organisé tout ça,
24:43parce qu'on s'est rendu compte, au fil du XVIe siècle,
24:46qu'il y avait un problème avec cette minorité maurisque,
24:51qui restait quand même attachée à sa foi.
24:54On l'avait encouragée à se convertir,
24:58on avait interdit un certain nombre de signes extérieurs,
25:03d'affirmations de leur identité musulmane,
25:07mais c'est une minorité qui, de fait,
25:10résistait à cette volonté d'assimilation
25:12qui avait été celle des rois catholiques.
25:15Vous savez, les rois catholiques, à la fin du XVe siècle,
25:18ils vont décider, ils vont prendre un certain nombre de décisions,
25:21notamment, ils vont exiger des juifs une conversion,
25:25sinon les juifs n'auront qu'à partir,
25:27c'est ce qu'ils vont faire pour beaucoup d'entre eux,
25:29qui vont se retrouver à Salonique,
25:31qui vont se retrouver au Portugal, plus tard en Hollande, etc.
25:34Et puis, c'est dans ces périodes, si vous voulez,
25:40qu'un historien espagnol, Luis Suárez Fernández,
25:42a appelé une période de maximum d'intensité religieuse,
25:46qu'on exclut les minorités,
25:49parce qu'il faut bien se replacer dans le contexte mental
25:53ou spirituel de l'époque.
25:54La question fondamentale, c'est la question du salut,
25:57il ne peut pas y avoir 36 vérités à propos du salut.
26:00Donc, ceux qui ne sont pas…
26:01– On n'est pas dans le relativisme.
26:02– Voilà, on n'est pas dans le relativisme.
26:04Ceux qui ne sont pas dans la perspective
26:07voulue, souhaitée par l'Église, on n'entend pas les garder.
26:11En plus, ces musulmans qui étaient restés en Espagne,
26:15ils présentent même un véritable danger,
26:18parce que nous sommes à l'époque où l'Empire ottoman menace
26:22l'Espagne et la Méditerranée occidentale,
26:24à partir de l'Afrique du Nord notamment.
26:26Et on aura même une deuxième guerre de grenade dans les années 1560,
26:33qui verra les maux-risques de cette région se soulever.
26:37Il faudra une campagne militaire extrêmement violente et longue
26:44pour venir à bout de cette résistance.
26:47Alors, sur cette base-là, au début du XVIIe siècle,
26:51comme je le disais, le roi Philippe III va décider
26:55de l'expulsion des maux-risques qui va être organisée
26:58d'une manière très méthodique, très rigoureuse,
27:02sur une longue durée, toute la flotte espagnole va être mobilisée
27:06et on va expulser les maux-risques essentiellement à l'Afrique du Nord
27:09grâce au presidio, à la base, que les Espagnols avaient installé
27:12à Oran principalement, il y en avait une autre à Merse-le-Kebir,
27:16et les maux-risques vont se retrouver ainsi en Afrique du Nord.
27:21– Alors, on va revenir maintenant sur le sort des chrétiens,
27:24des populations chrétiennes dans cette Espagne musulmane.
27:28Alors, est-ce que cette dimitude finalement, c'est une tolérance ?
27:33– Oui, ça fait partie des choses qu'on retrouve dans la plupart des pays d'Islam,
27:41il y a des choses assez comparables en Asie centrale par exemple,
27:46il y avait des choses comparables dans l'Empire Ottoman,
27:49il y avait des minorités chrétiennes.
27:52Alors simplement, ce sont des minorités qui n'ont pas les mêmes droits,
27:57bien sûr, que les musulmans.
27:59– Est-ce que c'est la réalité de cette…
28:01quand je disais que c'était une tolérance, mais en même temps…
28:04– Il y a une tolérance religieuse, avec parfois quelques limites,
28:08puis des périodes où les dirigeants musulmans sont plus exigeants ou plus rigoureux,
28:16mais cette distinction qui est établie entre les dhimmis et les croyants,
28:22elle repose notamment sur une discrimination fiscale.
28:28Les dhimmis doivent payer un impôt foncier plus un impôt par tête,
28:36qui sont des impôts spécifiques pesant sur les minorités,
28:39chrétiens ou juifs d'ailleurs, c'est la même chose.
28:42Également, il y a des discriminations d'ordre vestimentaire,
28:46les chrétiens ou les juifs doivent porter un certain nombre d'habits,
28:53et quand ils croisent un musulman dans la rue, ils doivent lui laisser le passage,
28:58leurs cérémonies religieuses doivent être limitées pour ne pas choquer les musulmans,
29:06par exemple, le recours aux cloches est interdit, aux processions, etc.
29:14Donc il y a tout un ensemble de pratiques qui sont censées marquer effectivement
29:20la discrimination qu'il convient d'établir.
29:24– Parce que la justice est la même ?
29:25– La justice est la même, mais dans une affaire de justice,
29:29le musulman prime par rapport aux chrétiens ou aux juifs.
29:35Donc, vous savez, c'est un grand auteur espagnol,
29:42Serafin Van Rool, qui a écrit le Mythe d'Alandalus,
29:45qui est un ouvrage majeur, qui a établi une comparaison significative,
29:51sachant qu'il faut se garder bien sûr de tous les anachronismes,
29:54mais il a parlé dans l'Espagne musulmane d'un apartheid.
29:58– C'est ce que je disais effectivement en introduction.
30:00– Un apartheid dont les victimes seraient les minorités chrétiennes et juives.
30:08Alors, on peut faire valoir dans l'autre sens,
30:10que les minorités musulmanes modéraresse dans l'Espagne redevenue chrétienne,
30:15elles aussi, elles ont un statut particulier,
30:20et on peut parler là aussi, quelque part, d'apartheid,
30:23mais c'est dans la logique des…
30:25il ne faut pas pêcher par anachronisme,
30:27c'est dans la logique des événements de l'Écosse.
30:28– Est-ce qu'il y a une volonté d'humilier le non-croyant ?
30:31– Alors oui, c'est effectivement souvent le cas.
30:36Il n'a pas le droit, par exemple, de construire une maison plus haute
30:40que ses voisins musulmans, il n'a pas le droit de monter à cheval,
30:46seulement sur un âne ou un mulet,
30:50des détails de la vie quotidienne de ce type
30:54qui sont censés bien marquer la différence entre les vrais croyants.
30:59Oui, bien sûr.
31:00– Donc l'impôt, c'est un impôt qui est lourd à porter ?
31:03– Oui, c'est assez lourd, il y a deux impôts,
31:05il y a un impôt foncier et il y a un impôt personnel
31:12qui sont dus par le chrétien, et vous parliez d'humiliation,
31:16quand les communautés chrétiennes viennent remettre l'impôt en question,
31:22le percepteur musulman donne une claque aux intéressés,
31:28voilà, à titre symbolique pour bien montrer qui est le maître.
31:36– Et est-ce que cela a entraîné, comme on a pu le voir dans les Balkans,
31:39est-ce que cela a entraîné beaucoup de conversions ?
31:41– De conversions à l'islam ? – Oui.
31:43– Alors là c'est assez difficile à évaluer, bien sûr,
31:47il y a eu des conversions, surtout à l'époque du califat homéade
31:52que j'évoquais tout à l'heure, à l'apogée du califat homéade
31:54qui était un État très puissant, très prospère,
32:00et puis qui était à l'offensive par rapport aux camps chrétiens
32:06d'Europe plus septentrionale, là il y a eu des conversions, oui,
32:11mais il y a eu en même temps toujours une minorité réticente
32:18qui a maintenu, en quelque sorte, qui a maintenu sa foi
32:24avec une réserve cependant, c'est que l'une des formes de résistance
32:28de ces minorités, ça a pu être la révolte brutale
32:34qui était bien sûr écrasée, ça a été le martyr,
32:37c'est l'épisode des martyrs de Cordoue, par exemple, au IXe siècle
32:41où des chrétiens viennent carrément dans la mosquée pour dire
32:44que Mohamed est un imposteur, etc., puis évidemment ils vont être exécutés,
32:48ça a été le martyr comme forme de résistance,
32:52et puis les gens ont voté avec leurs pieds aussi,
32:54ils sont partis vers l'Espagne du Nord pour aller,
33:00ceux qu'on appelle les chrétiens mosarabes…
33:02– Il y a consacré un chapitre entier aux chrétiens mosarabes, qui sont-ils ?
33:05– Alors ces chrétiens mosarabes, ce sont des chrétiens
33:07qui vivent sous domination musulmane, mais qui en même temps
33:11ont adopté un certain nombre, au niveau de la vie quotidienne,
33:14un certain nombre de pratiques, ils peuvent s'habiller à l'arabe,
33:20moustaribs, ça veut dire ceux qui sont comme les arabes, si vous voulez,
33:24alors ces chrétiens mosarabes, ils vont partir vers les royaumes chrétiens,
33:29vers les royaumes chrétiens du Nord, et ils vont en partie y apporter,
33:34justement, dans une large mesure, l'idée d'une nécessaire restauration
33:38de l'ancienne Hispania chrétienne, l'idée qui va alimenter
33:44le mouvement de la reconquête au fil des siècles.
33:48– Et vous dites qu'ils ont été annihilés, il y a eu une répression
33:51sur l'annihilation des chrétiens mosarabes ?
33:55– Ah ben, les chrétiens mosarabes, oui, à partir d'un certain moment,
33:58ça s'est mal terminé, parce que certains se sont révoltés,
34:02il y a un épisode notamment, où vous avez le roi d'Aragon,
34:11Alphonse le batailleur, qui va pousser des campagnes
34:16contre l'islam andalou, et les mosarabes, notamment à Grenade,
34:22vont se révolter, pensant qu'ils vont être libérés
34:25par cette irruption des chrétiens, ça n'est pas le cas,
34:27parce qu'il s'est avancé trop loin au Sud, il est obligé de revenir
34:31vers la vallée de l'Ebre, vers les terres aragonaises,
34:35et du coup, là, on va déporter massivement
34:40des chrétiens mosarabes vers le Maroc, notamment,
34:45et au bout du compte, la minorité mosarabe,
34:50elle est effectivement, progressivement, de fait anéantie,
34:55soit par les départs, soit par les déportations,
34:59soit par les conversions.
35:01– Alors maintenant, je voudrais en venir à la naissance du mythe
35:04du paradis multiculturel, il est apparu à quelle époque ?
35:11– Essentiellement au 19ème siècle, c'est un mythe
35:14qui est contemporain de l'époque romantique,
35:19c'est l'époque où il y a un certain goût pour l'orientalisme,
35:23pour l'exotisme en Europe, il y a tout un Orient rêvé
35:28par les Européens à l'époque, par les écrivains, par les peintres,
35:33pensez à Delacroix, à Frémentin, à des gens comme ça,
35:38et on a eu tendance à voir dans l'Espagne musulmane,
35:43à travers les monuments qu'elle a laissés,
35:45on pense aux monuments de Grenade, à l'embras de Grenade,
35:50un foyer de civilisation tout à fait brillant, ce qui était le cas,
35:55et du coup on a imaginé une Andalousie qui correspondait
36:03à une civilisation à l'époque très supérieure
36:06à ce que pouvait être celle de l'Europe médiévale chrétienne.
36:12Donc c'est le XIXe siècle pour l'essentiel, la genèse du mythe,
36:20et ensuite il s'est progressivement renforcé
36:25parce qu'à une époque plus récente, tout le discours des Européens
36:40faisant pénitence en regrettant, n'est-ce pas, l'histoire qu'ils ont accomplie.
36:44– Dans la repentance.
36:45– Voilà, repentance, c'est le terme que je cherchais.
36:48Dans cette perspective de repentance, on a évidemment valorisé
36:54une malheureuse civilisation brillante à tous égards
36:58qui avait été brisée, laminée par des barbares venus du Nord,
37:05en l'occurrence les royaumes reconquérants chrétiens.
37:11Alors évidemment, les choses ne sont pas aussi simples comme on s'en doute,
37:14il y a eu d'ailleurs des contacts et des échanges importants
37:18entre les deux mondes, le roi de Castille, Pierre le Cruel,
37:22par exemple, à Séville, son palais de Séville,
37:26ça ressemble tout à fait à un palais musulman.
37:29Et c'est quelque chose, les cours chrétiennes de l'époque,
37:37la musique que l'on y entend, c'est en grande partie inspirée
37:41par les modèles, les instruments, les musiciens musulmans,
37:47on sait que ces royaumes musulmans ou principautés,
37:52ils ont joué un rôle aussi dans la transmission de l'Antiquité,
37:55ils n'ont pas été les seuls, on connaît les mésaventures
38:01de notre ami Guggenheim, qui a montré qu'il n'y avait pas eu
38:08forcément besoin de l'intermédiaire musulman pour transmettre
38:11Aristote à l'Occident du XIIIe siècle,
38:15mais il y a un foyer culturel incontestable en Andalousie
38:24qui a laissé des traces, des œuvres tout à fait remarquables,
38:29c'est une évidence parfaite, c'est un point tout à fait indiscutable,
38:35mais cela dit, les envahisseurs du Nord n'étaient pas pour autant
38:42les brutes barbares que l'on a décrites.
38:46– Vous parlez même de légende noire de l'espace, qu'est-ce que c'est ?
38:49– Oui, la légende noire, c'est quelque chose de plus large,
38:53de plus vaste, je renvoie à l'ouvrage de Joseph Pérez,
38:56qui est disparu aujourd'hui, mais qui était un excellent spécialiste
39:00de l'Espagne, qui a rédigé un ouvrage, un livre intitulé
39:04La légende noire espagnole, il y a quelques années,
39:07qui fait un bilan de tout cela, c'est une légende noire
39:09qui est apparue plus tard, la légende noire espagnole
39:13elle est apparue dans les pays protestants,
39:16à partir du XVIe siècle, on a reproché aux Espagnols
39:20de représenter un catholicisme de la contre-réforme fanatique,
39:25on leur a reproché l'Inquisition espagnole,
39:29en caricaturant complètement la réalité en question,
39:34et on leur a reproché évidemment la conquête du Nouveau Monde,
39:38où ils ont eu le tort évidemment de mettre fin
39:41à des civilisations adeptes du sacrifice humain,
39:46comme c'était le cas pour les Aztèques.
39:49Et alors toute cette légende noire,
39:51qui était agitée par les puissances protestantes à l'époque,
39:54l'Angleterre et la Hollande principalement,
39:56elle s'est répandue aussi plus tard au XIXe siècle,
40:00sur fond d'anticlaïcalisme dans un certain nombre de pays,
40:04notamment chez nous, où l'Espagne a été présentée
40:08comme la quintessence d'un État religieux, fanatique,
40:14à l'époque de Philippe II, à l'époque de la conquête
40:18des Indes occidentales.
40:20– D'accord, donc finalement cette idéalisation de la Landalouse,
40:22c'est la contestation de l'Espagne chrétienne de la chrétienté ?
40:24– On a rajouté depuis le cas de la Landalouse
40:26dans la légende noire bien sûr.
40:28Cette Espagne qui va bientôt massacrer les Amérindiens,
40:34eh bien déjà elle avait un lourd bilan à son actif,
40:37à travers la conquête de la Landalusie.
40:41– Et aujourd'hui pour les contempteurs de la créolisation de la France,
40:43finalement c'est un modèle, ce serait un modèle idéal ?
40:46– Oui, bien sûr, tout ça appartient, si vous voulez,
40:50à tout le courant de déconstruction générale
40:53qui accourt aujourd'hui en Occident.
40:56C'est ce qui fait qu'en Espagne aujourd'hui,
40:58les musulmans en Espagne réclament qu'on leur rende
41:01la mosquée de Cordoue, mosquée cathédrale bien sûr,
41:05aujourd'hui, parce qu'elle aurait été prise,
41:10arrachée à ses propriétaires, à ses propriétaires légitimes.
41:15– Phil Kourane, merci infiniment.
41:18Je renvoie déjà à cet opuscule, à La Landalouse,
41:21la posture du paradis multiculturel.
41:25En termes bibliographiques, il y a aussi le livre de Serafin Fanjul
41:28dans vos parachutes qui est majeur.
41:29– Alors oui, il y a aussi le livre de Serafin Fanjul,
41:31le mythe de la Landalouse qui a été traduit en France
41:34aux éditions L'Artilleur.
41:35Il y a un autre livre qui est celui de Raphael Sanchez-Saouz
41:38qui est aussi un brillantissime universitaire espagnol
41:43qui s'appelle La Landalouse et la Croix.
41:46Et puis, il y a encore un autre livre qui est celui de Dario Fernandez Moreira
41:51qui est un espagnol professeur à l'Université de l'Illinois aux États-Unis
41:56et qui a été traduit, lui, chez Godefroy de Bouillon.
41:58Raphael Sanchez-Saouz, il est traduit, j'ai oublié de le dire,
42:03au Rocher, La Landalouse et la Croix.
42:06Et Dario Fernandez Moreira, il a écrit
42:11« Chrétiens, Juifs et Musulmans dans l'Andalousie médiévale »
42:17et c'est paru aux éditions, non pas Godefroy de Bouillon,
42:22mais aux éditions Jean-Cyril Godefroy.
42:26Alors je signale aussi à nos spectateurs,
42:29nous avons organisé en 2019 un colloque sur ce thème de La Landalouse.
42:33– Un colloque de l'Association pour l'Histoire.
42:34– L'Association pour l'Histoire, à La Landalouse, du mythe à l'histoire.
42:38Il y en a encore quelques dizaines d'exemplaires disponibles.
42:43– On peut se les procurer, on l'indiquera sous la vidéo,
42:45je mettrai le lien.
42:46– On peut se les procurer en allant, grâce à internet,
42:49contacter l'Association pour l'Histoire,
42:51a-p-h-arobase-orange.fr
42:58– Ok.
42:59– Et on peut se les procurer comme ça,
43:01on l'indiquera sous l'émission, vous aurez le lien.
43:04– Au prix de 11 euros, je crois, donc c'est un prix tout à fait dérisoire.
43:08– Parfait, merci infiniment, c'était passionnant.
43:11– C'est moi qui vous remercie de votre accueil.
43:12– Avant de nous quitter, un conseil d'exposition,
43:15s'il ne vaut pas, vous mène,
43:17durant les vacances dans la région de Narbonne,
43:20ne manquez pas l'exposition
43:21« Escale en Méditerranée Romaine »
43:24qui se tient au musée Narbo-Via.
43:26Cette exposition révèle le rôle central de ce port majeur,
43:29situé au cœur de la marée Nostrum.
43:31Pivot de la prospérité et du rayonnement de la province de Narbonne
43:36pendant près de six siècles,
43:37l'ensemble portuaire de Nabo-Marcius
43:39assurait la fonction stratégique de port,
43:42de redistribution entre l'Italie et l'Espagne,
43:44mais également en direction de l'Atlantique,
43:47du nord de la Gaule et des îles britanniques,
43:49tout en devenant un grand port exportateur de vins,
43:52de minerais ou encore de céramique.
43:55Grâce à des découvertes importantes sur les sites des étangs de bagues,
43:58de sijans et de gruissants,
44:00l'exposition met en évidence un véritable système portuaire complexe
44:04avec de nombreuses infrastructures telles qu'un phare,
44:07des quais, des entrepôts qui permettaient le chargement-déchargement,
44:10des marchandises, leur stockage et leur acheminement
44:12depuis ouvert le port urbain de la cité romaine.
44:15A travers plus de 150 pièces uniques,
44:18dont des céramiques, des mosaïques, des amphores, des monnaies
44:20et des objets du quotidien,
44:22l'exposition présente le résultat de ses recherches archéologiques
44:25et les relie aux connaissances relatives
44:27à d'autres ports de commerce romains de la Méditerranée occidentale.
44:32Afin d'immerger les visiteurs dans le grand port romain de Narbonne-Marsius,
44:36le parcours de l'exposition est rythmé par plusieurs dispositifs de médiation,
44:40projections sur maquettes en relief pour découvrir le milieu naturel
44:43dans lequel le port a été construit,
44:45maquettes de navires et d'installations portuaires,
44:47objets à manipuler pour comprendre les techniques de construction navale
44:51et de navigation et même des dispositifs olfactifs,
44:54sonores et tactiles pour découvrir le port
44:56et les marchandises qui y transitaient.
44:58C'est ainsi que tous vos sens seront sollicités
45:00dans cette exposition résolument interactive
45:03qui se tient jusqu'au 5 janvier 2025.
45:07C'était Passer Présent, l'émission historique de TVL
45:10présentée en partenariat avec la Revue d'Histoire Européenne.
45:13Avant de retrouver Christophe Erlan et La Petite Histoire,
45:16n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
45:19et bien sûr de vous abonner à notre chaîne YouTube.
45:22Merci et à bientôt.
45:26PASSER PRÉSENT
45:28LA RÉVOLUTION BOLCHÉVIQUE
45:40Depuis ses débuts, la Révolution Bolchévique
45:42a eu son lot de terreurs, de purges et de massacres en tous genres.
45:46Aujourd'hui, on va parler de la première grande purge stalinienne,
45:50celle de 1936.
45:51Deux ans auparavant, le 1er décembre 1934,
45:55Sergeï Kirov, un grand rival de Staline, est assassiné à Leningrad.
45:59Quand je dis que c'est un grand rival de Staline,
46:01c'est-à-dire qu'au 17e congrès communiste,
46:04en février 1934,
46:06il avait obtenu beaucoup plus de succès que Staline.
46:09Forcément, ça lui a pas beaucoup plu à Mario.
46:11Si, si, son vrai prénom c'est Mario.
46:13Allez, mais renseigne-toi.
46:14Même si les causes de cet assassinat sont assez floues,
46:17ça va permettre à Staline d'organiser une grande purge,
46:20de mettre du monde aux arrêts et de se servir de ça comme prétexte
46:23pour dériver vers un pouvoir personnel.
46:26C'est l'occasion pour Staline de se propulser au poste de chef suprême,
46:30et donc, après cet assassinat de Kirov,
46:32il va procéder à un vaste coup de filet dans l'opposition.
46:35Zinoviev, Kamenev, Pyatakov, Bukharin, Rykov,
46:40tous vont être arrêtés, jugés.
46:42Et pour justifier tout ça,
46:44Staline va faire passer ses affaires en terrorisme.
46:47D'ailleurs, juste après le décès de Kirov,
46:49le jour même, le 1er décembre 1934,
46:52un décret va mettre en place une procédure militaire pour les affaires de terrorisme.
46:56Les affaires seront jugées à huit clos,
46:58sans défenseur ni droit d'appel,
47:00et avec une exécution immédiate du verdict.
47:03Bah oui, mais ces gens-là, ce sont les guides spirituels
47:05de l'actuel syndicat de la magistrature, il faut le savoir tout ça !
47:09Bon, bien sûr, on n'applique pas cette procédure-là
47:11pour les gens qui détruisent la France, faut quand même pas déconner.
47:13Ça fait même un peu penser parfois au Parlement européen, par exemple.
47:17On se croirait chez les bolcheviques, ici !
47:19Eh oui !
47:19Aussi, quelques mois plus tôt, en février 1934,
47:22le GPU a été supprimé pour être remplacé par le NKVD.
47:26Le NKVD va devenir une véritable police politique très coriace,
47:30qui va plus tard être directement sous les ordres de Staline.
47:33Sa mission sera d'éliminer toute opposition à l'intérieur du territoire.
47:38Une fois que les institutions et les hommes sont en place,
47:41la grande purge peut commencer.
47:52Alors tout d'abord, Staline lance une mise en condition de l'opinion publique par la presse.
48:17Tiens, on peut en parler aussi de la presse de l'époque et de la presse d'aujourd'hui.
48:21Bon, on verra plus tard.
48:22Il faut mettre en alerte la population contre la menace terroriste
48:26et la menace Trotsko-Zinovieviste.
48:29Une fois que les cerveaux sont bien remués,
48:31le procès de Moscou va s'ouvrir, le fameux procès des 16.
48:35Il va se tenir du 19 au 24 août 1936
48:39et va concerner 16 accusés rigoureusement sélectionnés.
48:42Tous sont d'anciens compagnons de route de Lénine
48:45et les deux vedettes, entre guillemets, de ce procès sont Zinoviev et Kamenev.
48:49Ces deux-là venaient dans la hiérarchie bolchévique juste après Lénine et Trotski
48:54et ils incarnaient littéralement l'épopée révolutionnaire de 1917.
48:58De plus, ils ont tous deux formé avec Staline de 1922 à 1925
49:03la fameuse Troïka qui a gouverné le pays durant la maladie de Lénine.
49:06Comprenez que dans l'esprit de l'oncle Joe et dans l'esprit communiste,
49:10ces deux-là ne pouvaient pas rester en vie bien longtemps, c'est logique.
49:12Bien sûr, ils sont tous accusés de terrorisme
49:15et on leur promet, on leur fait miroiter qu'ils auront la vie sauve en échange d'aveu.
49:19Ainsi, on va assister à un curieux procès, ou plutôt à un simulacre de procès
49:23où tous les accusés se chargent eux-mêmes, s'accusent de toutes les fautes
49:27et louent le grand Staline et son parti.
49:29Et lorsque le célèbre procureur Vyshinski, qui sera la cheville ouvrière des procès de Moscou,
49:34déclarera qu'il faut les fusiller comme des chiens, ces derniers répondront
49:39« Je remercie le procureur d'avoir réclamé pour nous la seule peine que nous méritons, la mort. »
49:44Car le verdict a été sans appel, la mort pour tous.
49:49La mort pour tous
49:51La mort pour tous
49:53La mort pour tous
49:55La mort pour tous
49:57La mort pour tous
49:59La mort pour tous
50:01La mort pour tous
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50:05La mort pour tous
50:07La mort pour tous
50:09La mort pour tous
50:11La mort pour tous
50:13La mort pour tous
50:15La mort pour tous
50:18Dans les partis communistes européens, évidemment, personne ne s'émeut.
50:22Ça passe après tout. C'est dans l'intérêt du peuple !
50:24Ah oui, j'oubliais de préciser qu'après ce simulacre de procès et l'exécution de ces 16 condamnés,
50:30plus de 5000 autres seront secrètement massacrés dans les semaines qui suivent.
50:34Quoi ? Dans les semaines qui suivent ? Mais non, 8 jours après le procès !
50:38On n'a pas de temps à perdre !
50:39Le cycle ouvert en août 1936 va se prolonger les deux années suivantes.
50:43Après le procès des 16 en 1936, ce sera, en 1937, le procès des 17.
50:49Et en mars 1938, le procès des 21.
50:53A noter qu'entre le deuxième et le troisième procès de Moscou,
50:56va avoir lieu à huis clos un procès contre tous les chefs militaires
51:00qui va ainsi décapiter le sommet de l'armée rouge.
51:02Et voici comment, l'espace de quelques années, Mario est devenu Super Mario.
51:07Désolé.
51:09Et voici aussi comment, avec de la sueur et du sang,
51:12celui des autres, Staline va inspirer toute une génération d'hommes politiques
51:17que nous subissons encore aujourd'hui.
51:19N'est-ce pas merveilleux ?
51:20Quelle merveilleuse référence !
51:22Merci à tous d'avoir suivi ce nouvel épisode de La Petite Histoire.
51:26Je vous dis à bientôt pour de nouvelles aventures,
51:28toujours plus riches en anecdotes,
51:30toujours plus riches en démystifications,
51:32sur TV Liberté.
51:42Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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