• il y a 4 mois
Daphné Bürki, Maud Le Pladec, Damien Gabriac et Patrick Boucheron, chargés d'élaborer avec Thomas Jolly la grandiose cérémonie d'ouverture des JO de Paris 2024, sont les invités de 8h20. Ils reviennent sur l'écriture, le déroulé pas toujours simple du spectacle, et ses messages très forts. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-du-week-end-du-samedi-27-juillet-2024-3772628

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00:00Quelle soirée ! Du Pondo Sterlitz avec un panache bleu-blanc-rouge jusqu'à ce ballon
00:04doré qui emmène la Vasque Olympique vers le ciel, on a vécu 4 heures d'une expérience
00:09inédite, un spectacle festif, joyeux et bourrifant, inclusif, qui a mélangé les genres et les
00:15espaces temps, baptisé Saïra, une révolution dans le genre assez corsetée de ce type de
00:20spectacle.
00:21Alors ceux qui ont écrit, imaginé, scénarisé, réalisé, habillé cette cérémonie d'ouverture
00:27des JO étaient jusqu'à présent tenus au secret.
00:29Le jour d'après, plusieurs d'entre eux sont avec nous ce matin, en ligne Maude Lepladec,
00:35la chorégraphe et directrice de la Danse sur les Cérémonies.
00:38Bonjour !
00:39Oui, bonjour !
00:40En studio avec nous, Patrick Boucheron, historien au Collège de France.
00:44Bonjour !
00:45Je salue aussi Damien Gabriac, auteur de théâtre.
00:48Bonjour !
00:49Et bonjour aussi à Daphné Burki qui est en ligne avec nous.
00:51Bonjour !
00:52Bonjour !
00:53Animatrice de télévision, mais surtout styliste en charge des costumes de la cérémonie.
00:58Et vos questions, bien sûr, sont les bienvenues aussi sur l'appli France Inter.
01:02D'abord une question générale à vous quatre.
01:05Comment ça va ce matin ? On commence par vous Damien.
01:08Ça va plutôt très très bien.
01:10On voulait dire soulagé ?
01:12Soulagé, fier, on a le droit de le dire, parce que même nous, on ne savait pas trop
01:19à quoi s'attendre avec cet objet énorme qui allait sortir, parce que les répétitions
01:26sont faites de plein de moments différents et qu'on n'avait pas forcément vus ensemble.
01:30Et du coup là, on est hyper heureux de ce moment-là.
01:35Enfin, j'en suis encore ému.
01:37Patrick Boucheron ?
01:38Pareil, oui, je suis fier et puis surtout reconnaissant, incroyablement reconnaissant
01:42parce que moi, je suis un des co-auteurs avec Damien Gabriac, Leïla Slimani et Fanny
01:49Herrero, mais depuis un an, c'est Damien qui conduit, enfin je veux dire qui poursuit
01:56le travail, qui est le gardien fidèle du récit, mais ce récit, il a été adapté.
02:01De quelle manière ? Nous, on était là, on nous tenait au courant, mais on était
02:04un peu les bras ballants.
02:05Moi, j'étais condamné à des phrases générales, des intentions, bonnes ou mauvaises.
02:14Ça nous permettait de prendre un peu la foudre.
02:17Vous allez pouvoir vous lâcher ce matin.
02:19Maud Lepladec ?
02:20Oui, bien écoutez, extrêmement fière aussi.
02:23La voix fatiguée ce matin, Maud, sans vous, vous étiez sur le pont, si j'ose dire.
02:30J'avoue, mais en fait, j'ai perdu ma voix déjà depuis plusieurs mois, donc voilà.
02:34Mais non, je ne sais pas, j'en ai encore plein les yeux, plein le cœur, j'ai presque
02:41un peu triste aussi que ça soit terminé, je dois avouer.
02:43Vous êtes déjà en petite dépression post-partum ?
02:46Non, non, non, ce n'est pas mon genre.
02:49Et vous, Daphné Burkhi ?
02:51Bon, on s'est quittés il y a deux heures, les amis.
02:54Alors justement, où étiez-vous ?
02:56On était dans un rad à côté du Trocadéro parce qu'on ne savait pas où aller pour
03:00s'unir et boire un verre après cette aventure complètement folle.
03:04Ça fait quand même un an et demi qu'on ne dort pas beaucoup et qu'en effet, on s'est
03:09posé sur ce récit.
03:10Donc ce matin, moi, je n'ai aucun recul, je sais juste que j'ai encore le cœur qui
03:16bat à 400 à l'heure, que mon corps est rempli d'adrénaline, que je suis très
03:20fière de Thomas Joly, de Thierry Reboul et de Tony Estanguet parce qu'ils n'ont jamais
03:24rien lâché sur cette histoire.
03:26On a tenu et malgré le déluge hier soir.
03:30Oui, malgré.
03:31Ça, ça vous a fait peur, Damien Gabriac, le déluge ?
03:33Ça nous a fait très peur, mais en même temps, c'était presque couru d'avance vu
03:38toutes les épreuves qui sont passées depuis deux ans.
03:41C'était le boss final et on l'a passé aussi.
03:46Est-ce que Thomas Joly a renoncé à beaucoup de choses finalement à cause de la pluie
03:50ou pas tant que ça ?
03:51Il y a quand même des séquences qui ont été supprimées, il a dit qu'il y avait
03:54eu des petites adaptations.
03:55Le jour même, évidemment, il y a des toits qui sont devenus impraticables, donc on a
03:59trouvé d'autres endroits.
04:02Le jour même, il y a des endroits qui glissaient, donc on a trouvé des endroits qui ne glissaient
04:07pas.
04:08Tout simplement, on a réadapté jusqu'à 19h10 le spectacle pour qu'il soit faisable
04:16avec tout l'ego et tout le monde était d'accord pour partir.
04:19Allez, c'est bon, on le fait en entier, qu'il pleuve, voilà.
04:22Vous étiez combien décidé hier ?
04:25Vous étiez combien mobilisé ?
04:26Hier soir, j'étais au centre de commandement.
04:29Et alors, centre de commandement, ça ressemble à quoi ?
04:32Le centre de commandement d'une cérémonie comme ça ?
04:34Ce n'est pas l'endroit le plus glamour.
04:36C'est un endroit avec des gens qui sont très concentrés, beaucoup d'écrans qui
04:43nous racontent un peu ce qui se passe, des coups de téléphone tout le temps pour dire
04:47est-ce que toi c'est possible si tu te mets là et si ce plan-là, en fait, tu l'as
04:51plu, mais du coup, on te propose ce plan-là.
04:53Donc voilà, c'est un endroit un peu comme une tour de contrôle d'aéroport, mais pour
04:59faire un beau spectacle.
05:00Donc voilà, ce n'est pas très passionnant, mais en même temps, c'est là où se crée
05:05le spectacle, ce spectacle vivant et il s'est fait à cet endroit.
05:10Qui était quand même incroyablement millimétré, quatre heures au cordeau.
05:15Alors, emmenez-nous dans la genèse de cette folie.
05:19Comment avez-vous travaillé en commun sur ce projet pharaonique ?
05:22On va partir de l'écriture d'abord, Patrick Boucheron.
05:25Oui, c'est pour moi une expérience de lâcher prise très heureuse, c'est-à-dire d'écriture
05:32collective d'un récit sans parole.
05:35C'est pour ça que là, aujourd'hui, j'ai plutôt envie de laisser filer les images
05:39et les émotions.
05:41Et comment on construit un récit historique sans parole ?
05:44Je sais très bien, pour moi, c'était la première fois, évidemment la dernière.
05:47Il n'y avait pas de précédent, il n'y avait pas de modèle.
05:50On s'est réunis pendant six mois, à cinq, avec Thomas Joly et les quatre autrices et
05:58auteurs, et puis on a imaginé le scénario d'ensemble.
06:02Moi, j'étais l'historien de service, mais pas simplement là pour donner.
06:06Vous avez vu qu'ils étaient discrets, en somme, les références historiques.
06:10Le scénario d'ensemble, Damien, il ressemblait à quoi ?
06:14Il ressemblait à ça.
06:15C'est ça qui est absolument bouleversant pour moi.
06:17Il y a deux ans, vous étiez déjà là-dessus ?
06:19Il y a un an, on est sortis avec douze tableaux et les douze tableaux, ils sont là.
06:23Un an après.
06:26Et après, effectivement, c'est pour ça que je suis tellement heureux de rendre hommage
06:32aux créateurs.
06:33Ça a été une chance extraordinaire pour moi de travailler avec ces grands artistes,
06:37avec Thomas Joly et avec toutes celles et ceux qui mettent en musique.
06:40Et puis voilà, pourquoi on est fiers ?
06:43Parce qu'avec la pluie, avec les difficultés qui ont été innombrables, ce qu'on a donné
06:49à voir, c'est des gens qui serrent les dents et qui y vont, les chanteuses, les danseurs
06:55dans la flotte.
06:56Ah oui, vraiment dans la flotte.
06:58Mais hier soir, c'était…
06:59Il n'y en a pas un, il faut le dire Damien, il n'y en a pas un qui a renoncé en fait.
07:05Non, ils étaient tous là.
07:06Maud Lepladec, ça a été compliqué pour vos danseurs, on l'imagine hier soir ?
07:10Oui, ça a été compliqué, mais on était très très préparés en fait.
07:18Oui, allô ? Moi j'entends.
07:20Il y a un tout petit décalage, c'est normal.
07:23Allez-y.
07:24Excusez-moi.
07:27Donc je disais, oui c'était un peu compliqué, mais on était très préparés, les danseurs
07:35avaient très envie d'y aller, ils étaient nombreux, le cœur à l'ouvrage, et c'est
07:42vrai que c'était, comme le disait Damien, il n'y a rien qui n'a changé depuis le
07:46moment où je leur ai présenté le projet jusqu'à ce qu'ils le réalisent, si ce
07:50n'est évidemment tous les impératifs liés à la nature.
07:54On était dans ce grand théâtre qu'est Paris, on ne savait pas, enfin moi je les
07:59avais aussi, on en a énormément discuté sur cette part d'inconnu qui faisait aussi
08:03partie de ce spectacle, et je crois que c'est ce qui les motivait, si je pense au tableau
08:09Synchronicité, ils avaient les pieds dans l'eau, ils avaient aussi la tête dans les
08:14nuages, et aussi le corps couvert d'eau, il y avait quelque chose comme ça qui était
08:18très poétique, qui faisait sens, je crois qu'il y avait quelque chose de l'ordre
08:22de la résistance aussi dans ce tableau, et aussi dans toute cette cérémonie, et je
08:27pense qu'en fait, c'est le fait que tous les artistes, mais aussi tous les athlètes,
08:32le public, tout le monde, de manière déterminée comme ça aillent ensemble de Trocadéro,
08:37enfin pardon, d'Austerlitz jusqu'à Trocadéro, vaillant et coûte que coûte, ça faisait
08:41à mon sens partie de la force de cette cérémonie, de ce spectacle, et je trouve que c'est
08:46assez lié avec l'énergie que dégageaient tous ces corps en mouvement, et moi je sais
08:51qu'il me reste encore une impression très très forte de cette résistance-là.
08:56Daphné Burkhi, c'est vous qui avez conçu les costumes, et là encore, comment avez-vous
09:02travaillé de manière coordonnée ? En fait, l'équipe de Thomas Joly, c'est
09:08une vingtaine de personnes, parce qu'il y a évidemment les auteurs, les autrices,
09:13et puis sa corps-team avec Victor Lemann à la direction de la musique, en effet, Maud
09:19Fladeck à la direction de la danse, mais on est une équipe très rapprochée autour
09:24de lui, donc une fois que le récit était là, il fallait l'illustrer, il fallait le
09:28référencer, il fallait lui donner vie, parce qu'encore une fois, Damien l'a rappelé,
09:32c'est du spectacle vivant qu'on a fait hier soir, et donc on l'a nourri, on a nourri,
09:37nourri, nourri, nourri Thomas, on a défini les images, nous, qu'on avait dans la tête,
09:42ce qu'on avait envie de voir, on a créé 1800 costumes, hier, entre autres, mais
09:49il y en aura 3000 sur les quatre cérémonies, parce qu'il y a d'autres cérémonies à venir,
09:52on a, j'ai conçu ça, on a conçu un atelier à Saint-Denis, avec le chef costumier Olivier
09:59Berriot, sans qui rien n'aurait été possible, et ça fait six mois qu'on a un atelier d'une
10:05centaine de personnes qui a beaucoup, beaucoup travaillé, et une vingtaine d'ateliers en France,
10:09pour mettre au point toutes ces idées, et puis surtout le but, c'était de travailler de façon
10:16consciente, depuis un an et demi, on travaille de façon consciente, c'est pour ça que la
10:19cérémonie a démarré, d'ailleurs, à 19h30, pour utiliser la lumière naturelle, et le déluge.
10:23Surtout le déluge, en fait. En fait, la lumière, on l'a eue quand la nuit est tombée, hier soir.
10:30Non, mais c'était intéressant, de toute façon, vous savez quoi, quand on travaille en mode,
10:35on utilise aussi, voilà, les couleurs du décor naturel, et les gris colorés de Paris,
10:39on les adore depuis le début, donc on les a eus plein pot, hier soir, et une image comme ça,
10:44on n'aurait jamais pu la créer, même au cinéma, donc quelque part, il faut l'accepter, de toute
10:48façon, c'était du spectacle vivant, on savait, on avait tout prévu à la seconde près, et en même
10:55temps, on n'avait rien prévu, on ne savait pas, au final, ce que ça allait donner, donc voilà,
11:00c'est comme ça qu'on a travaillé, et pour illustrer ces douze tableaux, on a douze couleurs
11:05totalement différentes, douze histoires totalement différentes, pour que chacun puisse peut-être se
11:10sentir représenté, en tout cas, dans toutes les identités qu'on a pu montrer, et dans la richesse
11:15de la scène culturelle française, parce que Maud a réussi à réunir des balais de toute la France,
11:20c'était une prouesse, et puis d'arriver à faire répéter autant de Français, c'était une prouesse
11:24aussi, donc tout était fou, le projet était pharaonique, mais voilà, là, on n'a pas encore
11:31assez de recul pour vous en parler, très calmement, sur France Inter, ce matin, mais les cœurs sont
11:36encore très chauds, en tout cas. Mais les nôtres aussi. Alors, parmi les séquences fortes de la soirée
11:42d'hier, il y avait cette Marie-Antoinette décapitée et une consergerie en pleine révolution, avec le
11:48groupe Gojira et la chanteuse lyrique Marina Viotti. Comment avez-vous écrit cette séquence, Damien
11:54Gabriac ? Alors, je ne l'ai pas écrit tout seul, on l'a écrit tous ensemble, mais tout simplement, parce
12:01qu'on a écrit notre cérémonie en suivant le parcours de la parade des athlètes, et là, on passait
12:08par la consergerie, où a été emprisonnée Marie-Antoinette, avant d'être décapitée. Et on s'est dit, il faut
12:15qu'on parle de la Révolution française, c'est notre... on est connu dans le monde entier pour
12:21cet événement historique, et alors, on s'est dit, et puis voilà, on avait envie qu'il y ait de l'énergie,
12:29l'énergie de la Révolution française, donc Gojira, du métal, et des têtes décapitées, puis c'est à la fois
12:36aussi un pied de nez à Londres, avec la Reine d'Angleterre et James Bond, nous, voilà, c'est ça
12:43qu'on porte comme valeur. Qu'en dit l'historien Patrick Boucheron ? Bah, j'en dis ce qu'on a fait
12:49voir, je suis totalement, j'assume tout, et joyeusement, et collectivement, et ce qui, quand même, il y a
12:57quelque chose, c'est qu'on ne va pas polémiquer, justement, on ne va pas polémiquer. Vous avez dit
13:05ressemblant. Non, c'est Daphné qui a dit ressemblant. C'est ressemblant d'une manière d'être, de faire
13:12récit de notre diversité, et d'affirmer crânement, énergiquement, que c'est comme ça qu'on va vivre
13:19ensemble. Comme ça, avec ça, avec ce passé-là, avec ces monuments-là, avec cette beauté, avec cette
13:27beauté qu'on ne veut pas intimidante, cette beauté qui va nous encourager, et une nation, oui, une nation,
13:33parce qu'on est fiers aussi. On a parlé, on a restauré, pour nous, intimement, une fierté pour ce
13:41pays, pas pour son identité, mais pour son projet politique. C'est aller de l'avant, une histoire
13:49en mouvement, et je suis tellement heureux qu'on ait pu donner à voir ça aux jeunes. Moi, j'avais mes
13:58filles sur le parcours. Elles ont vu, quand même, ça déchirer. C'est tout, c'est aussi simple que ça.
14:06On a refait la prise de la bastille. En quelques minutes.
14:10Elles ont vu des athlètes. C'est pour eux, quand même, ne l'oublions pas. Et puis, c'est pour qu'ils
14:16soient heureux, eux, les athlètes.
14:19En fait, c'était très intergénérationnel aussi, Damien, cette cérémonie. Il y en avait pour tous les goûts.
14:24Il y en avait, même au niveau musical, parce que la bande son, elle était assez incroyable.
14:30On est passé par Dalida, chez là, il y avait du classique.
14:32Enfin, beaucoup d'émotions aussi, quand même.
14:34Oui, c'était très beau. C'était très beau. Alors, il y a un autre tableau. C'est la scène CENE sur un pont avec
14:42des queers. Ça aussi, c'est du vivre ensemble, Damien ?
14:46Absolument. En plus, vous dites, il y a des queers, mais il y a tout ce qu'est la France.
14:52Tout le monde, ensemble, des petits, des grands, des gros, des maigres, des noirs, des blancs, des arabes,
14:59dans des costumes tous différents et tous ensemble, sur la même playlist, dansent leurs danses de leur culture.
15:07Il y a des danses guadeloupéennes, auvergnates, européennes aussi, à un moment.
15:13Absolument, c'était assez fascinant. Maude, vous avez travaillé sur toutes les formes de danse ?
15:18Alors, malheureusement, pas toutes, parce que sinon, il nous aurait fallu un peu plus d'heures dans la cérémonie.
15:23Non, mais c'était fort.
15:25Voilà, c'est ça. Effectivement, c'était important, puisque on travaillait autour de ce mantra qui était uni dans la diversité,
15:35qui, pour moi, est quand même aussi un fil rouge dans toute cette cérémonie et qui, là, a été représenté de manière assez condensée sur ce tableau.
15:44Et rien que, en l'occurrence, en ce qui me concerne, rien de mieux que la danse pour représenter aussi toute cette culture
15:51et, au mieux, cette différence, en tout cas, de culture.
15:55J'ai la chance, dans la danse, d'avoir, en tout cas, que la culture chorégraphique soit large.
16:01Et on a pu, en tout cas, sur ce tableau, embrasser de la danse classique, de la danse auvergnate, du wacking, du voguing, du krump avec Adeline Kéry-Carouse.
16:10Qu'est-ce que c'est, le krump ?
16:12Alors, le krump, c'est une danse qui vient des États-Unis, sur la côte ouest des États-Unis, et qui vient de Los Angeles, au moment des émeutes de Los Angeles.
16:20Et donc, c'est toute une communauté qui, en fait, s'est emparée, effectivement, de cette danse pour, finalement, transcender la violence.
16:30Et c'est Tommy The Clown, qui, à l'époque, était un danseur qui passait dans les quartiers et qui essayait d'enrôler les enfants,
16:38non pas vers la violence, vers la guerre, vers les armes, mais plutôt vers la danse.
16:47Et il a, comme ça, créé cette danse qui s'appelle le krump, qui permet, finalement, d'exorciser toute cette violence, d'exprimer ces émotions.
16:56Je ne sais pas si c'est une danse, si vous avez remarqué, où on frappe du pied, on fait des grimaces, et finalement, toute cette colère est mise au service de la beauté du geste.
17:07Et voilà, donc, il y a comme ça, voilà, en tout cas, toutes ces danses étaient là, toutes ces identités de corps, de genres, aussi.
17:14Et c'est vrai que ce tableau était particulièrement, je trouve, fort, et il représente pour moi la danse française.
17:22Il y avait aussi, sur la barge, et il faut le dire, la danse...
17:24Alors voilà, j'allais vous en parler parce qu'il y a vraiment quelque chose qui m'a frappée, c'est la concomitance du ballet sur le pont et, en dessous, sur la barge, Europe.
17:34Comment construit-on deux chorégraphies si différentes, qui, au fond, se juxtaposent, Maude ?
17:41Oui, alors déjà, c'est intéressant l'exemple que vous prenez, parce que c'est vraiment la danse française, c'est-à-dire que là, on va de Louis XIV jusqu'à 2024.
17:50La danse française, donc, représentée par... Enfin, la danse française, oui, la danse classique. Tout ça, ce sont les danses françaises, mais de tradition, on va dire, voilà.
17:59De tradition, il y avait la danse classique avec Germain Louvé. Et puis, on a la danse électro. Donc, une danse plutôt née dans les années 2000.
18:07C'est Mazelfreiton, le collectif Mazelfreiton, qui a chorégraphié, en fait, les 50 danseurs qui étaient sur cette barge.
18:15Et finalement, on avait, comme ça, deux pôles qui ont l'air de s'opposer, finalement, qui existent, aussi. On va dire, l'Opéra de Paris, aujourd'hui, existe, et Mazelfreiton se produit.
18:26Donc, finalement, ce sont des contemporains, ce sont des danses voisines qui existent dans une même époque.
18:32Et alors, comment on les confronte, tout simplement, puisque moi, j'aime bien rapprocher, même dans mes projets, les styles.
18:39Et justement, c'est dire à quel point il n'y a rien d'antinomique. Ce n'est pas parce qu'on parfait son geste à travers la danse classique qu'on ne peut pas, d'un seul coup, se mettre à faire une danse de bras.
18:53Et puis, pour moi, en fait, il y a aussi, je vois dans le walking, en tout cas dans la danse électro, beaucoup de danses baroques.
18:58Moi, en tout cas, quand je le regarde, puisque non seulement j'étudie beaucoup l'affilation, c'est-à-dire d'où vient une danse de son contexte d'émergence,
19:06parce qu'il n'y a rien dans la danse qui n'est pas politique, qui n'est pas sociale. Il n'y a rien dans la danse qui ne représente pas des corps dans un état d'être dans un monde.
19:14Mais il y a aussi, visuellement, je vois des choses. Et lorsque Josépha tourne ses bras comme ça avec les quatre danseurs qu'elle a invités sur le plateau,
19:23les Mazelfreyten font la même chose avec les bras. Mais j'ai vraiment l'impression de voir la danse de Lully. Moi, j'ai travaillé avec Guy Cassir sur un opéra. Et c'est la même chose, en fait, pour moi.
19:31Ce que l'on entend dans votre témoignage, Maud Le Pladec, et je crois que c'est valable pour vous quatre, c'est que vous avez tous dû être éclectiques dans votre travail.
19:40Vous frottez à tous les genres. Vous avez appris beaucoup de choses. Par exemple, Patrick Boucheron.
19:45Oui, il y a beaucoup de références. Vous l'avez entendu. Et on ne peut pas toutes les reconnaître. Mais c'est ça, un théâtre savant et populaire.
19:53Thomas Joly fait en même temps Shakespeare et Sarmania. Et donc, vous ne savez peut-être pas ce que c'est que le krump, mais vous êtes emporté par le mouvement.
20:02Et c'est ça qui, encore une fois, moi, je pense que... Je ne sais pas si c'est une cérémonie historique. Je ne sais pas ce qu'une cérémonie peut faire à l'histoire.
20:13Mais je sais que c'est important, à un moment donné, d'avoir un portrait ressemblant de l'époque et de l'endroit où on vit. Et de l'endroit où on va, surtout. Là où on veut aller.
20:24C'est-à-dire dans un monde où on peut se réencourager sur le fait que, oui, on peut encore vivre ensemble.
20:31Et pour ça, il faut rassembler nos efforts, nos énergies, nos passés, nos traditions, nos cultures. Et tout cela, je sais, on n'est pas obligé de tout comprendre dans le détail.
20:47Mais on est emporté par l'ensemble. Et ça, ça fait date. Parce que je pense qu'aujourd'hui, c'est comme si on avait posé un cran. Dire mais on est très nombreux à vouloir faire ça.
20:57Il y en a d'autres qui veulent autre chose. Mais ils ont été emportés quand même, il faut le dire.
21:04Thomas Joly, il était dans quel état après la cérémonie d'Amiens ?
21:07Ouh là là, je l'ai suivi toute la journée. Il était, et c'est normal, dans tous les états.
21:12Et la pluie, il n'a pas aimé la pluie. Et après, pendant la cérémonie, il était très sérieux.
21:23Au début, il était comme moi, craquage de deux ans de travail qui débutent et qui sont enfin enfermés au public.
21:30A la fin, recraquage parce qu'on ne sait pas ce qu'on a fait. Il ne savait pas ce qu'il avait...
21:35Il a pleuré ?
21:36Oui, tout le monde a pleuré.
21:38Vous avez tous pleuré ?
21:39On a tous pleuré. Mais évidemment...
21:41Mais moi aussi, ne regardez pas comme ça.
21:44Il vous reste encore trois cérémonies, les amis. On va tourner autour de quel thème la prochaine fois, Damien Gabriac ?
21:52La prochaine cérémonie, on va tourner autour de l'archéologie.
21:57Ça, c'est pour la cérémonie de clôture. Et pour la cérémonie d'ouverture des Paralympiques ?
22:04Pour la cérémonie d'ouverture, qu'est-ce qu'on peut dire ?
22:08Ça se poursuit. C'est-à-dire que cette idée d'inclusion, qui est quand même au cœur du projet Olympique de Paris 2024,
22:17on l'a vu déjà à l'œuvre. D'une certaine manière, ça a commencé à Marseille.
22:23Tout ça, c'est lié aussi à cet élan de la flamme qui a quand même produit des images formidables, y compris hier à Saint-Denis, il faut le dire.
22:32Et donc, on termine à Saint-Denis.
22:34Juste une dernière question pour Daphné Burki. Vous avez encore combien de costumes à faire pour les trois autres cérémonies ?
22:41En tout, il y a 3500 silhouettes dans les quatre cérémonies.
22:46Donc, on a encore un petit peu de travail, mais c'est vrai qu'on va reprendre le cours des choses d'ici une heure ou deux.
22:53Comme ça, on va avoir un petit dodo.
22:55Mais ce que je veux dire, c'est que ça a été génial d'explorer toutes ces identités.
23:00Il y a encore beaucoup à voir, mais on a tous réussi à garder un secret alors qu'on nous tire la manche depuis des mois.
23:06Alors, on va continuer à garder les choses encore un peu secrètes.
23:09D'accord, je ne vous poserai pas de questions subsidiaires.
23:12Merci infiniment à vous quatre d'être passés par le studio de France Inter ce matin.
23:16Je sais que la nuit a été courte, mais on avait vraiment envie de passer, grâce à vous, de l'autre côté du spectacle.
23:23Bonne journée.
23:24Merci.

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