Lors des fortes chaleurs, certains métiers à l'extérieur deviennent très éprouvants. Est-ce que le code du travail doit évoluer face à ces vagues de plus en plus fréquentes?
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00:00Avec nous pour en parler, l'homme du temps, Loïc Rivière, spécialiste météo et climat de BFM TV,
00:04Véronique Tufale-Nerson, qui est avocate spécialisée en droit du travail, bonjour madame.
00:08Et puis on est aussi avec Alexandre, qui est sur un toit, parce qu'Alexandre, c'est le responsable du chantier Royal Toiture à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis.
00:16Pour ceux qui ont la référence, on est un petit peu sur un Brad Pitt dans Once Upon a Time in Hollywood.
00:21Ah, il y a un petit air, c'est vrai.
00:22Voilà, donc vous êtes au boulot, il est 8h16, Alexandre.
00:28Vous êtes dans des conditions qui ne sont pas évidentes.
00:29Est-ce que vous pouvez nous montrer, nous expliquer quelles sont ces conditions de travail en ce moment ?
00:33Alors, je vous explique, actuellement, on a encore, on va dire, avec la fraîche, parce qu'il est 8h du matin.
00:39Donc nous, on a commencé aujourd'hui à 6h.
00:42On a de la chance parce qu'il fait encore frais, mais c'est vrai que là, d'ici quelques heures, ça va être très compliqué de travailler avec ce soleil qui est annoncé aujourd'hui.
00:50Donc on essaie d'avancer le plus que possible en matinée, mais c'est vrai que cet après-midi, ça va être assez compliqué.
00:56Vous allez nous dire dans un instant comment vous vous adaptez, et justement, est-ce que vous allez modifier les horaires ?
01:02Et je comprends bien que vous commenciez tôt ce matin pour avoir un peu de fraîcheur, mais juste sur ce que vous êtes en train de faire,
01:08je parle sous votre contrôle, je crois que vous êtes en train de faire des travaux de vin gris.
01:12C'est particulièrement risqué en termes de chaleur de travailler avec ce matériau-là, le zinc ?
01:18Alors, en fait, c'est risqué, oui et non.
01:19Je vais vous expliquer pourquoi, parce qu'en fait, quand il fait chaud, tout est risqué, entre guillemets, parce que quand on manipule la tuile, c'est très chaud.
01:26Quand on manipule le zinc, la particularité du zinc, c'est que c'est un mot réflecteur.
01:30Donc en fait, on a les rayons UV qui tapent sur le zinc, et on prend ça directement en plein visage.
01:36Donc c'est vrai que là, vous voyez, je ne suis pas trop exposé au soleil, donc on peut travailler,
01:40mais dès que le soleil va sortir, on va devoir descendre, parce que ce n'est pas possible.
01:43Se prendre un rayon UV en plein visage avec cette chaleur, ça ne va pas être possible du tout aujourd'hui.
01:48Donc là, on essaie vraiment d'avancer cette journée particulière, parce que c'est vrai que comme il ne va pas être très chaud,
01:54on va faire cette journée-là, on va travailler le plus que possible le matin,
01:57mais c'est vrai que là, dès que le soleil va sortir, nous, on va rentrer. Ça ne va pas être possible.
02:01– Loïc, il y a beaucoup de risques liés au travail sous la chaleur.
02:05– Oui, avec déjà plus de 30 degrés en Corse, à l'heure qu'il est.
02:09Alors voyons, les pointes enregistrées hier, et surtout, je vais vous parler de la distinction
02:13entre les températures affichées sur nos cartes et les températures ressenties,
02:18il existe des abris Stevenson, c'est comme ça qu'on mesure les températures en météo,
02:23ce sont ces boîtes en bois avec des persiennes que vous voyez parfois au bord de la route,
02:26une boîte fermée, à l'ombre, légèrement aérée, à 1,50 m du sol, un sol engazonné.
02:32Oui, voilà, sauf que nous ne vivons pas dans une boîte, on ne travaille pas dans des boîtes.
02:37La réalité est bien au-dessus des températures annoncées.
02:39En fait, hier, le ressenti avec l'humidité et l'ensoleillement dépassait les 50 degrés,
02:44notamment dans les Landes, en Charente, également en Gironde,
02:47ce sera probablement le cas cet après-midi sur une bonne partie sud du pays,
02:51puisqu'on entend encore des pointes jusqu'à 36-39 degrés affichées.
02:57Rappelons-le une nouvelle fois, il faut rajouter à cela l'indice UV qui est élevé,
03:01de niveau 7 à 8 au nord, de niveau 8 voire 9 sur les régions du sud.
03:05Il suffit de 10 minutes pour prendre un coup de soleil, je dis ça pour notre ami Brad Pitt,
03:09qui a décalé ses horaires de travail, il a bien fait, ça remonte déjà assez sérieusement,
03:15et cet après-midi, ce sera vraiment difficile à supporter où vous soyez, et surtout en plein soleil.
03:19Le nouveau surnom d'Alexandre, on va vous retrouver dans un instant,
03:23mais avant, j'aimerais avoir des précisions, Véronique Tufal-Nersen,
03:26parce que c'est en train de bouger dans le secteur du bâtiment,
03:29c'était une revendication des syndicats depuis longtemps,
03:31et ils ont obtenu le gain de cause, il y a un décret qui est passé il y a quelques semaines,
03:34qui vient d'être publié, la canicule est désormais un motif officiel de chômage technique
03:40dans le secteur du BTP, qu'est-ce que ça veut dire ?
03:43C'est le décret du 28 juin 2024,
03:46et en fait, dans le BTP, les normes en 47 qui ont été créées,
03:50étaient surtout destinées à se prégner contre le froid et le gel,
03:55et évidemment, maintenant, on fait face au réchauffement climatique,
03:58et alors, on a rajouté la canicule pour pouvoir bénéficier du chômage technique,
04:03parce que dans le BTP, c'est mutualisé,
04:05et on est très habitué dans le BTP à arrêter le chantier quand il neige, quand il y a du verglas,
04:09mais sur la canicule, ce n'était pas évident,
04:12et donc, là, le chef de chantier, le monsieur que vous interviewez,
04:16peut décider, par exemple, d'arrêter,
04:19il faut qu'il consulte quand même son comité social-économique,
04:24et il peut bénéficier du chômage à intempéries du BTP.
04:28Donc là, les salariés sont indemnisés, et l'employeur légalement.
04:32– Alors, sauf qu'Alexandre, il est dans un département,
04:35la Seine-Saint-Denis, aujourd'hui, c'est jaune, ce n'est pas encore orange,
04:38est-ce que ça veut dire, Véronique Tufale-Nerson,
04:39que dans les départements qui sont en orange aujourd'hui,
04:42on ne verra pas d'ouvriers sur les chantiers ?
04:44– Alors, il n'y a pas encore, parce que les arrêtés ne sont pas sortis
04:48du décret du 28 juin 2024, on attend des précisions,
04:51parce que rien dans le code du travail n'indique la température maximum,
04:55et les syndicats au niveau européen, par exemple,
04:58appellent à une réglementation sur les températures maximales du travail,
05:02rien n'est dit, on doit simplement prendre les mesures nécessaires
05:07pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés.
05:10Donc, l'employeur est un peu juge de ça,
05:14alors, évidemment, quand c'est orange ou rouge,
05:16c'est évident qu'on est en canicule, quand on est jaune, c'est plus compliqué,
05:20et ça dépend aussi des employeurs, des salariés,
05:23chacun prend ses responsabilités, comme l'expliquait le chef de chantier.
05:27– C'est ça, et c'est le cas de là où vous êtes à Montfermeil, Alexandre,
05:31vous êtes en vigilance jaune, donc pas forcément concerné
05:34par ce nouveau décret, et puis de toute façon,
05:36les arrêtés n'ont pas encore été pris, expliquez-nous un petit peu,
05:39Alexandre, parce que vous nous disiez tout à l'heure,
05:40dès que le soleil apparaît, nous, on va disparaître,
05:44parce qu'il y a des heures auxquelles c'est impossible de continuer de travailler,
05:48mais malgré tout, le ciel est bleu, les températures vont vite monter sur Paris,
05:53quels sont les trucs, les astuces, comment vous essayez de vous adapter
05:56pour quand même avancer dans votre travail, malgré tout ?
06:01– Comme je vous l'ai dit, nous, on s'adapte vraiment en fonction des horaires,
06:04tout simplement, là, on a commencé aujourd'hui à 6h du matin,
06:07donc je crois même qu'on a commencé avant vous, le boulot, mais c'est vrai que…
06:12– Non, on a commencé à 2h du matin, nous, Alexandre.
06:16– Là, par contre, je ne peux pas travailler le soir,
06:18je ne vois pas où je vais les pieds, donc…
06:20Non, mais c'est vrai que voilà, on a commencé beaucoup plus tôt,
06:23c'est vrai que là, les horaires, par exemple, entre midi 30 et 14h-15h,
06:27on ne va pas pouvoir travailler, parce que c'est vrai que sur ce type,
06:29en tout cas, de toiture, là, on ne peut pas s'asseoir,
06:31on ne peut pas toucher, on ne peut absolument rien faire,
06:33c'est brûlant, c'est impossible.
06:36Mais par contre, si on ne sait jamais, on n'a pas assez avancé,
06:37parce que c'est vrai que là, comme vous pouvez voir,
06:39cette partie-là n'est pas recouverte, donc même s'il pleut,
06:42on ne peut pas laisser notre client comme ça,
06:44donc on revient ce soir en fin de journée pour terminer ce qu'on a commencé.
06:47Donc c'est vrai qu'on a vraiment des journées comme ça, bien spécifiques,
06:49qu'on doit s'adapter à la météo, mais de toute façon,
06:52c'est un métier qui est exposé à la pluie, à la neige,
06:57donc on est tout le temps exposé à la météo,
06:58donc c'est un métier où on doit travailler avec la météo.
07:02– Voilà, merci beaucoup Alexandre, merci aussi à vous Véronique Tufale-Nerson,
07:06bon courage à tous ceux qui travaillent aujourd'hui.