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00:00Nous sommes en ligne avec notre invité, la chercheuse Myriam Benrad.
00:04Bonjour, merci beaucoup d'être avec nous.
00:06Vous êtes professeure en relations internationales à l'Université internationale Schiller,
00:11auteure notamment de Mécanique des conflits, Cycle de violence et résolution.
00:16C'est votre dernier livre, on le voit ici à l'écran aux éditions, Le cavalier bleu.
00:19Première question d'abord sur cette attaque en Irak.
00:22Est-ce qu'il faut s'inquiéter de cette frappe contre une base américaine ?
00:24Est-ce que cela peut accélérer, accentuer les tensions ?
00:30Je dirais que cette frappe, elle fait partie de cette configuration,
00:34comme vous l'avez évoqué, de représailles réciproques qui finalement
00:38s'est mise en place à la suite du 7 octobre, des tueries du Hamas
00:43et puis du déclenchement de la guerre à Gaza.
00:45Et on voit à travers cette attaque et l'activation d'un certain nombre de groupes
00:51qui sont plus ou moins proches de l'Iran,
00:53une sorte de convergence des ressentiments, des rancœurs
00:57et évidemment des désirs de vengeance.
01:00L'Iran avait annoncé d'ailleurs son droit, il l'appelle un droit légal,
01:07de riposter, de punir pour aller même plus loin Israël.
01:12Et donc on s'attendait à ce type d'attaque par proxy et c'est ce qui se passe.
01:16On peut d'ailleurs escompter une multiplication de ce type d'incidents sécuritaires.
01:21Justement, dans ce rapport de force entre l'Iran et Israël et leurs alliés,
01:25les mots ont leur importance et le gouvernement iranien qui affirme
01:29ne pas chercher une escalade mais juge nécessaire de punir Israël.
01:33Est-ce qu'en gros, on peut comprendre que personne n'a réellement intérêt
01:37à ce que la situation dégénère complètement ?
01:42Oui, vous faites bien de le remarquer, il y a un décalage entre la rhétorique,
01:47le langage, comme je l'ai dit, vengeur, rétributif,
01:51qui finalement est très incendiaire.
01:54On parle de châtiment, de punition, de part et d'autre, sévère, définitive.
02:00Les mots sont très dans l'emphase mais en effet, il n'y a aucune volonté,
02:06je pense, ni du côté de l'Iran, ni du côté d'Israël,
02:09d'aller à la guerre définitive qui serait catastrophique.
02:12Et plus encore du côté de l'Iran parce que l'Iran,
02:15je l'ai mentionné à plusieurs reprises, est totalement obsédé par
02:21l'éventualité d'un changement de régime, d'une guerre
02:24et d'une intervention militaire sur son sol,
02:27qui se traduirait tout simplement par la chute de la République islamique.
02:31Le régime veut se protéger de ce type de scénario
02:34qui, on s'en souvient, avait prévalu en Irak en 2003.
02:37Donc ça va rester, je pense, une confrontation par procuration.
02:41Néanmoins, il est vrai que tant que la guerre sanglante
02:45qui est livrée à Gaza ne trouve pas d'issue,
02:49on peut s'attendre à cette réverbération de la violence à l'échelle régionale.
02:53Et on voit quand même, je vais finir sur ce point par exemple,
02:56dans le nord d'Israël, à la frontière avec le Liban,
02:58que là, ça prend une tournure autre parce qu'on est en train de créer
03:02une guerre dans la guerre en quelque sorte.
03:05En avril déjà, Israël et l'Iran s'étaient retrouvés dans une situation
03:08à peu près similaire après les frappes israéliennes.
03:12S'en était suivie une riposte iranienne.
03:14Et alors là aussi, annoncé à l'avance, ça avait finalement fait peu de dégâts.
03:18On va se retrouver en gros dans cette situation a priori.
03:24Oui, je pense.
03:25Alors, est-ce qu'on assistera à la même attaque ?
03:27Ça, c'était quand même une attaque, je dirais, contenue, stratégique,
03:32qui ne visait pas à faire des morts du côté civil israélien,
03:37qui finalement était plus une démonstration symbolique.
03:40Parce que, comme je l'ai dit, on est aussi dans la défense,
03:44dans la préservation d'un certain capital symbolique.
03:46Ça vaut pour l'Iran d'ailleurs, comme pour Israël et les États-Unis dans la région.
03:52Mais on a vu en effet qu'il n'y avait pas de volonté d'aller plus loin
03:56qu'encore une fois que le désastre de Gaza.
03:59Donc, c'est vrai qu'on est sur un certain paradoxe entre cette réverbération,
04:03ces déclarations tout à fait excessives.
04:07Et puis, on voit tout de même quand la rationalité reprend le pas,
04:11la volonté des acteurs régionaux de se préserver de cette contagion de la violence.
04:15Et puis, les choses ont un tout petit peu changé en Iran.
04:17Depuis la mort d'Ebrahim Raisi dans un crash d'hélicoptère et une élection,
04:20l'Iran a un président réformateur, la personne de Massoud Pézeskihan.
04:26Est-ce que ce profil plus souple, plus ouvert peut aider à l'apaisement
04:33ou c'est de toute façon le régime des gardiens de la révolution qui a les commandes ?
04:39Alors, je dirais qu'il y a deux choses.
04:40Il y a en effet les structures profondes du régime iranien, le guide suprême.
04:47Et puis, cette confrontation historique avec les Israéliens et les Américains
04:51dans le contexte de cet axe de la résistance qui, en réalité, a émergé des années 2000.
04:55Donc, ça restera une constante.
04:57Maintenant, il est vrai qu'il y a tout de même une volonté
05:01parmi les réformateurs notamment de sortir l'Iran de son isolement régional, international
05:06et de renouer un dialogue avec les Américains.
05:09En quelque sorte, tout de même, je pense que la situation arrange finalement Netanyahou
05:13qui n'est pas du tout sur cette position,
05:15qui veut continuer finalement de dépeindre l'Iran comme un État voyou, infréquentable.
05:20Et puis surtout, qui dans cette fureur guerrière,
05:24tente à mon avis de réattirer les Américains militairement au Moyen-Orient,
05:29ce que aucune administration américaine ne souhaitera,
05:32quelle que soit d'ailleurs le futur ou la future présidente des États-Unis.
05:37Donc, on est vraiment, je dirais, sur ces ambivalences aussi au niveau de l'Iran.
05:43Maintenant, ce sera très compliqué quand même de voir un assouplissement des relations
05:48compte tenu encore une fois de la dégradation sécuritaire et de cette guerre à Gaza.
05:53Merci beaucoup Myriam Benrad de nous avoir éclairé ce matin.
05:56Je rappelle que vous êtes notamment l'autrice de « Mécaniques des conflits, cycles de violence et résolution »
06:02en ce temps aux éditions Le Cavalier Bleu. Merci encore.