• il y a 2 mois
Six dirigeants sont attendus ce jeudi dans le Var pour commémorer le débarquement en Provence. Des commémorations en comité plus restreint, pour un événement qui peine à avoir la même résonance que le D-Day en Normandie.

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Transcription
00:00Messieurs les chefs d'Etat et de gouvernement,
00:03Monsieur le Président,
00:05Mesdames et Messieurs les ministres,
00:07Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
00:10Mesdames et Messieurs les parlementaires,
00:14Mon Général,
00:16Monsieur le Préfet,
00:18Monsieur le Président du Conseil régional,
00:20Monsieur le Président du Conseil départemental,
00:23Monsieur le Maire,
00:25Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,
00:29Chers vétérans,
00:30Mesdames et Messieurs,
00:35Aux premières heures de la nuit du 15 août 1944,
00:40la côte méditerranéenne, encore sous occupation allemande,
00:44était plongée dans les ténèbres.
00:47Soudain, au Canadel,
00:51le chef de gare fut tiré de son sommeil par une voix pressante.
00:55Qui est là ? demanda-t-il,
00:58craignant d'être arrêté sur le champ par la Gestapo.
01:01A travers les volets, la voix,
01:05celle du capitaine Albert Torel,
01:08lui répondit,
01:10Ouvrez, c'est l'armée d'Afrique.
01:14L'armée d'Afrique.
01:17Le chef de gare ouvrit, incrédule, bouleversé.
01:22Certes, 2 mois après le débarquement de Normandie,
01:26alors que les armées du Reich refluaient en catastrophe,
01:29beaucoup s'attendaient à une attaque des Alliés en Provence
01:32pour s'emparer des ports de Méditerranée en eau profonde
01:36et prendre les armées du Reich à revers.
01:39Certes, même retardé,
01:42l'opération Dragoon se préparait depuis des semaines
01:45sur des maquettes bâties grâce au renseignement
01:47de la Résistance française.
01:50Elle avait été engagée à partir du 9 août,
01:54lors de l'embarquement des centaines de milliers
01:56de soldats français, anglais, américains
01:59à Tarente, Oran ou Brindisi.
02:03Et plus personne ne pouvait en douter
02:05depuis que la plus grande flotte jamais vue en Méditerranée,
02:092 000 navires américains et britanniques,
02:12croiseurs, destroyers, contre-torpilleurs, aviseaux,
02:16transporteurs de troupes,
02:18s'étaient rassemblés au large de la Corse.
02:22Certes aussi, les jours précédents,
02:25les raids aériens des Alliés avaient été si nombreux
02:28que les églises de la Côte à Saint-Maximin ou au Lavandou
02:32avaient renoncé par avance à célébrer la messe du 15 août.
02:38Pourtant, cette nuit-là,
02:41l'émotion étreignait le chef de gare et le capitaine Torel.
02:47L'attaque avait commencé.
02:51Une opération aux proportions épiques.
02:5490 000 soldats bientôt jetés à l'assaut du rivage de France
02:58sur ce chapelet de minces plages, de calanques, de falaises
03:01défendus par plusieurs dizaines de milliers d'hommes de la Wehrmacht.
03:05Pour permettre son succès,
03:08il fallait profiter de la nuit impénétrable.
03:11Cette poignée d'heures entre minuit et l'aube,
03:14pour les éclaireurs et les commandos
03:16chargés de détruire les premières défenses ennemies,
03:19la plus courte.
03:21Sur l'île du Levant, à Port-Croz,
03:25verrou de la rate de hier,
03:28c'est là que les commandos américains et canadiens
03:31investirent à leur zéro.
03:34Au pied du Cap-Nègre,
03:36où les commandos d'Afrique furent projetés
03:39et où ils durent grimper la falaise à mains nues
03:41afin de neutraliser les batteries allemandes.
03:44Sur une autre plage, enfin, celle de l'Esquillon,
03:49entre Treyas et Téhoul,
03:51où les hommes du groupe naval de la marine
03:53préférèrent continuer à avancer dans un champ de mines
03:57plutôt que de rebrousser chemin.
04:00Grâce à ces avant-gardes, à l'aube,
04:03sur les plages Alpha, à l'ouest, à Ramatuelle et Cavalère,
04:07sur les plages du secteur Delta, à Sainte-Maxime,
04:10les premières divisions américaines
04:13foulèrent le sable jonché de mines et de torpilles.
04:17Bientôt, sous les bombes allemandes
04:20et les tirs des bunkers érigés par Rommel,
04:23l'extraordinaire carousel des barges de débarquement
04:26se mit en mouvement.
04:29Fils ininterrompus d'hommes et de tanks,
04:34de machines et de bataillons,
04:37parfois repoussés, comme sur le secteur Camel,
04:40sur la plage de Fréjus-Saint-Raphaël,
04:42que les hommes du général Patch délaissèrent
04:44pour finalement le pied au Dramont et à Haguet.
04:49Alors, à midi, sur le sémaphore de Sainte-Maxime,
04:55flottait un drapeau américain.
04:58Place d'hélice,
05:01les soldats allemands arrêtaient, défilaient les mains en l'air.
05:08Le lendemain, la jonction s'opérait à travers les collines des Mors,
05:12avec les plus de 9 000 Américains et Canadiens
05:14du général Frédéric, parachutés dans la plaine de l'Argence,
05:18sur une zone dégagée par la Résistance.
05:23Il y avait eu le 6 juin en Normandie,
05:25mais ce jour-là, ce n'était pas la même chose,
05:28confia l'un des hommes du général Delattre.
05:33Ce n'était pas la même chose, car ici, en Provence,
05:38débarquèrent au total 230 000 soldats français,
05:42solidement armés et préparés par nos alliés américains.
05:47Un grand nombre d'entre eux, spahis, goumiers,
05:50tirailleurs africains, antillais, marsouins du Pacifique,
05:54n'avaient jamais foulé le sol de la métropole
05:57et découvraient un littoral de rochers rouges.
06:01D'autres s'étaient au contraire évadés de France,
06:04comme ce marin de la France libre, débarqué plage des Sardinaux,
06:08sans nouvelles de sa famille depuis 4 ans,
06:10qui se dirigea vers sa maison de Sainte-Maxime
06:13et tomba dans les bras de son père.
06:16Beaucoup, comme Jorgi Colli, né au Tchad,
06:20ou Mohamed Belhage, venu d'Algérie,
06:22tous deux faits compagnons de la Libération après guerre,
06:25s'étaient déjà illustrés pour leur bravoure
06:28dans les batailles de Tunisie et d'Italie.
06:32Certains, sur le croiseur américain Parker,
06:36pavoisés du drapeau tricolore,
06:37entonnèrent avant l'assaut une inoubliable Marseillaise.
06:42Leurs éclaireurs, comme le lieutenant-colonel Bouvet,
06:45l'un des héros de l'ascension du Cap-Nègre,
06:48prirent une minute dans la nuit
06:51pour porter à leurs lèvres un peu de sable des plages varoises,
06:55le sable de la France retrouvée.
06:59Parmi eux, Hubert Germain lui-même,
07:03débarquant sur ses côtes,
07:05racontait, dans ses derniers jours,
07:08avoir pris une poignée de cette terre,
07:10terre et sable mêlés,
07:12tant attendu, tant désiré,
07:15pour la porter à son visage.
07:18Des centaines connurent ce sol de France
07:20pour quelques heures seulement.
07:23Tel Albert Torel, l'homme de la gare du Canadel,
07:26tombé le lendemain à l'assaut de la pointe de la Faucette,
07:30en même temps que son ordonnance, Mohamed Benbakr.
07:34Ces hommes de l'armée française
07:38s'appelaient François,
07:40Boudjema,
07:41Harry,
07:43Pierre,
07:44Niakara.
07:46Ils venaient de Corse et du Poitou,
07:50du Pacifique et d'Algérie,
07:54du Sénégal,
07:56du Maroc et des Ardennes.
07:59Officiers de l'Empire ou enfants du Sahara,
08:01natifs de la Casamance ou de Madagascar,
08:04anciens poilus de Verdun
08:06ou jeunes hommes précipités dans l'étrange défaite.
08:10Ils n'étaient pas de la même génération.
08:14Ils n'étaient pas de la même confession.
08:18Ils n'étaient pas de la même condition.
08:21Ils étaient pourtant l'armée de la nation,
08:25armée la plus bigarrée et la plus fervente.
08:31Ils étaient pour leur chef, le général de l'âtre de Tassigny,
08:34à la fois les grognards passés par Monte Cassino ou la Libye
08:38et des cœurs encore jeunes,
08:40pleins de l'enthousiasme des volontaires de 1792.
08:46Soldats comme ceux de l'an II,
08:48soldats de l'acte II de la libération du pays,
08:51soldats convaincus que lorsqu'il s'agit de défendre
08:54l'intérêt vital de la nation,
08:56tous ceux qui se reconnaissent comme Français
08:59ont vocation à être ensemble.
09:04Et dès le 16 août,
09:06parce que nos alliés américains voulurent l'honneur
09:09de reconquérir leur patrie,
09:11les hommes de la 1re armée française foncèrent vers Toulon,
09:16vers Marseille,
09:18qu'Hitler avait ordonné de défendre jusqu'à la dernière cartouche.
09:23Ouvrez, c'est l'armée d'Afrique, avait dit le capitaine Torel.
09:29Et les portes de la liberté s'ouvrirent en effet sur leurs pas.
09:34Portes des batteries de Mauvane, conquises par les commandos d'Afrique,
09:38celles du Golf Hotel sur la route Lière,
09:40enlevées par la 1re division des Français libres,
09:43celles des villages du Gapot,
09:45enfoncées par les assauts des tirailleurs sénégalais
09:47et des blindés des chasseurs d'Afrique,
09:50lors d'une bataille au corps au corps,
09:53couteau contre poignard dans les rues provençales.
09:57Celle de Toulon, que l'armée allemande avait l'ordre de tenir
10:01et qui cédère le 28 août au prix d'un siège d'une semaine
10:05mené par les tirailleurs algériens et sénégalais,
10:08épaulés par les hommes du choc rejoignant dans les décombres
10:11les résistants toulonnais.
10:14Portes de Marseille, gardées sur les collines
10:18par des massifs de calcaire, par le verrou d'Aubagne,
10:21où les goumiers et les tabors mirent en fuite les Allemands
10:24le 22 août.
10:27Ces portes que les armées françaises franchirent enfin
10:31sur une inspiration pleine d'audace du général de Montsaber,
10:35Marseille fidèle à son esprit de résistance,
10:38Marseille entrée en insurrection contre l'occupant,
10:42Marseille révoltée de l'estac au réformé,
10:44Marseille libérée quand les derniers Allemands
10:47baissèrent les armes au Frioul ou sur les contreforts
10:50de Notre-Dame de la Garde.
10:53Avec une avance de plus d'un mois sur les prévisions,
10:58ce furent aux portes de Naux, près d'Autun, en Bourgogne,
11:03le 12 septembre,
11:05qu'un officier de la 2e division blindée du général Leclerc
11:09serra la main d'un officier de la 1re division des Français libres
11:13du général Brossé.
11:16Le 1er venait du nord et avait débarqué en Normandie.
11:20Le 2d venait du sud et avait accosté en Provence.
11:26Les 2 armées se donnaient la main.
11:30Geste de reconnaissance et de fraternité,
11:33serment de poursuivre le combat jusqu'à la victoire
11:37dans les Ardennes et pendant l'hiver suivant,
11:41des batailles terribles jusqu'à la libération de Strasbourg
11:44et au-delà, jusqu'à la capitulation de l'Allemagne nazie
11:49que signa pour la France le général de l'Atre de Tassigny
11:53le 8 mai 1945.
11:57Et c'est le même geste de reconnaissance,
12:00de fraternité, d'espérance pour l'avenir
12:04que la nation accomplit aujourd'hui.
12:08Ici, dans cette nécropole de Boulouris,
12:12cimetière marin qui garde les tombes de 466 héros
12:16parmi les milliers passés là.
12:20Français, pieds-noirs d'Algérie, du Maroc, de Tunisie,
12:25Français des Outre-mer, des Antilles au Pacifique,
12:29secondés par les Français de la Résistance intérieure,
12:33Américains, Britanniques, Canadiens,
12:37qui, loin de leur pays natal, ont trouvé la mort
12:42sur un chemin de Provence, sur une plage de Méditerranée.
12:46Africains, ces soldats français d'Afrique
12:50dont certains des vétérans se tiennent devant nous
12:55et devant lesquels je m'incline.
12:58La part d'Afrique en France est aussi ce lègue
13:02qui nous oblige, et je salue aujourd'hui
13:06la présence des présidents du Cameroun, de Centrafrique,
13:11des Comores, du Gabon, du Togo, à vos côtés, mon Seigneur,
13:17honorant cette mémoire monégasque qui nous est si fidèle,
13:20aux côtés de M. le Premier ministre du Maroc,
13:23et la présence des représentants de Côte d'Ivoire,
13:26de Madagascar et du Sénégal, et des jeunes lycéens de Tiroi.
13:31Comme la France n'oublie rien des sacrifices des Congolais,
13:34des Béninois, ni celles des peuples du Burkina Faso,
13:37du Mali et du Niger, et de tant d'autres.
13:41Non, rien de la plus belle mémoire de ces hommes n'est oublié.
13:47Leurs noms doivent continuer d'être donnés à nos rues,
13:51à nos places, pour inscrire leurs traces impérissables
13:56dans notre histoire.
14:008 décennies après, revenir en Provence au matin,
14:06à l'or bleu où eut lieu le débarquement,
14:11c'est conjuguer au présent cette reconnaissance,
14:14cette fraternité, cette espérance.
14:18C'est ne rien oublier de leur courage et de leur combat.
14:22C'est rappeler, comme vous venez de le faire, M. le Président,
14:25l'importance, en effet, de ne rien céder de ces valeurs
14:28et de ces batailles,
14:31celles pour le droit international,
14:34le refus de quelque double standard que ce soit,
14:37la volonté de défendre partout, sous toute latitude,
14:41le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
14:45leur souveraineté, leur intégrité territoriale,
14:48la volonté farouche de continuer d'avoir un monde
14:52et des institutions plus justes, plus équilibrées,
14:55de ne nous habituer à rien.
14:58Ce message d'espérance que vous venez de porter à l'instant,
15:03c'est l'espérance en ce 15 août, comme tous les matins du monde,
15:07dans la victoire universelle du droit et de la paix.
15:14Fraternité pour les peuples du monde aujourd'hui
15:16en lutte pour leur liberté
15:19et le droit à disposer par eux-mêmes de leur destin.
15:23C'est la reconnaissance indéfectible
15:26pour les héros du 15 août dont certains se tiennent devant nous.
15:33Tous ont accompli ce jour-là et les suivants
15:36une oeuvre dont ils connaissaient alors
15:42les immenses périls.
15:44Et pourtant, ils l'ont fait.
15:47Avec cette audace bravache et avec cette force irrécusable,
15:51leur rendre hommage aujourd'hui,
15:55c'est saluer ces hommes qui sont nos héros,
16:00parce qu'ils se sont hissés au-delà des falaises du Cap-Nègre,
16:04au-delà de la peur et de l'impossible,
16:07au-delà de la souffrance et des risques.
16:11Ils l'ont fait,
16:13conscients de se battre pour une cause bien plus grande
16:15que les falaises, les périls et même leur vie,
16:18prêts à s'effacer pour que la France vive libre
16:22dans ce songe d'une nuit d'été et chaque jour ensuite.
16:29Sur leurs visages et sur les visages de nos vétérans,
16:33sur les tombes des héros, dans ce tremblement des pins,
16:38passe aujourd'hui un souffle venu de Provence.
16:42Ce souffle, c'est celui du sacrifice,
16:47de la volonté, de l'unité.
16:51Il rend l'impossible possible, il donne son sens à l'effort,
16:56il dessine toujours pour la nation la voie d'un invincible été,
17:02ce souffle du 15 août qui nous anime et fait encore de nous
17:07un peuple irréductiblement libre,
17:12celui qui, ce jour-là, fut libéré aussi
17:17par cette armée d'Afrique.
17:20Nous n'oublions rien.
17:22Vive la République, vive la France.

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