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Après la mort de l’adjudant Éric Comyn à Mougins suite à une refus d'obtempérer, les questions se posent autour des peines encourues pour les criminels de la route en France. Comment mieux encadrer ces délits et crimes ? 

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Transcription
00:00Avec nous, Linda Kebab, secrétaire nationale du Syndicat de Police Unité, bonjour, et merci d'être avec nous ce matin face à Maître Éric Decommon,
00:07avocat spécialisé dans le droit routier et la défense des automobilistes.
00:10Bonjour.
00:11Merci d'être avec nous ce matin.
00:12Le chauffard qui a tué le gendarme Éric Comines lundi soir à Mougins a été incarcéré hier soir après avoir été mis en examen pour meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique et pour refus d'obtempérer.
00:25Les mots de la veuve d'Éric Comines, Harmonie Comines, prononcés hier matin, ont ému la France entière.
00:33Sa colère est partagée par bon nombre d'entre vous.
00:36Elle a aussi suscité beaucoup de réactions politiques.
00:38On l'écoute.
00:40Je l'affirme haut et fort.
00:42La France a tué mon mari.
00:45La France a tué mon mari, le père de mes enfants.
00:51La France a tué mon mari par son insuffisance.
00:54Son laxisme et son excès de tolérance.
00:58La France a tué mon mari.
01:01Comment ? Pourquoi ? Pourquoi cet homme multirécidiviste peut-il évoluer en toute liberté ?
01:09Quand est-ce que nos législatifs ouvriront réellement les yeux ?
01:13Faut-il qu'il soit touché directement pour agir ?
01:17Combien de morts avant que ces assassins soient vraiment punis ?
01:21Évidemment, beaucoup de questions posées par Harmonie Comines.
01:25D'abord, Linda Kebab, au-delà de l'émotion, est-ce que ces mots sont la traduction d'une réalité ?
01:30Oui, il y a insuffisance et laxisme dans le traitement judiciaire des refus d'obtempérer ?
01:35Je ne pense pas qu'il est opportun de commenter les mots qui sont toujours légitimes d'une femme
01:40qui a perdu son mari dans des conditions épouvantables, un serviteur de l'État,
01:44qui faisait son travail de protéger la société,
01:46et qui d'un coup découvre qu'il ne rentrera plus à la maison
01:49et qu'elle va devoir élever deux enfants seule,
01:51pour la simple raison que son conjoint était gendarme.
01:53Ensuite, dans son discours, il y a évidemment des éléments qui pointent
01:57et qu'on retrouve régulièrement dans les revendications.
02:00Mais vous savez, en réalité, personne ne peut répondre à la question de cette séquence.
02:04Parce que notre ministère de la Justice avait promis, il y a trois ans,
02:08un observatoire de la réponse pénale.
02:10Et je trouve qu'à l'heure de l'open data, c'est une fumisterie
02:14de ne pas mettre à la disposition du public ces données.
02:17Puisqu'au final, personne ne peut répondre à la question.
02:19Ni vous, ni les téléspectateurs, ni les serviteurs de l'État, ni les avocats.
02:23Puisque de toute façon, nous avons tous des visions empiriques
02:26de nos expériences respectives.
02:28Mais qu'en réalité, le ministère de la Justice pourrait mettre à la disposition de tous,
02:31finalement, le résultat du travail de justice qui n'est pas le cas aujourd'hui.
02:34Mais à votre avis, si on les mettait à disposition de tous, qu'est-ce qu'on découvrirait ?
02:37Moi, je pense que l'on découvrirait que, un, la Justice, mais ce n'est pas un secret,
02:41n'a pas de moyens, clairement, avec des délais à rallonge qui sont inacceptables pour tous.
02:46Que ce soit pour les victimes, déjà, parce que c'est à elles que je pense en premier,
02:50puisque mon travail, ça reste quand même de protéger des victimes.
02:52Même pour les mises en cause, puisque parmi eux, il y a aussi des innocents
02:55qui ont parfois hâte que les procédures prennent fin pour pouvoir prouver leur innocence.
02:59Et puis, toutes ces mises en cause qui sont coupables, qui ont commis quelque chose,
03:03et bien, face auxquelles, il faut que la Justice soit plus rapide
03:06et en mesure de donner une réponse pénale qui ait du sens.
03:08Parce qu'aujourd'hui, vous avez des délais de procédures qui sont excessivement longs.
03:12Parfois, c'est nécessaire parce qu'il y a besoin de faire tomber la folie médiatique, etc.
03:16Mais la plupart du temps, et pour la plupart des délais qui sont en flagrant délit, par exemple,
03:21vous n'avez pas besoin d'avoir des mois et des mois de procédures, sauf que c'est le cas aujourd'hui.
03:24Puis après, vous avez le temps d'exécution des peines.
03:26Et ça, c'est un vrai problème franco-français, le temps d'exécution des peines.
03:29Entre le prononcer de la peine et la mise à exécution, souvent des peines d'emprisonnement,
03:33vous pouvez avoir un an et demi sans problème.
03:36Et c'est d'autant plus insensé quand on va parler de jeunes adultes ou d'adolescents
03:40dont il faut arrêter le parcours délinquant très tôt et à qui, on va dire, deux ans plus tard,
03:44tu te souviens de l'infraction que tu as commise il y a deux ans ?
03:46C'est aujourd'hui que tu vas entendre une réponse et qu'elle va être appliquée.
03:48Ça n'a pas de sens.
03:49Et aujourd'hui, notre pays est aussi en faillite à cause de ça.
03:53Éric, comment vous partagez le constat de Linda Kebab ?
03:55Je suis moi-même partenaire de justice, donc je connais très bien toute cette problématique de délai.
04:01Je pense que la sévérité des sanctions encourues n'est pas directement en jeu.
04:08Vous voulez bien nous dire ce que l'on risque ?
04:09Alors voilà, justement, je veux dire déjà qu'il y a 20 ans, un refait d'obtempérer a une sommation de s'arrêter.
04:17Il faut bien préciser qu'il s'agit de ça.
04:19Ce n'est pas si un policier vous dit « Prenez à droite, par exemple, parce qu'ici, c'est bouché par les Jeux olympiques. »
04:24Ce n'est pas un refait d'obtempérer si vous y allez quand même.
04:26Par contre, quand il vous dit « Vous vous arrêtez », là, c'est un refait d'obtempérer.
04:29Il y a 20 ans, vous risquiez au maximum jusqu'à 2500 euros d'amende et trois mois de prison.
04:36Plus une suspension de permis de conduire.
04:38Si c'est une infraction refait d'obtempérer qui ne met pas en danger la vie d'autrui,
04:44parce que maintenant, il y a eu trois durcissements successifs de la législation qui sont intervenus depuis 2004 jusqu'à 2022,
04:52là, vous risquez une peine de prison qui peut aller jusqu'à deux ans et vous risquez une peine d'amende qui peut aller jusqu'à 15 000 euros.
05:03D'accord, on risque, mais est-ce que ces peines sont prononcées ?
05:05Alors, ces peines peuvent être prononcées et surtout, elles sont très sensiblement aggravées si vous mettez en danger, potentiellement,
05:12la vie de celui qui vous demande de vous arrêter, d'un policier, d'un gendarme, bien entendu.
05:16Est-ce que les peines sont appliquées ?
05:18Alors, qu'est-ce que vous entendez par « peines appliquées » ?
05:20Si c'est « les maximas sont systématiquement prononcés », la réponse est non.
05:24La réponse est non, très logiquement, parce qu'il appartient au juge de personnaliser la peine en fonction de la nature exacte
05:31et du danger exact qu'a entraîné l'infraction et de la personnalité du prévenu, notamment de sa situation potentielle de récidiviste.
05:38Il faut savoir qu'en cas de récidive aujourd'hui, vous avez confiscation obligatoire du véhicule, annulation obligatoire du permis de conduire
05:46et que ça peut aller jusqu'à 100 000 euros d'amende, 7 ans d'emprisonnement et 10 ans d'annulation de permis.
05:52Sauf que ça, ce sont les textes et la perception, on l'a beaucoup raconté hier qu'on a, c'est que ce conducteur, ce chauffard avait un casier long comme le bras
06:00continuait à circuler et ça ne l'a pas empêché d'agir.
06:05Je peux vous donner une donnée que le ministère de la Justice a accepté de rendre publique, c'est la peine moyenne d'emprisonnement pour les auteurs de violences.
06:12Les violences volontaires, donc c'est quand même une atteinte à la personne, c'est quand même quelque chose qui est gravissime.
06:16L'atteinte à l'intégrité d'une personne, c'est peut-être même pire qu'un vol, c'est même pire qu'un vol, j'ai envie de vous dire.
06:21C'est 3 ans d'emprisonnement quand il n'y a pas de circonstances aggravantes, c'est-à-dire quand ce n'est pas dans le cadre des violences conjugales,
06:26par exemple sur un mineur avec arme, etc., c'est 3 ans d'emprisonnement.
06:29La peine moyenne pour des violences volontaires, même quand il y a des circonstances aggravantes, qui devrait augmenter à 5, 7 ou jusqu'à 10 ans, c'est 8 mois en France.
06:37La peine moyenne. Donc j'ai envie de vous dire, pour un refus de tempérer de 2 ans, quand on sait que c'est une infraction, on va dire, une niche,
06:44quelque chose d'un peu intime qui ne va pas forcément impacter les Français et pour lesquels en fait les premières victimes, entre guillemets, sont les forces de l'ordre,
06:51j'ai envie de croire, sauf si le ministère de la Justice demain veut bien nous donner les chiffres, parce que là en réalité on va débattre 100 ans sans avoir les données,
06:58je n'ai peu envie de croire que les peines prononcées soient énormes.
07:02De toute manière, moi je vous dis mon expérience, je n'ai jamais vu une personne aller en prison pour un refus de tempérer, des dossiers on en voit passer.
07:08Justement, une fois qu'on a dit ça, quel est l'outil juridique, ou autre chose d'ailleurs, qui manque à notre arsenal pour que ces faits ne se reproduisent pas ?
07:16En fait, le code pénal en soi, il est bien rédigé, mais comme l'a dit Maître il y a quelques secondes, il y a la prestation du juge, c'est la séparation des pouvoirs.
07:23On a réussi à mettre pour les crimes des peines minimales, il y a des peines minimales, en tout détail, on ne peut pas…
07:28Peine planchée.
07:29Oui, une peine planchée, si vous voulez. Pour les délits, on refuse, au motif que ce serait anticonstitutionnel, c'est constitutionnel pour le crime et pas pour le délit,
07:35en particulier quand ça porte atteinte aux personnes, c'est bizarre, franchement, je veux dire, il y a quelque chose qui ne colle pas, non, je pense qu'il y a quelque chose d'idéologique.
07:41Et une deuxième chose, le législateur a une capacité d'adaptation, là, vous parliez de l'évolution des peines face au reflux de tempérés, mais en fait c'est proportionnel à ce que sont devenus les reflux de tempérés.
07:50Un fait de société. Dans les 25 000 reflux de tempérés dont on parle chaque année, parce que c'est le quotidien d'un policier, moi j'ai connu des reflux de tempérés,
07:57il y en a 5 000 qui sont considérés comme étant dangereux, c'est-à-dire pour lesquels l'auteur fonce dans le policier, le gendarme ou les usagers de la route pour échapper au contrôle.
08:055 000. Et pourtant, dans les 5 000, aujourd'hui, la plupart, on a des difficultés d'identification des auteurs. Pourquoi ? Et là, j'ai un message à faire passer aux législateurs.
08:14Le reflux de tempérés, c'est deux ans. Dans notre système français, le code de procédure pénale permet des moyens coercitifs de perquisition, visite domiciliaire, saisie et scellée pour les peines qui vont de trois ans et plus.
08:24Donc si le législateur nous permettait déjà d'avoir une peine d'emprisonnement de trois ans pour le reflux de tempérés, on pourrait aller identifier plus facilement les auteurs,
08:31parce que ce n'est pas le cas aujourd'hui, ce qui crée finalement une forme d'impunité chez les auteurs de reflux de tempérés.
08:36Juste un mot, Eric de Caumont. Quel est le profil de ces 5 000 coupables de reflux de tempérés aggravés ? Qui sont ces gens ?
08:45Deux chiffres très importants. Le premier, c'est que sur ces 23 100, les derniers chiffres 25 000, et sur les 4 à 5 000 refus aggravés, il y a une répartition géographique.
08:58Par contre, en termes d'âge, c'est stupéfiant. Il y a 75 % dans la tranche 15 à 29 ans, et 77 si on rajoute les moins, pardon j'allais dire 14, entre 14 ans et 29 ans, et si on rajoute il y a 2 % en dessous.
09:18On n'a pas de permis, mais éventuellement on a un véhicule à moteur, et c'est bien pour ça qu'on ne s'arrête pas.
09:23Donc il y a 77 % de jeunes et très jeunes conducteurs concernés. Un deuxième élément qui n'est pas inintéressant, je livre au débat et puis on en verra les suites,
09:33sur ces 23 100, c'est le dernier chiffre dont je dispose, il y a 200 récidives seulement. Ce qui aurait tendance à dire, mais je ne m'aventurerai pas là-dessus,
09:43que les peines encourues, prononcées surtout en cas de récidive, où on sait que ça peut aller très loin, je vous l'ai dit tout à l'heure,
09:49seraient peut-être relativement dissuasives et qu'il n'y aurait pas de récidivistes fréquents du refus d'obtempérer.

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