America First, le bilan - L'Europe doit payer

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"America First." Dès son arrivée à la Maison-Blanche en 2017, Donald Trump martèle son credo sur la scène internationale. Par la brutalité de ses postures et décisions, il choque ses interlocuteurs, dont les Européens, alliés historiques des États-Unis. Le président bafoue toutes les règles diplomatiques lors des sommets. Retrait de l'accord de Paris sur le climat, mise en danger de l’Otan, institution qui traverse, selon Jeremy Hunt, le ministre britannique des Affaires étrangères de l'époque, "la plus grande crise de son histoire"…

Transcript
00:00Le peuple, unifié, ne sera jamais député !
00:11Le monde est en train de nous regarder, en train de nous regarder tous aujourd'hui.
00:16Donc voici mon message à ceux qui sont au-delà de nos frontières.
00:20L'Amérique a été testée et nous sommes devenus plus forts pour cela.
00:26Nous allons réparer nos alliances et nous engager à nouveau avec le monde.
00:45Nous, assemblés ici aujourd'hui,
00:47issuons un nouvel ordre pour qu'il soit entendu dans chaque ville,
00:51dans chaque capitale étrangère et dans chaque hall de pouvoir.
00:56On sentait une sorte de frisson parcourir la tribune du corps diplomatique qui l'écoutait.
01:04Il s'est mis à pleuvoir quand il a pris la parole.
01:08On nous avait donné des imperméables qu'on avait du mal à enfiler.
01:13George Bush s'est empêtré dans le sien.
01:30Pas un mot sur les Alliés, ni sur la Communauté des Nations partageant les mêmes valeurs.
01:39C'était un réveil brutal et ça m'a laissé presque sans voix.
01:45On s'attendait à un novice qui chercherait à se démarquer,
01:50mais on ne s'attendait pas à un perturbateur de ce genre.
01:55Il posait des limites en disant nous voulons des alliances avec d'autres États,
02:00mais nous voulons en renégocier les conditions.
02:09L'un des présidents les plus controversés de l'histoire
02:13piétine les conventions chez lui comme ailleurs.
02:18Pour la première fois, les conseillers de Donald Trump et des chefs d'État
02:22révèlent comment il a bousculé l'ordre international
02:25et mené l'Amérique au seuil d'une guerre nucléaire.
02:29Les bras ne m'en sont pas tombés, sinon j'aurais fait tomber le téléphone.
02:32Mais je me suis dit, ça c'est exactement ce que je voulais faire.
02:35Il avait trouvé cet accord stupide.
02:37L'accord sur l'Iran était un accord conclu par des stupides.
02:40Des stupides dont la France était.
02:45Dans ce premier épisode, Trump engage un bras de fer
02:48avec les alliés les plus proches de l'Amérique.
02:55Et se lie d'amitié avec de vieux adversaires.
02:58NATO était probablement le seul allié qui était capable
03:01et se lie d'amitié avec de vieux adversaires.
03:04C'était probablement le plus grand péril que l'OTAN ait connu.
03:25Trump doit son accession au pouvoir à sa promesse
03:28de refondre la politique étrangère américaine.
03:36Dans les jours qui suivent sa victoire, son téléphone ne cesse de sonner.
03:39Les dirigeants du monde s'inquiètent de savoir ce qu'il entend par
03:42« America first », l'Amérique d'abord.
03:50La conversation avec Donald Trump a été assez surprenante.
03:54Il me dit que Paris est la plus belle ville du monde,
03:57qu'il est en admiration par rapport à la gastronomie,
04:00par rapport au vin, par rapport à la culture.
04:04J'ai essayé de mettre la conversation sur les sujets qui, moi, me préoccupaient.
04:09Le climat, l'Iran, la question aussi de l'économie en général.
04:14Mais il les a évacués.
04:17C'est vrai qu'il y avait de quoi être surpris, étonné, amusé.
04:23Mais en réalité, c'était de l'ordre du simulacre.
04:26Je sentais bien qu'il allait bouleverser la donne internationale.
04:47La première à rencontrer Trump dans ses nouvelles fonctions à la Maison-Blanche
04:51est la chef d'État britannique Theresa May.
04:57Je suis dans la voiture de tête avec la première ministre
05:00et je vois le président sortir sur le perron pour venir la saluer.
05:05Alors je me dis, tiens, ça c'est nouveau.
05:08J'ai toujours pensé que c'était un geste très engageant.
05:12Le courant ne passait pas très bien entre Donald Trump et Theresa May.
05:17Le président Trump se considère comme un leader fort
05:21et il aime travailler avec d'autres chefs puissants.
05:24Ça vient de son passé d'homme d'affaires.
05:26Vous savez, à New York, l'immobilier est un milieu de requin.
05:29C'est l'un des secteurs les plus agressifs
05:31et elle ne donnait pas l'image d'une personne forte.
05:36Trump s'est toujours montré critique
05:38à propos de certaines alliances historiques des États-Unis.
05:41Theresa May est là pour le convaincre de ne pas rompre avec la plus importante.
05:46Quand Trump a dit, qu'est-ce qu'on gagne avec l'OTAN ?
05:49Peut-être qu'on ne doit pas en faire partie.
05:51Les médias sont devenus fous.
05:52Donald Trump va se retirer de l'OTAN.
05:54Non, il voulait juste un meilleur deal.
05:58Il était très clair que Donald Trump était un homme d'affaires.
06:02Et donc, elle en est venue directement au fait.
06:05Elle a dit, on ne peut pas donner l'impression
06:07qu'on va saboter une institution si importante.
06:11Elle lui a dit que l'OTAN était la pierre angulaire de la défense occidentale.
06:16Elle a dit, je compte dire dans la conférence de presse, Donald,
06:19que vous êtes à 100% derrière l'OTAN.
06:21J'espère que vous êtes d'accord pour que je le dise
06:23et que vous me soutiendrez publiquement.
06:52La relation spéciale semble forte.
06:56Sans doute un peu trop.
06:59Il lui a pris la main en traversant la colonnade.
07:02Ce qui, vous savez, nous a tous stupéfaits et a stupéfait Theresa.
07:06Mais je crois qu'elle ne pouvait pas vraiment retirer sa main.
07:09Et la première chose qu'elle a dite après était,
07:12je dois appeler Philippe pour l'avertir
07:14que j'étais main dans la main avec un autre homme,
07:16avant que ça arrive dans les médias.
07:19Avant que Theresa May ne puisse appeler son mari,
07:21Trump l'a conduit au déjeuner.
07:25Il a engagé une conversation avec Theresa May
07:27que même les Britanniques n'auraient pas pu prévoir.
07:32C'était notre président dans toute sa splendeur.
07:37Le flux de conscience a commencé à son investiture
07:40jusqu'à son mépris pour la presse.
07:43La première ministre voulait lui parler de Poutine.
07:48Pendant sa campagne,
07:49elle l'avait entendu dire des choses très positives
07:51sur ses futures relations avec Poutine.
07:53Elle voulait lui dire ce qu'elle pensait de lui.
07:59Elle lui a demandé, avez-vous parlé avec Poutine ?
08:03Et le président lui a répondu,
08:05j'ai parlé avec Poutine.
08:08Elle lui a demandé, avez-vous parlé avec Poutine ?
08:11Et le président a répondu non.
08:14Et là, son chef de cabinet est intervenu.
08:16Monsieur le président, en fait, Poutine vous a appelé,
08:19mais vous étiez occupé, on cherche un créneau pour le rappeler.
08:25À ce moment-là, Trump est passé d'orange à rouge.
08:28Il est sorti de ses gants.
08:30Il a rétorqué, tu me dis que Vladimir Poutine
08:32a appelé la Maison Blanche et tu me le dis seulement maintenant ?
08:35Pendant ce déjeuner ?
08:40Les épaules du président se sont affaissées.
08:42Il a regardé la première ministre et il a dit, je ne peux pas le croire.
08:46Vladimir Poutine est le seul homme au monde
08:48qui peut détruire les États-Unis et je n'ai pas pris son appel.
08:53Un silence de mort s'est installé autour de la table
08:56et mes orteils se sont littéralement recroquevillés.
09:00Il a sûrement compris qu'il était allé trop loin
09:03devant la délégation britannique et la première ministre
09:06là dans les premiers jours de son mandat.
09:09Donc il a changé de sujet.
09:16Il a demandé à Theresa May quelle était sa position
09:19sur le changement climatique et alors qu'elle était en train
09:22de lui répondre qu'elle était une farouche défenseuse
09:25de la préservation du climat, sans même écouter,
09:28il la coupe et répète à son conseiller à la sécurité nationale
09:31Mike Flynn.
09:33Tu me dis que Vladimir Poutine a appelé la Maison-Blanche
09:36et tu ne m'as pas prévenu.
09:38Tu ne m'as pas prévenu.
09:42Le lendemain, Trump fulmine toujours contre son équipe
09:45quand il s'entretient au téléphone avec François Hollande.
09:48Donald Trump me dit, voilà, vous êtes un président,
09:50il parlait de moi, vous êtes un président expérimenté,
09:53vous connaissez bien les États-Unis, est-ce que vous avez
09:56des conseils à me donner pour la composition de mon équipe
09:59à la Maison-Blanche ?
10:02J'ai considéré que c'était peut-être une politesse,
10:05mais qu'il y avait là une forme d'extravagance,
10:08comme si moi j'avais appelé le président Obama
10:11au moment où j'ai été élu en disant, vous connaissez bien la France,
10:14est-ce que vous pouvez me donner un nom d'un conseiller ?
10:17Donc je lui ai dit, prenez donc Henry Kissinger,
10:20il est encore très à l'aise, très fluide et très clairvoyant.
10:25Alors là j'ai senti que c'était lui qui était un peu désarçonné,
10:28parce que ça lui paraissait être une proposition assez audacieuse,
10:32qu'il aurait mieux fait peut-être d'accepter en réalité.
10:36Comme son homologue britannique,
10:39Hollande s'inquiète surtout pour l'avenir de l'OTAN.
10:42Mais Trump fait la sourde oreille.
10:44Le président Trump ne m'a pas dit qu'il allait quitter l'OTAN.
10:47Ce qu'il m'a dit tenait à une phrase,
10:50nous ne voulons plus payer pour vous.
10:54L'argent des Américains doit servir aux Américains.
10:57Et les Européens doivent payer pour leur propre sécurité.
11:04L'OTAN a longtemps fait rempart contre l'agression russe.
11:07Et c'était les États-Unis qui réglaient le gros de la facture.
11:13Trump insiste, la riche Allemagne doit payer davantage.
11:18Oui, aussitôt que le téléphone avait raccroché avec Donald Trump,
11:22j'appelle Angela Merkel pour lui donner la teneur de la conversation.
11:28Elle est elle-même assez préoccupée par ce qui va se passer,
11:33parce que c'est pour l'Allemagne, l'Amérique qui la protège.
11:38C'est-à-dire que l'Alliance Atlantique, ça compte pour les Allemands.
11:46Quand Trump arrive en Europe pour sa première visite officielle,
11:50il a déjà l'opinion publique contre lui.
11:58Mais les dirigeants européens veulent à tout prix éviter un clash
12:01avec l'homme le plus puissant du monde.
12:15Tout le monde était très curieux.
12:17On avait beaucoup lu sur le président Trump dans les médias,
12:20mais le président Juncker m'a dit,
12:22écoute, voyons d'abord comment il est vraiment.
12:26En politique, il faut savoir danser avec les filles qui sont au bal.
12:29Et maintenant que Donald Trump y est, alors dansons.
12:33Trump est épaulé par James Mattis, son secrétaire à la Défense.
12:37Le général 4 étoiles a combattu toute sa vie aux côtés des alliés européens.
12:43Il s'est tourné vers le général Mattis et lui a dit,
12:46que pensez-vous de l'Union européenne ?
12:49Le général l'a regardé et a répondu,
12:51monsieur le président, l'Europe est formidable,
12:53ce sont de grands partenaires avec qui nous faisons du très bon travail.
12:57Et on a vu dans le regard du président une sorte de,
13:00ah, ce n'est pas tout à fait la réponse que j'attendais.
13:05Mattis est l'un de ceux qu'on appelle à Washington
13:08les adultes de l'équipe Trump.
13:11Le nouveau conseiller à la Sécurité nationale,
13:13McMaster, en fait partie lui aussi.
13:17Beaucoup espèrent qu'ils seront capables de brider le président
13:20dans ses attitudes les plus extrêmes.
13:29Cet après-midi-là, ils se retrouvent tous au siège flambant neuf de l'OTAN,
13:33où Trump doit inaugurer un mémorial du 11 septembre.
13:38Je pense qu'il y avait une incompréhension ou une sous-estimation
13:42de ce que les Alliés avaient sacrifié pour notre cause commune.
13:47C'était une question très importante pour les Alliés,
13:51et pour moi aussi.
13:53Je pense qu'il était crucial d'expliquer au président
13:56ce que les États-Unis gagnaient.
13:59La première fois que l'OTAN est entrée en guerre,
14:01ce fut après les attentats du 11 septembre aux États-Unis.
14:04Ils ne se sont pas rendus là-bas parce qu'ils étaient attaqués,
14:07mais parce qu'ils étaient des Alliés, des partenaires
14:10qui partageaient des valeurs avec nous.
14:16Les dirigeants de l'OTAN s'inquiètent.
14:18Trump va-t-il confirmer son engagement pour la défense mutuelle ?
14:35Évidemment, ils ne voulaient pas renoncer à leurs subventions
14:38ni à leurs avantages, mais le président Trump a insisté.
14:41Il visait directement ces pays et disait
14:43« il est temps de contribuer à votre juste part ».
14:50Trump voyait les contributions à l'OTAN
14:52comme une dette de ses membres envers les États-Unis,
14:55tel un locataire qui doit payer son loyer à son propriétaire.
15:00C'était assez déstabilisant,
15:02c'était assez déstabilisant pour les membres de l'OTAN.
15:05On en arrivait même à se demander
15:07si le président soutenait toujours l'OTAN à 100%.
15:20Le lendemain, les Alliés se réunissent pour le premier G7 de Trump.
15:26Comment avoir des relations avec cette personnalité un peu particulière ?
15:30Le premier, donc, nous avait dit
15:33« il est très important que vous ne…
15:36« don't be patronizing towards Trump,
15:39« donc ne le prenez pas de haut »
15:41et deuxièmement, c'était « don't gang against Trump ».
15:45En tête des priorités, l'accord de Paris.
15:48C'est l'accord le plus important jamais conclu
15:51pour limiter le changement climatique.
15:54Il a été signé un an plus tôt par près de 200 pays.
15:57Pour Trump, cela signifie des restrictions
16:00inacceptables pour l'industrie de son pays.
16:03Puisque c'est l'America first, il faut en sortir.
16:11Les six autres chefs d'État lui disent
16:14« Écoutez, c'est un accord entre des centaines de pays.
16:17« Cela ne peut pas être parfait avec tant d'États impliqués.
16:20« Mais il faut bien commencer quelque part
16:23« et on pourra tenter de l'améliorer. »
16:30Le premier ministre canadien Justin Trudeau
16:33lui a parlé de l'impact de la production de charbon
16:36et le président Trump a répondu
16:39« Eh bien, Justin, je ne suis pas sûr que la science ait tout à fait raison. »
16:42Et M. Trudeau a dit
16:44« Je crois que vous écoutez trop l'industrie du charbon, Donald. »
16:47La chancelière Merkel a dit
16:50« Donald, écoutez, c'est très sérieux. Il s'agit de l'avenir de la planète
16:53« et nous avons le pouvoir, au sein du G7,
16:56« avec des discussions comme celle-ci, d'en décider. »
16:59Et il a hoché la tête.
17:05Trump refuse de signer la déclaration du sommet
17:08qui réaffirme l'accord de Paris.
17:15Ce premier coup de massue asséné par Trump
17:18secoue les dirigeants européens.
17:45À Washington, ceux qu'on appelle les adultes résistent.
17:48Certains d'entre nous, au gouvernement,
17:51ont demandé au président de rester dans l'accord de Paris.
17:54On ne trouvait aucun inconvénient à y rester
17:57parce qu'il n'engendrait pas d'obligation légale.
18:00Donc, il n'y aurait pas de sanctions.
18:03L'idée était donc de faire partie de l'accord
18:06et de tenter de le modifier.
18:09On a essayé de faire comprendre au président
18:12qu'il ne faisait pas ça pour l'industrie américaine.
18:15Même les entreprises de gaz et de pétrole
18:18faisaient des publicités pleines pages
18:21dans le Washington Post, le New York Times,
18:24le Wall Street Journal, en suppliant le gouvernement
18:27de rester dans l'accord de Paris.
18:30On s'est assuré que ses pubs arrivaient bien
18:33sur la pile de lecture de son bureau.
18:36Mais on n'était pas sûr à 100% de sa décision finale.
19:07Le président a vraiment joué sur les sentiments
19:10du peuple américain qui n'a pas été consulté
19:13lors de ces accords.
19:16C'était donc comme un mini-Brexit pour les Etats-Unis.
19:19Il y avait ce sentiment parmi les Américains
19:22que cet accord leur avait fait perdre leur souveraineté
19:25au profit d'une sorte de programme progressiste
19:28qu'ils ne soutenaient pas.
19:31À qui le gouvernement américain doit-il allégeance ?
19:34Au peuple des Etats-Unis ou à la communauté internationale ?
20:05Après cinq mois de mandat,
20:08l'implication de la Russie dans l'élection de Trump
20:11revient sur le devant de la scène.
20:14Le gouvernement américain a aussi été examiné
20:17pour ses conversations et communications avec l'ambassadeur russe.
20:20Le département de la justice a appuyé le directeur de la FBI,
20:23Robert Mueller, pour que l'investigation
20:26soit suivie pour trouver des liens possibles
20:29entre la campagne de Trump et la Russie.
20:33Alors que l'enquête se poursuit,
20:36le président arrive au sommet annuel du G20.
20:39Pour la première fois, il va rencontrer Vladimir Poutine.
20:45La priorité du président
20:48était d'avoir une rencontre en tête-à-tête avec Poutine.
20:51Vu sa propre personnalité,
20:54il pensait que la complicité serait vite au rendez-vous.
21:05C'est surtout Poutine qui a parlé.
21:08Donc le président devait écouter Poutine qui dissertait en russe.
21:15Il y avait cette question d'ingérence russe
21:18et le président était clairement gêné
21:21d'aborder ce problème frontalement.
21:24Pour lui, toute mention de ce sujet
21:27soulevait la question de sa propre légitimité présidentielle.
21:30Évidemment, Poutine niait toute ingérence
21:33et il a simplement balayé tout ça d'un revers de la main.
21:45Ce soir-là, au dîner de gala,
21:48le plan de table en surprend plus d'un.
21:56On a su tardivement que les Allemands
21:59avaient pris une décision incroyable.
22:02Asseoir la première dame à côté de Poutine.
22:09Ils auraient pu la placer à côté de n'importe qui du G20.
22:13Mais non, ils ont choisi Poutine
22:16en sachant très bien que tout le monde allait les observer.
22:19Et évidemment, le président Trump est allé parler à sa femme.
22:25Trump discute avec Poutine pendant près d'une heure
22:28sous le regard curieux des invités.
22:33Parmi eux, le premier ministre australien Malcolm Turnbull
22:36espère lui aussi un tête-à-tête avec Trump.
22:42Il tente sa chance le lendemain au cours d'une pause.
22:47Donald a dit, « Malcolm, veux-tu voir mon skiff ?
22:50Il est super. »
22:53Je ne savais absolument pas ce que c'était.
22:56Je croyais qu'il parlait d'un bateau.
22:59Et au détour d'un couloir, il y avait un grand caisson en acier
23:02de la taille d'un container.
23:05Et il a dit, « Il est génial. Quand tu es là, personne ne peut t'entendre.
23:08Même pas les Chinois. C'est ultra sécurisé. »
23:12Trump entraîne Turnbull dans son skiff ultra sécurisé.
23:15Et dans son sillon,
23:18le président français fraîchement élu, Emmanuel Macron.
23:22Turnbull est là pour discuter des taxes d'importation de l'acier.
23:26Mais Trump ne s'intéresse qu'à un autre deal,
23:29le transfert des migrants de l'Australie vers les États-Unis.
23:34Donald s'est tourné vers Emmanuel Macron et lui a dit,
23:37« Emmanuel, tu sais que Malcolm détient
23:402000 des plus grands terroristes du monde sur une île déserte ? »
23:45J'ai dit, « Ce ne sont pas des terroristes, Donald. »
23:48Et il a répondu, « Si, si, ce sont les pires, les pires, Emmanuel.
23:51Et tu connais la meilleure, c'est que je dois les récupérer maintenant. »
23:54Et il s'est tourné vers Emmanuel et lui a dit, « Emmanuel, tu veux les prendre ? »
23:57Macron ne comprenait évidemment rien de ce qui se passait.
24:00Il était sans voix.
24:04Quand Macron s'en va enfin,
24:07la boule parvient à imposer le sujet des taxes.
24:11C'est devenu une discussion très détaillée.
24:13Il a dit, « Vous produisez quel genre d'acier ? Vous nous envoyez quel acier ? »
24:16Votre France n'était pas une grande quantité.
24:20J'ai dit, « Pour faire simple, c'est l'acier produit par Blue Scope
24:23qu'on utilise pour fabriquer un revêtement de toiture, le Colorbond. »
24:29Et là, son regard s'illumine.
24:32« Colorbond, je connais, oui. Ils le vendent en doré, je m'en souviens.
24:35Je l'ai utilisé à Brooklyn. »
24:40Trump consent à une exception pour l'Australie.
24:45Macron quitte Hambourg, bien décidé à créer lui aussi
24:48une relation privilégiée avec le président américain.
24:53Cependant, son prédécesseur l'avait averti.
24:57Lorsque, selon la tradition républicaine,
25:00j'accueille Emmanuel Macron,
25:04je lui dis, « N'attends rien de Donald Trump.
25:08Ne pense pas qu'il sera possible de le contourner ou de le séduire.
25:14N'imagine pas qu'il ne va pas appliquer son programme. »
25:21Macron tente le tout pour le tout.
25:29Connaissant le faible de Trump pour l'apparat,
25:32il met les bouchées doubles pour le défilé du 14 juillet.
25:38Cent ans après l'entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale,
25:41le président américain est son invité d'honneur.
25:52« Je ne sais pas s'il le fait toujours d'ailleurs,
25:55mais c'est vrai qu'au début, affirmer, comme je le disais,
25:58c'est comme si le président américain
26:01avait démonté l'épaule de son interlocuteur. »
26:06Et Macron a répondu en autre alpha male.
26:09C'était quasiment une scène primitive de la jungle.
26:13C'était deux alpha males qui se rencontraient et qui se reconnaissaient.
26:20Trump vient du milieu de l'immobilier new-yorkais,
26:23qui est un milieu de tueurs.
26:26Macron, il avait dit « What do you think of May and Merkel ? »
26:29Macron n'avait pas répondu. Et Trump avait dit « They are losers ».
26:35Trump n'a que faire des efforts de séduction de Macron.
26:38Son regard est ailleurs.
26:43Le président a adoré le défilé.
26:48Quoi de plus séduisant qu'une fanfare à cheval ?
26:57De retour sur Air Force One, il m'a dit
27:00« Et pourquoi nous, on n'a pas des parades comme ça ? Il faut en parler avec le département de la Défense. »
27:03Je l'ai passé volontiers au secrétaire Mattis.
27:12À Washington, le secrétaire à la Défense
27:15redoute que la politique de l'America First
27:18mette en danger les États-Unis et ses partenaires.
27:22Le secrétaire Mattis m'a invité au Pentagone pour déjeuner.
27:28On a discuté de la nécessité de faire une présentation.
27:36L'inquiétude grandissait.
27:39Le président des États-Unis, Donald Trump,
27:42laissait tomber beaucoup de nos alliés et partenaires dans le monde.
27:45Et donc Mattis s'est dit que la meilleure façon
27:48de faire une présentation.
27:51Mattis veut faire venir le président au Pentagone.
27:54La réunion aura lieu dans son sanctuaire,
27:57une salle surnommée « Le Tank ».
28:00Le général Mattis a dit « Le président n'est jamais venu au Pentagone.
28:03Je vais dérouler le tapis rouge, littéralement. »
28:06Et j'ai dit « C'est super. »
28:10Churchill l'a bien résumé.
28:13Une seule chose est pire que se battre aux côtés des alliés,
28:16c'est se battre sans eux.
28:19En d'autres termes, on a besoin des alliés.
28:22Et l'histoire le confirme.
28:25Les nations qui ont des alliés prospèrent,
28:28celles qui n'en ont pas péricliteront.
28:33Le président est arrivé quelques minutes en retard.
28:37Il est entré dans la salle, s'est installé rapidement
28:40et son langage corporel paraissait déjà négatif.
28:43Il avait l'air un peu contrarié.
28:46Nous, dans la salle de contrôle, on échangeait des regards qui disaient…
28:51On avait tous des choses très précises à dire
28:54sur la puissance militaire, sur la puissance des renseignements,
28:57de la sécurité et sur la puissance économique.
29:02Mattis se tourne vers Trump en disant
29:05« Si vous avez tant d'hommes et de femmes déployés dans le monde,
29:08ce n'est pas uniquement pour la sécurité nationale,
29:11c'est aussi pour des raisons économiques.
29:14Ils défendent l'emploi américain, ils défendent notre économie.
29:17Ça offre à l'Amérique bien plus que ça ne lui coûte. »
29:20Le président rétorque simplement « Mon Dieu, regardez tout l'argent
29:23qu'on dépense pour les autres. Qu'est-ce que l'Amérique gagne en retour ? »
29:26On obtenait un excellent retour sur investissement
29:29d'un point de vue du renseignement économique et militaire.
29:36Mais le président était loin d'en être convaincu.
29:40Il croise les bras, se renfrogne et commence à sauter d'un sujet à l'autre
29:43comme un écureuil pris dans la circulation.
29:47Il se tourne vers le secrétaire Mattis et dit
29:50« Mon Dieu, avez-vous vu ma poignée de main avec Macron ? »
29:53Il ne voulait pas lâcher, ça a duré une éternité.
29:56Il a dit à Mattis que pour le 4 juillet, comme pour le Memorial Day,
29:59il voulait que des chars défilent sur l'avenue Pennsylvania.
30:02Il voulait une parade aérienne.
30:05Depuis la salle de contrôle, je commençais à me sentir mal.
30:08D'habitude, on voit ce type de parade dans les régimes autoritaires
30:11comme la Chine, la Russie ou la Corée du Nord.
30:15Je vois sur les écrans que dans la pièce, tout le monde est consterné
30:18par la direction que ça prend.
30:23À la fin de la réunion, on pensait tous qu'on avait préparé
30:26une présentation très convaincante.
30:30Finalement, on est tous sortis de là frustrés
30:33de ne pas s'être fait entendre.
30:46Les mois suivants, le climat se refroidit encore
30:49entre le président et les adultes.
30:53Et bientôt, leur rang se vide.
31:00En mars 2018, la loyauté de Trump envers ses alliés
31:03est mise à rude épreuve.
31:12Au début du mois, l'ancien espion russe Sergeï Skripal
31:15est empoisonné aux gaz neurotoxiques
31:18dans la ville anglaise de Salisbury.
31:21Très vite, les services de renseignement soupçonnent
31:24une tentative d'assassinat orchestrée par des proches
31:27de Poutine.
31:30C'était une attaque monstrueuse.
31:33Ils ont quand même utilisé un neurotoxique interdit
31:36pour un meurtre qui a en même temps mis aussi en danger
31:39des centaines, voire peut-être des milliers de Britanniques.
31:42On a tout de suite pris ça très au sérieux
31:45et on en a informé le président.
31:48Le président était quelque peu sceptique quant à l'affaire.
31:51Pour lui, c'était espion contre espion.
31:58La première ministre annonce que son pays va expulser
32:0123 diplomates russes soupçonnés d'espionnage.
32:04Elle espère que Trump fera de même.
32:07L'appel était un peu tendu au début.
32:10Le président répétait sans cesse
32:13« Vous êtes certains ? Certains 100% ? »
32:16Et Theresa May a été très ferme et a dit au président
32:19« On est sûrs à 100% ».
32:22Le premier ministre a annoncé que son pays
32:26La première ministre disait
32:29« Sur un sujet aussi grave, votre rôle de leader
32:32sur la scène internationale est crucial.
32:35Si les États-Unis ont une réaction forte,
32:38le reste du monde suivra.
32:41Mais si vous ne faites rien,
32:44Poutine prendra ça comme un permis de recommencer
32:47ce genre de choses ailleurs, à d'autres moments. »
32:50Le président a dit « Bien entendu,
32:53même s'il était encore sceptique
32:56au vu de ces informations,
32:59il n'avait pas vraiment d'autre choix
33:02que de soutenir l'allié le plus proche des États-Unis. »
33:05Trump accepte d'expulser 60 Russes.
33:08Il s'attend à ce que les Européens suivent son exemple.
33:11Quand les alliés de la Grande-Bretagne font leur annonce,
33:14la France, comme l'Allemagne,
33:17n'en expulse finalement que 4.
33:23« C'était accablant, très décevant.
33:26Je vivais mes derniers jours à la Maison-Blanche
33:29et j'étais soulagé de faire pour la dernière fois
33:32les frais de la colère présidentielle. »
33:39Avant de partir au sommet du G7 au Canada,
33:42Trump défie publiquement les alliés,
33:45déclarant qu'il faut se rapprocher de Poutine.
33:54Le G8 est devenu G7 4 ans plus tôt
33:57quand la Russie est exclue pour avoir envahi l'Ukraine.
34:00La proposition de Trump choque les alliés.
34:23Le reste de la groupe continue de contrôler le trafic,
34:26les changements climatiques et le accord avec l'Iran.
34:29Ce qui m'inquiète le plus, par contre,
34:32c'est le fait que les règles basées sur l'ordre international
34:35sont en train de être défaites.
34:38Il est surprenant,
34:41non pas par les suspects habituels,
34:44mais par l'architecte principal et le garanteur,
34:47les Etats-Unis.
34:50La première soirée du sommet est exceptionnellement tendue.
34:55Mon premier ministre a dit Theresa, vous êtes la dernière à avoir eu affaire à la Russie.
35:00Voulez-vous dire un mot à ce sujet ?
35:02Et Theresa May en a parlé.
35:08Trump a dit la Russie est un pays important.
35:11Je ne vois pas pourquoi M.
35:12Poutine ne devrait pas être là et quand nous accueillerons le G7, nous l'inviterons.
35:17La chancelière Merkel a dit, ce n'est pas une bonne idée.
35:20Je le connais, j'ai parlé avec lui.
35:22Il ne partage pas notre vision.
35:25Il n'a pas sa place ici.
35:27Ce à quoi Trump a simplement répondu, bon, on verra, Angela.
35:33Alors que les dirigeants assistent à un concert au clair de lune,
35:37leurs conseillers bataillent pour se mettre d'accord sur le communiqué final du G7.
35:46Je suis assis dans un recoin sombre de l'hôtel et je lis le communiqué et il ne me plaît pas.
35:53Je n'aimais pas ce qui était dit sur le commerce, sur la gestion du réchauffement climatique.
35:57Ça me posait beaucoup de problèmes et j'ai réalisé que le président n'acceptera jamais.
36:02Des divergences persistent.
36:05Les chefs d'État s'éclipsent du concert.
36:09Le président de la République de l'Union Européenne,
36:12les chefs d'État s'éclipsent du concert.
36:19La chancelière Merkel a demandé « quel est le problème ? »
36:22et j'ai répondu « eh bien, beaucoup de choses ne correspondent pas à la politique du président Trump. »
36:29On ne voulait pas que cela soit écrit dans ce document qu'on ne validerait pas de toute façon.
36:33Pour être honnête, on préférait qu'il n'y ait carrément pas de texte.
36:36Les Européens, voilà une belle opportunité de faire front contre le président
36:40et le forcer à accepter un langage qu'ils pourront ensuite utiliser contre les États-Unis.
36:47Le désaccord porte sur un mot.
36:50L'ordre international est-il fondé sur les règles ou sur des règles ?
36:57Dans l'introduction de chaque communiqué du G7,
36:59on parle de notre engagement pour le système international fondé sur les règles.
37:03John Bolton a suggéré qu'on dise « le système fondé sur des règles »
37:07plutôt que « le système international fondé sur les règles ».
37:11Et bien sûr, ça n'a plus rien à voir, parce que ce ne sont pas n'importe quelles règles.
37:15Ce sont des règles auxquelles on adhère tous,
37:17basées sur la démocratie, les valeurs et les échanges d'un commerce qui profite à tous.
37:25Ma réaction a été de dire « regardez, chers Américains,
37:29ce sont des règles que vous avez évoquées.
37:31Ce sont des règles que vous avez établies en 1945.
37:34On était à vos côtés, ce sont celles qui régulent nos relations depuis des décennies.
37:39Pourquoi les remettre en cause aujourd'hui ?
37:41Simplement parce qu'elles ne servent pas à vos intérêts du moment.
37:46Je serais heureux si on ne publiait plus jamais de communiqués lors des sommets du G7
37:50et croyez-moi, ça ne changerait rien à la face du monde.
37:53Les dirigeants vont se coucher.
37:56Leurs équipes négocient toute la nuit.
37:58Au matin, le compromis n'est toujours pas trouvé.
38:04Un petit-déjeuner a été organisé sur le thème de l'égalité des sexes
38:07et le président Trump est arrivé avec 20 minutes de retard.
38:12Je peux vous assurer que ça n'a pas beaucoup amusé les femmes présentes autour de la table.
38:20Comme les désaccords n'étaient toujours pas résolus
38:23et que le sommet touchait à sa fin,
38:25j'avais peur qu'il soit tenté de faire pression pour qu'on lâche.
38:31J'avais donc prévu de partir plus tôt que ce qu'avait prévu Trump,
38:34de le faire sortir de la pièce, de le mettre dans sa limousine
38:37et le conduire à nos hélicoptères pour quitter le sommet.
38:41Mais je ne sais pour quelle raison,
38:43les Européens ont dû anticiper mon plan et nous ont retenus dans un coin de la salle.
38:49Tous les chefs d'État se tenaient debout
38:52autour du président Trump, assis, les bras croisés,
38:55et ils discutaient du communiqué.
38:58Mon chef, le président Juncker,
39:00n'était pas debout penché sur le président Trump.
39:03Il était assis 10 mètres plus loin
39:05et le président Trump a crié
39:07« Où est Jean-Claude ? »
39:10Le président Juncker a crié en retour
39:12« Je suis là, Donald, mais je ne participe pas à cette mascarade. »
39:16Le président Trump a dit « Bon, je m'en vais. »
39:19Le président Trump a dit « Bon, je m'en vais. »
39:21et « Je crois qu'il reste des choses à régler. »
39:23Et certains d'entre nous ont dit
39:25« Eh bien, il y a la mention de l'ordre international fondé sur les règles. »
39:31Une solution est trouvée in extremis.
39:33L'introduction du communiqué utilisera des règles,
39:36comme le veulent les Américains,
39:38et le reste du texte emploiera les règles.
39:42Le président Trump a directement enchaîné
39:44« Je suis d'accord, ça m'est égal. »
39:47J'ai fait un signe à mon premier ministre
39:49en guise de « C'est bon. »
39:51Trump pouvait alors partir et dire « Ok, c'est fait. »
39:56Après ces négociations très agitées sur la déclaration,
39:59tous les dirigeants se sont installés à une terrasse
40:02pour prendre l'air et boire un verre d'eau.
40:04Ils étaient tous assis là
40:06et ils avaient vraiment l'air secoués
40:08par ce qui venait de se passer.
40:12Les hélicoptères de Trump ont quitté Charlevoix.
40:17Toute l'assemblée tremblait.
40:19Les membres étaient assis là,
40:21aussi bien secoués moralement que physiquement.
40:24C'est à ce moment-là qu'on s'est tous rendu compte
40:27qu'on avait été témoins d'un tournant
40:29dans les relations internationales.
40:34Les États-Unis d'Amérique ne sont plus disposés
40:36à être le garant de l'ordre international
40:38fondé sur les règles.
40:40Le monde a changé et il sera en grand danger
40:43si on ne reste pas unis.
40:47Bonjour à tous.
41:06Dans l'avion, Trump a regardé la conférence de presse
41:09du premier ministre canadien
41:11dans laquelle il a eu l'impression
41:13que Trudeau médisait de lui.
41:17Bolton a fait remarquer que ça donnait
41:19une très mauvaise image du président des États-Unis,
41:22que les membres du G7, ses soi-disant alliés,
41:25lui tirent dessus.
41:29Quel genre de message ça envoyait
41:31à la Corée, à la Chine et au reste du monde ?
41:35Rien de tout ça n'était nécessaire.
41:37Si les Européens n'avaient pas été si insistants
41:40dans leurs demandes, il n'y aurait pas eu d'explosion.
41:43À bord d'Air Force One, Trump tweet
41:45qu'il retire sa signature de la déclaration.
41:50C'est la première fois qu'un pays
41:52ne signe pas une déclaration du G7.
41:56Les adeptes de l'America First se réjouissent.
42:06La mèche est allumée
42:08pour un affrontement explosif avec les Européens.
42:13Cris de la foule
42:16...
42:18...
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42:24...
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42:48...
42:50...
42:52...
42:54...
42:56...
43:00La réunion annuelle des dirigeants de l'OTAN
43:02n'est que la première des trois étapes de son voyage.
43:05Il doit s'achever avec le premier sommet
43:07entre Trump et Poutine.
43:12...
43:14...
43:16...
43:18...
43:20...
43:22...
43:24...
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43:28...
43:30...
43:32...
43:34...
43:36...
43:38...
43:40...
43:42...
43:44...
43:46...
43:48...
43:50...
43:52Lorsque le président rencontre
43:54le secrétaire général de l'OTAN,
43:56il n'est pas d'humeur aux courbettes.
43:58...
44:00...
44:02...
44:04...
44:06...
44:09...
44:11En voyant les visages
44:13et le langage corporel de la délégation américaine,
44:15on comprend que les mots du président Trump
44:17les surprennent tout autant qu'nous
44:19dans la salle de contrôle.
44:21...
44:23Le général Kelly, chef du cabinet de la Maison Blanche,
44:25semble tout à coup pris de passion
44:27pour les drapeaux sur le côté.
44:29...
44:31L'ambassadrice de l'OTAN Key Bailey Hutchison
44:33a l'air d'être sous le choc.
44:35...
44:37« C'était une surprise, c'est certain.
44:49J'avais entendu tous les présidents avec qui j'ai travaillé dire que les Européens
44:55doivent dépenser plus pour leur propre sécurité.
44:58Je crois qu'on a tous été surpris que ce soit si frontal.
45:04»
45:05Trump attend le dernier jour du sommet pour son ultime coup de poker.
45:11« J'étais sur la route entre mon hôtel et la résidence de notre ambassadeur en Belgique
45:19où séjournait le président.
45:21Il m'a appelé sur le téléphone de la voiture et il m'a dit « T'es prêt à entendre
45:24quelque chose d'énorme ? Je crois qu'on doit se retirer de l'OTAN ce matin.
45:29» Et comme par hasard, l'appel a été coupé.
45:32« J'ai eu à peu près cinq minutes dans la voiture pour trouver quoi faire et j'ai
45:36tout de suite tenté de joindre Mike Pompeo, Jim Mattis, le secrétaire à la Défense,
45:40et John Kelly pour leur dire « Tout le monde sur le pont, je crois que cette fois-ci, c'est
45:44sérieux.
45:45» Mattis était introuvable.
45:46Il prenait en fait le petit déjeuner avec les Canadiens.
45:49Je me disais qu'il avait peut-être déserté et que c'était trop pour lui.
45:52»
45:53Les chefs d'État prennent place.
46:02Ils s'attendent à traiter de l'élargissement de l'Alliance.
46:07« Avant que la réunion ait vraiment débuté, il m'a appelé à la table et il m'a dit
46:13à voix basse « Doit-on franchir la ligne ? » Et j'ai dit « Non, moi j'irai jusqu'à
46:17la ligne, mais je ne la franchirai pas.
46:19» Et j'ai tenté d'expliquer pourquoi je trouvais qu'on ne devait pas se retirer
46:22de l'OTAN.
46:24Je me suis caissé et je suis retourné à ma place.
46:26Je ne savais pas ce qu'il allait faire, si je l'avais convaincu ou pas.
46:30« Je vivais mes premiers jours en tant que secrétaire aux affaires étrangères et j'imaginais
46:43que ce serait un sommet assez tranquille.
46:45En fait, il s'est avéré que ce sommet était probablement le plus grand péril que l'OTAN
46:52ait jamais connu.
46:53» « Le Président a directement pris la parole.
47:00Il les a attaqués les uns après les autres en pointant du doigt leur manquement et c'était
47:08très tendu.
47:09» « Trump a mis Angela Merkel au pied du mur.
47:14Il était d'une humeur massacrante.
47:18Il a passé un sacré savon à l'Allemagne.
47:23Il a dit, on est là pour vous défendre et malgré une balance commerciale largement
47:29déficitaire, on assure votre protection et vous ne payez pas assez pour ça.
47:33C'était basé sur le fait que l'Allemagne, en proportion de son PIB, était loin de dépenser
47:38autant que les États-Unis pour la défense.
47:40De plus, elle construisait un gazoduc vers la Russie qui rendrait la Russie très riche.
47:45Et enfin, son excédent commercial vis-à-vis des États-Unis.
47:49L'addition de ces trois points ont fait exploser Trump.
47:53» Trump traite les membres de l'OTAN de mauvais payeurs qui ne doivent leur liberté
47:58qu'aux États-Unis.
47:59Et il annonce que l'Amérique jettera l'éponge s'il ne règle pas leurs factures.
48:04« Il a rajouté à son attaque contre l'Allemagne, une attaque très violente, avec des menaces
48:13sur l'avenir global de l'OTAN.
48:16Personne ne pouvait imaginer que les États-Unis, qu'on considérait comme le chef de file
48:21du monde libre, remettraient en question cet engagement si fondamental.
48:26Merkel était très calme.
48:31Quand ça a été son tour de parler, elle a juste dit très doucement « Personne n'a
48:38à me parler de liberté.
48:39J'ai grandi en Allemagne de l'Est, sous le régime soviétique.
48:43Je sais ce qu'est la privation de liberté.
48:45On ne pouvait pas avoir de plus grand contraste dans les personnalités entre le tumultueux
48:51et dissolu président Trump et la calme et tranquille Angela Merkel.
48:59Tentant à tout prix de raisonner le président américain, les Alliés insistent.
49:05Depuis son élection, ils ont déjà dépensé des milliards pour leur défense commune.
49:10Conformément aux attentes du président, on a décidé de lister les dépenses des
49:19membres de l'OTAN.
49:21Et c'est devenu évident.
49:23L'Allemagne dépensait déjà davantage pour la défense, tout comme c'est le cas de
49:28bien d'autres pays.
49:29Le président a donc décidé de donner une conférence de presse.
49:35C'était un sujet bien réel, mais c'était aussi avoir à gérer cette personnalité
49:41très singulière.
49:42Très franchement, il a mis son pied sur la ligne sans véritablement la franchir.
50:06C'était par définition un dénouement typique de Trump quand il a affirmé qu'il soutenait
50:11l'OTAN à 1000%.
50:13Il s'est placé sur la ligne, mais sans jamais la dépasser.
50:17Je me souviendrai toujours du secrétaire Mattis.
50:22Il était très énervé, encore plus en colère que jamais.
50:25Pour lui, le président avait non seulement remis en question la force de la coalition,
50:30mais il avait surtout mis en cause l'engagement des États-Unis à soutenir ses alliés et
50:34partenaires.
50:35Pouvait-on encore faire confiance aux États-Unis et croire à ses paroles ?
50:39Ce soir-là, Theresa May accueille Donald Trump pour sa première visite d'État en
51:07Grande-Bretagne.
51:08Quelqu'un avait noté très intelligemment que Trump était un grand fan de Churchill,
51:26et donc on l'a invité à dîner au palais de Blenheim.
51:28C'était absolument sublime.
51:32J'ai fait une interview sur Fox News, où j'ai soutenu l'appel du président à une
51:41plus grande contribution européenne pour la défense.
51:43Il est venu vers moi directement, m'a serré la main et m'a dit « super interview sur
51:48Fox News ». Il a dit à son équipe « je ne sais pas qui est ce gars, mais il fait
51:52un super boulot ». Et c'était ma première leçon en tant que diplomate.
51:57Si vous voulez vous faire remarquer par le président Trump, faites une interview sur
52:01La visite a lieu quelques mois à peine après l'empoisonnement de Salisbury.
52:09Après les formalités d'usage, les Britanniques abordent la future rencontre entre Trump et
52:15Poutine.
52:16On était très inquiets, parce que Trump est un président qui aime avoir affaire à
52:25des hommes forts, et qui n'est pas très attiré par les alliances traditionnelles.
52:29On voulait donc s'assurer qu'il n'allait pas conclure un accord impulsif avec Poutine,
52:34alors on a essayé de renforcer sa détermination.
52:36On a expliqué en quoi Salisbury constituait un tel affront, non seulement pour le Royaume-Uni,
52:45mais pour tout l'Occident et la communauté internationale, le fait que les Russes puissent
52:48se comporter ainsi.
52:49Mon homologue a dit « c'était une attaque chimique contre une puissance nucléaire »,
52:57et Trump a regardé Theresa May en s'étonnant « oh, la Grande-Bretagne est une puissance
53:04nucléaire ». Les Britanniques ont serré les dents, mais leurs yeux étaient comme
53:09des soucoupes.
53:10Trump passe le week-end dans son club de golf en Écosse.
53:19Son équipe veut en profiter pour le briefer avant sa rencontre avec Poutine.
53:24Cette fois, ils seront seuls avec leurs interprètes.
53:27On avait tous beaucoup de mal à faire asseoir le président pour le briefer.
53:39Nos briefings n'étaient pas du tout suffisants, mais il voulait à tout prix une rencontre
53:48avec Poutine parce qu'il voulait montrer qu'il se moquait des débats à Washington
53:53sur sa collision avec la Russie.
53:55Le sommet avec Poutine aura lieu en terrain neutre au palais présidentiel d'Helsinki
54:12en Finlande.
54:13Ici même, presque 30 ans plus tôt, une rencontre entre George Bush pair et Mikhaïl
54:23Gorbatchev a contribué à la fin de la guerre froide.
54:27Trump et Poutine entament une réunion qui pourrait redéfinir les relations entre les
54:41Etats-Unis et la Russie.
54:42Les deux hommes discutent seul à seul pendant plus de deux heures.
54:53J'avais peur que Trump cède sur un sujet très sérieux et complexe qu'il ne maîtrisait
55:01pas complètement.
55:02Après leur rencontre, Bolton a dû prendre à part le président pour tenter de savoir
55:10ce qui s'était vraiment passé.
55:11Trump m'a dit, c'est surtout Poutine qui a parlé, moi j'ai surtout écouté et je
55:16me suis dit, tant mieux.
55:17On arrive au déjeuner et le président dit, Vladimir, et si vous racontiez à mon équipe
55:30ce dont vous m'avez parlé ?
55:31Trump a abordé la question de l'ingérence russe dans les élections américaines et
55:36en fait, on a appris de Poutine lui-même que c'était Trump qui en avait parlé en
55:40premier.
55:41C'était important que ce soit le président américain qui en ait d'abord parlé.
55:47Poutine était très clair, l'Etat russe n'était impliqué dans aucune ingérence.
55:55Et ça a vraiment attiré mon attention qu'il dise l'Etat russe, parce qu'il n'était
56:03pas en train de nier le fait que des Russes, des individus ou des entités russes aient
56:07été impliqués dans une sorte d'ingérence ou de tentative d'influence.
56:11Il disait seulement que l'Etat russe n'avait pas été impliqué.
56:15Avant que Trump ne reparte sain et sauf, il doit encore affronter la conférence de presse.
56:22Le président a fait son introduction, puis se fut autour de Poutine et ça semblait tout
56:32à fait correct.
56:33Ensuite, ils sont passés aux questions.
56:35J'étais assis dans le public et je me disais, les questions les plus dangereuses ont été
56:45abordées.
56:46Je savais que ça mettrait tout de suite le président sur la défensive, parce qu'on
57:06lui posait cette question.
57:07Monsieur le Président, allez-vous reconnaître, oui ou non, que Vladimir Poutine vous a élu
57:12président des Etats-Unis ?
57:13C'était un désastre.
57:30Ma première pensée a été de me dire, comment je peux arrêter ça ? J'ai sérieusement
57:37envisagé de simuler une urgence médicale et de me jeter sur les journalistes en poussant
57:42un cri de mort.
57:43On ne savait pas quoi dire, mais il était évident qu'à la fin de la conférence de
57:51presse, quand on s'est tous les deux assis sur nos chaises, alors que la salle se vidait,
57:55qu'une grosse tempête se préparait, et en effet, elle est très vite arrivée.
58:29Le lendemain, Trump revient sur ses propos.
58:40Il annonce qu'il s'est mal exprimé.
58:43Mais le mal est fait.
58:51Dans le prochain épisode, Trump s'attaque au Moyen-Orient et conduit l'Amérique au
58:59seuil de la guerre.
59:00Le Président Trump a tout bonnement sous-traité sa politique envers l'Iran à des vattes
59:06en guerre.
59:07Si ça lui avait explosé au visage, s'il y avait eu des victimes civiles, le monde entier
59:15le regardait.

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