Vers un gouvernement d'ouverture : Michel Barnier veut discuter avec les groupes politiques

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00:00Et avec nous par téléphone Thomas Frinault, bonjour, vous êtes enseignant en sciences politiques à l'université de Rennes-2, co-auteur avec Pierre-Carilla Cohen et Éric Nevedeux, ce livre « Qu'est-ce que l'opinion publique ? », on va peut-être le voir apparaître à l'écran, ce titre, que vous inspirent les premières déclarations de Michel Barnier ? Est-ce qu'il a, selon vous, le bon ton ?
00:23Elles sont assez attendues, je dirais. On a des figures discursives, des figures rhétoriques, des figures attendues, et finalement, il se fait rassembleur. Et il se fait rassembleur, c'est aussi pour ça qu'on l'a choisi, cette équation personnelle, et là, c'est plus par rapport, je dirais, à sa trajectoire européenne qu'on lui connaît.
00:44C'est-à-dire celle d'un ancien commissaire européen et puis celle du négociateur du Brexit, en quelque sorte. Mais tout en étant ce rassembleur, on sait qu'il ne va pas rassembler jusqu'au RN, mais qu'il doit avoir les bonnes grâces. Et on sait aussi que, finalement, son choix, son équation personnelle, elle a été choisie parce qu'elle ne déplaît pas, contrairement par exemple à l'hypothèse de Xavier Bertrand, au RN, qu'elle lui permet d'éviter une censure automatique.
01:09Donc c'est quelqu'un de rassembleur, je dirais, qui va chercher à rassembler le vivier principal, c'est-à-dire la majorité présidentielle sortante et LR, quelques hommes de bonne volonté à gauche, je ne sais pas ce que sont les bonnes volontés, ne pas rassembler le RN, mais en quelque sorte avoir sa bienveillance. Vous savez, c'est un peu comme dans les majorités régionales de droite en 1986, qui avaient besoin de la bienveillance du RN.
01:35– D'où la question, peut-être, Thomas Frineau, de la composition de ce gouvernement, que nous avons commencé à nous poser, qu'on continue encore de se poser. Quel profil pour composer ce gouvernement, au-delà des noms ? Quel profil ? Des technocrates, des politiques, de droite ?
01:50– C'est un challenge dominatoire, mais ce qu'on a compris, c'est que l'option de ce qu'on pourrait appeler un gouvernement technique que l'Italie a connue par le passé, elle n'a pas été retenue par Emmanuel Macron. On reste quand même sur une entrée manifestement de gouvernement politique, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de technocrates, mais en tout cas, ça ne s'affiche pas comme un gouvernement technique.
02:08Le problème pour Michel Barnier, c'est qu'à la fois, il a un discours de rassemblement, mais qui peut-il finalement rassembler, dans le fond ? Quel est son périmètre ? Son périmètre, c'est essentiellement LR et la majorité présidentielle.
02:23Et alors, je suis un peu surpris parce que finalement, hier, il y a eu des communiqués assez pudiques pour dire que notre entrée n'est pas évidente, n'est pas acquise. C'est-à-dire, oui, en fait, on va y aller, on va discuter, mais ce n'est pas complètement acquis.
02:35Or, on ne voit pas de toute façon comment former un gouvernement Michel Barnier sans ce vivier de la majorité présidentielle et LR. Or, et c'est ça qui est baroque, il est presque lunaire, si vous me permettez l'expression,
02:45c'est que le vivier politique, on va dire politique, hors technocrate, de ce gouvernement rassemble, en fait, les forces qui ont été les forces électorales perdantes de juin dernier.
02:57On rappelle aussi Thomas Frinault, pardonnez-moi, que la gauche est vent debout contre le choix de Michel Barnier. Avant l'annonce d'Emmanuel Macron, elle avait promis de manifester ce samedi dans la rue.
03:07La décision de manifester a été maintenue. À votre avis, à quoi peut-on s'attendre ? Un coup d'éclat populaire ?
03:13Je ne sais pas. Que la gauche soit vent debout, d'ailleurs indépendamment de l'équation personnelle Michel Barnier, plutôt du choix d'un homme de droite dont on reçoit les votes, c'était finalement assez attendu.
03:25Et en même temps, est-ce que la gauche, comme le RN, a intérêt, au regard des circonstances, à y aller ? Je pense qu'elle se serait finalement abîmée, comme le RN.
03:35Mais évidemment, elle a intérêt à montrer ce déni de démocratie, ce mécontentement. En fait, il y a deux manières, si vous voulez, de saisir l'opinion.
03:43On va saisir l'opinion de tous les contents de ce choix qui se sentent peut-être volés. Et là, ce n'est pas que la gauche. C'est la gauche, mais c'est aussi les électeurs RN.
03:51Mais ça, je dirais, c'est dans les enquêtes d'opinion qu'on l'aura. Et c'est là qu'on va mesurer le degré de mécontentement par rapport à la séquence.
03:57Et puis, vous avez raison, il y a la gauche, parce qu'il y a une tradition à gauche de battre le pavé, de mobilisation collective qu'on n'a pas forcément à droite et au RN.
04:05Et on aura la réponse assez rapidement, puisque dès cet après-midi, il y a des manifestations qui sont organisées et qui vont être effectivement un bon baromètre
04:13d'une mobilisation de ce qu'on appelle parfois le peuple de gauche vis-à-vis de cette décision.
04:19– Et parlant de baromètre, parlant de sondage, on a ce sondage, et là, pour nos confrères de BFM TV, selon lequel 3 Français sur 4
04:29estiment que le président Emmanuel Macron n'a pas tenu compte, ne tient pas compte du vote populaire.
04:35Est-ce que, à votre avis, les sondages valent ce qu'ils valent ? On le sait.
04:39Et ce sondage-là reflète en quelque sorte l'état de l'opinion publique en France ?
04:44– Oui, effectivement, il est attendu. Et puis les sondages d'opinion, vous savez, ça met toujours en avant des formes de majorité silencieuse, finalement,
04:52face à ceux qui se mobilisent dans la rue et qui sont beaucoup moins nombreux, évidemment.
04:59Mais oui, oui, ça manifeste un mécontentement. Et vis-à-vis d'un président, d'abord, la déroute électorale du camp d'Emmanuel Macron,
05:08c'était évidemment un premier signe de mécontentement.
05:11Et à partir de là, on a quand même vu un président qui, à mon sens, a outrepassé son rôle politique et institutionnel dans sa méthode.
05:18Alors, inhabituellement longue, mais au regard des circonstances, Emmanuel Macron aurait, à mon sens, dû proposer au premier bloc arrivé en tête,
05:28Nouveau Front Populaire, de proposer un nom de premier ministre qu'il y avait, de former un gouvernement, quitte à se casser des dents.
05:33Et selon toute probabilité, le Nouveau Front Populaire aurait eu beaucoup de mal à passer la motion de censure automatique.
05:39Mais ça n'était pas au président d'anticiper de se substituer au parlementaire pour ça.
05:43Au regard des circonstances, la nomination du premier ministre devait relever d'un rapport des forces électorales
05:49et non de voir, en fait, la légitimité de la nomination du seul fait du président qui a voulu rester dans le jeu
05:56et, à mon avis, qui allait au-delà du rôle qui devait être le sien.
05:59– Professeur Thomas Frineau, pour ce qui était…
06:01Je vous propose qu'on revienne sur ce qu'a dit Michel Barnier hier, sur ce futur rapport avec le président Emmanuel Macron.
06:07Il a dit que le président va présider, que le gouvernement va gouverner.
06:12Qu'est-ce qu'il faut en comprendre ? Est-ce qu'il clame son indépendance ?
06:15C'est de la posture ou il faut le prendre au sérieux ?
06:20– Oui, il clame, je ne sais pas, mais il revendique son indépendance.
06:24Mais moi, je vous retourne une question, c'est de quelle légitimité Michel Barnier se réclame-t-il ?
06:29Parce que, sous la Ve République, de manière binaire,
06:32soit, finalement, vous avez une majorité présidentielle qui est majoritaire à l'Assemblée, et on sait,
06:38le Premier ministre doit sa domination au président et il lui est redevable.
06:42Soit, comme en période de cohabitation, la légitimité n'est pas redevable du président,
06:47elle est redevable de l'élection des rapports de force politique et elle vient du Parlement.
06:51Or, il ne vous aura pas échappé que Michel Barnier est le représentant d'une famille politique
06:55qui a connu une défaite électorale cinglante comme la majorité présidentielle en Jean,
06:59donc il ne peut pas se revendiquer de cette légitimité parlementaire.
07:02Donc, il devrait mécaniquement et logiquement se revendiquer d'une légitimité présidentielle.
07:06Et hier, il nous dit que, finalement, il clame, il revendique son indépendance,
07:10sans prendre le terme et le vocabulaire de la cohabitation, il est indépendant.
07:14Donc, on est quand même dans un schéma qui échappe, en fait, à toutes les configurations qu'on connaît.
07:18Et donc, moi, je pose la question de quelle légitimité Michel Barnier,
07:22qui n'est pas dans un gouvernement technique, se réclame-t-il ?
07:24Et là, je dois vous avouer qu'il y a une certaine incertitude, interrogation chez moi.
07:29– Merci beaucoup Thomas Frinault d'avoir été avec nous sur France 24,
07:33conseillère en sciences politiques à l'université Rennes 2,
07:37co-auteur avec Pierre-Carilla Cohen et Éric Neveu de ce livre,
07:42« Qu'est-ce que l'opinion publique ? »
07:45Merci beaucoup, voilà ce qu'on pouvait dire pour l'instant avec vous de la politique française.

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