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Les matrices stratégiques, ces diagrammes élégants et colorés qui ornent les présentations PowerPoint de managers et consultants, sont-elles vraiment des outils pertinents et efficaces pour comprendre la vie des affaires ? Avec le mirage de leur simplicité, on peut se demander si elles ne sont pas qu’une forme de packaging attrayant, plus destiné à séduire qu’à réellement analyser. [...]

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00:00Les matrices stratégiques, ces diagrammes élégants et colorés qui ornent les présentations
00:12powerpun de managers et consultants, sont-elles vraiment des outils pertinents et efficaces
00:17pour comprendre la vie des affaires ? Avec le mirage de leur simplicité, on peut se
00:22demander si elles ne sont pas qu'une forme de packaging attrayant, davantage destinée
00:26à séduire qu'à réellement analyser.
00:28Les matrices stratégiques jouissent d'une popularité irrésistible dans les salles
00:33de conseil d'administration.
00:34L'une des plus célèbres, la matrice BCG, introduite par Bruce Anderson en 1970, repose
00:40sur deux axes simples, croissance du marché et part de marché relative.
00:44Mais ce modèle réduit des situations complexes à une simplification binaire.
00:49C'est une opinion que partage Matthew Stewart dans The Management Myth, publié en 2009.
00:55Les consultants de McKinsey et du BCG ont popularisé des outils qui, sous couvert de
01:01rigueur analytique, masquent souvent des simplifications grossières.
01:05Richard Rommelt dans The Good Strategy, Bad Strategy, publié en 2011, va plus loin en
01:11dénonçant ces matrices comme des tentatives de transformer la complexité en schéma simple,
01:18souvent au détriment de la compréhension réelle des enjeux.
01:22De même, prenons la matrice SWOT en français, force, faiblesse, opportunité et menace,
01:28souvent utilisée dans les diagnostics stratégiques.
01:31Cet outil promet une vue d'ensemble limpide, mais transforme souvent une analyse profonde
01:38en une série de cases à cocher.
01:40Comme l'affirmait le regretté Michel Voll dans L'intelligence économique, réduire
01:47une entreprise à 4 cases revient à ignorer les dynamiques internes, les interactions
01:54entre les parties prenantes et les incertitudes extérieures.
01:57Oui, les entreprises opèrent dans un environnement flou et incertain, bien loin des grises ordonnées
02:05des matrices stratégiques.
02:07Michael Porter a lui aussi contribué à cette simplification, avec ses célèbres 5 forces
02:13et la matrice générique des stratégies concurrentielles.
02:17Bien que ces modèles aient formalisé leur raisonnement stratégique, ils souffrent des
02:22mêmes défauts que les matrices BCG et McKinsey, une réduction excessive de la complexité
02:28à des cases prédéfinies.
02:29Les cadres de Porter, bien qu'ils offrent une structure apparente, peuvent souvent en
02:34effet conduire à une rigidité conceptuelle, empêchant les entreprises de répondre de
02:40manière flexible aux dynamiques imprévisibles du marché.
02:45Mais il y a aussi le piège de l'évidence rétrospective.
02:49Les consultants utilisent en effet souvent les matrices pour justifier une stratégie
02:55déjà choisie plutôt que pour la déterminer.
02:58Une fois le succès ou l'échec consommé, on peut aisément projeter la réalité passée
03:04dans les cases ordonnées d'un diagramme.
03:06Comme le dit ironiquement Nassim Nicolas Taleb dans Le signe noir de 2007, tout paraît
03:13toujours évident une fois que l'événement est arrivé.
03:17Les matrices stratégiques souffrent donc du même biais que la plupart des modèles
03:21analytiques.
03:22Elles sont rétrospectivement exactes mais prospectivement trompeuses.
03:28Finalement, les matrices sont plus des outils de communication et de séduction que de véritables
03:35réflexions.
03:36Le vrai enjeu est de dépasser ces schémas pour embrasser la complexité, la dynamique
03:42et l'incertitude du monde des affaires sans s'enfermer dans des cases qui en réalité
03:49ne reflètent que très rarement la nature du problème.

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