Le ministre démissionnaire de l'Industrie et vice-président de l'Assemblée nationale commente sur franceinfo l'éventuel retour d'un ministère de l'Immigration
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00:00Bonsoir Roland Lesqueux, vous êtes vice-président de l'Assemblée Nationale après avoir été réélu député des Français de l'étranger en juillet.
00:07Vous êtes ministre démissionnaire chargé de l'industrie et de l'énergie et ce matin vous dites dans Libération que vous n'accorderez pas automatiquement votre confiance au gouvernement Barnier.
00:16En disant cela, est-ce que vous n'avez pas un peu l'impression de renier votre camp ? C'est bien Emmanuel Macron qui a choisi Michel Barnier, non ?
00:24Non, alors d'abord je n'ai vraiment pas l'impression de renier ni mon camp, ni toutes les raisons pour lesquelles je me suis engagé en politique il y a huit ans.
00:31L'Europe, la lutte contre le rassemblement national, l'efficacité économique au service de l'égalité des chances et de la transition écologique, ça reste ma boussole.
00:40Ça ne vous a pas échappé que nous avons perdu 100 députés à l'occasion de la dernière élection législative.
00:46Ça ne vous a pas échappé non plus que nous n'avons plus la majorité.
00:49Ça ne vous a pas échappé non plus que le premier ministre nommé par Emmanuel Macron n'émane pas de notre famille politique.
00:55Mais c'est Emmanuel Macron qui l'a choisi en vue de former une coalition avec des macronistes.
00:58Vous êtes toujours macroniste Roland Lesqueux.
01:00Alors je suis toujours macroniste, je vous le confirme et à ce stade je n'ai pas connaissance de la feuille de route du casting
01:08ou de la manière dont Michel Barnier souhaite aborder tous les sujets qui me sont chers.
01:13Ce que j'ai dit dans Libération ce matin effectivement c'est que ma confiance n'était pas automatique,
01:17que j'avais à la fois les convictions historiques sur lesquelles je continuais à penser que la France doit avancer,
01:24puis un certain nombre de limbes rouges, du fait de l'équation politique.
01:27Ça n'a rien de personnel, je veux être très clair là-dessus.
01:29Michel Barnier c'est un grand européen, c'est un homme politique d'expérience.
01:33Il a eu une campagne au primaire je dirais un peu surprenante quand même,
01:38avec un virage à droite toute qui moi m'avait surpris il y a maintenant deux ans.
01:42Mais ce n'est pas une histoire d'homme ou de femme, c'est une histoire d'équation politique aujourd'hui.
01:46Et de lignes rouges vous dites justement, vous mettez en garde Michel Barnier contre une ligne trop à droite.
01:51Or c'est une information France Info de Paul Barcelone.
01:54Ce soir le Premier ministre réfléchit au retour d'un ministère de l'immigration.
01:59Le processus de recrutement d'un directeur de cabinet et de conseiller est en cours.
02:04Évidemment ça rappelle le précédent ministère de l'immigration, l'intégration de l'identité nationale de 2007.
02:10Quand vous entendez ça, quand vous apprenez ça, qu'est-ce que vous dites ? Ça recommence ?
02:14J'hésite à commenter des réflexions parce que ça commence à être un peu loin quand même d'une information dure.
02:21Mais ce que je peux vous dire c'est que si c'est pour ressusciter le ministère de l'identité nationale, franchement très peu pour moi.
02:28Si c'est pour mettre en place des réflexions et des discussions apaisées sur un sujet qui les mérite bien, pourquoi pas ?
02:34Moi j'ai vécu dix ans au Canada. Au Canada il y a un ministère de l'immigration. Qu'est-ce qu'on y fait ?
02:39On y présente des budgets, qui sont des budgets notamment de l'intégration économique.
02:43On y discute des besoins de main-d'oeuvre. On y discute des critères de régularisation.
02:47On y discute aussi du volume d'immigration qu'on souhaite avoir tous les ans.
02:51A priori vous n'avez pas d'objection de principe à un tel ministère.
02:55Mais Roland Lescure néanmoins, quel est le signal envoyé d'un tel ministère ?
03:00Vous savez tout ce qu'il charrie, ne serait-ce que par son intitulé en France, nous ne sommes pas au Canada.
03:06Qu'est-ce que cela dit pour vous ?
03:08C'est clair que si on créait ce type de ministère, il faudrait me rassurer en tout cas moi personnellement sur ses objectifs et ses finalités.
03:15Si c'est, d'ailleurs je l'ai dit dans le journal ce matin, supprimer la HME, c'est non, c'est sans moi.
03:20Si c'est faire un moratoire sur l'immigration qui consisterait à dire l'immigration économique par exemple c'est terminé, c'est non, c'est sans moi.
03:27C'est pour ça que, évidemment, je ne juge pas sans savoir, mais j'attends évidemment de savoir avant de voter.
03:35Au fond c'est le droit exclusif et universel d'un parlementaire que de se renseigner avant de voter.
03:41Or la fin de l'aide médicale d'État, un moratoire sur l'immigration, c'était ce que proposait Michel Barnier lors de la campagne de primaire.
03:48Dans le cadre d'une campagne de primaire, j'imagine qu'en tant que Premier ministre...
03:50Vous dites qu'il a peut-être mis de l'eau dans son vin depuis.
03:51On verra.
03:52En tout cas vous dites que vous serez une sorte de mage-opposition, qu'est-ce que ça veut dire ?
03:57Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est qu'on a été dans la majorité pendant sept ans.
04:00Absolue pendant cinq ans et très relative, mais quand même pas loin, pendant deux ans.
04:05Nous ne sommes plus majoritaires.
04:07Et de loin, on a un petit tiers de l'Assemblée Nationale avec trois groupes parlementaires.
04:12Donc ça veut dire qu'il n'y a aucune raison que nous portions les contraintes d'une majorité qui se doit de soutenir un gouvernement, je dirais pas de manière aveugle, mais de manière quand même extrêmement loyale.
04:23Je le répète, Michel Barnier est sans doute un homme très bien, mais il n'est pas issu de notre famille politique.
04:28Donc qu'il ait besoin de convaincre le groupe Ensemble pour la République et un de ses membres, en tout cas Roland Lescure, je vous le confirme, avant d'avoir son vote, c'est la moindre des choses en fait.
04:37C'est une situation politique inédite, c'est nouveau.
04:40Mais aujourd'hui, il n'y a pas de raison que je soutienne de manière automatique quelqu'un qui ne vient pas de ma famille politique et qui ne m'a pas encore dit avec qui et ce qu'il souhaitait faire.
04:51Et on parle aujourd'hui d'un ministère de l'immigration potentiel, pourtant c'était le Nouveau Front Populaire qui était arrivé en tête des législatives,
04:59mais Emmanuel Macron a préféré récompenser donc un parti de droite qui a 40 députés, qui avait obtenu 4% à la présidentielle.
05:05Est-ce que vous trouvez ça normal ?
05:07Non, je le regrette.
05:09Mais je voudrais quand même rappeler que même si on a tous notre responsabilité pour constituer une coalition des raisonnables, moi ce que j'appelle les raisonnables,
05:15c'est-à-dire les républicains des deux bords, socialistes, républicains, pourquoi pas même des communistes et des écologistes, avec les groupes du bloc central.
05:22Ça c'est ce que j'appelle de mes voeux, c'est la seule arithmétique qui permet de gouverner la France, ça n'a pas été possible.
05:27Et pourquoi ça n'a pas été possible ?
05:29Notamment parce qu'Olivier Faure ne l'a pas voulu, parce que Boris Vallaud ne l'a pas voulu.
05:34S'ils avaient poussé un peu plus qu'ils ne l'ont fait, c'est-à-dire pas du tout un Premier ministre comme Bernard Cazeneuve, peut-être que c'est Bernard Cazeneuve aujourd'hui...
05:42C'est pas un peu facile, Emmanuel Macron n'a pas de responsabilité là-dedans ?
05:45C'est pas ce que j'ai dit.
05:46Vous avez dit que vous le déploriez.
05:47Nous avions tous une responsabilité dans cet état de fait.
05:49Richard Ramos parle d'une erreur politique de Macron, c'est un député du MoDem.
05:52Écoutez, je vais laisser Richard Ramos qui n'a pas sa langue dans sa poche avec ses expressions.
05:55Moi ce dont je suis convaincu en revanche, c'est que pour constituer une coalition, il faut que tout le monde fasse un pas en avant.
06:01Clairement Olivier Faure, il a fait un pas en arrière là-dessus.
06:04Il a refusé toute autre candidature qu'une candidate qui elle-même était minoritaire par construction, donc je le regrette.
06:12Maintenant l'histoire n'est pas terminée, on verra.
06:14Est-ce que c'est pas de la tambouille, vous comprenez ?
06:16Je pense qu'une partie de nos auditeurs, parfois comme tous les français, sont perdus.
06:20Certains sont même un peu dégoûtés de dire qu'ils ont voté et qu'ils ont l'impression que rien n'a changé,
06:24et que leur vote n'a pas été respecté.
06:26Quel est le message politique ?
06:28Est-ce qu'il n'y a pas un enjeu démocratique qui s'est joué ces derniers jours ?
06:32Je comprends moi ça.
06:33Je comprends des gens qui ont voté, y compris d'ailleurs dans notre camp,
06:36mais comment ça se fait qu'on se retrouve avec un Premier ministre aujourd'hui
06:39issu du quatrième ou cinquième ou sixième parti aux élections législatives ?
06:46J'imagine qu'il n'y avait pas beaucoup d'alternatives là où on était rendus.
06:49Puisque le NFP, ayant dit rien que le programme, rien que notre candidate,
06:54et ayant refusé toute ouverture, y compris à des candidats à Matignon, issus de leur rang,
07:00Bernard Cazeneuve,
07:02on s'est retrouvé dans une situation un peu inextricable.
07:04Il fallait faire avancer.
07:05Je pense que le Président de la République, c'est son rôle à souhaiter avancer.
07:08Est-ce que ça aurait pu se passer différemment ?
07:10Peut-être. Dans d'autres démocraties, ça se passe différemment.
07:13Mais aujourd'hui, vous dites qu'il faut rassembler,
07:14mais François Hollande, ce matin, disait qu'il voterait la censure.
07:18Donc ça commence mal, je vous le confirme.
07:19Ça commence très très mal.
07:21Qui vous pensez pouvoir rassembler sérieusement ?
07:23Est-ce que ce gouvernement risque pas d'être très très à droite et très très macroniste ?
07:26Vous voyez, c'est intéressant ce que vous venez de dire.
07:28Qui pensez-vous pouvoir rassembler ?
07:30Moi, je ne suis pas en charge de rassembler qui que ce soit.
07:33Non mais est-ce que vous lancez un appel solennel ?
07:35Je fais partie des gens qui vont devoir être rassemblés.
07:38Vous incarnez le déplacement d'une certaine manière.
07:40Aujourd'hui, est-ce que vous dites solennellement à vos anciens amis de gauche,
07:43aux écologistes, aux socialistes, aux communistes,
07:46faites un pas en avant, mettez-vous autour de la table ?
07:49Moi, je reste convaincu que la seule manière de gouverner la France,
07:52dans les trois ans qui viennent,
07:54c'est que les républicains des deux bords fassent un pas en avant.
07:57Est-ce que c'est le moment ? Peut-être pas.
07:59Aujourd'hui, on a un Premier ministre
08:01dont c'est la responsabilité de faire ses pas en avant.
08:04C'est à lui aujourd'hui de constituer le gouvernement
08:06et de constituer une majorité qui va lui permettre de gouverner.
08:10Aujourd'hui, je dirais que la balle est dans le camp de Michel Barnier.
08:13Mais ce que je souhaite en tout cas, et ça reste ma boussole,
08:16c'est que dans les semaines, mois ou peut-être années qui viennent,
08:19on arrive à construire cette coalition.
08:21Vous pensez à des personnalités ?
08:22Par exemple, qui chez les écologistes ou chez les communistes
08:24pourrait intégrer un gouvernement ?
08:26Je suis tellement heureux de ne pas être en charge de constituer ce gouvernement.
08:29Il faut vraiment que vous posiez la question à Michel Barnier
08:31parce que c'est sa responsabilité.
08:33Je ne veux pas botter en touche.
08:35Aujourd'hui, je fais partie d'un des groupes importants de l'Assemblée nationale
08:39qui fera peut-être partie d'une majorité
08:41à condition qu'on ait un gouvernement
08:43et une déclaration de politique générale qui nous agrée.
08:45A ce stade, on en est là.
08:46Vous, est-ce que vous ferez encore partie du gouvernement demain ?
08:48Non. Alors ça, je l'ai indiqué de manière très claire,
08:50je ne souhaite pas en faire partie.
08:52Je serai vice-président de l'Assemblée nationale
08:54où j'ai été élu en passant par toutes les voies
08:56sauf les Insoumis et le Rassemblement national.
08:59C'est un bon début.
09:00Ça montre que c'est possible.
09:01Et vous comprenez vos collègues qui veulent rester au gouvernement ?
09:04Je ne jette la pierre à personne.
09:06Chacun a à la fois son appréciation de l'équation politique
09:10et sa volonté, ou non, de faire une différence à tout le tel poste.
09:13Moi, je suis persuadé qu'à la vice-présidence de l'Assemblée nationale,
09:16je peux montrer qu'on peut travailler ensemble entre républicains,
09:19qu'on peut avoir des débats un peu apaisés à l'Assemblée nationale.
09:22Il faut reconnaître que ces deux dernières années, ça a été un peu difficile
09:24et qu'on peut avancer.
09:25En fait, moi, ce que je voudrais, c'est qu'on avance dans les mois qui viennent.
09:28Et on peut avancer à l'Assemblée nationale.
09:30C'est un des lieux importants qui va devoir,
09:32dans cette cohabitation à trois un peu improbable
09:35entre le président de la République, le gouvernement et l'Assemblée nationale avancée.
09:39Si je peux contribuer à ce que l'Assemblée nationale avance,
09:42je serai le plus heureux des hommes.
09:44Tout cela avec un gouvernement qui sera sur la surveillance de Marine Le Pen
09:48après le Rassemblement national.
09:50Ça, c'est l'équation politique dont je parlais tout à l'heure.
09:52C'est un peu Marine Le Pen qui a gagné finalement.
09:54Ça, on verra. On verra. À la fin, on verra.
09:57Et c'est la conséquence d'un choix du président de la République.
10:00D'un choix sous contrainte.
10:01Que vous déplorez.
10:02Je déplore les contraintes. Et je déplore le choix, peut-être.
10:05Mais en tout cas, les contraintes, c'est sûr.
10:06Un mot sur le budget.
10:07Les ministres de Bercy ont été auditionnés à 17h30 en commission des finances.
10:13Le budget, ce sujet aussi.
10:16Sur ce sujet aussi, vous dites que votre vote ne sera pas automatique.
10:20Vous attendez de voir ce qu'il y aura dedans ?
10:22Bien sûr.
10:23Mais enfin, je n'imagine pas qu'on puisse imaginer le contraire.
10:27Un parlementaire qui voterait le budget sans le regarder, déjà,
10:30ça ne serait pas normal.
10:31Même dans un système, je dirais, traditionnel
10:34dans lequel la majorité est totalement majoritaire
10:36et en ligne avec le président de la République.
10:38Là, on se retrouve dans une certaine forme innovante
10:41d'un Premier ministre issu d'un groupe ultraminoritaire
10:44qui va devoir évidemment construire un budget
10:46pour lequel il va devoir convaincre les uns et les autres.
10:49Qu'est-ce que vous attendez de ce budget ?
10:51J'attends un budget qui soit à la fois, par exemple, sur l'industrie
10:55qui est un de mes gros sujets.
10:57Continuer à orienter les budgets vers l'industrie verte,
11:00la décarbonation de l'industrie,
11:01qui est la seule manière de réconcilier économie et écologie.
11:05Et puis évidemment que sur l'immigration, on ne fasse pas n'importe quoi.
11:07Par exemple, voilà deux sujets qui me sont chers.
11:09Vous allez rencontrer demain le Premier ministre, c'est ça ?
11:12Il rencontre demain les députés ?
11:14C'est ce que Matinon vient d'annoncer.
11:15Notez-le dans votre agenda.
11:17Matinon vient d'annoncer que Michel Barnier aura une première rencontre
11:20avec les députés du groupe macroniste EPR.
11:22Eh bien, vous me la prenez.
11:23Demain, on est en famille pour préparer la rentrée.
11:25Et si le Premier ministre vient nous voir...
11:27Il a des gages à donner, quand même, pour rassurer aussi au sein de votre clan ?
11:30Je ne sais pas si c'est des gages à donner,
11:32mais il doit effectivement mettre en place, je le répète,
11:34un gouvernement et une politique qui nous agréera.
11:36Enfin, c'est la moindre des choses.
11:37Concrètement, Roland Lesture, par exemple, sur la réforme des retraites,
11:39est-ce que vous faites partie de ceux dans votre camp qui disent
11:41il faut la modifier, il faut l'amender ?
11:45Moi, franchement, je pense qu'on peut sans doute toujours améliorer les choses.
11:49Moi, je suis un grand regretteur de la réforme par points, par exemple,
11:53qu'on n'a pas réussi à porter à son terme dans le premier mandat.
11:56Mais cela dit, si c'est pour remettre en cause l'équilibre
12:01d'une réforme des retraites qui permet de financer un système
12:04qui était ultra-déficitaire, c'est non.
12:07Moi, je pense que la retraite, c'est une des fiertés du système français,
12:11mais qu'il faut qu'on la mette en équilibre.
12:13Et ce n'était pas le cas.
12:14Donc, pas touche à l'équilibre.
12:15Et d'un mot, la réforme de l'assurance chômage qui avait été mise sur pause,
12:18vous aviez critiqué cette réforme. Est-ce qu'il faut l'abandonner ?
12:22Je n'avais pas critiqué la réforme, j'avais critiqué son timing.
12:25Et j'étais très heureux de voir que Gabriel Attal l'avait suspendue.
12:28Je continue à penser qu'on est dans un environnement économique aujourd'hui
12:31où ce n'est pas forcément le moment de l'accélérer.
12:34Donc, il vaut mieux la laisser sur pause pour l'instant.
12:36Laissons-la sur pause pour l'instant, je pense que ce n'est pas le moment.
12:38Merci Roland Lesture, vice-président de l'Assemblée nationale.